Archives par mot-clé : CANTI DI CASTELVECCHIO

GIOVANNI PASCOLI – NEBBIA – LA BRUME – Canti di Castelvecchio

Giovanni Pascoli

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

Jacky Lavauzelle

Letteratura Italiana

GIOVANNI PASCOLI
1855-1912

Giovanni Pascoli artgitato poesie poesia

Traduction Jacky Lavauzelle

——-




NEBBIA
La Brume

Canti di Castelvecchio

**

Nascondi le cose lontane,
Tu dissimules les choses lointaines,
tu nebbia impalpabile e scialba,
Toi brume impalpable et terne,
 tu fumo che ancora rampolli,
Toi nuée d’où partent encore,
su l’alba,
A l’aube,
da’ lampi notturni e da’ crolli
Des lumières nocturnes d’où s’écroulent
d’aeree frane!
Des pans du ciel !






Nascondi le cose lontane,
Tu dissimules les choses lointaines,
 nascondimi quello ch’è morto!
Voile-moi ce qui est mort !
 Ch’io veda soltanto la siepe
Que je ne vois que la silhouette
dell’orto,
Du verger,
la mura ch’ha piene le crepe
Que les fissures dans les murs pleines
 di valerïane.
De valériane.



Nascondi le cose lontane:
Dissimule les choses lointaines :
  le cose son ebbre di pianto!
Les choses ivres de larmes !
Ch’io veda i due peschi, i due meli,
Que je vois mes deux pêchers, mes deux pommiers,
 soltanto,
Seulement,
che dànno i soavi lor mieli
Qui donnent la douceur au miel
 pel nero mio pane.
Sur mon pain noir.



 Nascondi le cose lontane
Dissimule les choses lointaines
che vogliono ch’ami e che vada!
Qui veulent que j’aime, qui veulent que j’aille !
Ch’io veda là solo quel bianco
Que je ne vois que le blanc
  di strada,
De la rue,
che un giorno ho da fare tra stanco
Qu’un jour je prendrai aux désenchantés
don don di campane…
Sons les cloches …



Nascondi le cose lontane,
Dissimule les choses lointaines,
 nascondile, involale al volo
Dissimule-les, vole-les au vol
del cuore! Ch’io veda il cipresso
Du cœur ! Laisse-moi voir le cyprès
    là, solo,
Là, seulement,
qui, solo quest’orto, cui presso
Ici, seulement ce jardin, où, à côté,
  sonnecchia il mio cane.
Mon chien sommeille.

