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Eating and Drinking Khalil GIBRAN – Manger & Boire

eating-and-drinking-khalil-gibran-artgitato-le-dejeuner-dhuitres-jean-francois-de-troy-1735-musee-conde-chantillyEating and Drinking – Manger & Boire- Le Prophète VI
The Prophet KHALIL GIBRAN
Littérature Libanaise
Lebanese literature
le-prophete-khalil-gibran-fred-holland-day-1898Photographie de Fred Holland Day
1898





جبران خليل جبران
Gibran Khalil Gibran
1883–1931
le-prophete-khalil-gibran-the-prophete-n

 

THE PROPHET VI
Eating and Drinking
Manger & Boire 

1923




The Prophet
Eating and Drinking
Khalil Gibran
Le Prophète VI
Manger & Boire

Traduction Jacky Lavauzelle

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eating-and-drinking-khalil-gibran-artgitato-le-dejeuner-dhuitres-jean-francois-de-troy-1735-musee-conde-chantilly

Le Déjeuner d’huîtres Jean-François de Troy 1735 Musée Condé Chantilly

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Then an old man, a keeper of an inn, said, « Speak to us of Eating and Drinking. »
Puis un vieil homme, le gardien d’une auberge, dit : «Parle-nous du manger et du boire.« 

And he said:
Et il dit :

Would that you could live on the fragrance of the earth, and like an air plant be sustained by the light.
Vivez du parfum de la terre, et comme une plante être inondé par la lumière.

But since you must kill to eat, and rob the young of its mother’s milk to quench your thirst, let it then be an act of worship,
Mais puisque vous devez tuer pour manger, et voler pour les jeunes le lait de sa mère pour étancher votre soif, que cela devienne alors un acte d’adoration,

And let your board stand an altar on which the pure and the innocent of forest and plain are sacrificed for that which is purer and still more innocent in many.
Et considérez votre table comme un autel sur lequel le pur et l’innocent de la forêt et de la plaine sont sacrifiés pour ce qui est plus pur et encore plus innocent chez de nombreux hommes.

When you kill a beast say to him in your heart,
Lorsque vous tuez une bête, en votre cœur dites-lui :

« By the same power that slays you, I too am slain; and I too shall be consumed.
«Par la même puissance que te tue, moi aussi je suis tué, et je serai aussi consommé.

For the law that delivered you into my hand shall deliver me into a mightier hand.
La loi que t’a livré dans ma main me livrera dans une main plus puissante.

Your blood and my blood is naught but the sap that feeds the tree of heaven. »
 Ton sang et mon sang ne sont rien d’autres que cette sève qui nourrit l’arbre des cieux ».

And when you crush an apple with your teeth, say to it in your heart,
Et quand vous mangez une pomme avec vos dents, dites en votre cœur,

« Your seeds shall live in my body,
« Tes graines doivent vivre dans mon corps,

And the buds of your tomorrow shall blossom in my heart,
Et les bourgeons de ton lendemain fleuriront dans mon cœur,

And your fragrance shall be my breath,
Et ta fragrance sera mon souffle,

And together we shall rejoice through all the seasons. »
Et ensemble, nous nous réjouirons à travers toutes les saisons « .

And in the autumn, when you gather the grapes of your vineyard for the winepress, say in your heart,
Et à l’automne, lorsque vous réunissez les raisins de ta vigne pour le pressoir, dites dans votre cœur :

« I too am a vineyard, and my fruit shall be gathered for the winepress,
« Moi aussi, je suis une vigne, et mon fruit sera cueilli pour le pressoir,

And like new wine I shall be kept in eternal vessels. »
Et comme le vin nouveau je serai gardé dans d’éternelles amphores « .

And in winter, when you draw the wine, let there be in your heart a song for each cup;
Et en hiver, lorsque vous tirez votre vin, qu’il y ait dans votre cœur une chanson pour chaque tasse ;

And let there be in the song a remembrance for the autumn days, and for the vineyard, and for the winepress.
Et qu’il y ait dans cette chanson un souvenir pour les jours d’automne, pour la vigne et le pressoir.

