Archives par mot-clé : Catullus

CATULLE CATULLUS XII CONTRE ASINUS

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CATULLE CATULLUS XII

litterarumLittérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

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CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE XII

ASINUS

CONTRE ASINUS

 

***

Marrucine Asini, manu sinistra
Asinus, toi le Marrucin*, à la main gauche
non belle uteris: in ioco atque vino
Si preste, frétillant gaiement sous les effets du vin
tollis lintea neglegentiorum.
Tu subtilises les mouchoirs des convives négligents.
Hoc salsum esse putas? Fugit te, inepte:
Trouves-tu cela plein d’esprit ? Quel sot tu fais !
 quamvis sordida res et invenusta est.
Quelle vilénie sordide !
Non credis mihi? Crede Pollioni
Tu ne me crois pas ? Alors crois Pollion,
 fratri, qui tua furta vel talento
Ton frère, que tes larcins, en talents,
mutari velit—est enim leporum
Tente d’effacer – connaisseur, lui aussi
differtus puer ac facetiarum.
Des farces et de la bonne humeur.
Quare aut hendecasyllabos trecentos
Alors maintenant, tu peux attendre trois cents
exspecta, aut mihi linteum remitte,
Billets de ma part, ou retourne-moi vite mon mouchoir,
quod me non movet aestimatione,
Nullement à cause du prix,
verum est mnemosynum mei sodalis.
Mais car il s’agit d’un cadeau de mes amis.
Nam sudaria Saetaba ex Hiberis
En fait, un mouchoir de Sétabis** en Hibérie
miserunt mihi muneri Fabullus
Envoyé par Fabullus
et Veranius; haec amem necesse est
et Veranius ; j’y tiens donc comme tout ce qui me vient
ut Veraniolum meum et Fabullum.
De Verannius et de Fabullus.

*****

* Marrucin

Les Marrucins est une tribu de l’Italie (Est) -Ce sont des descendants des Ausones et des Sabins : « Par ces Sabelli ou Samnites, il faut entendre ceux que l’on appelait Hirpini, qui touchaient la Pouille au nord, & la Lucanie à l’est. Tous ces peuples descendaient originairement des Ausones, qui depuis prirent le nom d’Osques, & ensuite celui de Sabins ; ceux-ci formèrent différentes peuplades, qui furent les Aurunces, les Fidicins, les Samnites, les Picentins, les Vestins, les Marrucins, les Pélignes, les Marses, les Eques, & les Herniques ; les Samnites produisirent les Trentaniens, les Lucaniens, les Campaniens, & les Hirpins ; enfin les Lucaniens donnèrent naissance aux Bruttiens. » (Louis de Jaucourt  L’Encyclopédie Première Edition 1751 – Tome 14)

** Sétabis

Sétabis ou Saetabis, aujourd’hui Xàtiva en Espagne, dans la Province de Valence.

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CONTRE ASINUS

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO












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Catulle – Catullus
XII

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LA CANAILLE & LES DELICATS
par Ferdinand Brunetière
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines. Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Ferdinand Brunetière
Revue littéraire
À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 –  1882

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CATULLE CATULLUS XI – Ad Furium et Aurelium – À FURIUS ET AURELIUS

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CATULLE CATULLUS XI

litterarumLittérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

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CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE X

Ad Furium et Aurelium

À FURIUS ET AURELIUS

Furi et Aureli comites Catulli,
Furius et Aurélius, compagnons de Catulle
sive in extremos penetrabit Indos,
Pénétrant les lointaines Indes,
 litus ut longe resonante Eoa
où les rives Orientales résonnent
tunditur unda,
de leurs ondes,
sive in Hyrcanos Arabesve molles,
Marchant dans la lascive Arabie,
seu Sagas sagittiferosve Parthos,
Ou au cœur de la Parthie aux terribles archers,
sive quae septemgeminus colorat
Ou sur les sept embouchures
aequora Nilus,
que le Nil colore,
sive trans altas gradietur Alpes,
Que ce soit sur les hauteurs des Alpes,
Caesaris visens monimenta magni,
Pour visiter les monuments du grand César,
Gallicum Rhenum horribile aequor ulti-
Le Rhin Gaulois ou les horribles
mosque Britannos,
Bretons
omnia haec, quaecumque feret voluntas
Dans toutes ces contrées, conduit par la volonté des
caelitum, temptare simul parati,
Dieux, partout vous me suivez fidèlement,
pauca nuntiate meae puellae
Je vous demande désormais d’apporter à ma maîtresse
non bona dicta.
Ces mots tranchants :
cum suis vivat valeatque moechis,
Qu’elle vive et profite de l’amour,
quos simul complexa tenet trecentos,
à enchaîner des centaines d’amants,
nullum amans vere, sed identidem omnium
En vérité sans nul amour véritable, mais qu’encore et encore, un à un,
ilia rumpens;
Elle les brise ;
nec meum respectet, ut ante, amorem,
Qu’elle n’attende plus mon amour,
qui illius culpa cecidit velut prati
Qui par sa faute est mort
ultimi flos, praetereunte postquam
Comme une fleur saccagée
tactus aratro est.
Au passage d’une charrue.

