Wenn ich ein Bettelmann wär Si j’étais un mendiant Käm ich zu Dir, Qui venait vers toi Säh Dich gar bittend an Te regardant d’un air suppliant, Was gäbst Du mir? – Que lui donnerais-tu ?
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Der Pfennig hilft mir nicht L’argent, je n’en veux Nimm ihn zurück, Reprends-le, Goldner als golden Plus brillant que l’or Glänzt allen Dein Blick; Brille ton regard !
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Und was Du allen gibst Ce qu’à tous tu donnerais, Gebe nicht mir Jamais ne me donnerait Nur was mein Aug begehrt Ce que mon œil seulement Will ich von Dir. Veut de toi.
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Bettler wie helf ich Dir? – Mendiant, comment puis-je t’aider ? Sprächst Du nur so, Si ainsi tu me parlais, Dann wär im Herzen ich Alors nagerait mon cœur Glücklich und froh. Dans la joie et le bonheur.
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Laufst auf Dein Kämmerlein Regarde dans ton armoire Holst ein Paar Schuh Attrape une paire de chaussures Die sind mir viel zu klein, Elles sont trop petites pour moi, Sieh einmal zu. – Tu vois.
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Sieh nur wie klein sie sind Vois comme elles sont petites Drücken mich sehr, Et comme elles me serrent ainsi, Jungfrau süß lächelst Du Fillette tu me souris O gib mir mehr. Mais donne-moi plus !
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L’ASCÈTE et LE RELIGIEUX EXTATIQUE
On a dit de Brentano qu’il n’avait qu’à ouvrir ses poches pour que des légions d’anges et de gnomes s’en échappassent ; le mot est vrai. En revanche, les pures préoccupations d’artiste n’occupèrent jamais qu’une place bien mince dans son cerveau. Tout entier aux caprices du moment, à ses boutades, il ne se doute point de ces sollicitudes curieuses dont certains lettrés entourent la chère œuvre, de ces soins paternels qu’on apporte si volontiers à la protéger aux débuts. Ce n’est pas lui dont le cœur eût bondi de joie à l’aspect du précieux volume. Au contraire, il avait horreur de se voir imprimé. « C’est pour moi une douleur insupportable, répétait-il souvent ; figurez-vous une jeune fille forcée d’exécuter pour divertir les gens une danse qu’elle aurait apprise aux dépens de son innocence et de son repos. J’ai écrit au moins autant de livres que ma sœur, mais je garde sur elle l’avantage de les avoir tous jetés au feu. » Parfois il lui arrivait de s’enfermer chez lui, d’allumer des cierges, et de se mettre ensuite à prier des nuits entières pour ceux qui souffrent. Singulière chose que cette fusion de l’esprit méridional et du génie du nord, dont cet homme offre le phénomène. J’ai dit qu’il y avait de l’ascète chez Brentano, du religieux extatique des bords du Nil, du thaumaturge ; il y avait aussi du don Quichotte.
par Henri Blaze Clément brentano Lettres de jeunesse de Clément à Bettina Revue des Deux Mondes période initiale, tome 9, 1845
Singet leise, leise, leise, Chante doucement, doucement, doucement, Singt ein flüsternd Wiegenlied Chante cette berceuse murmurée Von dem Monde lernt die Weise, Le sage apprend de la lune, Der so still am Himmel zieht. Qui va si doucement dans le ciel.
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Singt ein Lied so süsz gelinde, Chante une chanson si douce, Wie die Quellen auf den Kieseln, Comme la source sur les galets Wie die Bienen um die Linde Comme les abeilles autour du tilleul Summen, murmeln, flüstern, rieseln. Bourdonnement, murmure, chuchotement, ruissellement.
