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CAUCHEMAR Paul Verlaine – Poèmes Saturniens

POESIE FRANCAISE
CAUCHEMAR PAUL VERLAINE
EAUX-FORTES POEMES SATURNIENS

Paul_Verlaine_signature_svg




PAUL VERLAINE
1844-1896

Oeuvre de Paul Verlaine Artgitato Frédéric_Bazille_-_Portrait_de_Paul_Verlaine_comme_une_Troubadour

Portrait de Paul Verlaine en troubadour
Frédérique Bazille
1868
Museum of Art – Dallas




 

*

Œuvres de Paul Verlaine
 


Poèmes Saturniens

CAUCHEMAR
EAUX-FORTES

PAUL VERLAINE Son Oeuvre Texte Poésie Artgitato

Tableaux et Caricatures
Gustave Courbet – Eugène Carrière – Frédérique Bazille
Paterne Berrichon – Félix Vallotton – Félix Régamey

*

CAUCHEMAR Paul Verlaine
EAUX-FORTES Poèmes Saturniens

*

Cauchemar Paul Verlaine Poèmes Saturniens Artgitato Mikhaïl Vroubel Séraphin à trois paires d'ailes Azraël 1904Mikhaïl Vroubel
Séraphin à trois paires d’ailes
Azraël 1904

**************

J’ai vu passer dans mon rêve
— Tel l’ouragan sur la grève,
D’une main tenant un glaive
Et de l’autre un sablier,
Ce cavalier
Des ballades d’Allemagne
Qu’à travers ville et campagne,
Et du fleuve à la montagne,
Et des forêts au vallon,
Un étalon
Rouge-flamme et noir d’ébène,
Sans bride, ni mors, ni rêne,
Ni hop ! ni cravache, entraîne
Parmi des râlements sourds
Toujours ! toujours !
 Un grand feutre à longue plume
Ombrait son œil qui s’allume
Et s’éteint. Tel, dans la brume,
Éclate et meurt l’éclair bleu
D’une arme à feu.
Comme l’aile d’une orfraie
Qu’un subit orage effraie,
Par l’air que la neige raie,
Son manteau se soulevant
Claquait au vent,
Et montrait d’un air de gloire
Un torse d’ombre et d’ivoire,
Tandis que dans la nuit noire
Luisaient en des cris stridents
Trente-deux dents.

*****
Cauchemar Paul Verlaine

POEMES SATURNIENS (1866) de PAUL VERLAINE (Edition Vanier de 1902)

POESIE FRANCAISE

Paul_Verlaine_signature_svg

PAUL VERLAINE
1844-1896

Oeuvre de Paul Verlaine Artgitato Frédéric_Bazille_-_Portrait_de_Paul_Verlaine_comme_une_Troubadour

Portrait de Paul Verlaine en troubadour
Frédérique Bazille
1868
Museum of Art – Dallas

 

*

Œuvres de Paul Verlaine
 


Poèmes Saturniens
1866

PAUL VERLAINE Son Oeuvre Texte Poésie Artgitato

Tableaux et Caricatures
Gustave Courbet – Eugène Carrière – Frédérique Bazille
Paterne Berrichon – Félix Vallotton – Félix Régamey

*

Paul Verlaine Poèmes Saturniens Artgitato Mikhaïl Vroubel Séraphin à trois paires d'ailes Azraël 1904

Prologue

Dans ces temps fabuleux, les limbes de l’histoire,

**

Melancholia

I
Résignation

Tout enfant, j’allais rêvant Ko-Hinnor,

II
Nevermore

Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L’automne

III
Après trois ans

Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,

IV
Vœu

Ah ! les oarystis ! les premières maîtresses !

V
Lassitude

De la douceur, de la douceur, de la douceur !

