LOPE DE VEGA Félix Lope de Vega y Carpio Madrid 25 novembre 1562 – Madrid 27 août 1635
Boscán, tarde llegamos. ¿Hay posada? LA MALÉDICTION DE BABEL
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-Boscán, tarde llegamos. ¿Hay posada? – Boscán*, nous arrivons en retard. Y a-t-il encore une place ? -Llamad desde la posta, Garcilaso. – Appelez l’aubergiste, Garcilaso. -¿Quién es? -Dos caballeros del Parnaso. – Qui est-ce ? – Deux messieurs du Parnasse ! -No hay donde nocturnar palestra armada. – Il n’y a pas de palais nocturne ici pour festoyer ! …
« E se tu tantas almas só pudeste « Et si toi seul tant d’âmes ta conduite Mandar ao Reino escuro de Cocito, Pu envoyer dans le sombre Royaume de Cocyte, Quando a santa Cidade desfizeste Quand la sainte Ville fut détruite Do povo pertinaz no antigo rito: Du peuple attaché à l’antique rite : Permissão e vingança foi celeste, La permission et la vengeance vinrent des nues, E não força de braço, ó nobre Tito, Et non de la force de ton bras, ô noble Titus, Que assim dos Vates foi profetizado, C’est ce que les Prophètes avait annoncé , E depois por Jesu certificado. Et Jésus ensuite avait confirmé.
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LES LUSIADES CHANT 3
*** ALPHONSE XI DE CASTILLE (13 août 1311 Salamanque – 26 mars 1350 Gibraltar) Le Justicier – El Justiciero
Alphonse XI de Castille Alfonso XI Peinture de Francisco Cerdá de Villarestan Musée du Prado – Madrid
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Marie-Constance de Portugal Femme d’Alphonse XI de Castille (1328)
Fille d’Alphonse IV du Portugal et de Béatrice de Castille
(1313 – 1357)
Alphonse XI préférait sa maîtresse Leonor de Guzmán à Marie-Constance (celle-ci assassina Leonor à la mort d’Alphonse XI)
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Alphonse IV Le Brave ( Lisbonne – ) Roi de Portugal et de l’Algarve par la grâce de dieu
Alphonse IV Alfonso IV Peinture du XVIIIe siècle
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LES LUSIADES CHANT 3
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Précisions historiques
et
Retour sur les versets précédents
Sonnet 1 à Sonnet 94 : la naissance du Portugal – Règnes d’Alphonse I, Sanche I, Alponse II et Sanche II. Le sonnet 94 évoque la passation de pouvoir de Sanche II à Alphonse III en 1247, un an avant la mort de Sanche II. Sonnet 94 : nous partons pour les 32 années de règne d’Alphonse III qui nous conduirons jusqu’en 1279, date du nouveau règne de Denis Ier.
Sonnet 95 : Camoes évoque les prises guerrières d’Alphonse III en Algarve sur les Maures.
Sonnet 96 : le règne de Denis Ier- Second fils d’Alphonse III. Son règne s’étalera de 1279 à sa mort, le 7 janvier 1325. Il nomme déjà son successeur Alphonse IV Le Brave qui règnera 32 ans de 1325 à 1357. Denis Ier va pacifier son pays – Poète et troubadour, il laissera de nombreux cantigas : cantigas de amor, cantigas de amigo, cantigas de escarnio y maldecir.
Sonnet 97 : création de l’Université de Coimbra sur les bords du Mondego -A Leiria, Denis Ier signera le Scientiae thesaurus mirabilis. L’université de Coimbra est créée en 1290.
Sonnet 98 : Denis Ier reconstruit et renforce son pays. Atropos, une des trois Moires, coupe son fil de vie en 1325. (les 3 Moires : Clotho, celle qui tisse le fil de la vie, Lachésis, celle qui déroule et qui répare le fil et la dernière Atropos, celle qui coupe). Voici venu le règne d’Alphonse IV.
