Archives par mot-clé : edmond de Goncourt

Kitagawa Utamaro 喜多川 歌麿 KYRIELLE D’OISEAUX 百千鳥 – モモチドリ Momochidori

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日本のアート
POESIE JAPONAISE & ART DU JAPON
詩歌
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Kitagawa Utamaro
喜多川 歌麿
TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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KITAGAWA UTAMARO
V 1753 – 31 octobre 1806




Kyrielle d’oiseaux
百千鳥
モモチドリ
Momochidori
 
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Le Rhipidure hochequeue
[Rhipidura leucophrys]
鶺鴒 Sekirei
まんとくさい
Man to Kusai
LE FAISAN CUIVRE
[Phasianus soemmerringii]
山鳥
Yamadori
もなかのつきまろ
Mo Naka no Tsuki Maro
 



L’ALOUETTE DES CHAMPS
  雲雀
銭屋金埓
Zeniya Kinrachi
1751-1808
江戸時代中期 Epoque Edo (1603-1868)

 **




LA CAILLE
Tsuburi Hikaru
つぶりひかる
Tsuburi-kō
つぶり光
Tsuburi no Hikaru
1754-1796
Fin de la période Edo

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Des poèmes de forme et de couleur

« Toutes les qualités de vision et d’exécution qui font les grands peintres classiques, ces maîtres japonais les ont possédées à un degré égal. Ils nous ont laissé du monde une image personnelle, vivante, variée. Ils ont eu pour les guider des principes qui nous sont étrangers ; mais leurs yeux n’étaient pas si différents des nôtres qu’il nous soit impossible de recréer les visions qu’ils nous ont si honnêtement traduites. Ils ont compris comme nous la pureté des lignes, l’harmonie des couleurs, les secrets du mouvement. Le dernier élève de nos collèges s’entend mieux qu’ils ne faisaient à tout ce qui est scientifique dans la peinture, l’anatomie, le clair-obscur, la perspective ; mais c’est à peine si les plus grands de nos peintres les égalent pour saisir la fugitive impression d’un moment, pour varier à l’infini les détails d’une composition, pour mettre au service de leurs yeux une main sûre et leste. Ajoutons que, autant que les plus grands d’entre nous, ces maîtres japonais, les Meïcho, les Motonobou, les Itchô et les Hokousaï, ont animé leurs figures d’expressions vivantes et concilié dans leurs paysages la vérité avec le sentiment. L’amour de la nature était si fort dans leurs âmes qu’il y faisait naître une adorable musique ; leurs peintures sont ce que devaient être, suivant un de leurs philosophes, tous les tableaux japonais : « des poèmes de forme et de couleur. » Certes, ces maîtres sont des exceptions et il ne faut pas moins que tout leur génie pour donner du prix à un art si empêtré dans les traditions.




Mais leur génie est l’épanouissement suprême du génie de la race ; c’est par eux que s’est le plus complètement exprimée l’âme du Japon
. »

Théodore de Wyzewa
La Peinture japonaise
Revue des Deux Mondes
 Troisième période
Tome 100 – 

**

UTAMARO
OUTAMARO
dans le journal
des Frères Goncourt
Année 1891

« Mardi 10 mars. — Hayashi m’apporte aujourd’hui une traduction des passages importants des MAISONS VERTES d’Outamaro.

Lundi 20 avril. — Les Japonais même intelligents très intelligents, n’ont pas le sentiment de la construction, de la composition d’un livre historique. Ainsi pour mon travail sur Outamaro, quand j’ai demandé pour la première fois à Hayashi : « Est-ce qu’il existe un portrait d’Outamaro ? — Non, » m’a-t-il répondu tout d’abord. Ce n’est que lorsque je suis revenu à ma demande, qu’une fois il m’a dit : « Mais je crois en avoir vu chez vous, dans un recueil que vous avez. » Et c’est comme cela, que j’arrivais à faire connaître ce fameux portrait de l’artiste, authentiqué par son nom sur sa robe, et par l’inscription du poteau auquel il est adossé et qui porte : Sur une demande, Outamaro a peint lui-même son élégant visage. Dans le livre des MAISONS VERTES, je voyais une planche représentant des femmes du Yoshiwara, en contemplation devant la lune, par une belle nuit d’été, et l’écrivain du livre affirmait que ces femmes avaient un très remarquable sentiment poétique. Cette affirmation m’amenait à demander à Hayashi, si par hasard il n’existerait pas quelque part des poésies imprimées de ces femmes : à quoi il me répondait que si, qu’il y avait un gros recueil très connu, et sur ma demande m’en traduisait quatre ou cinq caractéristiques, — ce qu’il n’aurait jamais songé à faire, si c’était lui qui avait fait le travail que j’ai fait, et ainsi de tout.