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L’ASCÈTE et LE RELIGIEUX EXTATIQUE
On a dit de Brentano qu’il n’avait qu’à ouvrir ses poches pour que des légions d’anges et de gnomes s’en échappassent ; le mot est vrai. En revanche, les pures préoccupations d’artiste n’occupèrent jamais qu’une place bien mince dans son cerveau. Tout entier aux caprices du moment, à ses boutades, il ne se doute point de ces sollicitudes curieuses dont certains lettrés entourent la chère œuvre, de ces soins paternels qu’on apporte si volontiers à la protéger aux débuts. Ce n’est pas lui dont le cœur eût bondi de joie à l’aspect du précieux volume. Au contraire, il avait horreur de se voir imprimé. « C’est pour moi une douleur insupportable, répétait-il souvent ; figurez-vous une jeune fille forcée d’exécuter pour divertir les gens une danse qu’elle aurait apprise aux dépens de son innocence et de son repos. J’ai écrit au moins autant de livres que ma sœur, mais je garde sur elle l’avantage de les avoir tous jetés au feu. » Parfois il lui arrivait de s’enfermer chez lui, d’allumer des cierges, et de se mettre ensuite à prier des nuits entières pour ceux qui souffrent. Singulière chose que cette fusion de l’esprit méridional et du génie du nord, dont cet homme offre le phénomène. J’ai dit qu’il y avait de l’ascète chez Brentano, du religieux extatique des bords du Nil, du thaumaturge ; il y avait aussi du don Quichotte.
par Henri Blaze Clément brentano Lettres de jeunesse de Clément à Bettina Revue des Deux Mondes période initiale, tome 9, 1845
LE ROSSIGNOL & LA FILEUSE Es sang vor langen Jahren
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Es sang vor langen Jahren Il a chanté il y a longtemps Wohl auch die Nachtigall. Aussi le rossignol. Das war wohl süßer Schall, Quel doux son doux assurément, Da wir zusammen waren. Quand nous étions ensemble.
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Ich sing und kann nicht weinen Je chante et je ne peux pas pleurer Und spinne so allein. Et seule je tourne mon rouet. Den Faden klar und rein, Comme son fil est clair et pur, Solang der Mond wird scheinen. Tant que la lune brillera.
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Da wir zusammen waren, Quand nous étions ensemble Da sang die Nachtigall. Le rossignol chantait. Nun mahnet mich ihr Schall, Maintenant sans son chant je sais, Dass du von mir gefahren. Je sais que tu m’as chassé.
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So oft der Mond mag scheinen, Aussi souvent que la lune brille, So denk ich dein allein. Je pense à toi seul. Mein Herz ist klar und rein, Mon cœur est clair et pur, Gott wolle uns vereinen. Que Dieu nous réunisse.
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Seit du von mir gefahren, Quand tu m’accompagnais, Singt stets die Nachtigall. Chantait toujours le rossignol. Ich denk bei ihrem Schall, Je pense à son chant, Wie wir zusammen waren. Comme quand nous étions ensemble.
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Gott wolle uns vereinen. Que Dieu nous réunisse. Hier spinn ich so allein. Ici, je file seule. Der Mond scheint klar und rein. La lune brille claire et pure. Ich sing und möchte weinen. Je chante et je veux pleurer.
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L’ASCÈTE et LE RELIGIEUX EXTATIQUE
On a dit de Brentano qu’il n’avait qu’à ouvrir ses poches pour que des légions d’anges et de gnomes s’en échappassent ; le mot est vrai. En revanche, les pures préoccupations d’artiste n’occupèrent jamais qu’une place bien mince dans son cerveau. Tout entier aux caprices du moment, à ses boutades, il ne se doute point de ces sollicitudes curieuses dont certains lettrés entourent la chère œuvre, de ces soins paternels qu’on apporte si volontiers à la protéger aux débuts. Ce n’est pas lui dont le cœur eût bondi de joie à l’aspect du précieux volume. Au contraire, il avait horreur de se voir imprimé. « C’est pour moi une douleur insupportable, répétait-il souvent ; figurez-vous une jeune fille forcée d’exécuter pour divertir les gens une danse qu’elle aurait apprise aux dépens de son innocence et de son repos. J’ai écrit au moins autant de livres que ma sœur, mais je garde sur elle l’avantage de les avoir tous jetés au feu. » Parfois il lui arrivait de s’enfermer chez lui, d’allumer des cierges, et de se mettre ensuite à prier des nuits entières pour ceux qui souffrent. Singulière chose que cette fusion de l’esprit méridional et du génie du nord, dont cet homme offre le phénomène. J’ai dit qu’il y avait de l’ascète chez Brentano, du religieux extatique des bords du Nil, du thaumaturge ; il y avait aussi du don Quichotte.