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À FURIUS ET AURELIUS

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO












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Catulle – Catullus
X

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LA CANAILLE & LES DELICATS
par Ferdinand Brunetière
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines. Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Ferdinand Brunetière
Revue littéraire
À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 –  1882

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CATULLE CATULLUS X Varus me meus ad suos amores LA MAÎTRESSE DE VARUS

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CATULLE CATULLUS X

litterarumLittérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

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CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE X

Varus me meus ad suos amoreserani

 

LA MAÎTRESSE DE VARUS

Varus me meus ad suos amores
Varus m’entraîne vers l’objet de sa flamme
 visum duxerat e foro otiosum,
M’ayant trouvé au milieu du forum ;
 
scortillum, ut mihi tum repente visum est,
Je rencontre sa maîtresse qui me semblait,
 
non sane illepidum neque invenustum.
Au premier abord, non sans charme ni beauté.
 
Huc ut venimus, incidere nobis
Quand nous arrivâmes, nous parlâmes
 
sermones varii: in quibus, quid esset
De sujets divers : notamment
iam Bithynia; quo modo se haberet;
Sur la Bithynie*; ce qui s’y déroulait;
et quonum mihi profuisset aere.
Et s’y j’en avait tiré quelques profits
 Respondi id quod erat, nihil neque ipsis
Je lui ai répondu qu’à la vérité ni moi
 nec praetoribus esse nec cohorti,
Ni le préteur, ni ma maison,
 
cur quisquam caput unctius referret,
ne nous étions enrichis ;
praesertim quibus esset irrumator
La raison venait avant tout de la débauche
 
praetor, nec faceret pili cohortem.
Du préteur, et de son peu d’intérêt dans notre entreprise.
« At certe tamen » inquit « quod illic
« Du moins cependant» dit-elle, «il s’y trouve
 natum dicitur esse, comparasti
D’incomparables porteurs
 
ad lecticam homines. » Ego, ut puellae
De litière. » Moi, afin de passer aux yeux de la fille
 
unum me facerem beatiorem,
Comme plus chanceux que les autres,
« non » inquam « mihi tam fuit maligne,
« Non» ,dit-je, «je ne peux pas me plaindre,
 
ut, provincia quod mala incidisset,
Dans cette province qui ne m’a pas si bien réussi,
 
non possem octo homines parare rectos. »
J’ai emporté huit porteurs gaillards ».
At mi nullus erat nec hic neque illic,
Il est vrai que je n’avais personne, ni ici ni ailleurs,
 fractum qui veteris pedem grabati
De porter même les restes d’un ancien grabat
 
in collo sibi collocare posset.
Sur ses épaules !
 
Hic illa, ut decuit cinaediorem,
Elle, impertinente, me demanda :
« quaeso » inquit « mihi, mi Catulle, paulum
«Pouvez-vous, mon cher Catulle 
 istos commoda, nam volo ad Serapim
Me prêter ces hommes car je souhaite aller au Temple de Sérapis**. »
 « 
deferri. » « Mane, » inquii puellae,
« Attendez ! » dis-je à la belle,
« istud quod modo dixeram me habere,
« Quand je dis que je les avais,
fugit me ratio: meus sodalis
Je voulais dire : un ami les a apportés,
Cinna est Gaius – is sibi paravit;
Mon ami Cinna Caïus lui-même ;
 
verum utrum illius an mei, quid ad me?
Mais peu importe qu’ils soient à moi ou à lui ?
 
Utor tam bene quam mihi pararim.
Je les utilise à mon gré comme si je les avais payés.
 
Sed tu insulsa male et molesta vivis,
Mais comme vous êtes déplaisante et ennuyeuse
per quam non licet esse neglegentem! »
 De ne pas accepter la moindre négligence de langage ! »

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NOTES

*La Bithynie se trouve au nord-ouest de l’Anatolie, actuelle Turquie. Les grandes citées sont Nicomédie, aujourd’hui Izmit et Nicée, aujourd’hui İznik.

** Sérapis (définition de la Première Encyclopédie – 1751 -Tome 15)
SÉRAPIS, ou SARAPIS (Mythol. Médaill. Inscript. Monum. Pierres gravées & Littérat.) c’était un grand dieu des Egyptiens, connu, selon toute apparence, par ce peuple, longtems avant les Ptolemées, selon l’opinion de M. Cuper, qui nous paraît la plus vraisemblable. Tacite, hist. liv. IV. ch. lxxxiij. le prétend aussi. Les Egyptiens, dit-il, nation superstitieuse, révéraient Sérapis plus qu’aucun autre divinité : Serapin dedita gens superstitionibus super alios colit. Ce n’était pas seulement le dieu tutélaire de toute l’Egypte en général, plusieurs des principales villes de ce royaume l’avaient choisi pour leur parton particulier, & le firent graver sur leurs monnaies en cette qualité ; mais entre toutes ces villes, aucune ne lui rendit des honneurs plus solennels & plus surprenants que celle d’Alexandrie.

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO












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Catulle – Catullus
X

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LA CANAILLE & LES DELICATS
par Ferdinand Brunetière
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines. Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Ferdinand Brunetière
Revue littéraire
À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 –  1882

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CATULLUS IX CATULLE A VERANIUS Verani, omnibus e meis amicis

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CATULLE CATULLUS IX

litterarumLittérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

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CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE IX

Verani, omnibus e meis amicis

A VERANIUS

Verani, omnibus e meis amicis
Veranius , le premier de tous mes amis,
antistans mihi milibus trecentis,
Le plus cher de tous,
venistine domum ad tuos penates
Es-tu rentré chez toi
fratresque unanimos anumque matrem?
Auprès de tes frères, auprès de ta vieille mère ?
venisti. o mihi nuntii beati!
Oui, te voici. Ô quelle heureuse nouvelle !
visam te incolumem audiamque Hiberum
Je vais te voir et t’entendre de l’Ibérie
narrantem loca, facta, nationes,
Narrer les lieux, tes faits, ses nations,
ut mos est tuus, applicansque collum
Et te prenant le cou
iucundum os oculosque suaviabor.
Je baiserai ta bouche et tes yeux.
o quantum est hominum beatiorum,
Ô combien y-a-t-il d’hommes plus heureux
quid me laetius est beatiusve?
Et plus joyeux que moi ?