Les Moires
Francisco de Goya 1820-1823 Musée du Prado – Madrid
Sonnet 99 : la traditionnelle opposition entre les Castillans et les Lusitaniens. Mais celle-ci n’empêche pas la solidarité et l’entraide, notamment lors de l’invasion Mauritanienne en terre Castillane.
Sonnet 100 : Les troupes d’invasion sont énormes. Camoes évoque la reine légendaire de Babylone, Sémiramis, celle qui créa Babylone et ses fameux jardins suspendus. L’Hydapse décrit est l’actuel Jhelum (Inde & Pakistan). Les Sarrasins se rassemblent dans le Tartèse (Andalousie).
Sonnet 101 : Alphonse XI de Castille est dépassé par l’armée imposante de l’ennemi sarrasin. Il envoie Marie-Constance, sa femme, pour avoir le soutien d’Alphonse IV du Portugal, qui n’est autre que sa propre fille (que celui-ci a eu avec Béatrice de Castille). Ce n’était pas tout à fait « a caríssima consorte » d’Alphonse XI puisqu’il lui préférait sa maîtresse, Leonor de Guzmán.
Sonnet 102 : Arrivée de la belle Marie-Constance en sanglots devant son père Alphonse IV.
Sonnet 103 : Un rassemblement gigantesque d’armées venues d’Afrique sont derrière le grand Roi du Maroc.
Sonnets 104 & 105 : La supplique de Marie-Constance à son père Alphonse IV. S’il ne vient pas à l’aide d’Alphonse XI de Castille, Marie aura tout perdu.
Sonnet 106 : Camoes compare la demande de Marie à celle de Vénus pour Énée devant Jupiter.
Sonnet 107 : Alphonse IV accepte et regroupe ses forces dans les plaines d’Évora.
Sonnet 108 : Alphonse IV à la tête des troupes lusitaniennes pénètre en Castille avec sa fille Marie-Constance.
Sonnet 109 : 1340 La bataille de Tarifa (Province de Cadix) ou bataille du Salado (30 octobre 1340) se prépare entre les deux Alphonse (IV du Portugal et XI de Castille) face aux armées menées par Abu al-Hasan ben Uthman et Yusuf Ier de Grenade.
Sonnet 110 : Camoes évoque les troupes agaréenne (des descendants d’Agar). Agar, servante d’Abraham donne naissance à Ismaël considéré comme Prophète par les musulmans (Cf. la Sourate Ibrahim). Camoes fait un rapprochement audacieux et fallacieux entre les termes Sarrasins et Sarah. On retrouve couramment cette méprise, par exemple chez Isidore de Séville (VIe et VIIe siècle, Étymologies, IX,2,57.
Sonnet 111 : Comparaison avec David et Goliath. La foi supérieure à la force.
Sonnet 112 : Avec l’aide de Dieu, les Castillans et les Portugais sont prêts à affronter les armées du Roi du Maroc (Abu al-Hasan ben Uthman) et du Souverain de Grenade (Yusuf Ier de Grenade).
Sonnet 113 : Au cœur du combat. 30 octobre 1340, bataille de Tarifa.
Sonnet 114 et Sonnet 115 : Défaite du Río Salado : Alphonse IV bat les armées de Grenade de Yusuf Ier et part ensuite aider son beau-père Alphonse XI de Castille qui lutte encore contre les Mauritaniens et les troupes de Abu al-Hasan ben Uthman.
Sonnet 116 : Camoes fait référence à deux batailles célèbres pour les comparer à la bataille de Salado : la première, la bataille de Verceil où les Romains, menés par le général Marius (157 av. J.-C.- 86 av. J.-C.) écrasèrent les Cimbres, originaire du Jutland, le
30 juillet de l’an 101 av. J.-C., et la Bataille de Cannes (en Italie, Cannæ en Apulie), une des grandes batailles de la deuxième guerre punique où Hannibal Barca et les Carthaginois démantelèrent les troupes de la République Romaine le 2 août 216 av. J.-C. menés par consuls Caius Terentius Varro et Lucius Æmilius Paullus.