par Henri Blaze Clément brentano Lettres de jeunesse de Clément à Bettina Revue des Deux Mondes période initiale, tome 9, 1845
Was ich tue, was ich denke, Pour tout ce que je fais, ce que je pense Alles, was mit mir geschieht, Ce qui m’arrive, Herr! nach deinem Auge lenke, Seigneur ! dirige Ton regard Das auf meine Wege sieht. Sur mon chemin.
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L’ASCÈTE et LE RELIGIEUX EXTATIQUE
On a dit de Brentano qu’il n’avait qu’à ouvrir ses poches pour que des légions d’anges et de gnomes s’en échappassent ; le mot est vrai. En revanche, les pures préoccupations d’artiste n’occupèrent jamais qu’une place bien mince dans son cerveau. Tout entier aux caprices du moment, à ses boutades, il ne se doute point de ces sollicitudes curieuses dont certains lettrés entourent la chère œuvre, de ces soins paternels qu’on apporte si volontiers à la protéger aux débuts. Ce n’est pas lui dont le cœur eût bondi de joie à l’aspect du précieux volume. Au contraire, il avait horreur de se voir imprimé. « C’est pour moi une douleur insupportable, répétait-il souvent ; figurez-vous une jeune fille forcée d’exécuter pour divertir les gens une danse qu’elle aurait apprise aux dépens de son innocence et de son repos. J’ai écrit au moins autant de livres que ma sœur, mais je garde sur elle l’avantage de les avoir tous jetés au feu. » Parfois il lui arrivait de s’enfermer chez lui, d’allumer des cierges, et de se mettre ensuite à prier des nuits entières pour ceux qui souffrent. Singulière chose que cette fusion de l’esprit méridional et du génie du nord, dont cet homme offre le phénomène. J’ai dit qu’il y avait de l’ascète chez Brentano, du religieux extatique des bords du Nil, du thaumaturge ; il y avait aussi du don Quichotte.
par Henri Blaze Clément brentano Lettres de jeunesse de Clément à Bettina Revue des Deux Mondes période initiale, tome 9, 1845
MADEMOISELLE DIENCHEN Kennt ihr das Fräulein Dienchen nicht
Entstanden um 1797 Ecrit vers 1797
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Kennt ihr das Fräulein Dienchen nicht. Vous ne connaissez pas Mademoiselle Dienchen. Sie hat ein Tabaksdosengesicht Elle a un visage en forme de tabatière So etwas wie ’ne Nase drinne Comme si elle avait un nez à l’intérieur Und den Charakter einer Spinne. Et le caractère d’une araignée. Hat man mit dem Vergrößrungsglase Vous aurez besoin d’une loupe Endlich gefunden ihre Nase Si vous voulez trouver son nez So mußt du Mikroskope brauchen Vous aurez besoin d’un microscope So findst du nie die Katzenaugen. Car vous ne trouverez jamais ses yeux de chat comme ça. Ihr dickes Haar ist tölpisch aufgebaut Ses cheveux épais sont fragiles Doch niemand schimpfe ihre Haut Mais personne ne songe à critiquer sa peau Sie ist so fein so zart so weiß Si fine, si délicate et si blanche Als wie ein alter Hühnersteiß. Comme une vieille croupe de poulet. … Schad’ daß ein Hügelchen den schönen Wuchs befleckt C’est dommage qu’une colline tache la belle croissance Das erst vor kurzer Zeit ein Kenneraug’ entdeckt. Qu’a récemment découvert l’œil d’un connaisseur. In ihrem magern Unterleib Dans son ventre amaigri Brummt oft ein Wind zum Zeitvertreib. Un vent bourdonne souvent pour passer le temps.