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO












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Catulle – Catullus
IX

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LA CANAILLE & LES DELICATS
par Ferdinand Brunetière
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines. Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Ferdinand Brunetière
Revue littéraire
À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 –  1882

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CATULLUS VIII- CATULLE A LUI-MÊME – Ad Se Ipsum

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CATULLE CATULLUS VIII

litterarumLittérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

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CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE VIII

Ad Se Ipsum

CATULLE A LUI-MÊME

Catullus Building desinas ineptire,
Pauvre Catulle, cesse d’être stupide,
Perditum ducas quod inane pereundum.
Ce qui est perdu est mort à jamais .
Fulsere quondam candidi tibi soles
Jadis le soleil lumineux brillait
Quum ventitabas quo puella ducebat
Quand une belle t’appelait
Amata nobis quantum amabitur nulla.
Plus chérie qu’aucune autre fille.
Ibi illa multa cum jocosa fiebant,
Que de beaux moments tu passais,
Quae tu volebas nec puella nolebat,
Alors, ce que tu voulais, ta belle le voulait aussi,
Vere Candidi Fulsere Tibi soles.
Oui, vraiment, comme ces jours éclataient !
Nunc iam illa non vult; tu quoque, cæcos, claudos Noli,
Désormais, elle ne veut plus ; mais toi, aveugle, cesse de vouloir !
Nec quae fugit sectare nec bet vivere,
Ne poursuit plus celle qui prend la fuite,
Sed mente obstinatâ Perfer, obdura.
Que ton esprit reste ferme !
Vale, puella, jam Catullus obdurat,
Adieu, jeune fille, Catulle est décidé ;
Nec te requiret nec rogabit invitam.
Il ne regardera plus de beauté fugitive.
Nonne tu dolebis, quum rogaberis nulla.
Car toi aussi, belle, tu te désoleras quand tu te tarira.
Scelesta, vae te! Quae tibi manet vita?
Malheur à toi ! Que sera ta vie alors ?
Quis nunc te adibit? Cui videberis bella?
Qui  alors te regardera ? Pour qui te feras-tu belle ?
Quem nunc amabis? Cujus esse diceris?
Qui t’aimera alors ? Quel sera ton amant ?
Quem basiabis? Cui labella mordebis?
Pour qui tes baisers ? Pour qui tes morsures ?
Tu, Catulle, destinatus obdura.
Toi, Catulle, reste fort !

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO












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Catulle – Catullus
Catulli Carmen V

LA POESIE DE CATULLE



CATULLE
CATULLUS
84 avant J.-C. – 54 avant J.-C.

Traduction Jacky Lavauzelle

 

**

 Les Poèmes
de Catulle

Erato la Muse de la Poésie Lyrique
Simon Vouet

*

La Poésie de Catulle
*

I
A Cornelius Nepos
Ad Cornelium Nepotem

Cui dono lepidum novum libellum
A qui dédier ce nouveau livre charmant
 Arida modo pumice expolitum?
Que l’aride pierre ponce a lissé ?

*
II
Ad Passerem Lesbiae
Au Passereau de Lesbie

Passer, deliciae meae puellae,
Passereau, délice de ma  jeune amante,
  
Quicum ludere, quem in sinu tenere,
Avec qui elle joue et qu’elle tient sur son sein,








*
III
Luctus in morte passeris
La mort du passereau

Lugete, O Veneres Cupidinesque,
Pleurez, O Amours
 et quantum est hominum venustiorum:
et vous aussi hommes vénérables :








*
IV
Dedicatio Phaseli
Dédicace d’un Vaisseau

Phaselus ille, quem videtis, hospites,
Ce bateau, que vous voyez, à ce que l’on dit,
Ait fuisse navium celerrimus,
Etait le plus rapide des navires

*
V
Ad Lesbiam
A Lesbie

Vivamus mea Lesbia, atque amemus,
Vivons, ma Lesbie, et aimons-nous,
 
Rumoresque senum severiorum
Les rumeurs de la sévère sénilité








*
VI
Ad Flavium
A Flavius

Flavi, delicias tuas Catullo,
Flavius, à ton cher Catulle,
Ni sint illepidae atque inelegantes,
Sauf si ce sont des choses laides et inélégantes




*
VII
Ad Lesbiam
A Lesbie

Quaeris, quot mihi basiationes
Si tu me demandes combien de baisers
  Tuae, Lesbia, sint satis superque.
De ta part, Lesbie, sont satisfaisants et sont assez.

Cyrene_and_Cattle_-_Edward_Calvert

*

VIII
Ad Se Ipsum
Catulle à lui-même

Catullus Building desinas ineptire,
Pauvre Catulle, cesse d’être stupide,
Perditum ducas quod inane pereundum.
Ce qui est perdu est mort à jamais .