Sonnet 117 : Bataille de Salado Seul Titus a tué autant d’âmes. Titus en 70 détruira Jérusalem et incendiera le Temple d’Hérode. Référence à Daniel IX – 26 [26 Et après soixante et deux semaines le Christ sera mis à mort ; et le peuple qui le doit renier ne sera point son peuple. Un peuple avec son chef qui doit venir détruira la ville et le sanctuaire ; elle finira par une ruine entière, et la désolation qui lui a été prédite arrivera après la fin de la guerre. – La Sainte Bible traduite par Lemaistre de Sacy] Le Cocyte : fleuve des Enfers, affluent de l’Achéron ou du Styx.
La Bataille de Verceil (Vercelli) Combat des Cimbres ( originaire du Jutland) et les Romains (mené par Marius (157 av. J.-C.- 86 av. J.-C.) 30 juillet de l’an 101 av. J.-C..
Tableau de Giovanni Battista Tiepolo (1725–1729)
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« Não matou a quarta parte o forte Mário « Le puissant Marius à Verceil ne tua pas un quart Dos que morreram neste vencimento, De ceux qui moururent ici de toutes parts, Quando as águas co’o sangue do adversário Quand dans les eaux par l’adversaire ensanglantés, Fez beber ao exército sedento; Il fit boire son armée assoiffée ; Nem o Peno asperíssimo contrário Ni le rugueux Carthaginois dans sa haine Do Romano poder, de nascimento, De toujours contre la puissance Romaine, Quando tantos matou da ilustro Roma, Quand il massacra tant de soldats de l’illustre Rome, Que alqueires três de anéis dos mortos toma. Que trois boisseaux ne pouvaient contenir les anneaux des morts.
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LES LUSIADES CHANT 3
*** ALPHONSE XI DE CASTILLE (13 août 1311 Salamanque – 26 mars 1350 Gibraltar) Le Justicier – El Justiciero
Alphonse XI de Castille Alfonso XI Peinture de Francisco Cerdá de Villarestan Musée du Prado – Madrid
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Marie-Constance de Portugal Femme d’Alphonse XI de Castille (1328)
Fille d’Alphonse IV du Portugal et de Béatrice de Castille
(1313 – 1357)
Alphonse XI préférait sa maîtresse Leonor de Guzmán à Marie-Constance (celle-ci assassina Leonor à la mort d’Alphonse XI)
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Alphonse IV Le Brave ( Lisbonne – ) Roi de Portugal et de l’Algarve par la grâce de dieu
Alphonse IV Alfonso IV Peinture du XVIIIe siècle
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LES LUSIADES CHANT 3
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Précisions historiques
et
Retour sur les versets précédents
Sonnet 1 à Sonnet 94 : la naissance du Portugal – Règnes d’Alphonse I, Sanche I, Alponse II et Sanche II. Le sonnet 94 évoque la passation de pouvoir de Sanche II à Alphonse III en 1247, un an avant la mort de Sanche II. Sonnet 94 : nous partons pour les 32 années de règne d’Alphonse III qui nous conduirons jusqu’en 1279, date du nouveau règne de Denis Ier.
Sonnet 95 : Camoes évoque les prises guerrières d’Alphonse III en Algarve sur les Maures.
Sonnet 96 : le règne de Denis Ier- Second fils d’Alphonse III. Son règne s’étalera de 1279 à sa mort, le 7 janvier 1325. Il nomme déjà son successeur Alphonse IV Le Brave qui règnera 32 ans de 1325 à 1357. Denis Ier va pacifier son pays – Poète et troubadour, il laissera de nombreux cantigas : cantigas de amor, cantigas de amigo, cantigas de escarnio y maldecir.