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L’ASCÈTE et LE RELIGIEUX EXTATIQUE
On a dit de Brentano qu’il n’avait qu’à ouvrir ses poches pour que des légions d’anges et de gnomes s’en échappassent ; le mot est vrai. En revanche, les pures préoccupations d’artiste n’occupèrent jamais qu’une place bien mince dans son cerveau. Tout entier aux caprices du moment, à ses boutades, il ne se doute point de ces sollicitudes curieuses dont certains lettrés entourent la chère œuvre, de ces soins paternels qu’on apporte si volontiers à la protéger aux débuts. Ce n’est pas lui dont le cœur eût bondi de joie à l’aspect du précieux volume. Au contraire, il avait horreur de se voir imprimé. « C’est pour moi une douleur insupportable, répétait-il souvent ; figurez-vous une jeune fille forcée d’exécuter pour divertir les gens une danse qu’elle aurait apprise aux dépens de son innocence et de son repos. J’ai écrit au moins autant de livres que ma sœur, mais je garde sur elle l’avantage de les avoir tous jetés au feu. » Parfois il lui arrivait de s’enfermer chez lui, d’allumer des cierges, et de se mettre ensuite à prier des nuits entières pour ceux qui souffrent. Singulière chose que cette fusion de l’esprit méridional et du génie du nord, dont cet homme offre le phénomène. J’ai dit qu’il y avait de l’ascète chez Brentano, du religieux extatique des bords du Nil, du thaumaturge ; il y avait aussi du don Quichotte.
par Henri Blaze Clément brentano Lettres de jeunesse de Clément à Bettina Revue des Deux Mondes période initiale, tome 9, 1845
On a dit de Brentano qu’il n’avait qu’à ouvrir ses poches pour que des légions d’anges et de gnomes s’en échappassent ; le mot est vrai. En revanche, les pures préoccupations d’artiste n’occupèrent jamais qu’une place bien mince dans son cerveau. Tout entier aux caprices du moment, à ses boutades, il ne se doute point de ces sollicitudes curieuses dont certains lettrés entourent la chère œuvre, de ces soins paternels qu’on apporte si volontiers à la protéger aux débuts. Ce n’est pas lui dont le cœur eût bondi de joie à l’aspect du précieux volume. Au contraire, il avait horreur de se voir imprimé. « C’est pour moi une douleur insupportable, répétait-il souvent ; figurez-vous une jeune fille forcée d’exécuter pour divertir les gens une danse qu’elle aurait apprise aux dépens de son innocence et de son repos. J’ai écrit au moins autant de livres que ma sœur, mais je garde sur elle l’avantage de les avoir tous jetés au feu. » Parfois il lui arrivait de s’enfermer chez lui, d’allumer des cierges, et de se mettre ensuite à prier des nuits entières pour ceux qui souffrent. Singulière chose que cette fusion de l’esprit méridional et du génie du nord, dont cet homme offre le phénomène. J’ai dit qu’il y avait de l’ascète chez Brentano, du religieux extatique des bords du Nil, du thaumaturge ; il y avait aussi du don Quichotte.
par Henri Blaze Clément brentano Lettres de jeunesse de Clément à Bettina Revue des Deux Mondes période initiale, tome 9, 1845
Die Liebe lehrt L’amour m’enseigne Mich lieblich reden, à parler aimablement, Da Lieblichkeit Car la douceur Mich lieben lehrte. M’a appris à aimer.
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Arm bin ich nicht Je ne suis jamais pauvre In Deinen Armen, Dans tes bras, Umarmst du mich Tu m’embrasses Du süße Armut. Toi douce pauvreté.
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Wie reich bin ich Comme je suis riche In Deinem Reiche, Dans ton royaume Der Liebe Reichtum Par les richesses de l’amour Reichst du mir. Que tu me donnes.
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O Lieblichkeit! Ô beauté ! O reiche Armut! Ô riche pauvreté ! Umarme mich Embrasse moi In Liebesarmen. Dans tes bras amoureux.