*

IX
Verani, omnibus e meis amicis
A VERANIUS

Verani, omnibus e meis amicis
Veranius , le premier de tous mes amis,
antistans mihi milibus trecentis,
Le plus cher de tous,

*

X
Varus me meus ad suos amores
LA MAÎTRESSE DE VARUS

Varus me meus ad suos amores
Varus m’entraîne vers l’objet de sa flamme
 visum duxerat e foro otiosum,
M’ayant trouvé au milieu du forum ;

*

*****************







*

XI
Ad Furium et Aurelium
À FURIUS ET AURELIUS

Furi et Aureli comites Catulli,
Furius et Aurélius, compagnons de Catulle
sive in extremos penetrabit Indos,
Pénétrant les lointaines Indes,

*

*

XII
ASINUS
CONTRE ASINUS

Marrucine Asini, manu sinistra
Asinus, toi le Marrucin*, à la main gauche
non belle uteris: in ioco atque vino
Si preste, frétillant gaiement sous les effets du vin

*

XIII
Ad Fabullum
A FABULLUS

Cenabis bene, mi Fabulle, apud me
Comme tu dîneras bien chez moi, mon cher Fabullus,
paucis, si tibi di favent, diebus,
Bientôt, si les dieux te sont favorables,

*

XIV
ad Calvum poetam
AU POETE LICINIUS CALVUS

Ni te plus oculis meis amarem,
Si plus que mes yeux je ne t’aimais,
 iucundissime Calve, munere isto
Charmant Calvus, de ce cadeau




*

XV
Ad Aurelium
A AURELIUS

Commendo tibi me ac meos amores,
Je te confie mes amours en Juventius,
 Aureli. veniam peto pudentem,
Aurélius. Je te demande seulement une faveur ;

*

XVI
Ad Aurelium et Furium
A AURELIUS ET FURIUS

Pedicabo ego vos et irrumabo,
Allez-vous faire foutre et bien d’autres choses encore
Aureli pathice et cinaede Furi,
Mauviette d’Aurèlius et Furius la lopette,

*

XVII
AD COLONIAM
A COLONIA

O Colonia, quae cupis ponte ludere longo,
O ville de Colonia, tu souhaites un pont majestueux
 et salire paratum habes, sed vereris inepta




Pour d’excessives fééries, car tu as peur que le tien,

*

XXI
AD AURELIUM
A AURELIUS

Aureli, pater esuritionum,
Aurélius, père des disettes,
non harum modo, sed quot aut fuerunt
Celles d’aujourd’hui comme celles d’hier

*

XXII
AD VARUM
A VARUS

Suffenus iste, Vare, quem probe nosti,
Ce Suffénius, Varus, que tu connais bien,
homo est venustus et dicax et urbanus,
Est un homme charmant, délicat et sociable,

*

XXIII
AD FURIUM
À FURIUS

Furi cui neque servus est neque arca
Furius, toi qui n’as ni serviteur ni argent
nec cimex neque araneus neque ignis,
Pas une seule punaise,  pas une pauvre araignée, pas un misérable feu,




XXIV
AD JUVENTIUM PUERUM
AU PETIT JUVENTIUS

qui flosculus es Iuventiorum,
O, petite fleur des Juventius,
non horum modo, sed quot aut fuerunt
non seulement des anciens, d’aujourd’hui

**

XXV
Ad Thallum
À THALLUS

Cinaede Thalle, mollior cuniculi capillo
 Sybarite Tellus, plus mou que la poil du lapin
vel anseris medullula vel imula oricilla
 Plus flottant que le duvet de l’oie, que le lobe de l’oreille

**

XXVI
Ad Furium
À Furius

Furi villula vestra non ad Austri
Furius, votre maison de campagne ne souffre ni de l’Auster du midi
 flatus opposita est neque ad Favoni
 ni du zéphyr d’occident,




**

XXVII
Ad pincernam suum  
À son servant

Minister vetuli puer Falerni
 Esclave, toi qui nous donne du vin de Falerne,
inger mi calices amariores,
 Donne-nous un vin avec plus sévère,

**

XXVIII
Ad Veranium et Fabullum
À Veranius et Fabullus

Pisonis comites, cohors inanis,
Compagnons de Pison, dont sa cour reste vide
 
aptis sarcinulis et expeditis,
d’argent et dépourvue de malles,

**

XXIX
 In Caesarem
Contre César

Quis hoc potest videre, quis potest pati,
Quel homme peut voir et peut accepter
Nisi impudicus et vorax et aleo,
Sinon un impudique, un vorace et un voleur,

**

XXX
Ad Alphenum
A ALPHENUS

Alfene immemor atque unanimis false sodalibus,
Amnésique Alfénus Varus envers tes compagnons,
iam te nil miseret, dure, tui dulcis amiculi?
Es-tu déjà aussi sans pitié, implacable, pour ton ami si tendre ?

**

XXXI
Ad Sirmium insulam
À LA PRESQU’ÎLE DE SIRMIONE

Paene insularum, Sirmio, insularumque
Joyau de toutes les presqu’îles et de toutes les îles, ô Sirmione
ocelle, quascumque in liquentibus stagnis
bénie par Neptune, seigneur des eaux stagnantes

**

XXXII
Ad Ipsicillam
À IPSITHILLA

Amabo, mea dulcis Ipsitilla,
 Je t’en prie, ma douce Ipsithilla,
 meae deliciae, mei lepores,
ma joie et le délice de mon existence,

**

XXIII
Ad Vibennios
CONTRE LES VIBENNIUS

o Furum optime balneariorum
Ô grands voleurs des bains publics,
Vibenni pater et cinaede fili
Vibennius père et fils débauché,

**

XXXIV
Carmen Dianae
À DIANE

Dianae sumus in fide
Nous qui sommes à Diane dévoués,
 puellae et pueri integri:
jeunes filles et chastes garçons :

**

XXXV
ad Caecilium iubet libello loqui
INVITATION À CECILIUS

Poetae tenero, meo sodali,
Au délicat poète, à mon ami,
velim Caecilio, papyre, dicas
A Cécilius, je voudrais, papyrus, que tu lui dises

**

XXXVI
IN ANNALES VOLUSII
CONTRE LES ANNALES DE VOLUSIUS

Annales Volusi, cacata carta,
Annales de Volusius, papiers juste bons à torcher,
Votum soluite pro mea puella.
Vous devez réaliser le vœu de mon aimée.

