Archives par mot-clé : crucifixion

LE PASTEUR DIVIN – Poème de LOPE DE VEGA – El Pastor divino

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Littérature espagnole
Literatura española
Poésie espagnole
Poesía española

BNE Biblioteca Nacional de España Biblitothèque Nationale d'Espagne Artgitato Madrid Lope de Vega
Lope de Vega, La Bibliothèque d’Espagne – Biblioteca de españa – Photo Jacky Lavauzelle

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TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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LOPE DE VEGA
Félix Lope de Vega y Carpio
Madrid 25 novembre 1562 – Madrid 27 août 1635

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Francisco de Zurbarán, Crucifixion, The Art Institute of Chicago

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Pastor, que con tus silbos amorosos
Pasteur, de tes sifflets amoureux
me despertaste del profundo sueño;
tu m’as réveillé du profond sommeil ;
tú, que hiciste cayado de este leño
toi, toi qui as fabriqué une cicatrice de ce bois
en que tiendes los brazos poderosos:
dans lequel se sont étirés tes bras puissants: …

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LA POÉSIE de LOPE DE VEGA
LA POESIA DE LOPE DE VEGA

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OTAR CHKHARTISHVILI – ოთარ ჩხარტიშვილი – LE PARCOURS DU COMBATTANT

 

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PEINTURES
ნავთობის ფერწერა
OTAR CHKHARTISHVILI – ოთარ ჩხარტიშვილი

*

OTAR CHKHARTISHVILI - ოთარ ჩხარტიშვილი PEINTRE GEORGIEN TBILISSI - ნარიყალა
Géorgie
საქართველო

PHOTO JACKY LAVAUZELLE

GEORGIE – DECOUVERTE DE LA GEORGIE – საქართველოს აღმოჩენა

Natela IANKOSHVILI - ნათელა იანქოშვილი PEINTRE GEORGIEN TBILISSI - ნარიყალა - GEORGIE TBILISSI - ნარიყალა

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ARTISTE GEORGIEN
ქართველი მხატვარი





OTAR CHKHARTISHVILI
ოთარ ჩხარტიშვილი
5 juillet 1938 Kobuleti – 2006
PEINTRE GEORGIEN
TBILISSI – ნარიყალა


LE PARCOURS DU COMBATTANT

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Otar Chkhartishvili est une figure influente de l’underground géorgien. Ses perceptions artistiques, ses techniques picturales et son utilisation expérimentale de matériaux en font un représentant exceptionnel de l’avant-garde. Il a travaillé dans une variété de formes d’art visuel incroyable : peinture, graphisme, collage, sculpture et peintures de genres : portrait, paysage, nature morte, peinture abstraite.
En 1951, Otar déménage à Makharadze (aujourd’hui Ozurgeti – ville dans l’ouest de la Géorgie)
En 1960, il entre à l’Académie des arts de l’État de Tbilissi
Le 12 avril 1961, avec des camarades étudiants, il organise pour la première fois une exposition et une vente non autorisées dédiées à la Journée des peintres, devant l’opéra de Tbilissi. Les autorités les menacent d’arrestation. Ils sont protégés et soutenus par les artistes géorgiens Lado Gudiashvili et Elene Akhvlediani. Ils sont tous interrogés et avertis de ne pas répéter des actions similaires…
Le réalisme socialiste règne en maître. Toute tendance artistique, à l’exception du réalisme social, était impitoyablement condamnée.
Après avoir obtenu son diplôme de l’Académie des arts de Tbilissi en 1966, il part à Makharadze pour travailler (sans salaire) en tant que décorateur de théâtre au théâtre d’art dramatique local. À partir de 1968, son activité créatrice se trouvait en pleine confrontation avec l’art et la politique officiels, car il ne voulait pas se conformer à la philosophie socialiste concoctée par les communistes. Ainsi, à partir de cette époque jusqu’en 1990, il a été qualifié de personnage antisoviétique.