Sonnet 97 : création de l’Université de Coimbra sur les bords du Mondego -A Leiria, Denis Ier signera le Scientiae thesaurus mirabilis. L’université de Coimbra est créée en 1290.
Sonnet 98 : Denis Ier reconstruit et renforce son pays. Atropos, une des trois Moires, coupe son fil de vie en 1325. (les 3 Moires : Clotho, celle qui tisse le fil de la vie, Lachésis, celle qui déroule et qui répare le fil et la dernière Atropos, celle qui coupe). Voici venu le règne d’Alphonse IV.
Les Moires
Francisco de Goya 1820-1823 Musée du Prado – Madrid
Sonnet 99 : la traditionnelle opposition entre les Castillans et les Lusitaniens. Mais celle-ci n’empêche pas la solidarité et l’entraide, notamment lors de l’invasion Mauritanienne en terre Castillane.
Sonnet 100 : Les troupes d’invasion sont énormes. Camoes évoque la reine légendaire de Babylone, Sémiramis, celle qui créa Babylone et ses fameux jardins suspendus. L’Hydapse décrit est l’actuel Jhelum (Inde & Pakistan). Les Sarrasins se rassemblent dans le Tartèse (Andalousie).
Sonnet 101 : Alphonse XI de Castille est dépassé par l’armée imposante de l’ennemi sarrasin. Il envoie Marie-Constance, sa femme, pour avoir le soutien d’Alphonse IV du Portugal, qui n’est autre que sa propre fille (que celui-ci a eu avec Béatrice de Castille). Ce n’était pas tout à fait « a caríssima consorte » d’Alphonse XI puisqu’il lui préférait sa maîtresse, Leonor de Guzmán.
Sonnet 102 : Arrivée de la belle Marie-Constance en sanglots devant son père Alphonse IV.
Sonnet 103 : Un rassemblement gigantesque d’armées venues d’Afrique sont derrière le grand Roi du Maroc.
Sonnets 104 & 105 : La supplique de Marie-Constance à son père Alphonse IV. S’il ne vient pas à l’aide d’Alphonse XI de Castille, Marie aura tout perdu.
Sonnet 106 : Camoes compare la demande de Marie à celle de Vénus pour Énée devant Jupiter.
Sonnet 107 : Alphonse IV accepte et regroupe ses forces dans les plaines d’Évora.
Sonnet 108 : Alphonse IV à la tête des troupes lusitaniennes pénètre en Castille avec sa fille Marie-Constance.
Sonnet 109 : 1340 La bataille de Tarifa (Province de Cadix) ou bataille du Salado (30 octobre 1340) se prépare entre les deux Alphonse (IV du Portugal et XI de Castille) face aux armées menées par Abu al-Hasan ben Uthman et Yusuf Ier de Grenade.
Sonnet 110 : Camoes évoque les troupes agaréenne (des descendants d’Agar). Agar, servante d’Abraham donne naissance à Ismaël considéré comme Prophète par les musulmans (Cf. la Sourate Ibrahim). Camoes fait un rapprochement audacieux et fallacieux entre les termes Sarrasins et Sarah. On retrouve couramment cette méprise, par exemple chez Isidore de Séville (VIe et VIIe siècle, Étymologies, IX,2,57.
Sonnet 111 : Comparaison avec David et Goliath. La foi supérieure à la force.
Sonnet 112 : Avec l’aide de Dieu, les Castillans et les Portugais sont prêts à affronter les armées du Roi du Maroc (Abu al-Hasan ben Uthman) et du Souverain de Grenade (Yusuf Ier de Grenade).
Sonnet 113 : Au cœur du combat. 30 octobre 1340, bataille de Tarifa.
Sonnet 114 et Sonnet 115 : Défaite du Río Salado : Alphonse IV bat les armées de Grenade de Yusuf Ier et part ensuite aider son beau-père Alphonse XI de Castille qui lutte encore contre les Mauritaniens et les troupes de Abu al-Hasan ben Uthman.