Lundi 27 avril – C’est amusant ce travail japonais d’Outamaro, ce transport de votre cervelle, au milieu d’êtres, aux habitudes d’esprit, aux histoires, aux légendes d’une autre planète : du travail ressemblant un peu à un travail fait dans l’hallucination d’un breuvage opiacé.

Mardi 16 juin – Aujourd’hui a paru Outamaro, le peintre des MAISONS VERTES.« 

Edmond de Goncourt et Jules de Goncourt
Journal des Goncourt  : Mémoires de la vie littéraire
Année 1891
Bibliothèque-Charpentier, 1895 (5e mille)
Huitième Tome – 1889-1891

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Kitagawa Utamaro 喜多川 歌麿 LA CAILLE 鶉 (Tsuburi Hikaru) et L’ALOUETTE DES CHAMPS 雲雀 (Zeniya Kinrachi)

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日本のアート
POESIE JAPONAISE & ART DU JAPON
詩歌

**

Kitagawa Utamaro
喜多川 歌麿

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

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KITAGAWA UTAMARO
V 1753 – 31 octobre 1806




Kyrielle d’oiseaux

La Caille  鶉
&
L’Alouette des champs  雲雀

POEMES DE
Tsuburi Hikaru
& Zeniya Kinrachi

 

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L’ALOUETTE DES CHAMPS 雲雀

 銭屋金埓
Zeniya Kinrachi
1751-1808
江戸時代中期 Epoque Edo (1603-1868)

大空におもひあがれるひばりさへ
Ōzora ni o mo hiagareru hibari-sa e
Si au firmament l’alouette se glisse
ゆふべは落ちるならひこそあれ
Yu fu be wa ochirunara hi koso are
Elle revient à la nuit sur les plis de la terre




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LA CAILLE

Tsuburi Hikaru
つぶりひかる
Tsuburi-kō
つぶり光
Tsuburi no Hikaru
1754-1796
Fin de la période Edo

 うずらふのまだらまだらとくどけども
Uzura fu no madara madara to kudokedomo
Mélancolique, comme une caille diaprée, majestueux
栗の初穂のおちかぬる君
Kuri no hatsuho no o Chika nuru kimi
Mais vous, altière, ne me jetez qu’un seul air dédaigneux

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Des poèmes de forme et de couleur

« Toutes les qualités de vision et d’exécution qui font les grands peintres classiques, ces maîtres japonais les ont possédées à un degré égal. Ils nous ont laissé du monde une image personnelle, vivante, variée. Ils ont eu pour les guider des principes qui nous sont étrangers ; mais leurs yeux n’étaient pas si différents des nôtres qu’il nous soit impossible de recréer les visions qu’ils nous ont si honnêtement traduites. Ils ont compris comme nous la pureté des lignes, l’harmonie des couleurs, les secrets du mouvement. Le dernier élève de nos collèges s’entend mieux qu’ils ne faisaient à tout ce qui est scientifique dans la peinture, l’anatomie, le clair-obscur, la perspective ; mais c’est à peine si les plus grands de nos peintres les égalent pour saisir la fugitive impression d’un moment, pour varier à l’infini les détails d’une composition, pour mettre au service de leurs yeux une main sûre et leste. Ajoutons que, autant que les plus grands d’entre nous, ces maîtres japonais, les Meïcho, les Motonobou, les Itchô et les Hokousaï, ont animé leurs figures d’expressions vivantes et concilié dans leurs paysages la vérité avec le sentiment. L’amour de la nature était si fort dans leurs âmes qu’il y faisait naître une adorable musique ; leurs peintures sont ce que devaient être, suivant un de leurs philosophes, tous les tableaux japonais : « des poèmes de forme et de couleur. » Certes, ces maîtres sont des exceptions et il ne faut pas moins que tout leur génie pour donner du prix à un art si empêtré dans les traditions.




Mais leur génie est l’épanouissement suprême du génie de la race ; c’est par eux que s’est le plus complètement exprimée l’âme du Japon
. »

Théodore de Wyzewa
La Peinture japonaise
Revue des Deux Mondes
 Troisième période
Tome 100 – 

**

UTAMARO
OUTAMARO
dans le journal
des Frères Goncourt
Année 1891

« Mardi 10 mars. — Hayashi m’apporte aujourd’hui une traduction des passages importants des MAISONS VERTES d’Outamaro.