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LE DERNIER SOUPER
THE LAST SUPPER
1983

Otar Chkhartishvili – Le dernier souper – 1983

Otar Chkhartishvili – Le dernier souper – 1983

Otar Chkhartishvili – Le dernier souper – 1983

  ასამბლაჟი
Assemblage
154×218

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

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მუსიკოსები
Musikosebi
LES MUSICIENS
MUSICIANS
1971

ასამბლაჟი
Assemblage
106×82

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

***

ობიექტი
Obiekti
OBJET
OBJECT
1991

Otar Chkhartishvili – Objet – 1991

Otar Chkhartishvili – Objet – 1991

Bois, plastique et métaux
Wood, plastic and metal details
47x30x28

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

***

 ციაფერი კომპოზიცია
Tsiaperi Kompozitsia
COMPOSITION BLEUE
LIGHT BLUE COMPOSITION
1975

Otar Chkhartishvili – Composition Bleue – 1975

 

კოლაჟი
Collage
80×60

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

 

***

 

რეპრესირებული ხელოვნება
rep’resirebuli khelovneba
ART REFOULE
REPRESSED ART
1977

Otar Chkhartishvili – Art Refoulé – 1977

Otar Chkhartishvili – Art Refoulé – 1977 – Détail

 ასამბლაჟი
Assemblage
90×53

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

***

მზე
Mze
LE SOLEIL
THE SUN
2005

Otar Chkhartishvili – Le soleil

 

 ასამბლაჟი
Assemblage
57,5×53

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

***

სკამი
Skami
CHAISE
CHAIR
2006

Otar Chkhartishvili – La Chaise – 2006

 

ტილო ზეთი
Tilo, Zeti
Huile sur toile
Oil on canvas
91×60

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

***

საქართველო
Sakartvelo
GEORGIE
GEORGIA
1980

Otar Chkhartishvili – Géorgie – Détail

Otar Chkhartishvili – Géorgie

 

ტილო ზეთი
Tilo, Zeti
Huile sur toile
Oil on canvas
154×168

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

***

FEMME SUR FOND DE VILLE
WOMAN AGAINST CITY BACKDROP
1972

ტილო ზეთი
Tilo, Zeti
Huile sur toile
Oil on canvas
91×60

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

***

ნუნუკა
NUNUKA
1973

ტილო ზეთი
Tilo, Zeti
Huile sur toile
Oil on canvas
50×41

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

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მეუღლია პორტრეტი
PORTRAIT DE FEMME
PORTRAIT OF WIFE
1975

ასამბლაჟი
Assemblage
135×64

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

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ველოსიპედი
Velosipedi
BICYCLETTE
BICYCLE
1976

Otar Chkhartishvili – bicyclette

Otar Chkhartishvili – bicyclette

 ასამბლაჟი
Assemblage
84×94

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

***

კომპოზიცია
Kompozitsia
COMPOSITION
1977

Otar Chkhartishvili – Composition – 1977

კოლაჟი
Collage
100×75

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

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ჯვარცმის
Jvartsmis
CRUCIFIXION
1986

Huile sur planche
Oil on Plank
43×37

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

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მზე და მთვარე
Mze da Mtvare
LE SOLEIL ET LA LUNE
THE SUN AND THE MOON

კოლაჟი
Collage
60,5×57

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

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ჩემი ეზო
Chemi Ezo
MA COUR
DIFFERENTES SAISONS
MY YARD
DIFFERENT SEASONS

 

Otar Chkhartishvili – Ma Cour

Otar Chkhartishvili – Ma Cour – Vision générale de l’Œuvre

Otar Chkhartishvili – Ma Cour

Otar Chkhartishvili – Ma Cour

Otar Chkhartishvili – Ma Cour

Otar Chkhartishvili – Ma Cour

Otar Chkhartishvili – Ma Cour

Otar Chkhartishvili – Ma Cour

Otar Chkhartishvili – Ma Cour

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სოხუმი
SOKHUMI

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VIDEO

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PEINTURES
ნავთობის ფერწერა
OTAR CHKHARTISHVILI – ოთარ ჩხარტიშვილი