**

XXXVII
AD CONTUBERNALES
À UNE TAVERNE PAILLARDE

Salax taberna vosque contubernales,
Vous les gaillards habitués de la paillarde taverne,
A pilleatis nona fratribus pila,
Au neuvième pilier après le temple de Castor et Pollux,

**

XXXVIII
AD CORNIFICIUM
À CORNIFICIUS

Malest, Cornifici, tuo Catullo
Le malheur frappe, Cornificius,  ton ami Catulle,
Malest, me hercule, et laboriose,
Le malheur, par Hercule, et la douleur

**

XLI
IN AMICAM FORMIANI
CONTRE AMÉANA
MAÎTRESSE DE MAMURRA

Ameana puella defututa
Améana, flétrie par le stupre et la débauche,
Tota milia me decem poposcit,
M’a demandé dix mille sesterces,

**

XLVI
AD ADVENTU VERIS
L’ARRIVÉE DU PRINTEMPS

Jam ver egelidos refert tepores,
Déjà, le printemps apporte les premières chaleurs
Jam caeli furor aequinoctialis
Déjà, les fureurs des vents de l’équinoxe sont apaisées

**

XLVII
AD PORCIUM ET SOCRATIONEM
À PORCIUS ET SOCRATION

Porci et Socration, duae sinistrae
Porcius et Socration, les deux mains gauches
Pisonis, scabies famesque mundi,
De Pison, à la fois gale et famine du monde,

**

XLVIII
AD JUVENTIUM
 À JUVENTIUS

Mellitos oculos tuos, Juventi,
Tes doux yeux mielleux, Juventius,
Si quis me sinat usque basiare,
Si je pouvais les embrasser

**

XLIX
AD M. T. CICERONEM
À CICÉRON

Disertissime Romuli nepotum,
Toi le plus éloquent des fils de Romulus,
Quot sunt quotque fuere, Marce Tulli,
D’aujourd’hui et d’hier, Marcus Tullius,

**

LVI
AD CATONEM
À CATON

O rem ridiculam, Cato, et jocosam,
Ô qu’elle est étrange, Caton, et rigolote,
 Dignamque auribus et tuo cachinno.
Digne de tes oreilles et de ta bonne humeur.

**

XCVIII
AD VETTIUM ou AD VICTIUM
À VECTIUS

In te, si in quemquam, dici pote, putide Vetti,
Il est en ce monde un adage, infâme Vectius,
Id quod verbosis dicitur et fatuis :
                   Que l’on réserve quand on parle des personnes stupides :

***

LA LANGUE DE CATULLE
À propos d’une traduction de Catulle
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines. Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Il est plus délicat de parler de la langue de Catulle. Si cependant nous y croyons discerner de l’archaïsme, nous pourrons bien nous tromper sur le choix des exemples ; nous ne nous tromperons pas au moins sur le caractère général du style, puisque nous en avons pour garant le témoignage d’Horace, en ses Satires. Et, tout de même encore, si nous nous permettons d’y signaler du néologisme, il n’importera guère que nous nous méprenions sur un point particulier ; nous ne nous méprendrons pas au moins sur le fait, puisque Catulle appartenait à l’école de ces νεὠτεροι, dont Cicéron se moque en plusieurs endroits de sa Correspondance. On reconnaît, à ce conflit de l’archaïsme et du néologisme, une langue incertaine encore de la direction qu’elle prendra. C’est ainsi qu’il y a dans notre Ronsard quelque résidu de la langue de Marot et de Villon, mais quelque promesse aussi de la langue de Malherbe et de Corneille. Tel madrigal de Catulle est tout à fait dans le grand goût de Tibulle et d’Horace, et telle de ses épigrammes dans le goût trop salé de Lucilius et de Plaute. Les éléments du grand style sont déjà comme en présence les uns des autres, et l’art de les juxtaposer, ou de les souder même, est déjà connu, mais ils ne sont pas encore fondus ensemble, l’alliage est imparfait, la substance du métal n’est pas encore et partout homogène. Un autre trait concorde à celui-ci. Les critiques signalent dans les vers de Catulle un nombre assez considérable de termes populaires qui, dans l’âge suivant, ont disparu du bon usage. Mais, d’autre part, ils y notent unanimement de la mignardise et de l’afféterie, par exemple dans un fâcheux abus qu’il se permet des diminutifs. C’est une preuve que, dans la langue de son temps, la séparation n’est pas encore faite entre l’idiome vulgaire et l’idiome littéraire. On sent le prix de la simplicité, d’une part et, faute d’y pouvoir toujours atteindre, on y supplée par la grossièreté. Mais, d’autre part, on sent le prix aussi de la distinction, et, faute d’y pouvoir atteindre, on y supplée par la recherche. C’est ainsi que, des hauteurs où la Pléiade, pindarisant et pétrarquisant, guindait son orgueilleuse prétention, nous la voyons quelquefois qui retombe de toute sa hauteur, à la grossièreté de l’ancien fabliau. Il est également demeuré dans Catulle quelque chose du parler des portefaix de Rome, tandis que, d’autre part, il dérobait à l’école d’Alexandrie ses plus subtils raffinements. Et ainsi, ce que nous pouvons juger de sa langue s’accorde avec ce que nous savons de son temps, pour nous faire voir en lui le représentant d’un art intermédiaire entre l’art qui vient de finir et celui qui n’est pas encore né : telle fut exactement, comme on sait, la situation de nos poètes du XVIe siècle.