*

*************

GIOVANNI PASCOLI
par
PAUL HAZARD
en 1912

« Il aimera toute la nature« 

Cet art très objectif est tout pénétré de sentiment. Ce pourrait être la haine de la nature marâtre, qui met au inonde les créatures pour les torturer, si nous ne nous rappelions ici la bonté essentielle de Pascoli : il ne se lasse jamais d’exprimer sa douleur, parce qu’il ne l’oublie jamais : mais de sa souffrance, plutôt qu’à la légitimité de la révolte, il conclut à la nécessité du pardon. Désirer la vengeance, blasphémer ou maudire, ne serait-ce pas perpétuer le mal sur la terre, et prendre rang parmi les coupables ? Ayant éprouvé qu’il y a dans la vie un insondable mystère, ils doivent se serrer les uns contre les autres, ceux que le même mystère angoisse ; ils doivent se chérir et s’entr’aider, pour prendre leur revanche contre le sort. La pitié, la tendresse, la douceur, voilà donc les sentimens qui pénétreront les vers du poète, et qui, partant des hommes, aboutiront aux choses. Parmi les hommes, il s’intéressera d’abord aux victimes, aux orphelins, aux malades ; puis aux humbles, aux pauvres, aux misérables ; puis encore, aux simples et aux primitifs. Pareillement, il aimera les arbres qui frémissent au vent, les fleurs qui tremblent sur leur tige, et la faiblesse gracieuse des oiseaux : comme saint François d’Assise, puisqu’on a dit de lui qu’il était un Virgile chrétien, ou un saint François païen ; comme ce Paolo Uccollo dont il a écrit la touchante histoire. Il aimera toute la nature : soit qu’il aperçoive en elle des symboles, et veuille voir des berceaux dans les nids ; soit qu’il manifeste une reconnaissance émerveillée pour les tableaux de beauté qu’elle lui présente ; soit qu’il l’associe aux hommes dans la lutte contre le mystère qui l’enveloppe elle-même, il finit par la considérer comme une mère très douce, qui nous berce encore à l’heure où nous nous endormons. « Ah ! laissons-la faire, car elle sait ce qu’elle fait, et elle nous aime !… » Ce sentiment-là, il nous le communique sans prétendre nous l’imposer. En effet, cet artiste épris d’exactitude, connaissant la valeur de la précision, en connaît aussi les limites. Il sait qu’au-delà du terme où l’analyse peut atteindre, il y a les forces presque inconscientes qu’il faut laisser agir par elles-mêmes après les avoir mises en mouvement. Il possède la pudeur rare qui consiste à ne pas vouloir tout dire ; à faire crédit à la sensibilité du lecteur ; à se taire lorsqu’il a provoqué le rêve, afin de ne le point troubler.
Giovanni Pascoli
Paul Hazard
Revue des Deux Mondes Tome 10-  1912




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Il sogno della vergine
Le Rêve de la vierge



Traduction Jacky Lavauzelle
artgitato
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GIOVANNI PASCOLI – LE RÊVE DE LA VIERGE -V- Il sogno della vergine (Canti di Castelvecchio)

Giovanni Pascoli

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

LITTERATURE ITALIENNE

Letteratura Italiana

GIOVANNI PASCOLI
1855-1912

Giovanni Pascoli artgitato poesie poesia

Traduction Jacky Lavauzelle

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Il sogno della vergine
Le Rêve de la vierge
V

Canti di Castelvecchio

**

Il lume inquieto ora salta
L’inquiète clarté lumière oscillante
guizzando, ora crepita e scende:
Illumine, puis crépite et décroît :
s’è spento. Quiete più alta.
Enfin, disparaît. Sérénité souveraine.

Nell’ombra già rara, già scialba
Dans l’ombre déjà rare, déjà livide
traverso le immobili tende
A travers la toile immobile
si sfuma la nebbia dell’alba.
Disparaît la brume de l’aube.




 


Il fiore improvviso, non sorto
Soudain la fleur, non engendrée
da seme, non retto da stelo….
D’une semence, non portée d’une tige….
svanito! Non nato, non morto:
Disparaît ! Non née ni morte :



svanito nell’alito chiaro
Disséminée dans la claire respiration
dell’alba! svanito dal cielo
De l’aube! Disparue dans le ciel
notturno del sogno! — Cantarono
Nocturne des rêves ! – Alors chantèrent

i galli, rabbrividì l’aria,
Les coqs, dans l’air glacial,
s’empì di scalpicci la via;
Puis la rue s’anima ;
da lungi squillò solitaria
Au loin un son solitaire :
 la voce dell’Avemaria —
La voix de l’Ave-maria.

*

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GIOVANNI PASCOLI
par
PAUL HAZARD
en 1912