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OTAR CHKHARTISHVILI - ოთარ ჩხარტიშვილი PEINTRE GEORGIEN TBILISSI - ნარიყალა
Géorgie
საქართველო

PHOTO JACKY LAVAUZELLE

GEORGIE – DECOUVERTE DE LA GEORGIE – საქართველოს აღმოჩენა

Natela IANKOSHVILI - ნათელა იანქოშვილი PEINTRE GEORGIEN TBILISSI - ნარიყალა - GEORGIE TBILISSI - ნარიყალა

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LE MAÎTRE OSCAR WILDE THE MASTER Poème en prose

LE MAÎTRE OSCAR WILDE
THE DISCIPLE




Traduction – Texte Bilingue

Traduction Jacky Lavauzelle

OSCAR WILDE
1854-1900

Photos Napoléon Sarony

 





Poem by Oscar Wilde
The Master
Poems in Prose

Poème d’Oscar Wilde
 LE MAÎTRE

Poème en Prose


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LE MAÎTRE OSCAR WILDE THE MASTER

 

Portrait de Joseph d’Arimathie
Le Pérugin
il Perugino

Now when the darkness came over the earth Joseph of Arimathea, having lighted a torch of pinewood, passed down from the hill into the valley.
Or, quand les ténèbres arrivèrent sur la terre, Joseph d’Arimathie, ayant allumé une torche de bois de pin, descendit de la colline dans la vallée.
For he had business in his own home.
Car il avait des affaires à régler dans sa propre maison.

*

And kneeling on the flint stones of the Valley of Desolation he saw a young man who was naked and weeping.
Et, agenouillé sur les pierres de silex de la Vallée de Désolation, il vit un jeune homme nu pleurant.
His hair was the colour of honey, and his body was as a white flower, but he had wounded his body with thorns and on his hair had he set ashes as a crown.
Ses cheveux étaient couleur du miel, et son corps comme une fleur blanche, mais il avait blessé son corps avec des épines et sur ses cheveux avait mis les cendres comme une couronne.

*

And he who had great possessions said to the young man who was naked and weeping,
Et celui qui avait de grandes possessions dit au jeune homme qui était nu et qui pleurait :
  `I do not wonder that your sorrow is so great, for surely He was a just man.’
« Je ne suis pas surpris que votre chagrin soit si grand, car Il était certainement un homme juste. »

*

And the young man answered,
Et le jeune homme répondit :
`It is not for Him that I am weeping, but for myself.
« Ce n’est pas pour lui que je pleure, mais pour moi.
I too have changed water into wine, and I have healed the leper and given sight to the blind.
Moi aussi, j’ai changé l’eau en vin, et j’ai guéri le lépreux et donné la vue aux aveugles.
I have walked upon the waters, and from the dwellers in the tombs I have cast out devils.
J’ai marché sur les eaux, et des habitants des tombes, j’ai chassé les démons. 
have fed the hungry in the desert where there was no food, and I have raised the dead from their narrow houses, and at my bidding, and before a great multitude of people, a barren fig-tree withered away.
J’ai nourri les affamés dans le désert où il n’y avait pas de nourriture, et j’ai ressuscité les morts de leurs maisons étroites, et à ma demande, et devant une grande multitude de gens, un figuier stérile a refleuri. 
IAll things that this man has done I have done also.
Tout ce que cet homme a fait, je l’ai fait aussi.
And yet they have not crucified me.’
Et pourtant ils ne m’ont pas crucifié. »

