POESIE FRANCAISE
FÊTES GALANTES (Edition Vanier – 1902)
Portrait de Paul Verlaine en troubadour
Frédérique Bazille
1868
Museum of Art – Dallas
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1869
Tableaux et Caricatures
Gustave Courbet – Eugène Carrière – Frédérique Bazille
Paterne Berrichon – Félix Vallotton – Félix Régamey
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Mikhaïl Vroubel Huître perlière 1904
FÊTES GALANTES
Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques,
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Pierrot, qui n’a rien d’un Clitandre,
Vide un flacon sans plus attendre,
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L’abbé divague. — Et toi, marquis,
Tu mets de travers ta perruque.
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Fardée et peinte comme au temps des bergeries,
Frêle parmi les nœuds énormes de rubans,
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Le ciel si pâle et les arbres si grêles
Semblent sourire à nos costumes clairs
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Là ! Je me tue à vos genoux !
Car ma détresse est infinie,
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Les hauts talons luttaient avec les longues jupes,
En sorte que, selon le terrain et le vent,
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Un singe en veste de brocart
Trotte et gambade devant elle
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Chaque coquillage incrusté
Dans la grotte où nous nous aimâmes
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Nous fûmes dupes, vous et moi,
De manigances mutuelles,
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Scaramouche et Pulcinella,
Qu’un mauvais dessein rassembla,
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Un pavillon à claires-voies
Abrite doucement nos joies
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L’étoile du berger tremblote
Dans l’eau plus noire et le pilote
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Un vieux faune de terre cuite
Rit au centre des boulingrins,
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Les donneurs de sérénades
Et les belles écouteuses
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Mystiques barcarolles,
Romances sans paroles,
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Éloigné de vos yeux, Madame, par des soins
Impérieux (j’en prends tous les dieux à témoins),
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Bah ! malgré les destins jaloux,
Mourons ensemble, voulez-vous ?
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Léandre le sot,
Pierrot qui d’un saut
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Le vent de l’autre nuit a jeté bas l’Amour
Qui, dans le coin le plus mystérieux du parc,
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Calmes dans le demi-jour
Que les branches hautes font,
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Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l’heure passé.
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LECTURE DES FÊTES GALANTES PAR ARTHUR RIMBEAU
« J’ai les Fêtes galantes de Paul Verlaine, un joli in-12 écu. C’est fort bizarre, très drôle ; mais, vraiment, c’est adorable. Parfois, de fortes licences ; ainsi :
Et la tigresse épouvantable d’Hyrcanie
est un vers de ce volume. — Achetez, je vous le conseille, la Bonne Chanson, un petit volume de vers du même poète : ça vient de paraître chez Lemerre ; je ne l’ai pas lu ; rien n’arrive ici ; mais plusieurs journaux en disent beaucoup de bien.
Au revoir, envoyez-moi une lettre de 25 pages — poste restante — et bien vite ! »
Arthur Rimbaud
La Nouvelle Revue Française
NRF, 1912
Tome VII, pp. 24-28
[Et la tigresse… Cf. le poème Dans la grotte]
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