Ferdinand Brunetière
 (1849 – 1906)
Revue littéraire – À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 1882

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TRADUCTION LATIN JACKY LAVAUZELLE

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Traduction Latin Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
LATINE
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Plautus Plaute Artgitato Mostellaria Le Revenant





Traductions Artgitato Français Portugais Latin Tchèque Allemand Espagnol

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TRADUCTION LATIN

LATINE

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Hildegarde de Bingen

Poèmes
hildegarde-de-bingen-poemes-hildegard-von-bingen-artgitato




Catulle
Catullus

La Poésie de Catulle

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JUVENAL
Decimus Iunius Iuvenalis
VIE & OEUVRE
SATIRES – SATVRAE

**

Plaute

Le Revenant – Mostellaria
Vers 190 av J-C

**

Pline l’Ancien

Historiarum Mundi – Histoire Naturelle
 Quand le Parfum devient luxe

**

Publilius Syrus

In Luxuriam – Contre le luxe
Sentences – Sententiae
Sur l’avarice, l’avidité et l’argent

**

 Sénèque

De Brevitate Vitae – De la brièveté de la vie

**

Caius Suetonius Tranquillus
Suétone

De vita Caesarum libri VIII- La Vie des douze Césars
Caligula

Traductions Artgitato Français Portugais Latin Tchèque Allemand Espagnol

**

Traduction Latin

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LA TRADUCTION ET LA VERSION
DANS
LA PREMIERE ENCYCLOPEDIE

TRADUCTION, s. f. VERSION, s. f. (Synonymes.) On entend également par ces deux mots la copie qui se fait dans une langue d’un discours premièrement énoncé dans une autre, comme d’hébreu en grec, de grec en latin, de latin en français, &c. Mais l’usage ordinaire nous indique que ces deux mots different entre eux par quelques idées accessoires, puisque l’on employé l’un en bien des cas ou l’on ne pourrait pas se servir de l’autre : on dit, en parlant des saintes écritures, la Version des septante, la Version vulgate ; & l’on ne dirait pas de même, la Traduction des septante, la Traduction vulgate : on dit au contraire que Vaugelas a fait une excellente traduction de Quint-Curce, & l’on ne pourroit pas dire qu’il en a fait une excellente version.

Il me semble que la version est plus littérale, plus attachée aux procédés propres de la langue originale, & plus asservie dans ses moyens aux vues de la construction analytique ; & que la traduction est plus occupée du fond des pensées, plus attentive à les présenter sous la forme qui peut leur convenir dans la langue nouvelle, & plus assujettie dans ses expressions aux tours & aux idiotismes de cette langue.

Delà vient que nous disons la version vulgate, & non la traduction vulgate ; parce que l’auteur a tâché, par respect pour le texte sacré, de le suivre littéralement, & de mettre, en quelque sorte, l’hébreu même à la portée du vulgaire, sous les simples apparences du latin dont il emprunte les mots. Miserunt Judæi ab Jerosolimis sacerdotes & levitas ad eum, ut interrogarent eum : tu quis es ? (Joan. j. 19.) Voilà des mots latins, mais point de latinité, parce que ce n’était point l’intention de l’auteur ; c’est l’hébraïsme tout pur qui perce d’une manière évidente dans cette interrogation directe, tu quis es : les latins auraient préféré le tour oblique quis ou quisnam esset ; mais l’intégrité du texte original serait compromise. Rendons cela en notre langue, en disant, les juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres & des lévites, afin qu’ils l’interrogeassent, qui es tu ? Nous aurons une version française du même texte : adaptons le tour de notre langue à la même pensée, & disons, les juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres & des lévites, pour savoir de lui qui il était ; & nous aurons une traduction.

L’art de la traduction suppose nécessairement celui de la version ; & delà vient que les translations que l’on fait faire aux jeunes gens dans nos collèges du grec ou du latin en français, sont très-bien nommées des versions : les premiers essais de traduction ne peuvent & ne doivent être rien autre chose.

La version littérale trouve ses lumières dans la marche invariable de la construction analytique, qui lui sert à lui faire remarquer les idiotismes de la langue originale, & à lui en donner l’intelligence, en remplissant les vides de l’ellipse, en supprimant les redondances du pléonasme, en ramenant à la rectitude de l’ordre naturel les écarts de la construction usuelle.

La traduction ajoute aux découvertes de la version littérale, le tour propre du génie de la langue dans laquelle elle prétend s’expliquer : elle n’employe les secours analytiques que comme des moyens qui font entendre la pensée ; mais elle doit la rendre cette pensée, comme on la rendrait dans le second idiome, si on l’avait conçue, sans la puiser dans une langue étrangère. Il n’en faut rien retrancher, il n’y faut rien ajouter, il n’y faut rien changer ; ce ne serait plus ni version, ni traduction ; ce serait un commentaire.

Ne pouvant pas mettre ici un traité développé des principes de la traduction, qu’il me soit permis d’en donner seulement une idée générale, & de commencer par un exemple de traduction, qui, quoique sorti de la main d’un grand maître, me paraît encore répréhensible.

Cicéron, dans son livre intitulé Brutus, ou des orateurs illustres, s’exprime ainsi : (ch. xxxj.) Quis uberior in dicendo Platone ? Quis Aristotele nervosior ? Theophrasto dulcior ? Voici comment ce passage est rendu en Français par M. de la Bruyère, dans son discours sur Théophraste : « Qui est plus fécond & plus abondant que Platon ? plus solide & plus ferme qu’Aristote ? plus agréable & plus doux que Théophraste ? ».

