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À CÔTÉ DU CIMETIÈRE- HEINRICH HEINE POÈMES – LE LIVRE DES CHANTS XXVIII- DIE HEIMKEHR – Der bleiche, herbstliche Halbmond

HEIRICH HEINE POÈMES
DIE HEIMKEHR HEINE
LE LIVRE DES CHANTS
LITTERATURE ALLEMANDE






Christian Johann Heinrich Heine


 

Der bleiche, herbstliche Halbmond
Le pâle croissant automnal
Lugt aus den Wolken heraus;
Espionnait derrière les nuages ;
Ganz einsam liegt auf dem Kirchhof’
Toute seule se trouve à côté du cimetière
Das stille Pfarrerhaus.
La tranquille maison du pasteur.

*

Die Mutter liest in der Bibel,
La mère lit la Bible,
Der Sohn, der starret in’s Licht,
Le fils, qui regarde fixement la lampe,
Schlaftrunken dehnt sich die ält’re,
Tombe de sommeil,
 Die jüngere Tochter spricht:
La jeune fille dit alors :

*

Ach Gott! wie Einem die Tage
« Ô mon Dieu ! comme tous les jours
Langweilig hier vergeh’n;
Nous nous ennuyons ici tellement ;
 Nur wenn sie Einen begraben,
Il n’y a qu’aux enterrements,
Bekommen wir etwas zu sehn.
Que nous avons quelque chose à voir ! »

*

Die Mutter spricht zwischen dem Lesen:
La mère dit au milieu de sa lecture :
 Du irrst, es starben nur Vier,
« Tu as tort, il n’est mort que quatre personnes,
Seit man deinen Vater begraben,
Depuis que nous avons enterré ton  père,
Dort an der Kirchhofsthür’.
Là-bas, à côté de la porte du cimetière. « 

*

Die ält’re Tochter gähnet:
La fille aînée dans un bâillement dit :
Ich will nicht verhungern bei Euch,
« Je ne veux pas mourir de faim chez vous,
Ich gehe morgen zum Grafen,
Je m’en irai demain voir le comte,
Und der ist verliebt und reich.
Lui, il est si amoureux et si riche. « 

*

Der Sohn bricht aus in Lachen:
Le fils éclate alors de rire :
Drei Jäger zechen im Stern,
« Trois chasseurs mangent à la belle étoile,
Die machen Gold und lehren
Ils savent comment faire de l’or et m’enseigneront
Mir das Geheimniß gern.
Volontiers leur secret.

*

Die Mutter wirft ihm die Bibel
La mère lui lance alors la Bible
In’s mag’re Gesicht hinein:
En pleine face :
 So willst du, Gottverfluchter,
 » Ainsi veux-tu, petit chenapan,
Ein Straßenräuber seyn!
Devenir un brigand !  « 

*

Sie hören pochen an’s Fenster,
Ils entendent que l’on frappe à la fenêtre,
Und sehn eine winkende Hand;
Et voient alors une main s’agiter ;
Der todte Vater steht draußen
Voilà, le père mort debout à l’extérieur
 Im schwarzen Pred’gergewand.
Dans sa tenue noire de prédicateur.


 

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HEINRICH HEINE POEMES
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UNE HISTOIRE DE SOUFFRANCE

Les Mains & La Beauté musicale de Heine

Mais ce qui m’intéressait plus encore que les discours de Heine, c’était sa personne, car ses pensées m’étaient connues depuis longtemps, tandis que je voyais sa personne pour la première fois et que j’étais à peu près sûr que cette fois serait l’unique. Aussi, tandis qu’il parlait, le regardai-je encore plus que je ne l’écoutai. Une phrase des Reisebilder me resta presque constamment en mémoire pendant cette visite : « Les hommes malades sont véritablement toujours plus distingués que ceux en bonne santé. Car il n’y a que le malade qui soit un homme ; ses membres racontent une histoire de souffrance, ils en sont spiritualisés. » C’est à propos de l’air maladif des Italiens qu’il a écrit cette phrase, et elle s’appliquait exactement au spectacle qu’il offrait lui-même. Je ne sais jusqu’à quel point Heine avait été l’Apollon que Gautier nous a dit qu’il fut alors qu’il se proclamait hellénisant et qu’il poursuivait de ses sarcasmes les pâles sectateurs du nazarénisme : ce qu’il y a de certain, c’est qu’il n’en restait plus rien alors. Cela ne veut pas dire que la maladie l’avait enlaidi, car le visage était encore d’une singulière beauté ; seulement cette beauté était exquise plutôt que souveraine, délicate plutôt que noble, musicale en quelque sorte plutôt que plastique. La terrible névrose avait vengé le nazarénisme outragé en effaçant toute trace de l’hellénisant et en faisant reparaître seuls les traits de la race à laquelle il appartenait et où domina toujours le spiritualisme exclusif contre lequel son éloquente impiété s’était si souvent élevée. Et cet aspect physique était en parfait rapport avec le retour au judaïsme, dont les Aveux d’un poète avaient récemment entretenu le public. D’âme comme de corps, Heine n’était plus qu’un Juif, et, étendu sur son lit de souffrance, il me parut véritablement comme un arrière-cousin de ce Jésus si blasphémé naguère, mais dont il ne songeait plus à renier la parenté. Ce qui était plus remarquable encore que les traits chez Heine, c’étaient les mains, des mains transparentes, lumineuses, d’une élégance ultra-féminine, des mains tout grâce et tout esprit, visiblement faites pour être l’instrument du tact le plus subtil et pour apprécier voluptueusement les sinuosités onduleuses des belles réalités terrestres ; aussi m’expliquèrent-elles la préférence qu’il a souvent avouée pour la sculpture sur la peinture. C’étaient des mains d’une rareté si exceptionnelle qu’il n’y a de merveilles comparables que dans les contes de fées et qu’elles auraient mérité d’être citées comme le pied de Cendrillon, ou l’oreille qu’on peut supposer à cette princesse, d’une ouïe si fine qu’elle entendait l’herbe pousser. Enfin, un dernier caractère plus extraordinaire encore s’il est possible, c’était l’air de jeunesse dont ce moribond était comme enveloppé, malgré ses cinquante-six ans et les ravages de huit années de la plus cruelle maladie. C’est la première fois que j’ai ressenti fortement l’impression qu’une jeunesse impérissable est le privilège des natures dont la poésie est exclusivement l’essence. Depuis, le cours de la vie nous a permis de la vérifier plusieurs fois et nous ne l’avons jamais trouvée menteuse.

Émile Montégut
Esquisses littéraires – Henri Heine
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 63
1884

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HEINRICH HEINE POÈMES

DIE HEIMKEHR HEINE