Lundi 20 avril. — Les Japonais même intelligents très intelligents, n’ont pas le sentiment de la construction, de la composition d’un livre historique. Ainsi pour mon travail sur Outamaro, quand j’ai demandé pour la première fois à Hayashi : « Est-ce qu’il existe un portrait d’Outamaro ? — Non, » m’a-t-il répondu tout d’abord. Ce n’est que lorsque je suis revenu à ma demande, qu’une fois il m’a dit : « Mais je crois en avoir vu chez vous, dans un recueil que vous avez. » Et c’est comme cela, que j’arrivais à faire connaître ce fameux portrait de l’artiste, authentiqué par son nom sur sa robe, et par l’inscription du poteau auquel il est adossé et qui porte : Sur une demande, Outamaro a peint lui-même son élégant visage. Dans le livre des MAISONS VERTES, je voyais une planche représentant des femmes du Yoshiwara, en contemplation devant la lune, par une belle nuit d’été, et l’écrivain du livre affirmait que ces femmes avaient un très remarquable sentiment poétique. Cette affirmation m’amenait à demander à Hayashi, si par hasard il n’existerait pas quelque part des poésies imprimées de ces femmes : à quoi il me répondait que si, qu’il y avait un gros recueil très connu, et sur ma demande m’en traduisait quatre ou cinq caractéristiques, — ce qu’il n’aurait jamais songé à faire, si c’était lui qui avait fait le travail que j’ai fait, et ainsi de tout.

Lundi 27 avril – C’est amusant ce travail japonais d’Outamaro, ce transport de votre cervelle, au milieu d’êtres, aux habitudes d’esprit, aux histoires, aux légendes d’une autre planète : du travail ressemblant un peu à un travail fait dans l’hallucination d’un breuvage opiacé.

Mardi 16 juin – Aujourd’hui a paru Outamaro, le peintre des MAISONS VERTES.« 

Edmond de Goncourt et Jules de Goncourt
Journal des Goncourt  : Mémoires de la vie littéraire
Année 1891
Bibliothèque-Charpentier, 1895 (5e mille)
Huitième Tome – 1889-1891

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EDMOND & JULES DE GONCOURT : MONSTRES JAPONAIS

Edmond et Jules de Goncourt

MONSTRES
JAPONAIS

 

Monstres Japonais Artgitato Demond et Jules de Goncourt 2

 

L’imagination du monstre, de l’animation chimérique, l’art de peindre les peurs qui s’approchent de l’homme, le jour avec le féroce et le reptile, la nuit avec les apparitions troubles ; la faculté de figurer et d’incarner ces paniques de la vision et de l’illusion, dans des formes et des constructions d’êtres membrés, articulés, presque viables, c’est le génie du Japon.

Monstres Japonais Artgitato Demond et Jules de Goncourt 3

Le Japon a créé et vivifié le Bestiaire de l’hallucination. On croirait voir jaillir et s’élancer du cerveau de son art, comme de la caverne du cauchemar, un monde de démons animaux, une création taillée dans la turgescence de la difformité, des bêtes ayant la torsion et la convulsion de racines de mandragores, l’excroissance des bois noués où le cinips [Cynips : insectes – Sa piqûre provoque de la galle sur les végétaux] a arrêté la sève, des bêtes de confusion et de bâtardise,…

Monstres Japonais Artgitato Demond et Jules de Goncourt

… mélangées de saurien et de mammifère, greffant le crapaud au lion, bouturant le sphinx au cerbère, des bêtes fourmillantes et larveuses, liquides et fluentes, vrillant leur chemin comme le ver de terre, des bêtes crêtées à la crinière en broussaille, mâchant une boule avec des yeux ronds au bout d’une tige, des bêtes d’épouvante, hérissées et menaçantes, flamboyantes dans l’horreur, dragons et chimères des Apocalypses de là-bas.

Monstres Japonais Artgitato Edmond et Jules de Goncourt 1

Nous, Européens et Français, nous ne sommes pas riches d’invention, notre art n’a qu’un monstre, et c’est toujours ce monstre du récit de Théramène, qui, dans les tableaux de M. Ingres, menace Angélique de sa langue en drap rouge.

Monstres Japonais Artgitato Edmond et Jules de Goncourt 2

 

Au Japon, le monstre est partout. C’est le décor et presque le mobilier de la maison. Il est la jardinière et le brûle-parfums. Le potier, le bronzier, le dessinateur, le brodeur, le sème autour de la vie de chacun. Il grimace, les ongles en colère, sur la robe de chaque saison. Pour ce monde de femmes pâles aux paupières fardées, le monstre est l’image habituelle, familière, aimée, presque caressante, comme est pour nous la statuette d’art sur notre cheminée : et qui sait, si ce peuple artiste n’a pas là son idéal ?

Monstres Japonais Artgitato Edmond et Jules de Goncourt 3

 

Photos Japon Jacky Lavauzelle – Kyōto 京都市 & Nara  奈良市
artgitato.com