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The Prophet
Eating and Drinking
Khalil Gibran
Le Prophète VI
Manger & Boire

GYP : LA FANFARE ou Qui va à la chasse perd sa place

 

GYP

Comtesse de Martel Sybille Gabrielle Riqueti de Mirabeau

Gyp La Fanfare Nadar L'Hallali du cerf Courbet Artgitato
(1850-1932)

LA FANFARE

QUI VA A LA CHASSE PERD SA PLACE !

Dans le style de GYP, voici un tableau mondain, une critique satirique des usages de son époque. Les femmes dans l’œuvre de Gyp, sans être des féministes, ont de la répartie, à l’image de la jeune fille créée dans le Mariage de chiffon en 1894. Elles ne s’en laissent pas compter, même devant des indécrottables chasseurs.

Dans la fanfare, Gyp aborde le thème de la chasse dans une rencontre amoureuse. Elle place l’action au bord de l’eau, « dans le massif du Sanglier ». Une exposition animale s’entend au loin, entre les aboiements des chiens et les fanfares de chasse. La foule qui se presse à l’exposition est autant de frein à l’activité du chasseur. Celui-ci aime la tranquillité et être seul avec sa proie. En tête à tête. Comme tout chasseur, Monsieur de Halbran est uniquement consacré à la chasse. « Vous ne voyez donc pas à quel point je suis féru de vous ! …vous seule occupez mes pensées…je ne vis plus que pour vous, et non seulement vous remplissez le présent et l’avenir, mais encore vous avez effacé jusqu’aux moindres souvenirs du passé…mes relations préférées, mes goûts favoris, tout est tombé dans l’oubli, l’oubli noir et éternel. »

Le chasseur est solitaire. Le chasseur est concentré.

Notre homme, Monsieur de Halbran, est un chasseur devant l’éternel. Il sent la dame qui l’attend dans un recoin, Madame de Beauvouloir, n’est rien d’autre que le gibier à capturer. Elle est cachée « derrière un rempart de chaises », tel un animal dans son terrier.

Mais le plus important dans un chasseur, ce n’est pas le gibier mais la chasse elle-même. Blaise Pascal disait sur ce point :  «Ils ne savent pas que ce n’est que la chasse et non la prise qu’ils recherchent. » Ainsi Monsieur de Halbran, malgré ses propos sur son amour véritable, est happé par les bruits qui lui rappellent la chasse au loin ; dès qu’une musique arrive à son oreille, le voilà fredonnant, écoutant le bruit des cors.

Toutes les fanfares y passent : la Lur-Saluces, la Vague, l’Hallali, la Nemours, la Fleur-de lis, la Canteleu, la Dampierre, «  les sons de la Chantilly ! ». A force d’écouter tous ces airs, Monsieur de Halbran en redevient naturel et en oublie les beaux discours sur l’amour du début de la rencontre. Il parle désormais plus vertement : « il lui arrivait ce qui arrive à tous les maris qui ont des femmes ravissantes…C’est leur faute aussi…je ne vois pas pourquoi on les plaint…ils n’ont qu’à épouser des femmes laides s’ils les veulent pour eux tout seuls…et encore…on ne peut jamais répondre de rien ! Malchancheu ne voyait du reste, là-dedans, aucune allusion personnelle…C’est un excellent homme…qui a de bien belles chasses…et une meute donc !…de beaux chiens, feu et noir, tellement pareils qu’on ne les distingue pas les uns des autres !….avec des bajoues pendantes…et coiffés !…des oreilles qui ont l’air d’un nœud alsacien en satin noir !…ils sont exposés cette année !… »

Monsieur de Halbran se laisse gagner par l’excitation de la chasse. Il ne se contrôle plus. Il ne maîtrise plus ses mots et ses phrases. Il s’emballe et le reconnaît à Mme de Beauvouloir. Il n’y a même rien à reconnaître, c’est l’évidence : « la chasse vous rend bien plus éloquent que l’amour…nous étions paris sur une fausse piste…ces pauvres chiens ont relevé le défaut en nous remettant dans la bonne voie… »

Parions que Madame de Beauvouloir ne restera pas longtemps seule et qu’elle trouvera un chasseur moins passionné. Mais du chasseur au chassé, le rôle n’est pas si clair. En tout cas, Monsieur de Halbran est bien parti bredouille mais content d’avoir rejoint la meute.

Jacky Lavauzelle

 

Dans la revue Lisez-moi n°65 du 10 mai 1908