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CATULLE XVII CATULLUS – AD COLONIAM – A COLONIA

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CATULLE CATULLUS XVII

litterarumLittérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

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CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE XVII

 A Colonia

AD COLONIUM

 

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O Colonia, quae cupis ponte ludere longo,
O ville de Colonia, tu souhaites un pont majestueux
 et salire paratum habes, sed vereris inepta




Pour d’excessives fééries, car tu as peur que le tien,
crura ponticuli axulis stantis in redivivis,
Aux arches flageolants, aux planches brinquebalantes,
ne supinus eat cavaque in palude recumbat:
Ne s’écroule et ne sombre dans les marécages :
sic tibi bonus ex tua pons libidine fiat,
Qu’un nouveau pont solide se dresse fièrement,
  in quo vel Salisubsali sacra suscipiantur,
Résistant aux vibrations sacrées des Saliens ;




munus hoc mihi maximi da, Colonia, risus.
En attendant, je voudrais une faveur de ta part, Colonia.
  quendam municipem meum de tuo volo ponte
J’aimerais qu’un de mes concitoyens
ire praecipitem in lutum per caputque pedesque,
Tombe de ce pont dans la boue et s’enfonce de la tête aux pieds
verum totius ut lacus putidaeque paludis
A l’endroit le plus putride du marais,




lividissima maximeque est profunda vorago.
Dans le lieu le plus sombre de cette profonde fosse.
insulsissimus est homo, nec sapit pueri instar
Cet homme est un fâcheux crétin
bimuli tremula patris dormientis in ulna.
Qui dort et se fait bercer dans les bras de son père.
cui cum sit viridissimo nupta flore puella
Qui a épousé une demoiselle dans la fleur de l’âge
et puella tenellulo delicatior haedo,
Plus attendrissante qu’un agneau de lait ;
adservanda nigerrimis diligentius uuis,
Nécessitant plus d’attention encore que le divin raisin,
ludere hanc sinit ut lubet, nec pili facit uni,
Lui, la laisse jouer sans se soucier de sa personne,
nec se subleuat ex sua parte, sed velut alnus
Et sans bouger à ses côtés, tel un aulne




in fossa Liguri iacet suppernata securi,
Dans un fossé fracassé par la hache du Ligure,
 tantundem omnia sentiens quam si nulla sit usquam;
Insensible comme si elle n’existait pas ;
talis iste meus stupor nil videt, nihil audit,
Ainsi, mon benêt ne voit rien, n’entend rien,
qui sit, utrum sit an non sit, id quoque nescit.
Il est là, comme s’il ne connaissait pas son sexe.
ipse nunc eum volo de tuo ponte mittere pronum,
C’est cet homme-là qu’il faudrait balancer de ton pont ;




si pote stolidum repente excitare veternum,
Afin de réveiller tout à coup ce lourdaud endormi,
et supinum animum in gravi derelinquere caeno,
Qu’il oubli son aveuglement dans l’épaisse boue
ferream ut soleam tenaci in voragine mula.
Comme la mule y laisserait le fer de son sabot.

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Ad Colonium
A COLONIA

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO












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Catulle – Catullus
XVII

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LA CANAILLE & LES DELICATS
par Ferdinand Brunetière
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines. Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Ferdinand Brunetière
Revue littéraire
À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 –  1882

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