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The Star Witness (WELLMAN) – La Loi Morale au-dessus de nous

WILLIAM A. WELLMAN
The Star Witness
(1931)

La Loi Morale
au-dessus de nous

Charles Chic Sale

William A. Wellman aborde en 1931,

comme il le fera l’année suivante avec Frisco Jenny, en profondeur, mais avec l’œil de l’américain moyen, dans une ville moyenne, les marqueurs qui constituent l’âme, l’histoire, la construction des Etats-Unis. En 1931, il filme, dans The Star Witness, une famille aux prises avec la mafia, l’année suivante, il filmera, dans Jenny Frisco, la pègre de l’intérieur. Entre les deux, le 19 octobre 1931, la condamnation d’Al Capone à Chicago pour fraude fiscale.

UN CHOIX CORNELIEN

L’histoire de la famille Leed s’ouvre sur un double choix cornélien : la préservation de la cellule familiale ou la lutte contre la tyrannie des gangs et de la mafia.  Le dilemme aborde le choix de l’intégrité de la famille dans sa globalité, la conservation de tous ces membres, et celui de l’intégrité de tous, l’obligation morale au-dessus de tous et qui permet de vivre ensemble, qui permet de choisir le modèle sociétal dans lequel nous voulons vivre, le droit du plus fort ou le droit au service de tous.

LE CHOIX D’UN RENONCEMENT

L’option retenue sera nécessairement un renoncement. Dire non à la justice ou non à la vie d’un des leurs, Donny. La solution que chacun prend fracture fortement la famille en deux, décapiter un des gangs et favoriser la justice, la douleur de la perte d’un des membres.

Edward J Nugent

A la première, l’argument du fils, « – Et qu’est-ce que ça nous apporte ? »… « –   Toi et tes idées de vieux ! », » – J’ai entendu un autre mot : ‘foutaises’ », ceux de la mère et de la fille, sur l’amour filial avant tout, « – Danny est en danger ! », « – Tu n’aimes pas Donny ? »,  « – Nous te mettrons à la rue ! »

Frances Starr

LE MOT « DEVOIR »

A ces réponses du cœur, le procureur et les policiers, répondent par le devoir et la justice : «  il faut courber l’échine et tenir. », « Vous n’avez jamais entendu le mot ‘devoir’. »  « Ensuite, ça sera la guerre. Personne ne peut abandonner. C’est une bataille d’homme digne. Nous luttons contre Campo, mais aussi contre tous les gangs. Ils se sont unis pour sauver leur peau. Je vous protégerai, même s’il faut tous les policiers du service. J’enverrai Campo sur la chaise électrique, même si je dois y rester. »

LE MOMENT EST VENU DE SE LEVER

Mais les arguments qui pèsent sont ceux du grand-père, structure vertébrale du film. Il apporte son expérience de combattant lors la lutte pour son pays lors de la guerre de Sécession. Il apporte les raisons de son combat et sa raison d’espérer dans ce monde qu’il a rendu possible. Il explique les enjeux et l’importance du choix. En substance, il rappelle ce qu’il a semé, et l’on peut entendre, dans la fierté d’être américain, de rendre possible un certain avenir, des propos d’aujourd’hui. Mitt Romney dans son discours à la convention républicaine de Tampa : «Le moment est de venu de nous lever et de dire: je suis un Américain. Je contrôle mon destin. Nous méritons mieux».

GARDER SA DIGNITE !

Charles ‘Chic’ Sale, dans son rôle du Grandpa, ne dit pas autre chose : « Si c’est la canaille qui dirige, c’est fini. Si un policier qui te protège est abattu devant chez toi et qu’on t’empêche de témoigner au tribunal, ce n’est pas ton pays, mais celui des criminels et tu n’es qu’un lâche !… « Vieux ? Imagine que Maxey Campo s’en prenne à ta sœur, imagine qu’il frappe ta mère, tu le laisserais faire ? Pas si tu as une goutte de mon sang dans les veines ! Espèce de blanc-bec ! Tu me rends malade ! »  …Qu’est-ce que ça nous apporte ? Tes ancêtres pensaient-ils ça quand ils erraient dans

Grant Mitchell

Valley Forge ? Et nous sur les champs de bataille de Bull Run ? Ce que ça nous apporte ? Une balle dans cette jambe. Mais j’ai gardé ma dignité. Et nous avons sauvé ce pays pour une bande de vauriens comme toi, qui ne savent que fumer