VI
Mon rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

VII
A une femme

À vous ces vers, de par la grâce consolante

VIII
L’Angoisse

Nature, rien de toi ne m’émeut, ni les champs

*********

Eaux-fortes 

I
Croquis parisien

La lune plaquait ses teintes de zinc

II
Cauchemar

J’ai vu passer dans mon rêve

III
Marine

IV
Effet de nuit

La nuit. La pluie. Un ciel blafard que déchiquette

V
Grotesques

Leurs jambes pour toutes montures,

*****

Paysages tristes 

I
Soleils couchants

Une aube affaiblie

II
Crépuscule du soir mystique

Le Souvenir avec le Crépuscule

III
Promenade sentimentale

Le couchant dardait ses rayons suprêmes

IV
Nuit du Walpurgis classique

C’est plutôt le sabbat du second Faust que l’autre.

V
Chanson d’automne

Les sanglots longs

VI
L’heure du berger

La lune est rouge au brumeux horizon ;

VII
Le rossignol

Comme un vol criard d’oiseaux en émoi,

*****

Caprices 

I
Femme et chatte

Elle jouait avec sa chatte ;

II
Jésuitisme

Le chagrin qui me tue est ironique, et joint

III
La chanson des ingénues

Nous sommes les Ingénues
Aux bandeaux plats, à l’œil bleu,

IV
Une grande dame

Belle « à damner les saints », à troubler sous l’aumusse
Un vieux juge ! Elle marche impérialement.

V
Monsieur Prudhomme

Il est grave : il est maire et père de famille.
Son faux col engloutit son oreille. Ses yeux,

****

INITIUM

Les violons mêlaient leur rire au chant des flûtes,

****

ÇAVITRI

Pour sauver son époux, Çavitri fit le vœu

****

SUB URBE

Les petits ifs du cimetière

****

SERENADE

Comme la voix d’un mort qui chanterait

****

UN DAHLIA

Courtisane au sein dur, à l’œil opaque et brun
S’ouvrant avec lenteur comme celui d’un bœuf,

****

NEVERMORE

Allons, mon pauvre cœur, allons, mon vieux complice,
Redresse et peins à neuf tous tes arcs triomphaux ;

****

IL BACIO

Baiser ! rose trémière au jardin des caresses !
Vif accompagnement sur le clavier des dents

****

DANS LES BOIS

D’autres, ― des innocents ou bien des lymphatiques, ―
Ne trouvent dans les bois que charmes langoureux,

****

NOCTURNE PARISIEN

Roule, roule ton flot indolent, morne Seine. —
Sur tes ponts qu’environne une vapeur malsaine

****

MARCO

Quand Marco passait, tous les jeunes hommes
Se penchaient pour voir ses yeux, des Sodomes

****

CESAR BORGIA

Sur fond sombre noyant un riche vestibule
Où le buste d’Horace et celui de Tibulle

****

LA MORT DE PHILIPPE II

Le coucher d’un soleil de septembre ensanglante
La plaine morne et l’âpre arête des sierras

****

ÉPILOGUE

I

Le soleil, moins ardent, luit clair au ciel moins dense.
Balancés par un vent automnal et berceur,

II

Donc, c’en est fait. Ce livre est clos. Chères Idées
Qui rayiez mon ciel gris de vos ailes de feu

III

Ah ! l’Inspiration superbe et souveraine,
L’Égérie aux regards lumineux et profonds,

**********************

Oeuvre de Paul Verlaine Artgitato Frédéric_Bazille_-_Portrait_de_Paul_Verlaine_comme_une_Troubadour

Cauchemar Poème d’Endre Ady – SZERETNÉM, HOGYHA SZERETNÉNEK – Ady Endre Költészete

La Poésie d’Endre Ady
Ady Endre költészete



Littérature Hongroise
 Magyar Irodalom

Endre Ady
1877 – 1919
Ady Endre Poésie Poèmes d'Ady Endre Versek Artgitato




CAUCHEMAR

Un poème d’Endre Ady

Ady Endre költészete

Szeretném, hogyha szeretnének
1909

Traduction Jacky Lavauzelle

*

Cauchemar Poème d'Endre Ady - SZERETNÉM, HOGYHA SZERETNÉNEK - Ady Endre Költészete Artgitato

*

Sem utódja, sem boldog õse,
Ni successeur, ni ancêtre heureux,
Sem rokona, sem ismerõse
Ni parents, ni proches
Nem vagyok senkinek,
Je ne suis à personne,
Nem vagyok senkinek.
Je ne suis à personne.