Sonnet 116 : Camoes fait référence à deux batailles célèbres pour les comparer à la bataille de Salado : la première, la bataille de Verceil où les Romains, menés par le général Marius (157 av. J.-C.- 86 av. J.-C.) écrasèrent les Cimbres, originaire du Jutland, le
30 juillet de l’an 101 av. J.-C., et la Bataille de Cannes (en Italie, Cannæ en Apulie), une des grandes batailles de la deuxième guerre punique où Hannibal Barca et les Carthaginois démantelèrent les troupes de la République Romaine le 2 août 216 av. J.-C. menés par consuls Caius Terentius Varro et Lucius Æmilius Paullus.
« Com esforço tamanho estrui e mata « Avec force, les Lusitaniens déciment O Luso ao Granadil, que, em pouco espaço, Ceux de Grenade, qui, en peu de temps,…
« Eis as lanças e espadas retiniam « Voici que les lances et les épées se heurtent Por cima dos arneses: bravo estrago! Au-dessus des harnais : dégâts magistraux !…
OS LUSIADAS III LA BATAILLE DE TARIFA LUIS DE CAMOES LES LUSIADES
« Desta arte o Mouro pérfido despreza « De cette façon, le perfide Maure méprise O poder dos Cristãos, e não entende Le pouvoir des Chrétiens, sans savoir qu’ils sont sous l’emprise…
« Estão de Agar os netos quase rindo « Ceux qui descendent d’Agar se moquent Do poder dos Cristãos fraco e pequeno, Des faibles et chétives forces des Chrétiens,…
Riches I hold in light esteem, Les richesses, je les estime peu, And Love I laugh to scorn;
Et l’amour, je le méprise ; And lust of fame was but a dream,
Et la luxure de la gloire : un rêve, That vanished with the morn:
Disparu au petit matin :
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And if I pray, the only prayer Et si je prie, la seule prière That moves my lips for me
Qui meut mes lèvres Is, « Leave the heart that now I bear,
Est : « Laisse désormais le cœur que je porte, And give me liberty! » Et donne-moi la liberté! »
*
Yes, as my swift days near their goal: Oui, alors que mes derniers jours arrivent : ‘Tis all that I implore;
C’est tout ce que je demande ; In life and death a chainless soul,
Dans la vie et dans la mort, une âme sans chaînes, With courage to endure.
Avec le courage de supporter.
*
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SUPPLEMENT
LES SOEURS BRONTË
VERS 1841
En 1841, Charlotte quitta de nouveau Haworth pour une position de gouvernante. Cette fois elle tomba dans une maison hospitalière et chez des maîtres bienveillants, mais elle s’aperçut bientôt que ce métier n’était décidément pas fait pour elle. La société des enfants ne convient pas aux personnes tristes et éprouvées par la douleur. Sa timidité lui créait une foule de petits obstacles. « Je ne sais comment faire pour réprimer la familiarité bruyante des enfans. J’éprouve une difficulté extrême à demander aux domestiques ou à ma maîtresse les choses qui me sont nécessaires, quelque besoin que j’en aie. J’ai moins de peine à supporter les plus grands embarras qu’à descendre à la cuisine pour prier qu’on m’en délivre. Je suis une folle, mais Dieu sait que je ne puis faire autrement. » Charlotte d’ailleurs à cette date avait l’esprit bien loin des occupations vulgaires auxquelles elle était assujettie. Dans sa tête commençaient à bouillonner confusément une foule de personnages, de paysages, d’aventures, qui cherchaient à se dégager de leurs limbes, et imploraient Charlotte de les faire venir au jour. Charlotte n’avait pas un instant à donner à l’imagination, qui devenait de plus en plus impérieuse. En outre, elle réfléchit que ce métier de gouvernante, avec des gages de 16 liv. (400 fr.) par an, n’était pas un avenir. Elle reprit le projet, déjà abandonné une fois, de tenir un pensionnat, Celui de miss Wooler était à vendre. Il lui avait été offert ; mais deux difficultés l’arrêtaient : il lui fallait un petit capital et deux années de travaux préparatoires dans l’étude du français et de l’allemand. Elle décida sa tante à risquer une petite somme qui devait être partagée entre les premiers frais d’établissement et les frais d’éducation supplémentaire qui lui était devenue indispensable. La tante consentit : Charlotte et Emilie partirent pour le continent et débarquèrent à Bruxelles, dans le pensionnat de M. Héger, où elles devaient compléter leur éducation.