Nat Pendleton

en répétant : ‘Qu’est-ce que ça nous apporte ?’ Quand je te regarde, je regrette d’avoir fait tout ça. Mais nous l’avons fait ! Nous avons planté le drapeau pour toi et tu peux le hisser ou t’affaler parce que tu as peur d’une bande de criminels sans honneur. Alors que vas-tu faire, sale morveux ?… En danger, nous le sommes tous quand une bande de gangsters peut tuer impunément dans la rue… Si je n’aime pas Donny ? Si justement ! Bien sûr que j’aime Donny ! Mais je ne veux pas qu’il grandisse gouverné par des assassins !… Nous devons faire arrêter tout ça et je dirai la vérité comme Donny voudrait que je le fasse. »

Dickie Moore

SE CONSTRUIRE SOI-MÊME ET AIDER SON PAYS

GrandPa rappelle en fait que se construire soi-même, c’est aider son pays et inversement. Il n’y a pas d’antinomie, du moins

Ralph Ince

aux Etats-Unis, entre le lien social et l’individu. Il associe la conviction du cœur et l’existence fondamentale et indispensable d’une justice. On ne peut pas se laisser gouverner par la force. L’action est désintéressée, ou plutôt intéressée par quelque chose qui dépasse l’individu : l’amour maternelle, la justice, la nation. Dans Frisco Jenny, le premier, dans The Star Witness, le droit.

Russell Hopton

LE COMMANDEMENT DE LA LOI MORALE

Nous sommes dans la traduction de ce que Kant nomme le commandement de la loi morale. L’action est accomplie uniquement par devoir. Nous ne regardons pas ce qui est accompli, par quelque secrète impulsion de l’amour propre (Fondation de la métaphysique des mœurs, seconde section), mais ce qui doit être fait, impérativement.

Kant souligne que cette voie n’est pas semée de rose, et qu’il faut se faire violence, « Du fait qu’elle porte préjudice à tous nos penchants, elle doit produire un sentiment qu’on peut bien appeler de la douleur » (Kant, Critique de la raison pratique) ;  dès lors, « assurer son propre bonheur est un devoir » (Fondation de la métaphysique des mœurs, 1ère section) : « en effet, l’insatisfaction de son propre état, sous la pression d’innombrables soucis et de besoins impossibles à satisfaire, pourrait facilement devenir une grande tentation d’enfreindre son devoir. » Dans la morale kantienne, la solution d’un tel conflit est donnée par la pure forme universelle de l’obligation. C’est cette obligation que porte GrandPa a bout de bras.

MEPRISER LA FORCE &
S’INCLINER DEVANT LA JUSTICE

Sally Blane

 

 

 

 

 

 

Une anti-pensée pascalienne, qui, elle, se complaît à tout ce qui désespère : elle se réjouit des humiliations de la raison (Pensée 52 L), et méprise la justice et l’incline devant la force au nom des exigences de la paix sociale. Car pour Pascal, les lois civiles doivent être respectées parce qu’elles sont, avant tout, des lois. Surtout si leur origine vient de la force, elles n’en sont que mieux, puisque, de ce fait, limitent le désordre.

OBEIR A LA LOI MORALE

Pour obéir à cette loi morale, rien ne vaut un moral en béton. L’union du bonheur et de la vertu est une exigence de la conscience morale. Une énergie impulse les personnages, et cette société. Les Etats-Unis ont subi la crise majeure deux ans avant.

Walter Huston

ON A PERDU …C’EST DRÔLEMENT BIEN!

Pourtant, l’essentiel est d’y croire. Rien n’apparaît impossible. Chaque américain a comme gravé dans son ADN, la maxime de Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas que c’est difficile. »
Quand le match est perdu, l’énergie est toujours là, qui redouble pour gagner le prochain match. Rien n’est jamais perdu. Et celui qui a perdu semble être le vainqueur : « – Non, on a perdu, mais le match était très serré.  – Quel est le score ? -On a marqué 8 points ! -C’est drôlement bien ! – Et l’autre équipe ? -Seulement 18. – Ce n’est pas beaucoup ! … » 

Suivent les conseils et la stratégie de GrandPa : « le lanceur ne doit jamais lancer la balle très fort, quand il y a deux coureurs sur les bases, c’est trop risqué ! Il faut les lancer vers l’intérieur, en courbe, c’est mieux. Si la balle est frappée, elle ira dans le champ intérieur. – On gagnera le match retour, samedi ! – Je vais apprendre à Donny un lancer dont j’ai le secret ! »

 Jacky Lavauzelle