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 LE MAÎTRE OSCAR WILDE

BARABBAS de LAGERKVIST, LA SOLITUDE DE L’ÊTRE DANS LA RAISON

Pär LAGERKVIST
BARABBAS

Barabbas de Lagerkvist Artgitato

LE MALHEUR
DE L’ÂME

 DES YEUX AU-DEDANS
& LE GLISSEMENT DU MONDE

 Le visage de Barabbas se singularise

des autres parce que ses yeux ne disent rien, n’expriment rien, ne ‘parlent’ pas. Il ne parle pas comme ceux de l’apôtre Pierre le Galiléen, « la couleur bleue de ses yeux avait quelque chose de singulièrement naïf », ou comme ceux de Marie, « celle-ci s’arrêta et le regarda d’un air si plein de désespoir et de reproche qu’il ne pourrait jamais songé à l’oublier ». Ces yeux, à lui, sont à l’intérieur comme introspectifs. Ils sont plongés dans son être. Il ne regarde pas comme les autres. Personne ne sait donc ce qu’il pense, ce qu’il ressent. « De ses yeux, si enfoncés qu’on n’arrivait pas bien à les voir… Les yeux d’un autre auraient avec ravissement reflété tout cela. Mais ceux de Barabbas ne reflétaient rien, peut-être étaient-ils trop enfoncés. Ce qu’ils voyaient glissait devant eux comme ne le concernant pas. Non, il ne s’intéressait plus à ce monde. Il lui était devenu indifférent. Du moins le croyait-il. »

LA CICATRICE ROUGE SANG

En fait, le visage de Barabbas n’exprimerait rien s’il n’avait une cicatrice béante et rouge faite par son père. Elle parle, elle, par l’intensité du rouge et par l’ouverture qui l’accompagne et laisse apparaître cette chair à vif. Elle parle de son origine, de son malheur. Barabbas est tout entier dans cette faille, dans ce manque. Elle parle de lui. Elle se substitue à lui. Il n’est plus quand ce trou, aspiré : « La cicatrice du coup de couteau que cet Eliahu lui avait donné était la seule tache colorée dans son visage pâle aux joues creuses… Après avoir été longtemps décoloré, la cicatrice au-dessous de l’œil creusait de nouveau dans la barbe grise un sillon rouge sang… La cicatrice devenue rouge sang et le regard tremblant comme une flèche au fond de ses yeux cachés et sauvages… Son visage était inerte et n’exprimait rien, mais la cicatrice sous l’œil était devenue plus rouge. »

SORTIR DE SOI

D’où cette difficulté à communiquer, de rentrer en contact. Barabbas n’arrive jamais à s’extérioriser qu’autrement par la violence ou la haine. Il n’arrive pas à sortir de lui-même, à projeter hors de lui ces états de conscience. C’est la pénétration de ce monde en nous qui nous construit, qui manque, notamment, à Barabbas. Il n’arrivera jamais à intérioriser ce regard cognitif.

Barabbas n’est pas une bête, un ignare, un assassin sanguinaire. Il a certaines qualités, « son courage, son esprit inventif », il est « apte à commander ; il n’était guère apte à autre chose. » Mais surtout, au-delà de ces ‘compétences’, et avant tout, il est un homme de recherche, en quête.

LE DOUTE EN PREMIER LIEU

Il court derrière le Christ pour voir, il attend la résurrection. Il cherche à comprendre auprès de Pierre, auprès des apôtres et des chrétiens. Il voudrait intégrer cette nouvelle communauté, qui le rejette. On le rejette parce qu’on ne le comprend pas, parce qu’il a vu de ses yeux le Fils de l’Homme, le Fils de Dieu, parce qu’il a vu la fragilité, parce qu’il se pose beaucoup trop de questions, parce qu’il n’adhère pas aux miracles qu’il a partiellement vus et qu’il ne comprend pas. Il est l’homme du questionnement permanent : «néanmoins il les recherchait », « Comment est-ce ? », « Qu’est-ce que c’est que ce lieu par lequel tu as passé ? », « Crois-tu que le fils de Dieu descende sur la terre ? » Barabbas, se pose la question fondamentale et première, que tout métaphysicien, que tout penseur, que tout homme, se pose : «  Pourquoi donc y a-t-il de l’étant et non pas rien. Telle est la question. Et il y a lieu de croire que ce n’est pas une question arbitraire. Telle est manifestement la première de toutes les questions. » (Heidegger, Introduction à la métaphysique, I).