Les deux sœurs transportèrent avec elles sur le continent les aiguillons de souffrance qui les avaient blessées sans relâche, et sentirent plus vivement leurs piqûres au milieu d’un monde étranger. Leur timidité était telle qu’une dame anglaise, qui les invitait de temps à autre à venir chez elle, cessa de le faire, parce qu’elle s’aperçut que ces invitations leur causaient plus de peine que de plaisir. Emilie prononçait à peine quelques monosyllabes : quant à Charlotte, elle causait quelquefois éloquemment, lorsqu’elle était en veine de sociabilité ; mais avant de se décider, elle avait l’habitude de se détourner sur sa chaise de manière à cacher son visage à son interlocuteur. Toutes les gaucheries de la solitude étaient désormais inséparables de leur personne. Les deux sœurs vécurent à peu près exclusivement dans la société l’une de l’autre ; elles avaient à Bruxelles deux amies d’enfance, l’une d’elles mourut bientôt. Ces deux écolières, dont l’une avait vingt-six ans et l’autre vingt, n’avaient dans leur exil qu’une pensée : apprendre bien vite ce qu’il leur était nécessaire de savoir et quitter ce monde maudit. Le continent leur faisait horreur. Tout autour d’elles était si différent de leur manière de vivre et de sentir. Elles flairaient des corruptions qui leur étaient inconnues. Jamais Scythe ou Germain antique n’a été plus scandalisé de la corruption de la Grèce et de Rome que ces deux petites sauvages du Yorkshire ne le furent des mœurs et du culte qu’elles avaient sous les yeux. Les impressions de Charlotte sont loin d’être favorables au continent en général, au peuple belge et à la religion catholique en particulier ; mais elles sont curieuses, et nous en transcrivons quelques-unes en lui en laissant toute la responsabilité.
« Si l’on doit juger du caractère national des Belges par le caractère de la plupart des jeunes filles de l’école, c’est un caractère singulièrement froid, égoïste, bête et inférieur. Elles sont très indociles, et donnent beaucoup de peine à leurs maîtresses. Leurs principes sont pourris au cœur. Nous les évitons, ce qui n’est pas difficile, car nous avons sur notre front la marque réprouvée du protestantisme et de l’anglicisme. On parle du danger auquel les protestants s’exposent en allant vivre dans les pays catholiques, où ils courent risque de perdre leur foi. Le conseil que je donnerai à tous les protestants assez assotés pour se faire catholiques est d’aller sur le continent, d’assister soigneusement à la messe pendant quelque temps, d’en bien noter les momeries, ainsi que l’aspect idiot et mercenaire de tous les prêtres, et puis, s’ils sont disposés à voir autre chose dans le papisme qu’un système de pauvres mensonges bien puérils, qu’ils se fassent papistes, et grand bien leur en advienne ! Je considère le méthodisme, le quakerisme et les opinions extrêmes de la haute et de la basse église comme des folies, mais le catholicisme romain surpasse tout cela. En même temps permettez-moi de vous dire qu’il y a quelques catholiques qui sont aussi religieux que peuvent l’être des chrétiens pour qui la Bible est un livre scellé, et qui valent mieux que beaucoup de protestants. »
Émile Montégut
critique français (1825 – 1895)
Miss Brontë, sa Vie et ses Œuvres
I. — La Vie anglaise, la Famille et la Jeunesse de Miss Brontë
Revue des Deux Mondes
2e, tome 10, 1857