*

Vagyok, mint minden ember: fenség,
Je suis comme tout homme : grandeur
Észak-fok, titok, idegenség,
Pôle nord, mystère, étrangeté,
Lidérces, messze fény,
Cauchemar, loin de la lumière,
Lidérces, messze fény.
Cauchemar, loin de la lumière.

*

De jaj, nem tudok így maradni,
Mais hélas, je ne peux pas rester ainsi,
Szeretném magam megmutatni,
Je veux me montrer,
Hogy látva lássanak,
Pour qui peut me voir,
Hogy látva lássanak.
Pour qui peut me voir.

*

Ezért minden: önkínzás, ének:
Donc ma torture, mon chant :
Szeretném, hogyha szeretnének
Je voudrais de l’amour
S lennék valakié,
Et d’être avec quelqu’un,
Lennék valakié.
Être avec quelqu’un.

******

Szeretném, hogyha szeretnének

La Poésie d’Endre Ady – A versek Ady Endre

La Poésie d’Endre Ady
Ady Endre költészete



Littérature Hongroise
 Magyar Irodalom

Endre Ady
1877 – 1919
Ady Endre Poésie Poèmes d'Ady Endre Versek Artgitato




ENDRE ADY

Les Poèmes d’Endre Ady

A versek Ady Endre

JÖN AZ ISTEN

Traduction Jacky Lavauzelle

****
La Poésie d’Ady Endre

****

A magyar Messiások
Les Messies hongrois

Sósabbak itt a könnyek
Plus salées sont leurs larmes
S a fájdalmak is mások.
Et leurs douleurs particulières.

LES MESSIES HONGROIS - A magyar Messiások Ady Endre Ady Artgitato Joaquin Sorolla

**

Az alvó csók-palota
Le Palais du Baiser

Halálon innen, Életen túl,
Bien avant la mort, bien après la vie,
  Csak férfi-ember juthat oda,
Un seul homme peut y arriver,

Le Palais du Baiser Ady Endre Ady Az alvó csók-palota Le Baiser Gustav Klimt**

Az Úr érkezése
La venue du Seigneur

Mikor elhagytak,
Quand je fus abandonné,
Mikor a lelkem roskadozva vittem,
Quand mon âme s’en alla,

La Venue du Seigneur Artgitato Poème d'Ady Endre - Az Úr érkezése-Transfiguration Raphael

**

Egyre hosszabb napok
La Douleur
1909

Csak egy napig fáj minden fájás,
Juste un jour dans la douleur,
Huszonnégy óra s nem jön rosszabb,
Vingt-quatre heures et rien

LA DOULEUR POEME D'ENDRE ADY - Egyre hosszabb napok ADY ENDRE KÖLTESZETE Artgitato Le Cri Edvard Munch

**

Emlékezés egy nyár-éjszakára
Souvenir d’une nuit d’été

Az Égbõl dühödt angyal dobolt
En colère, l’Ange du ciel tambourinait
 Riadót a szomoru Földre,
Une alarme pour la funèbre Terre,

Ady Endre Souvenir nuit d'été Emlékezés egy nyár-éjszakára Tivadar Kosztka Csontváry A keleti palyaudvar ejjel 1902 La Gare de l'Est à Budapest
**

JÖN AZ ISTEN
Dieu est venu

Oszlik lelkemnek barna gyásza:
Mon âme n’est plus sombre :
 Nagy, fehér fényben jön az Isten,
Puissante, la lumière blanche de Dieu est venue,

Ady Endre Poésie Poèmes d'Ady Endre Versek Artgitato JÖN AZ ISTEN

**
Léda a kertben
Léda dans le jardin

Bús kertben látlak: piros hinta-ágy
Je te vois dans un jardin triste : la balançoire rouge
Himbálva ringat.
Te berce.