« QUELS SONT LES FOUS QUI CROIENT A CA ? »

Dans son questionnement, Barabbas se révèle dans son humanité pleine et entière. Il ne lui manque que la foi. La raison, dans ces balbutiements, ne l’aidera pas. Il sera seul, désespérément. Son questionnement s’atténuera au fil du temps. Devant l’incompréhension de tous, il se mettra en mode veille dans la mine et ressortira en mode haine ou soumission dès sa sortie. Il n’est pas l’athée qui nie la vérité de Dieu, il ne comprend pas la globalité de ce qui irradie les croyants, car il y a de la folie dans cette foi : « Quels sont les fous qui croient à ça ? »

Né seul au monde

Il est donc seul, totalement en-dehors des groupes et des hommes. Seul, d’abord comme orphelin, sans père, Eliahu qu’il tuera sans savoir qu’il était son père, et sans mère, qui mourra en enfantant Barabbas, « Personne ne savait à qui appartenait l’enfant, et la mère n’aurait pas pu le dire elle-même, mais elle l’avait maudit dans ses entrailles et l’avait mis au monde en haïssant le ciel et la terre, ainsi que le Créateur du ciel et de la terre. » Il est de cette solitude qui forge une vie, un caractère. Il a forgé son indépendance, mais celle-ci a virée à la solitude extrême. Barabbas est seul au monde.

QUI NE S’ATTACHE A PERSONNE ET A RIEN

Il ne s’attache à personne : « Il y avait cela de bien chez Barabbas que s’il ne tenait pas à vous, il ne tenait pas non plus à une autre, on pouvait en être sûre. Il ne tenait à personne. Il avait toujours était comme ça… Que lui importait l’opinion des autres ? Il n’y avait jamais attaché d’importance… La seule pensée de se lier aux autres de cette façon le heurtait. Il ne voulait qu’être lui-même et voilà tout…Et brusquement Sahak comprenait qu’en somme il ne savait rien de Barabbas, absolument rien, bien qu’il fût enchaîné à lui. Quelquefois il avait l’impression que l’homme bizarre à son côté lui était à certains points complétement étranger…Si quelqu’un ne semblait pas destiné à être accouplé avec un autre, c’était bien Barabbas… Quand il se réveilla et à tâtons chercha la chaîne par terre, elle n’y était point, non plus que l’esclave. Il n’était donc lié à personne. Personne dans le monde entier. »

ET SANS PERSONNE AVEC LUI

Mais personne ne s’attache à lui : « Barabbas, regagnant la ville dans la nuit par la Via Appia, se sentit très seul. Non parce que personne ne marchait à côté de lui, que personne ne venait à sa rencontre, mais parce qu’il était seul dans la nuit infinie qui couvrait toute la terre, seul, parmi les vivants et les morts. Il l’avait toujours été, mais il ne s’en était jamais rendu compte comme en ce moment. Il allait comme enfoui dans la nuit, son vieux visage solitaire marqué de la cicatrice que li avait infligé son père… Oui, il était seul au ciel et sur la terre. »

SEUL JUSQU’AU DERNIER SOUFFLE

Il sera seul, totalement seul, jusqu’à son dernier jour, le jour de sa crucifixion, à Rome : « Barabbas resta de nouveau seul. Tous les jours de son emprisonnement il fut seul, à l’écart, séparé d’eux…Et il se trouva qu’il était tout seul au bout de la rangée des croix…Avec Barabbas personne ne parlait…Seul Barabbas vivait encore… il dit dans les ténèbres, comme s’il s’adressait à la nuit : à toi je remets mon âme. »

Sans les hommes, il est aussi sans dieux : « Nous n’avons pas le droit de condamner un homme parce qu’il n’a pas de dieu…Je n’ai pas de dieu, répondit enfin Barabbas. »»

BARABBAS, LE MESSIE ?