« Il aimera toute la nature« 

Cet art très objectif est tout pénétré de sentiment. Ce pourrait être la haine de la nature marâtre, qui met au inonde les créatures pour les torturer, si nous ne nous rappelions ici la bonté essentielle de Pascoli : il ne se lasse jamais d’exprimer sa douleur, parce qu’il ne l’oublie jamais : mais de sa souffrance, plutôt qu’à la légitimité de la révolte, il conclut à la nécessité du pardon. Désirer la vengeance, blasphémer ou maudire, ne serait-ce pas perpétuer le mal sur la terre, et prendre rang parmi les coupables ? Ayant éprouvé qu’il y a dans la vie un insondable mystère, ils doivent se serrer les uns contre les autres, ceux que le même mystère angoisse ; ils doivent se chérir et s’entr’aider, pour prendre leur revanche contre le sort. La pitié, la tendresse, la douceur, voilà donc les sentimens qui pénétreront les vers du poète, et qui, partant des hommes, aboutiront aux choses. Parmi les hommes, il s’intéressera d’abord aux victimes, aux orphelins, aux malades ; puis aux humbles, aux pauvres, aux misérables ; puis encore, aux simples et aux primitifs. Pareillement, il aimera les arbres qui frémissent au vent, les fleurs qui tremblent sur leur tige, et la faiblesse gracieuse des oiseaux : comme saint François d’Assise, puisqu’on a dit de lui qu’il était un Virgile chrétien, ou un saint François païen ; comme ce Paolo Uccollo dont il a écrit la touchante histoire. Il aimera toute la nature : soit qu’il aperçoive en elle des symboles, et veuille voir des berceaux dans les nids ; soit qu’il manifeste une reconnaissance émerveillée pour les tableaux de beauté qu’elle lui présente ; soit qu’il l’associe aux hommes dans la lutte contre le mystère qui l’enveloppe elle-même, il finit par la considérer comme une mère très douce, qui nous berce encore à l’heure où nous nous endormons. « Ah ! laissons-la faire, car elle sait ce qu’elle fait, et elle nous aime !… » Ce sentiment-là, il nous le communique sans prétendre nous l’imposer. En effet, cet artiste épris d’exactitude, connaissant la valeur de la précision, en connaît aussi les limites. Il sait qu’au-delà du terme où l’analyse peut atteindre, il y a les forces presque inconscientes qu’il faut laisser agir par elles-mêmes après les avoir mises en mouvement. Il possède la pudeur rare qui consiste à ne pas vouloir tout dire ; à faire crédit à la sensibilité du lecteur ; à se taire lorsqu’il a provoqué le rêve, afin de ne le point troubler.
Giovanni Pascoli
Paul Hazard
Revue des Deux Mondes Tome 10-  1912




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Il sogno della vergine
Le Rêve de la vierge



Traduction Jacky Lavauzelle
artgitato
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GIOVANNI PASCOLI – LE RÊVE DE LA VIERGE -IV- Il sogno della vergine (Canti di Castelvecchio)

Giovanni Pascoli

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

LITTERATURE ITALIENNE

Letteratura Italiana

GIOVANNI PASCOLI
1855-1912

Giovanni Pascoli artgitato poesie poesia

Traduction Jacky Lavauzelle

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Il sogno della vergine
Le Rêve de la vierge
IV

Canti di Castelvecchio

**

 




Si dondola dondola dondola
Oscillant, se balançant, se ballotant
senza rumore la cuna
Sans bruit le berceau
nel mezzo al silenzio profondo;
Au cœur du profond silence ;

così, come tacito al vento,
Ainsi, comme le vent taciturne,
nel tacito lume di luna,
Au clair de la silencieuse lune,
si dondola un cirro d’argento.
Se balance un cirrus d’argent.


Oh! dormi col tremolìo muto
Oh ! Dors au silence tremblant
dell’esile cuna che avesti!
Du fragile nid que fut le tien !
non piangerlo tutto, il minuto
Ne pleure pas sans cesse la minute




che avesti, dell’esile vita!
Qui fut la tienne, de cette fragile vie !
nel cuore di mamma non resti
Dans le cœur de la mère ne demeure
quell’eco di pianto, infinita!
Que l’écho des pleurs, sans fin !

Sorridile, guardala; appressati
Souris et regarde ; s’approche
a mamma, ch’ormai non ha più,
La maman, qui ne possède plus,
per vivere un poco ancor essa,
Pour vivre un peu plus encore,
che il poco di fiato ch’hai tu!
Qu’un peu de ton souffle !