Léda a kertben Léda au Jardin Ady Endre Ady Artgitato Philippe Maliavine
**

Lelkek a pányván
L’âme ligotée

Kipányvázták a lelkemet,
Ils attachèrent mon âme,
  Mert ficánkolt csikói tûzben,
Brûlante d’un piaffer de poulain ;

L'ÂME LIGOTEE - Poème d'Endre Ady - Ady Endre Versek - Lelkek a pányván -Persée et Andromède Rubens
**
Paul Verlaine Álma
Mon Rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
Álmodom egy nőről, akit nem ismerek,
 D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Forró és különös, áldott, nagy Látomás,

PAUL VERLAINE ÁLMA Mon Rêve Familier de Paul Verlaine Ady Endre Artgitato Sorolla Museum 1909
**

Proletár fiú verse
Poème du fils du prolétaire

Az én apám reggeltõl estig
Mon père, du matin jusqu’au soir
  Izzadva lót-fut, robotol,
Transpire et court beaucoup, en tâcheron,

Proletár fiú verse Poème d'Ady ENdre Le fils du Prolétaire

**

Szeretném, hogyha szeretnének
Cauchemar
1909

Sem utódja, sem boldog õse,
Ni successeur, ni ancêtre heureux,
Sem rokona, sem ismerõse
Ni parents, ni proches

Cauchemar Poème d'Endre Ady - SZERETNÉM, HOGYHA SZERETNÉNEK - Ady Endre Költészete Artgitato

**

Vér és Arany
Sang & Or

Nekem egyforma, az én fülemnek,
A mes oreilles, la chose est la même
 Ha kéj liheg vagy kín hörög,
Gémissements de douleur ou de plaisir,

Vér és arany Sang et Or Ady Endre Ady poésie Artgitato

*****

La Poésie d’Endre Ady
A versek Ady Endre

FOERSTER : L’EFFROI DE LA BANDE-DESSINEE – du malheur à la terreur

BD
FOERSTER

Foerster La petite maison dans la clairière FG260_Insectes détailDu Malheur…
…A la Terreur

Foerster Momie G225 détail avec la mort

 

 

 

 

 

 

 

 

La métamorphose
d’une vengeance

Foerster la planque FG130 Saturne dévorant son fils (2)

LE CYCLE DES MALEDICTIONS

Les métamorphoses de Foerster ne sont pas des camouflages. Pas de volonté de tromper
a
utrui. Ils peuvent comme les dieux se faire passer pour un autre en substituant les formes et les apparences. Les Dieux se transformaient pour séduire et tromper les êtres à conquérir. Dans Foerster, la séduction n’existe pas ! Dans La Planque, Saturne prend la place du Christ en croix, non pour séduire mais pour se cacher et dévorer sa progéniture. Il ne se métamorphose pas, il se planque. Il est là, Saturne dans sa nature divine déchue. L’histoire reste monstrueuse. Mais souvent dans Foerster, la vie n’est qu’une lutte atroce, à l’écart des autres, prise dans un cycle de malédictions.

Foerster La forteresse volante FG292 L'ogre
Par contre, Foerster n’aurait rien contre placer ses personnages dans une des cercles de l’Enfer. Car tous ces faussaires qui singeaient le monde (‘com’io fui di natura buona scimia’ (« Comme je fus bon singe de la nature »

– Dante, l’Enfer, XXIX, 139, trad. Jacqueline Risset)), la ‘Mira scellerata’, ‘l’anima trista de Guido’, ‘falso Sinon greco di Troia’, se retrouvent ‘par febbre aguta gittan tanto leppo’ (« par fièvre aiguë, ils fument en puant » XXX, 98), dans ce lieu où ils s’entredéchirent : ‘e in sul nodo del collo l’assanno, si che, tirando, grattar li fece il ventre al fondo sodo’ (« Et lui planta ses crocs au nœud du cou, si fort qu’elle lui fit gratter le sol avec le ventre » (XXX, 28-30). Cette anthropophagie a tout d’une description foersterienne.