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L’ASCÈTE et LE RELIGIEUX EXTATIQUE
On a dit de Brentano qu’il n’avait qu’à ouvrir ses poches pour que des légions d’anges et de gnomes s’en échappassent ; le mot est vrai. En revanche, les pures préoccupations d’artiste n’occupèrent jamais qu’une place bien mince dans son cerveau. Tout entier aux caprices du moment, à ses boutades, il ne se doute point de ces sollicitudes curieuses dont certains lettrés entourent la chère œuvre, de ces soins paternels qu’on apporte si volontiers à la protéger aux débuts. Ce n’est pas lui dont le cœur eût bondi de joie à l’aspect du précieux volume. Au contraire, il avait horreur de se voir imprimé. « C’est pour moi une douleur insupportable, répétait-il souvent ; figurez-vous une jeune fille forcée d’exécuter pour divertir les gens une danse qu’elle aurait apprise aux dépens de son innocence et de son repos. J’ai écrit au moins autant de livres que ma sœur, mais je garde sur elle l’avantage de les avoir tous jetés au feu. » Parfois il lui arrivait de s’enfermer chez lui, d’allumer des cierges, et de se mettre ensuite à prier des nuits entières pour ceux qui souffrent. Singulière chose que cette fusion de l’esprit méridional et du génie du nord, dont cet homme offre le phénomène. J’ai dit qu’il y avait de l’ascète chez Brentano, du religieux extatique des bords du Nil, du thaumaturge ; il y avait aussi du don Quichotte.
par Henri Blaze Clément brentano Lettres de jeunesse de Clément à Bettina Revue des Deux Mondes période initiale, tome 9, 1845
CUEILLIR DES ETOILES DANS LE CIEL Hörst du wie die Brunnen rauschen
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Hörst du wie die Brunnen rauschen, Entends-tu le gémissement des fontaines, Hörst du wie die Grille zirpt? Entends-tu le chant des grillons ? Stille, stille, laß uns lauschen, Silence, silence, ensemble écoutons, Selig, wer in Träumen stirbt. Bienheureux celui qui meurt en rêve. Selig, wen die Wolken wiegen, Bienheureux celui que les nuages emportent, Wem der Mond ein Schlaflied singt, Celui pour qui la lune chante une berceuse, O wie selig kann der fliegen, Ô comme il est heureux de pouvoir voler, Dem der Traum den Flügel schwingt, Quand le rêve des ailes dessine, Daß an blauer Himmelsdecke Et qui sur un ciel tout bleu Sterne er wie Blumen pflückt: Cueille des étoiles comme des fleurs : Schlafe, träume, flieg’, ich wecke Dors, rêve, vole, je te réveillerai Bald Dich auf und bin beglückt. Bientôt et je serai heureux.
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L’ASCÈTE et LE RELIGIEUX EXTATIQUE
On a dit de Brentano qu’il n’avait qu’à ouvrir ses poches pour que des légions d’anges et de gnomes s’en échappassent ; le mot est vrai. En revanche, les pures préoccupations d’artiste n’occupèrent jamais qu’une place bien mince dans son cerveau. Tout entier aux caprices du moment, à ses boutades, il ne se doute point de ces sollicitudes curieuses dont certains lettrés entourent la chère œuvre, de ces soins paternels qu’on apporte si volontiers à la protéger aux débuts. Ce n’est pas lui dont le cœur eût bondi de joie à l’aspect du précieux volume. Au contraire, il avait horreur de se voir imprimé. « C’est pour moi une douleur insupportable, répétait-il souvent ; figurez-vous une jeune fille forcée d’exécuter pour divertir les gens une danse qu’elle aurait apprise aux dépens de son innocence et de son repos. J’ai écrit au moins autant de livres que ma sœur, mais je garde sur elle l’avantage de les avoir tous jetés au feu. » Parfois il lui arrivait de s’enfermer chez lui, d’allumer des cierges, et de se mettre ensuite à prier des nuits entières pour ceux qui souffrent. Singulière chose que cette fusion de l’esprit méridional et du génie du nord, dont cet homme offre le phénomène. J’ai dit qu’il y avait de l’ascète chez Brentano, du religieux extatique des bords du Nil, du thaumaturge ; il y avait aussi du don Quichotte.