C’est encore ici un commentaire plutôt qu’une traduction, & un commentaire au-moins inutile. Uberior ne signifie pas tout à la fois plus abondant & plus fécond ; la fécondité produit l’abondance, & il y a entre l’un & l’autre la même différence qu’entre la cause & l’effet ; la fécondité était dans le génie de Platon, & elle a produit l’abondance qui est encore dans ses écrits.

Nervosus, au sens propre, signifie nerveux ; & l’effet immédiat de cette heureuse constitution est la force, dont les nerfs sont l’instrument & la source : le sens figuré ne peut prendre la place du sens propre que par analogie, & nervosus doit pareillement exprimer ou la force, ou la cause de la force. Nervosior ne veut donc pas dire plus solide & plus ferme ; la force dont il s’agit in dicendo, c’est l’énergie.

Dulcior (plus agréable & plus doux) ; dulcior n’exprime encore que la douceur, & c’est ajouter à l’original que d’y joindre l’agrément : l’agrément peut être un effet de la douceur, mais il peut l’être aussi de toute autre cause. D’ailleurs pourquoi charger l’original ? Ce n’est plus le traduire, c’est le commenter ; ce n’est plus le copier, c’est le défigurer.

Ajoutez que, dans sa prétendue traduction, M. de la Bruyère ne tient aucun compte de ces mots in dicendo, qui sont pourtant essentiels dans l’original, & qui y déterminent le sens des trois adjectifs uberior, nervosior, dulcior : car la construction analytique, qui est le fondement de la version, & conséquemment de la traduction, suppose la phrase rendue ainsi ; quis suit uberior in dicendo præ Platone ? quis fuit nervosior in dicendo, præ Aristotele ? quis fuit dulcior in dicendo, præ Theophrasto ? Or dès qu’il s’agit d’expression, il est évident que ces adjectifs doivent énoncer les effets qui y ont produit les causes qui existaient dans le génie des grands hommes dont on parle.

Ces réflexions me porteraient donc à traduire ainsi le passage dont il s’agit : Qui a dans son élocution plus d’abondance que Platon ? plus de nerf qu’Aristote ? plus de douceur que Théophraste ? si cette traduction n’a pas encore toute l’exactitude dont elle est peut-être susceptible, je crois du moins avoir indiqué ce qu’il faut tâcher d’y conserver ; l’ordre des idées de l’original, la précision de sa phrase, la propriété de ses termes.J’avoue que ce n’est pas toujours une tâche fort aisée ; mais qui ne la remplit pas n’atteint pas le but.

« Quand il s’agit, dit M. Batteux, (Cours de belles-lettres, III. part. jv. sect.) de représenter dans une autre langue les choses, les pensées, les expressions, les tours, les tons d’un ouvrage ; les choses telles qu’elles sont, sans rien ajouter, ni retrancher, ni déplacer ; les pensées dans leurs couleurs, leurs degrés, leurs nuances ; les tours qui donnent le feu, l’esprit, la vie au discours ; les expressions naturelles, figurées, fortes, riches, gracieuses, délicates, &c. & le tout d’après un modèle qui commande durement, & qui veut qu’on lui obéisse d’un air aisé : il faut, sinon autant de génie, du-moins autant de goût, pour bien traduire que pour composer. Peut-être même en faut-il davantage. L’auteur qui compose, conduit seulement par une sorte d’instinct toujours libre, & par sa matière qui lui présente des idées qu’il peut accepter ou rejeter à son gré, est maître absolu de ses pensées & de ses expressions : si la pensée ne lui convient pas, ou si l’expression ne convient pas à la pensée, il peut rejeter l’une & l’autre : quæ desperat tractata nitescere posse, relinquit. Le traducteur n’est maître de rien ; il est obligé de suivre partout son auteur, & de se plier à toutes ses variations avec une souplesse infinie. Qu’on en juge par la variété des tons qui se trouvent nécessairement dans un même sujet, & à plus forte raison dans un même genre… Pour rendre tous ces degrés, il faut d’abord les avoir bien sentis, ensuite maîtriser à un point peu commun la langue que l’on veut enrichir de dépouilles étrangères. Quelle idée donc ne doit-on pas avoir d’une traduction faite avec succès ? »

Rien de plus difficile en effet, & rien de plus rare qu’une excellente traduction, parce que rien n’est ni plus difficile ni plus rare, que de garder un juste milieu entre la licence du commentaire & la servitude de la lettre. Un attachement trop scrupuleux à la lettre, détruit l’esprit, & c’est l’esprit qui donne la vie : trop de liberté détruit les traits caractéristiques de l’original, on en fait une copie infidèle.

Qu’il est fâcheux que les révolutions des siècles nous aient dérobé les traductions que Cicéron avait faites de grec en latin, des fameuses harangues de Démosthène & d’Eschine : elles seraient apparemment pour nous des modèles sûrs ; & il ne s’agirait que de les consulter avec intelligence, pour traduire ensuite avec succès. Jugeons-en par la méthode qu’il s’était prescrite dans ce genre d’ouvrage, & dont il rend compte lui-même dans son traité de optimo genere oratorum. C’est l’abrégé le plus précis, mais le plus lumineux & le plus vrai, des règles qu’il convient de suivre dans la traduction ; & il peut tenir lieu des principes les plus développés, pourvu qu’on sache en saisir l’esprit. Converti ex atticis, dit-il, duorum eloquentissimorum nobilissimas orationes inter se contrarias, Eschinis Demosthenisque ; nec converti ut interpres, sed ut orator, sententiis iisdem, & earum formis tanquam figuris ; verbis ad nostram consuetudinem aptis, in quibus non verbum pro verbo necesse habui reddere, fed genus omnium verborum vimque servavi. Non enim ea me annumerare lectori putavi oportere, sed tanquam appendere. (B. E. R. M.)

