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A CATON CATULLE 56 CATULLUS LVI AD CATONEM

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CATULLE CATULLUS LVI

litterarumLittérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

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CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE LVI

 Ad Catonem
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À CATON
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***

 

O rem ridiculam, Cato, et jocosam,
Ô qu’elle est étrange, Caton, et rigolote,
 Dignamque auribus et tuo cachinno.
Digne de tes oreilles et de ta bonne humeur.
Ride quidquid amas, Cato, Catullum ;
Écoute, toi qui aimes rire, Caton, en l’honneur de ton Catulle ;
Res est ridicula et nimis jocosa.
La chose est drôle et très plaisante.
Deprendi modo pupulum puellae
J’ai surpris un garçon et une jeune fille ; et lui tentait de la
Trusantem. Hunc ego, si placet Dionae,
Trousser. Et moi, que Vénus me le pardonne,
Protelo rigida mea cecidi.
J’ai troussé à mon tour le bellâtre de mon membre rigide.



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Catulle – Catullus
POESIE LVI

CATULLE POÈME

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LA CANAILLE & LES DELICATS
par Ferdinand Brunetière
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines.



Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Ferdinand Brunetière
Revue littéraire
À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 –  1882

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DANTE ALIGHIERI : LE PURGATOIRE PURGATORIO CANTO I CHANT I

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LA DIVINE COMEDIE – Divina Commedia
Traduction – Texte Bilingue
LITTERATURE ITALIENNE
Letteratura Italiana

DANTE ALIGHIERI
Firenze 1265 Florence – Ravenna 1321 Ravenne

Portrait de Dante de la Chapelle du Palais de Bargello Florence
Cappella del Podestà Firenze
attribué à Giotto di Bondone
Il ritratto di Dante in un’elaborazione grafica
Détail
& Representación artística del purgatorio
Représentation artistique du purgatoire

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Traduction  Traduzione Jacky Lavauzelle

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DANTE ALIGHIERI

LA DIVINE COMEDIE
Divina Commedia
1303 – 1321
LE PURGATOIRE
PURGATORIO

 

CANTO 1
CHANT 1

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Per correr miglior acque alza le vele
A la recherche de meilleures eaux, elle hisse les voiles
 
omai la navicella del mio ingegno,
désormais de la nacelle de mon génie,
che lascia dietro a sé mar sì crudele;
laissant derrière lui une mer si cruelle ;

e canterò di quel secondo regno
et je chanterai ce second royaume
dove l’umano spirito si purga
d’où l’esprit humain se purifie
e di salire al ciel diventa degno.
et monte au ciel plus dignement.

Ma qui la morta poesì resurga,
Mais ici resurgit la poésie morte,
o sante Muse, poi che vostro sono;
  ô saintes Muses, car je suis à vous ;
e qui Calïopè alquanto surga,
  et que la belle voix Calliope s’entend légèrement,




seguitando il mio canto con quel suono
suivant mon chant avec cet air
di cui le Piche misere sentiro
dont les neuf Pies misérables de Piéros sentirent
 
lo colpo tal, che disperar perdono.
tant le coup, qu’elles désespérèrent d’être pardonnées.

Dolce color d’orïental zaffiro,
Douce couleur d’oriental saphir
che s’accoglieva nel sereno aspetto
qui s’accueillait dans une apparence sereine
  del mezzo, puro infino al primo giro,
de l’air, pur jusqu’au premier tour,




a li occhi miei ricominciò diletto,
à mes yeux recommencera le  plaisir,
 
tosto ch’io usci’ fuor de l’aura morta
 dès que je m’extirpai de l’air mort
 
che m’avea contristati li occhi e ’l petto.
qui m’avait noirci et mes yeux et mon cœur.

Lo bel pianeto che d’amar conforta
La belle planète qui d’aimer réconforte
faceva tutto rider l’orïente,
rendait joyeux la totalité de l’orient,
velando i Pesci ch’erano in sua scorta.
voilant la constellation des Poissons dans son escorte.

I’ mi volsi a man destra, e puosi mente
Je me suis tourné vers la droite, et j’ai fixé mon esprit
a l’altro polo, e vidi quattro stelle
 sur l’autre pôle, et je vis quatre étoiles
non viste mai fuor ch’a la prima gente.
jamais vues sauf des premiers regards d’Adam et d’Eve.

Goder pareva ’l ciel di lor fiammelle:
Le ciel de leurs flammes semblait se complaire :
oh settentrïonal vedovo sito,
 oh site veuf septentrional,
poi che privato se’ di mirar quelle!
puisque de les admirer tu ne peux !




Com’io da loro sguardo fui partito,
Comme je les quittai du regard,
un poco me volgendo a l’altro polo,
vers l’autre pôle me tournant légèrement,
 
là onde ’l Carro già era sparito,
 là où le chariot de la Grande Ourse avait disparu,




vidi presso di me un veglio solo,
je vis à côté de moi un vieillard seul,
  degno di tanta reverenza in vista,
digne de tant de respect dans son regard,
che più non dee a padre alcun figliuolo.
qu’aucun fils ne peut en donner plus à son père.