par Henri Blaze Clément brentano Lettres de jeunesse de Clément à Bettina Revue des Deux Mondes période initiale, tome 9, 1845
Freude, schöner Götterfunken, Joie,belleétincelledes dieux, Tochter aus Elisium, Fille d’Elysée, Wir betreten feuertrunken Nous entronsivres avec le feu
La poésie lyrique est l’une des joies les plus pures, et l’une des gloires littéraires les plus brillantes du peuple allemand. On n’a point vu se développer dans ce vaste pays d’Allemagne certains rameaux de la pensée humaine qui, dans d’autres contrées, ont porté tant de fleurs précieuses et tant de fruits vivifiants. L’Allemagne n’a point eu de Molière, point de Walter Scott ni de La Fontaine, et le drame, qui, dans les derniers temps, lui a donné une si grande illustration, le drame n’est apparu sur la scène allemande avec une réelle originalité et un véritable éclat, qu’après une longue suite d’obscurs tâtonnements, de froids essais, de fades imitations. Sa rapide durée, sa subite décadence, prouvent qu’il n’était point issu du génie de la nation allemande, mais de la pensée puissante de quelques hommes. Ce drame commence à Lessing et finit à Goethe. Après la mort de Schiller, après le silence de l’immortel auteur de Faust, les théâtres d’Allemagne sont retombés dans leur viduité première ; les œuvres de Werner, de Mullner, de Grillparzer ; les trop nombreuses productions de Raupach et le brillant début de M. Munch-Bellinghausen, ne lui ont donné qu’une lueur fugitive. Le désordre est entré dans les rangs de ces écrivains dramatiques que deux bannières illustres ralliaient, il y a vingt ans, autour d’un sentiment de création originale, d’une grande idée d’art. Dans leur vague incertitude, dans leurs désirs flottants et leur impuissance, ils en sont réduits maintenant à chercher une substance étrangère, à prendre, qui de-ci, qui de-là, une comédie du Théâtre-Français, un vaudeville de Boulevard, qu’ils revêtent de langues germaniques, et conduisent à la lisière sur le théâtre de Vienne ou de Berlin.
Mais depuis les plus anciens temps, l’Allemagne, avec sa nature tendre, rêveuse, idéale, a senti s’éveiller en elle le sentiment mélodieux de la poésie lyrique. Les vieux guerriers chantaient en allant au combat ; les Minnesinger ont répandu à travers les sombres mœurs du moyen âge les trésors de l’inspiration la plus suave, et les délicieux accents d’une pensée d’amour unie à la religion par un lien mystique. Les Meistersanger conservaient la même inspiration, et ils n’en altérèrent le charme primitif qu’en se trompant eux-mêmes sur certains effets de style et certains raffinements de forme. C’est par la poésie lyrique que la première école silésienne se signala au XVIIe siècle ; c’est par la poésie lyrique que Bürger, Holly et leurs jeunes amis de Goettingue ramenèrent les beaux esprits de leur temps à une tendance littéraire plus juste, à un langage plus simple et plus vrai. Enfin, c’est par la poésie lyrique que les principaux écrivains de l’époque actuelle, Novalis, Uhland, Ruckert, se sont fait une renommée qui de l’Allemagne s’est promptement répandue dans les autres contrées. À travers les tempêtes qui ont agité l’Europe, les événements politiques qui en ont changé la face, au milieu des questions vitales dont le monde poursuivait chaque jour la solution, l’Allemagne est apparue comme le scalde scandinave, qui ne pouvait en prenant l’épée abandonner sa harpe. Elle n’a pas cessé un instant de rêver, et pas un instant de chanter. Klopstock saluait par une ode l’aurore de notre révolution, et Théodore Korner, après avoir suivi tout le jour son escadron de chasseurs sur le champ de bataille, composait le soir au bivouac la chanson du lendemain. Il faut avoir visité les diverses contrées de l’Allemagne, pour savoir tout ce qu’il y a là d’instinct musical et de sentiment lyrique. Dès qu’on a passé la frontière, il semble qu’on entre dans une région fabuleuse où les hommes gazouillent et chantent comme des oiseaux. L’ouvrier chante en s’en allant le sac sur l’épaule, de ville en ville, gagner ses titres de maîtrise ; l’étudiant chante en cheminant sur la route de son Université ; l’humble famille bourgeoise qui, le dimanche, va se reposer des fatigues de la semaine sous le feuillage d’un Lustgarten, ne rentre guère dans sa demeure sans entonner aussi quelque chanson d’Uhland mise en musique par Strauss ; et dans les salons du grand monde, on serait bien étonné de passer une soirée sans cahiers de musique et sans piano. Il y a en Allemagne des chants pour toutes les fêtes et toutes les circonstances solennelles de la vie, pour toutes les classes de la société, toutes les corporations, tous les métiers, et chaque jour en augmente encore le nombre. Là, pas un site pittoresque qui n’ait été célébré plusieurs fois par les poëtes, pas une ruine des bords du Danube qui n’ait sa légende populaire, pas un château de la Thuringe, des bords du Rhin, de la Silésie, dont le nom ne se retrouve dans plusieurs recueils littéraires, dont l’histoire, réelle ou fictive, n’ait été racontée dans mainte et mainte strophe.