UN DELUGE D’ATROCITES

Ces personnages sont déjà déformés dès le commencement de l’histoire : les yeux, les dents, le haut du crâne sont amplifiés, exorbitants. La métamorphose n’a pourtant pas commencé. Elle n’en sera que plus marquante. Le challenge est de faire d’une situation glauque et malheureuse un véritable enfer avec un déluge d’atrocités.

Pourtant dans autant de laideurs, la beauté existe. Dans La Planque (Fluide Glacial 130), la mère dans son ravissement devant tant de créatures merveilleusement laides, les compare : « Ah !…Mon petit Eugène ! Que tu es dodu ! Que tu es beau !…Potelé à souhait ! Une vraie merveille ! Papa

Foerster La Planque FG130 personnages

sera ravi !! Vous deux aussi !…Mais c’est Eugène le plus beau !! Et le plus laid, c’est toujours toi, Alphonse…Toujours aussi maigre ! ». Bien sûr les enfants sont élevés comme des cochons pour être mangés, mais par le Père, un Saturne qui prend les pauses du Christ afin de ne pas être découvert par les humains, comme Jupiter « qui se cache dans une centrale électrique…Quant à Vénus, je ne te dis pas ce qu’elle fait ce serait indécent…Neptune a trouvé une cachette au Musée de la Marine…Il y est déguisé en figure de proue… »

BIENVENUE AU MUSEE DES HORREURS

Les personnages de Foerster sont, avant la métamorphose, dans le sommeil, possédant une imagination forte, délirante et débridée, dans un cadre sordide et répugnant, carcéral. Souvent une rencontre inquiétante, un endroit isolé, un sorcier rencontré, une magie ancestrale, une histoire de famille mal cicatrisée, des rapports haineux…. Ces univers nous plongent dans des vengeances, toujours plus terribles chez Foerster, implacables, multiplicatrices, exponentielles. La haine et la rancœur  se nourrissant elles-mêmes des fureurs engendrées.
Le pouvoir magique ou maléfique est à peine sous contrôle au départ. Puis tout déraille, laissant le mouvement s’accélérer et arriver une absence de contrôle, tel un train partant de la gare et accélérant toujours plus pour enfin exploser et se désintégrer.

Foerster La Maladie de la Mouche Folle FG253 (2)

La transformation subie immédiate comme celle de Grégoire Samsa en bousier un matin dans sa chambre arrive dans La Maladie de la Mouche Folle (Fluide Glacial 253). Une transformation sans raison apparente. L’homme s’est couché comme tous les soirs. Ce matin là tout a changé sans raisons ni causes. Grégoire est là avec sa transformation achevée, grotesque dans ce lieu inapproprié. C’est cette métamorphose qui ouvre le roman.

 « Un matin, au sortir d’un rêve agité, Grégoire Samsa s’éveilla transformé dans son lit en une véritable vermine…les pattes de Grégoire, pitoyablement minces pour son gros corps, papillotaient devant ses yeux…Ce n’était pourtant pas un rêve … Il avait beau essayer de se jeter violemment sur le flanc, il revenait toujours sur le dos avec un petit mouvement de balançoire. Il essaya bien cent fois, en fermant les yeux pour ne pas voir les vibrations de ses jambes, et n’abandonna la partie qu’en ressentant au côté une sorte de douleur sourde qu’il n’avait jamais éprouvée. » (Franz Kafka, La Métarmophose). Kafka nous place dans ce comique de situation qui dédramatise d’emblée l’histoire. Les mouvements répétés de cette balançoire disproportionnée et déplacée dans cette chambre précède le traumatisme de la douleur et la découverte des sensations intimes de Grégoire. Chez Foerster, une identique dérision de l’horreur devant le cri strident de sa femme : « Oh, ça va, on le sait que j’ai mauvaise haleine au réveil ! »

 

Foerster Le Jour où Charlotte plut FG211, le retour des limaces

Foerster Le Jour où Charlotte plut FG211, transformationEXTRAIT PUANT DE
FLATULENCE DE CAFARD !