Lunga la barba e di pel bianco mista
Sa longue barbe légèrement blanchie
 
portava, a’ suoi capelli simigliante,
portait, comme pour ses cheveux,
 
de’ quai cadeva al petto doppia lista.
une double vague qui tombait sur sa poitrine.

Li raggi de le quattro luci sante
Les rayons des quatre saintes lumières
fregiavan sì la sua faccia di lume,
 ornaient tant son visage de lumière,
 
ch’i’ ’l vedea come ’l sol fosse davante.
que je le voyais comme s’il faisait face au soleil.

« Chi siete voi che contro al cieco fiume
« Qui êtes-vous, en affrontant l’aveugle rivière 
fuggita avete la pregione etterna? »,
 avez fui l’éternel cachot ?  »
 
diss’el, movendo quelle oneste piume.
dit-il, en ajustant ces vénérables plumes.

« Chi v’ ha guidati, o che vi fu lucerna,
« Qui vous a donc guidé, qui vous a éclairé de sa lampe,
 
uscendo fuor de la profonda notte
pour vous extirper de la profonde nuit
che sempre nera fa la valle inferna?
de ce noir qui toujours recouvre la vallée infernale ?




Son le leggi d’abisso così rotte?
Les lois de l’abîme sont-elles brisées ?
o è mutato in ciel novo consiglio,
Ou un nouveau règlement existe-t-il dans le ciel,
 che, dannati, venite a le mie grotte? ».
 Que, damnés, vous arriviez  ainsi à mes grottes ? ».

Lo duca mio allor mi diè di piglio,
Mon guide me saisit alors,
 
e con parole e con mani e con cenni
Et avec ses paroles, ses mains et ses gestes
reverenti mi fé le gambe e ’l ciglio.
de ma tête à mes genoux me rendit révérencieux.




Poscia rispuose lui: « Da me non venni:
Puis il répondit : « De moi-même, je ne suis pas venu :
  donna scese del ciel, per li cui prieghi
une dame [Béatrice] est venue du ciel, m’a supplié
de la mia compagnia costui sovvenni.
  de l’aider par ma compagnie.

Ma da ch’è tuo voler che più si spieghi
Mais comme tu veux comprendre
di nostra condizion com’ell’è vera,
notre condition, ce qu’elle est vraiment,
esser non puote il mio che a te si nieghi.
je ne serais te le refuser.

Questi non vide mai l’ultima sera;
Celui-là n’a jamais vu sa nuit dernière ;
ma per la sua follia le fu sì presso,
Mais par sa folie en était si proche,
che molto poco tempo a volger era.
et très peu de temps lui restait.




Sì com’io dissi, fui mandato ad esso
Oui comme je le disais, j’ai été envoyé
 
per lui campare; e non lì era altra via
afin de le sauver, et il n’y avait pas d’autres chemins
che questa per la quale i’ mi son messo.
que celui dans lequel je me suis engagé.

Mostrata ho lui tutta la gente ria;
Je lui ai montré toute la perdition humaine ;
e ora intendo mostrar quelli spirti
et maintenant j’ai l’intention de montrer les esprits
che purgan sé sotto la tua balìa.
Qui se purifie sous ta tutelle.




Com’io l’ ho tratto, saria lungo a dirti;
Comme je l’ai porté serait long à raconter ;
de l’alto scende virtù che m’aiuta
une vertu des hauteurs descend qui m’aide
conducerlo a vederti e a udirti.
A  le conduire à te voir et à t’entendre.

Or ti piaccia gradir la sua venuta:
Que tu veuilles accepter sa venue :
libertà va cercando, ch’è sì cara,
quêtant la liberté, qui lui est si chère,
 come sa chi per lei vita rifiuta.
 comme sait qui [Caton] refusa la vie pour elle.

Tu ’l sai, ché non ti fu per lei amara
Tu le sais, car elle ne fut pas amère
in Utica la morte, ove lasciasti
ta  mort à Utique, où tu quittas
 la vesta ch’al gran dì sarà sì chiara.
la veste qui sera brillante au grand jour.

Non son li editti etterni per noi guasti,
 Nous ne nous sommes pas détournés des édits éternels,
 ché questi vive e Minòs me non lega;
Depuis celui-ci vit, et Minos, le juge aux enfers, ne me lie pas ;
  ma son del cerchio ove son li occhi casti
Mais je suis de ce cercle où se trouvent les yeux chastes. 

di Marzia tua, che ’n vista ancor ti priega,
de ta conjointe Marcia, qui te regarde encore suppliante,
 
o santo petto, che per tua la tegni:
o sainte poitrine, pour qu’elle soit tienne :
 
per lo suo amore adunque a noi ti piega.
pour son amour, laisse-toi succomber.