Pourtant, dans son effort pour comprendre, dans son questionnement, il cherche à bien faire. Il reste logique, mais les autres refuse la logique et la raison. Comment le Fils de Dieu avec une telle puissance ne peut-il pas régler les problèmes d’ici-bas d’un coup de baguettes magiques ; est-il donc réellement ce Messie tant attendu : « Le Messie ? Non, il ne l’était pas…Il serait descendu de la croix et les aurait tous abattus d’un seul coup. »  On lui annonce la prochaine époque où le Fils de l’Homme régnera sur terre, une nouvelle ère ; il faut donc aider les chrétiens à tout nettoyer, à aider ce Messie : « Barabbas avait mis le feu à Rome : il avait voulu les aider et aider leur Sauveur à consumer ce monde. »

Et si Barabbas était le Messie, l’Elu de Dieu. L’opération aurait pu se passer, sans douleurs. « Lui, Barabbas, était en réalité plus proche de cet homme que n’importe qui, il faisait corps avec le « Maître » d’une toute autre manière. Bien que repoussé par eux ! Il était l’élu, pouvait-on dire- il n’avait pas eu à souffrir ; il avait échappé aux tourments ! Il était le véritable élu, celui qui avait été relâché à la place du fils de Dieu, parce que le fils de Dieu le désirait, l’avait ordonné ! Et les autres n’en avaient pas le moindre soupçon ! …L’esprit d’un autre ! De celui qui avait vraiment crucifié ! Pensez donc, si ce « sauveur », au moment de rendre l’esprit, l’avait insufflé en Barabbas, pour ne pas mourir et pour se venger de l’injustice dont il avait été victime. »

UN MESSIE ASSOIFFE DE VENGEANCE

Mais un Messie vengeur, œil pour œil et dent pour dent. « Barabbas s’approcha d’un demi pas, souleva un peu son manteau et porta au vieillard un coup de couteau qui dénotait une grande expérience…Lui, Barabbas, avait du moins tué celui qui avait jeté la première pierre. Evidemment cela ne servait à rien. Cela n’avait aucun sens. La pierre était lancée et l’avait atteinte. Mais en tout cas il avait abattu cet homme. »

Vengeur avec une pointe de haine, tout au fond de l’œil. « Non, Barabbas n’aimait pas le crucifié. Il le haïssait. C’était lui qui avait tué cette femme. Lui qui avait exigé son sacrifice et avait à ce qu’elle  veillé ne pût y échapper…Il avait ensuite insulté leurs cadavres et s’était conduit d’une façon si anormale que ses compagnons, trouvant qu’il allait trop loin, s’étaient écartés de lui…La profanation dont ils étaient témoins leur causait un certain effroi…Barabbas lui jeta un coup d’œil rapide et le Romain s’aperçut que cet homme avait vraiment un regard, mais un regard inoffensif. La haine y vibrait comme la pointe d’une flèche qui ne serait jamais tirée. »

QUEL HOMME POUR JUGER BARABBAS ?

Pourtant, les chrétiens auraient dû l’aimer. L’aimer pour cette fragilité d’homme. Quelques yeux bienveillants se sont penchés sur lui. La femme au bec-de-lièvre, Sahac, l’’ami’ enchaîné dans la mine. L’aimer ou comprendre son importance dans la destinée du Christ. Le vieillard chrétien, qui attend sa crucifixion, dans la prison, accepte cette dimension, et sa faille : « c’est un homme malheureux, que nous n’avons pas le droit de juger. Nous sommes tous pleins de défauts, et ce n’est pas à cause de notre mérite que le Seigneur a eu pitié de nous. »

Barabbas n’est pas responsable du choix de la crucifixion de Jésus, mais la foule, qui l’a abandonné : « la foule entière hurla d’une seule voix ; « supprime-le ! Relâche-nous Barabbas. Pilate désireux de relâcher Jésus, voulut leur parler encore ; mais ils couvrirent sa voix par ces cris : «  Crucifie-le ! Crucifie-le ! » » (L’Evangile selon Luc, 23) ; ceux qui voulurent le lapider.  Ces hommes qui en crucifiant Jésus rejette ensuite la faute sur Barabbas. Barabbas dont la faute est d’avoir ouvert la porte des brebis sans y trouver de pâture. (Jean, 10)

Jacky Lavauzelle

(traduction de Marguerite Gay & Gerd de Mautort – Ed Rombaldi)