Dans Le jour où Charlotte plut (Fluide Glacial n°211), Charlotte a ingurgité « une potion qui, d’après lui (un sorcier indien), lui garantissait que la mort n’aurait de prise sur elle ». D’abord, l’enfant qu’il a avec Charlotte, Josiane. Elle finit par ressembler tellement à sa mère que Maurice s’aperçoit que Josiane et Charlotte sont une seule et même personne .
Maurice, le mari en est certain : « Josiane n’était pas ma fille. C’était Charlotte elle-même !! Cette idée m’était insupportable…J’en arrivai à la seule solution envisageable… ». Après avoir été découpée, trempée dans l’acide, son squelette suspendu dans le placard,  Charlotte se remet à vivre.
N
ouvelle apparition, nouveau découpage, acide double dose.
A nouveau Maurice « reprend sa besogne de boucher. »
Rien n’y fait, elle revient de plus en plus déformée, effrayante, vengeresse sous forme de milliers de limaces gorgées de l’acide ingéré, qui finiront par tuer Maurice qui laissera son squelette dans l’armoire.
« Sacré Charlotte toujours le dernier mot !!! »

Jojo, le petit enfant d’Œil pour Œil (Fluide Glacial n°213) est terrorisé dans son lit. Pour ses parents, bien entendu, il ne peut s’agir que d’un cauchemar, « Jojo ! Sois sage ! Si on te dit qu’il n’y a rien, c’est qu’il n’y a rien ! Un point c’est tout !!…Fais de beaux rêves ! ».Jojo terrorisé voit apparaître un œil avec un lambeau de peau.

Foerster Oeil pour Oeil FG 213 le départ de l'oeil


C’est certain, il est en plein mauvais rêve!

Sa mère nous confie alors le terrible secret de famille que le père semble avoir confiné dans un coin sombre de sa mémoire :
« tu sais bien…que son jumeau a encore survécu quelques heures après leur naissance…parce qu’il était doté d’un 
minuscule résidu d’organisme qui le lui permettait…S’il avait survécu !? »
C’est certain, nous sommes dans une nouvelle réalité.
L’œil vient se venger sur Jojo qui l’a

Foerster Oeil pour Oeil FG 213 Final

abandonné. Jojo et l’œil : « Mais j’y peux rien, moi ! J’étais un bébé !!…J’ai besoin de compagnie. Frérot ! Faudra m’excuser si ça fait un peu mal !! ».

Jojo meurt.
Le bruit réveille les parents. Les deux yeux font la révérence devant les deux parents médusés :

« Fallait pas vous déranger pour moi ! Je fais que passer ! J’avais juste un truc à prendre !… Que la nuit vous apporte de beaux rêves !»

TU SOUFFRIRAS MILLE MORTS !

La femme, battue par un mari qui « voulait voir personne… (et) vivre dans l’ancien temps », de Mille Morts (Fluide Glacial 217) a aussi eu un carnet par une sorcière, sa mère elle-même, « J’étudie chaque jour en cachette…Et un d’ces quat’, tu verras que je saurai m’y prendre, moi aussi ! Alors, ton père, il verra ce que je peux faire…Il n’osera plus m’ toucher…’Encore un peu de patience’ elle disait…Mais en attendant, elle prenait dérouillée sur dérouillée…Et, un jour, se réserve de patience se trouva épuisée… »…elle se pendit.Elle laisse une lettre de vengeance

Foerster Mille Morts FG 217 les pendus P'pas (2)

ferme et terrible : « Jeannot, t’as jamais été qu’un immonde salopard ingrat…Mais tu paieras…Tu souffriras mille morts. On te le promet, moi, la mémé et ses amis de derrière les choses !! » et c’est maintenant au tour du fils de prendre les fortes trempées du père… « en attendant, c’est sûr que les rossées, maintenant c’est pour moi… » Puis plein de petits arbustes se mettent à pousser dans la clairière autour de la maison… « En quelques jours, ils sont devenus très grands…de vrais arbres c’est dev’nu…avec des sortes de lianes…C’est au bout d’la semaine qu’on a pigé… » Les lianes tendent des pièges au pépé qui est maintenant le chassé. Un jour arriva… « Avec P’pa qui s’balançait…Puis les p’tits oiseaux sont arrivés… » Du pendu au squelette. Le petit, seul, l’enterre avec une croix fabriqué avec des vieilles branches pourries. Mais la croix se transforme en un arbre puissant et fort qui portera bientôt des fruits qui seront autant de papis par centaines… « Bientôt, tous ces P’pas se sont mis à gigoter et à faire toutes sortes de bruits pour que je les détache…Nan ! j’vous touch’rai pas, saletés ! ». Ces fruits se feront becqueter par les oiseaux…jusqu’à l’année prochaine…indéfiniment…la vengeance sera éternelle.