Lasciane andar per li tuoi sette regni;
 Laisse-nous pénétrer dans tes sept royaumes ;
grazie riporterò di te a lei,
je demanderai grâce de toi à elle,
se d’esser mentovato là giù degni ».
s’il te sied d’être mentionné là-bas ».

« Marzïa piacque tanto a li occhi miei
« Marcia si heureuse à mes yeux
mentre ch’i’ fu’ di là », diss’elli allora,
Alors que j’étais sur terre», dit-il,
che quante grazie volse da me, fei.
 Que tout ce qu’elle voulait je le lui fis.

Or che di là dal mal fiume dimora,
Au-delà de la rivière du mal,
 
più muover non mi può, per quella legge
elle ne peut plus me toucher, par cette loi
forums.che fatta fu quando me n’usci’ fora.
qui a été faite quand de là-bas je suis sorti.

Ma se donna del ciel ti move e regge,
Mais si dame du ciel te meut et te régit,
 
come tu di’, non c’è mestier lusinghe:
Comme tu dis, la flatterie n’a pas sa place :
bastisi ben che per lei mi richegge.
il suffit que pour elle tu me pries.

Va dunque, e fa che tu costui ricinghe
Va donc, et tu devras le ceindre
d’un giunco schietto e che li lavi ’l viso,
d’un doux jonc, et lui laver le visage,
sì ch’ogne sucidume quindi stinghe;
pour que partent les stigmates ;




ché non si converria, l’occhio sorpriso
il ne conviendrait pas, l’œil surpris
  d’alcuna nebbia, andar dinanzi al primo
par quelques nuées, de se trouver au premier
ministro, ch’è di quei di paradiso.
ministère, de ceux du Paradis.

Questa isoletta intorno ad imo ad imo,
Le rivage de cette îlette,
 
là giù colà dove la batte l’onda,
là où l’onde bat,
porta di giunchi sovra ’l molle limo:
donne des joncs sur sa vase molle :

null’altra pianta che facesse fronda
Aucune autre plante portant frondaison
o indurasse, vi puote aver vita,
ou branchage, ne peut y vivre,
 però ch’a le percosse non seconda.
ne pouvant y supporter les chocs.

Poscia non sia di qua vostra reddita;
Par la suite ne faites pas retour ici ;
lo sol vi mosterrà, che surge omai,
Le soleil vous montrera, qui maintenant se lève,
prendere il monte a più lieve salita ».
l’ascension la plus facile de la montagne ». 

Così sparì; e io sù mi levai
Il disparu ; Je me suis levé
sanza parlare, e tutto mi ritrassi
Sans un mot, et je me suis rapproché
al duca mio, e li occhi a lui drizzai.
de mon guide et j’ai levé les yeux vers lui.

El cominciò: « Figliuol, segui i miei passi:
Et il commença: « Mon fils, suis mes pas :
volgianci in dietro, ché di qua dichina
Revenons sur nos pas, vois comme elle s’abaisse
questa pianura a’ suoi termini bassi ».
cette plaine sur sa partie inférieure ».

L’alba vinceva l’ora mattutina
L’aube gagnait l’heure matinale
che fuggia innanzi, sì che di lontano
qui fuyait, de sorte que de loin
conobbi il tremolar de la marina.
je reconnus le tremblement de la mer.

Noi andavam per lo solingo piano
Nous marchions dans la plaine solitaire
com’om che torna a la perduta strada,
comme celui qui retrouve la route perdue
che ’nfino ad essa li pare ire in vano.
et qui continue en vain.

Quando noi fummo là ’ve la rugiada
Quand nous nous trouvâmes là où la rosée
pugna col sole, per essere in parte
lutte avec le soleil, pour être en partie
dove, ad orezza, poco si dirada,
là où l’ombre tombe, qui peu à peu s’évapore,




ambo le mani in su l’erbetta sparte
ses deux mains sur l’herbe
soavemente ’l mio maestro pose:
doucement mon maître posa :
ond’io, che fui accorto di sua arte,
en comprenant la signification,

porsi ver’ lui le guance lagrimose;
je dirigeai vers lui mes joues pleines de larmes ;
  
ivi mi fece tutto discoverto
il me fit découvrir
quel color che l’inferno mi nascose.
cette couleur que l’enfer m’avait cachée.

Venimmo poi in sul lito diserto,
Puis arrivâmes sur le rivage désert,
che mai non vide navicar sue acque
qui n’a jamais encore vu naviguer sur ses eaux
omo, che di tornar sia poscia esperto.
aucun homme qui ne put revenir sur terre.

Quivi mi cinse sì com’altrui piacque:
Là, il me serra comme le souhaitait Caton :
oh maraviglia! ché qual elli scelse
ô merveille ! comme il choisit
l’umile pianta, cotal si rinacque
l’humble plante, et telle elle renaquit,

subitamente là onde l’avelse.
subitement là où il venait de la cueillir.

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