Nicolas Beauzée
Première édition de l
’Encyclopédie
1751
Tome 16

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A Lesbie – VII- CATULLE – CATULLUS -Ad Lesbiam

 

CATULLI CARMEN VII
C.V. CATULLI CARMINUM LIBER
litterarum
– Littérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

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CATULLE
CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE VII

Erato la Muse de la Poésie Lyrique
Simon Vouet




Ad Lesbiam

A Lesbie

Cyrene_and_Cattle_-_Edward_Calvert

Quaeris, quot mihi basiationes
Si tu me demandes combien de baisers
  Tuae, Lesbia, sint satis superque.
De ta part, Lesbie, sont satisfaisants et sont assez.
  Quam magnus numerus Libyssae harenae
Je dis : autant que de grains de sable en Lybie
Lasarpiciferis iacet Cyrenis
Autour des fruitiers de Cyrène
Oraclum Iovis inter aestuosi
entre l’oracle sensuel
Et Batti veteris sacrum sepulcrum;
et le tombeau sacré de l’antique Battus ;
Aut quam sidera multa, cum tacet nox,
ou autant que d’étoiles dans le silence de la nuit,
Furtivos hominum vident amores:
Montrant les furtifs désirs humains :
Tam te basia multa basiare
Donc, de si nombreux baisers
Vesano satis et super Catullo est,
seraient satisfaisants et suffisants pour Catulle,
Quae nec pernumerare curiosi
Assez pour punir les curieux
Possint nec mala fascinare lingua.
Et aussi ensorceler leurs langues.












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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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Catulle – Catullus
Catulli Carmen VII

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LA LESBIE DE CATULLE

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines.








Ferdinand Brunetière
 (1849 – 1906)
Revue littéraire – À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 1882

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A FLAVIUS – VI- CATULLE – CATULLUS -AD FLAVIUM

CATULLI CARMEN VI
C.V. CATULLI CARMINUM LIBER
litterarum
– Littérature Latine
Catulle

Erato la Muse de la Poésie Lyrique
Simon Vouet

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

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CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE VI









Ad Flavium

A Flavius

Flavi, delicias tuas Catullo,
Flavius, à ton cher Catulle,
Ni sint illepidae atque inelegantes,
Sauf si ce sont des choses laides et inélégantes
Velles dicere nec tacere posses.
Tu me le dirais et ne pourrais le taire.
Verum nescio quid febriculosi
Mais je ne sais quelle fiévreuse
Scorti diligis: hoc pudet fateri.
Courtisane tu protèges : tu as honte de l’admettre.
Nam te non viduas iacere noctes
Tu ne vis pas tes nuits
Nequiquam tacitum cubile clamat
Dans ton lit, à pleurer en vain :
Sertis ac Syrio fragrans olivo,
Les guirlandes et l’huile parfumée,
 Pulvinusque peraeque et hic et ille
Les coussins et les oreillers, ici et là
Attritus, tremulique quassa lecti
Les bruissements les secousses de ta couche
Argutatio inambulatioque.
grinçante sont autant d’arguments.
Nam nil stupra valet nihil tacere.
Encore une fois c’est en vain que tu te caches.
Cur nunc tam latera ecfututa pandas,
Pourquoi donc divulguer de telles pitreries
Ni tu quid facias ineptiarum.
Sauf si tu fais quelque chose de stupide.
Quare, quidquid habes boni malique,
Par conséquent, parle de ce que tu as de bon ou de mauvais,
Dic nobis. volo te ac tuos amores
Dis-moi. Je souhaite que, toi et tes amours,
Ad coelum lepido vocare versu.
Vous vous retrouviez dans mes vers charmants..

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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Catulle – Catullus
Catulli Carmen VI

A LESBIE – V- CATULLE – CATULLUS – AD LESBIAM

CATULLI CARMEN V
C.V. CATULLI CARMINUM LIBER
litterarum
Littérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

IMG_4840

CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE V

Ad Lesbiam

A Lesbie

Vivamus mea Lesbia, atque amemus,
Vivons, ma Lesbie, et aimons-nous,
 
Rumoresque senum severiorum
Les rumeurs de la sévère sénilité
Omnes unius aestimemus assis.
Ne valent rien pour nous !
  Soles occidere et redire possunt:
Les journées peuvent se lever et se coucher :
Nobis cum semel occidit brevis lux,
Quand notre brève lumière sera éteinte pour nous,
Nox est perpetua una dormienda.
Nous dormirons d’un sommeil ininterrompu.
  Da mi basia mille, deinde centum,
Donne-moi mille baisers, puis cent,
Dein mille altera, dein secunda centum,
puis mille autres, puis cent une seconde fois,
Deinde usque altera mille, deinde centum.
puis encore un autre mille, puis cent.
  Dein, cum milia multa fecerimus,
Puis, quand nous en aurons plusieurs milliers,
Conturbabimus illa, ne sciamus,
Nous les mélangerons tant et tant, que personne ne saura
  Aut ne quis malus invidere possit,
De peur que l’on puisse nous les envier,
Cum tantum sciat esse basiorum.
Combien de baisers auront été donnés.

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO












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Catulle – Catullus
Catulli Carmen V