LA REALITE TE RATTRAPERA TOUJOURS !

Popol, (Fluide Glacial n°220) est un petit garçon « d’un naturel rêveur mais aussi craintif que peu énergique », est le souffre-douleur des

Foerster Popol FG 220 les dents

autres garçons bagarreurs. Une petite fille lui propose une sucette magique « suce-là deux fois en pensant très fort à deux dents …et à ce que te dit ton papa !!! » Arrivé à la maison, son papa lui dit : « je vais devoir te répéter le même refrain : c’est de toi et de toi seul que peut venir la réaction…la réalité te rattrapera toujours… » Les dents de Popol se mirent à pousser, devenant de vraies défenses d’éléphants. Les autres enfants, bien entendu, se moquent de ce bébé-éléphant. Il se rebiffe en fonçant tête-bêche…et tuant l’un d’entre eux… Il revient dans la maison où l’avait emmené la petite fille. Il rencontre son père, devant le porche d’une maison abandonnée en ruine :  « Popol, voyons. Il n’y a jamais eu de Jocelyne ici…t’as toujours eu beaucoup trop d’imagination, fiston ! Tu prends tes désirs pour des réalités !! » Popol se cache dans cette maison avec sens dents qui ne cessent de pousser, de pousser. « Notre joie fut de courte durée…les dents continuaient de pousser…toujours et toujours…Popol se mettait dans l’incapacité de nuire…Il s’incarcérait lui-même…Popol un petit garçon qui avait une dent contre lui-même… »

Foerster Histoire Belge FG236 arbre

 

Foerster Histoire Belge FG236 maison

Foerster La forteresse volante FG292 L'ogre et la lune (2)

Foerster La petite maison dans la clairière FG260_Insectes le phasme

Foerster Pub! FG318 _lapin

VERS L’ETERNELLE MALEDICTION DANS D’ATROCES SOUFFRANCES

Le personnage foerstien dans sa métamorphose, et cela est vrai de toutes les métamorphoses, un autre avec la même identité, révèle sa véritable entité par la révélation de l’atrocité qui l’empêche d’être réellement.
La différence dans la continuité.
Mais la vengeance entraînera tout. Et le malheur qui ouvre l’histoire finira  dans la terreur et la désolation.

Notre métamorphose est une dégradation de l’individu qui en appelle à ses instincts les plus profonds et refoulés.
L’homme devient insecte, œil, lambeau, vers, limace.

Le filtre qui aidera le personnage dans sa vengeance, le poison, la dent, etc. le possédera à son tour.

TANT BIEN QUE MAL

Il y aura souvent la mort, mais une mort renouvelée et incessante au bout du bout. Ta dernière seconde sera sans cesse vécue, encore et encore.

Foerster utilisera le monde végétal et encore plus souvent le monde animal, les insectes notamment. Foerster 13 002

Périr, souffrir, manger, être manger. Un cadre de violence et d’instinct de la famille ou de l’intime, par nature sécurisant…

 Les personnages tentent de faire, de se faire, justice, avec les moyens du bord, tant bien que mal.  

« Ca paraît un peu bébête si on ne se donne pas la peine d’approfondir. Ca veut dire la justice mais c’est plutôt que tous se mangent les uns les autres. Et en fin de compte c’est la vie ni plus ni moins. C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Il a des yeux au bout des doigts. » (James Joyce, Ulysse, trad. Auguste Morel)

Jacky Lavauzelle