Traduction – Texte Bilingue
CARDUCCI POÈME
Su ì colli de le Argonne alza il mattino
Se lève sur les hauteurs de l’Argonne, un matin
Brumoso, accidioso e lutolento.
Brumeux, boueux, indolent.
Il tricolor bagnato in su’l mulino
Le drapeau tricolore humide, sur les hauteur d’un moulin
Di Valmy chiede in vano il sole e il vento.
De Valmy demande le soleil et le vent en vain.
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Sta, sta, bianco mugnaio. Oggi il destino
Arrête, arrête, blanc meunier. Aujourd’hui, le destin,
Per l’avvenire macina l’evento,
Pour l’avenir, moud les évènements
E l’esercito scalzo cittadino
Et cette armée de pieds nus,
Dà col sangue a la ruota il movimento.
Par son sang, met la roue en mouvement.
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— Viva la patria — Kellermann, levata
– Vive la Patrie ! Kellermann, lève
La spada in fra i cannoni, urla, serrate
Son épée au-dessus des canons, hurlant,
De’ sanculotti l’epiche colonne.
Quand furent regroupés les épiques sans-culottes.
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La marsigliese tra la cannonata
La Marseillaise entre la canonnade
Sorvola, arcangel de la nova etate,
Monte en flèche, archange du nouvel âge,
Le profonde foreste de le Argonne.
Au-dessus des profondes forêts de l’Argonne.
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Louis XVI en habit de sacre
Joseph-Siffrein Duplessis
1777
Musée Carnavalet Paris
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GIOSUE CARDUCCI
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LE « ÇA IRA »
Le poète Giosuè Carducci
Maurice Muret
Revue des Deux Mondes
Tome 40 – 1907
…Le sonnet est un moule d’une rare plasticité. Il s’est prêté aux mignardises de Joséphin Soulary comme aux visions grandioses de José Maria de Heredia. Dans leur concision lapidaire, leur âpre et sinistre beauté, les douze sonnets de Ça ira brillent d’un éclat tragique.
C’est au sortir d’une lecture de la Révolution française par Carlyle que Carducci les composa. Sans doute il connaissait aussi Thiers, Louis Blanc et Michelet ; mais la lecture de Carlyle donna l’élan décisif. C’est elle qui força l’inspiration. Comme Carlyle, — et comme Joseph de Maistre, — Carducci voit dans la Révolution française un événement proprement « satanique, » mais le rebelle qu’il est attache à ce terme le sens favorable qui se découvre dans son Hymne à Satan. La Révolution française est pour lui une revanche de la raison, de la liberté, de la justice sur les « tyrannies séculaires » de l’Eglise et de la monarchie. Il a protesté contre les critiques qui dénoncèrent ses sympathies terroristes quelque peu excessives ; il a prétendu s’être borné (ou à peu près) au rôle d historiographe. C’est pur paradoxe ! Ça ira prend énergiquement fait et cause pour la Terreur. Carducci condamne Louis XVI et Marie-Antoinette avec une rigueur inconnue des historiens impartiaux. Le sonnet qui retrace le meurtre de la princesse de Lamballe est une apologie déguisée de ce crime. Louis XVI, enfin, dans la prison où il se recueille en attendant la mort, est montré par le poète italien « demandant pardon au ciel pour la nuit de la Saint-Barthélemy. » Que voilà donc un « état d’Ame » peu historique ! N’y a-t-il pas tout lieu de croire que Louis XVI, à la veille de mourir, était à cent lieues de penser qu’il expiait les méfaits de Charles IX ? C’est l’impitoyable logique jacobine qui établit des rapprochements de cette sorte.
Il faut tenir compte, dans l’appréciation du Ça ira, de la date où fut publié cet ouvrage. Il parut « pour le 77e anniversaire de la République, » à une époque où la France traversait une nouvelle « année terrible. » Bien que le poète n’y fasse aucune allusion formelle, les événements de 1870-1871 restent toujours présents à son esprit. A l’opprobre de Sedan s’oppose dans sa pensée la gloire de Valmy, de Valmy qui fait l’objet de son dernier sonnet. Plutôt que Sedan, la Terreur ; plutôt Danton que Napoléon III ; plutôt Robespierre que Bazaine, voilà ce qu’on peut lire entre les lignes du Ça ira. Un critique italien a parlé des « Grâces pétrolières » qui avaient servi de marraines à cette poésie. Et ce propos irrita l’auteur. Le mot n’en était pas moins exact.
Indépendamment du Ça ira consacré à un sujet français, Carducci mentionne fréquemment la France dans ses ouvrages. Quel autre pays a été plus étroitement mêlé aux destinées du Risorgimento ? Carducci n’est pas gallophobe, tant s’en faut ; mais c’est exclusivement à la France rouge que vont ses sympathies. Les Iambes et épodes traînent aux gémonies ce peuple devenu infidèle à l’idéal révolutionnaire d’autrefois. Le poète maudit la France impériale « brigande au service du Pape » (masnadière papale). Dans les vers Pour Edouard Corazzini, il invective plus sauvagement encore la « grande nation » au nom de ceux qui crurent en elle, de ceux « qui avaient grandi à ta libre splendeur, de ceux qui t’avaient aimée, ô France ! » Même note dans le Sacre d’Henri V, où il s’élève contre les tentatives de restauration monarchique en France après la chute de l’Empire. Mais c’est surtout contre Bonaparte et le bonapartisme que le poète romain brandit ses foudres vengeresses.
Maurice Muret
Revue des Deux Mondes
Tome 40 – 1907
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CARDUCCI POÈME