Ces chants de l’Allemagne n’ont point en général la vive et émouvante gaieté de ceux de la France, ni le caractère humoristique de ceux de l’Angleterre. Il en est peu qui n’allient à l’élan le plus joyeux une réflexion philosophique, une pensée religieuse. On y trouve d’ailleurs, même dans les plus vulgaires, un indice de vague rêverie, un sentiment de la nature qui ne se révèlent point dans les nôtres. L’ouvrier allemand ne se contente point de célébrer en vers plus ou moins corrects l’amour et le vin, il chante souvent avec une douce et naïve mélancolie la verdure des champs, la fraîcheur des bois ; et il y a telles de ces chansons d’artisan, de ces Burschenlieds qui retentissent chaque jour dans les plus obscurs cabarets et que l’on pourrait citer comme de petites odes harmonieuses, et remarquables par une pensée exquise.
Il est clair cependant que dans cette quantité de poésies lyriques qui inondent l’Allemagne, il y a un nombre infini de chansonnettes qui ne peuvent être considérées que comme des motifs de composition musicale, ou comme la pâle expression d’une pensée banale. C’est à la critique à chercher, au milieu de tant de productions, ce qui mérite d’être conservé et classé parmi les véritables œuvres d’art. Dans ces œuvres choisies, on distinguera les poésies lyriques de Schiller. L’homme de génie a mis là les qualités que l’on aime à retrouver dans ses drames, sa tendresse de cœur, ses grandes idées sociales, sa philosophie religieuse. Quand il n’aurait point écrit Marie Stuart, Guillaume Tell, Wallenstein, son petit volume d’élégies, de ballades, suffirait pour lui assurer une belle place parmi les poëtes de notre époque. Nous avons publié, en tête de la traduction de son théâtre, une notice biographique qui nous dispense de revenir sur les divers incidents de la vie de ce grand écrivain. Nous essaierons ici de rechercher les premières traces de ses compositions lyriques, et d’indiquer les différentes phases que sa pensée a suivies, le cercle qu’elle a parcouru, jusqu’à ce qu’elle arrivât à sa dernière manifestation, à son dernier développement, interrompu, brisé par une mort prématurée.
…
Xavier Marmier
Préface
Poésies de Schiller
Charpentier
*
LITTERATURE ALLEMANDE Poèmes de Friedrich Schiller
Dein Wille, Herr, geschehe!
Que ta volonté soit faite, Seigneur ! Verdunkelt schweigt das Land,
Repose silencieux le pays, Im Zug der Wetter sehe
Dans le temps changeant, j’aperçois ich schauernd deine Hand.
frissonnant, ta main. O mit uns Sündern gehe
Ô avec nos péchés, erbarmend ins Gericht!
sois miséricordieux ! Ich beug’ im tiefsten Wehe
Je m’humilie dans ma plus profonde peine zum Staub mein Angesicht.
Jusqu’à recouvrir mon visage de poussière. Dein Wille, Herr, geschehe!
Que ta volonté soit faite, Seigneur !