*

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GIOVANNI PASCOLI
par
PAUL HAZARD
en 1912

« Il aimera toute la nature« 

Cet art très objectif est tout pénétré de sentiment. Ce pourrait être la haine de la nature marâtre, qui met au inonde les créatures pour les torturer, si nous ne nous rappelions ici la bonté essentielle de Pascoli : il ne se lasse jamais d’exprimer sa douleur, parce qu’il ne l’oublie jamais : mais de sa souffrance, plutôt qu’à la légitimité de la révolte, il conclut à la nécessité du pardon. Désirer la vengeance, blasphémer ou maudire, ne serait-ce pas perpétuer le mal sur la terre, et prendre rang parmi les coupables ? Ayant éprouvé qu’il y a dans la vie un insondable mystère, ils doivent se serrer les uns contre les autres, ceux que le même mystère angoisse ; ils doivent se chérir et s’entr’aider, pour prendre leur revanche contre le sort. La pitié, la tendresse, la douceur, voilà donc les sentimens qui pénétreront les vers du poète, et qui, partant des hommes, aboutiront aux choses. Parmi les hommes, il s’intéressera d’abord aux victimes, aux orphelins, aux malades ; puis aux humbles, aux pauvres, aux misérables ; puis encore, aux simples et aux primitifs. Pareillement, il aimera les arbres qui frémissent au vent, les fleurs qui tremblent sur leur tige, et la faiblesse gracieuse des oiseaux : comme saint François d’Assise, puisqu’on a dit de lui qu’il était un Virgile chrétien, ou un saint François païen ; comme ce Paolo Uccollo dont il a écrit la touchante histoire. Il aimera toute la nature : soit qu’il aperçoive en elle des symboles, et veuille voir des berceaux dans les nids ; soit qu’il manifeste une reconnaissance émerveillée pour les tableaux de beauté qu’elle lui présente ; soit qu’il l’associe aux hommes dans la lutte contre le mystère qui l’enveloppe elle-même, il finit par la considérer comme une mère très douce, qui nous berce encore à l’heure où nous nous endormons. « Ah ! laissons-la faire, car elle sait ce qu’elle fait, et elle nous aime !… » Ce sentiment-là, il nous le communique sans prétendre nous l’imposer. En effet, cet artiste épris d’exactitude, connaissant la valeur de la précision, en connaît aussi les limites. Il sait qu’au-delà du terme où l’analyse peut atteindre, il y a les forces presque inconscientes qu’il faut laisser agir par elles-mêmes après les avoir mises en mouvement. Il possède la pudeur rare qui consiste à ne pas vouloir tout dire ; à faire crédit à la sensibilité du lecteur ; à se taire lorsqu’il a provoqué le rêve, afin de ne le point troubler.
Giovanni Pascoli
Paul Hazard
Revue des Deux Mondes Tome 10-  1912




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Il sogno della vergine
Le Rêve de la vierge



Traduction Jacky Lavauzelle
artgitato
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GIOVANNI PASCOLI – LE RÊVE DE LA VIERGE -III- Il sogno della vergine (Canti di Castelvecchio)

Giovanni Pascoli

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

LITTERATURE ITALIENNE

Letteratura Italiana

GIOVANNI PASCOLI
1855-1912

Giovanni Pascoli artgitato poesie poesia

Traduction Jacky Lavauzelle

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Il sogno della vergine
Le Rêve de la vierge
III

Canti di Castelvecchio

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Un figlio! che posa nel letto
Un fils ! Sur son lit
suo vergine! e cerca assetato
De vierge ! Assoiffé, il cherche
le fonti del vergine petto!
La source de la vierge poitrine !

O figlio d’un intimo riso
Ô fils d’un rire intime
dell’anima! o fiore non nato
De l’âme ! Ô fleur, non formée
da seme, e sbocciato improvviso!
D’une graine, qui soudain s’épanouit !


Tu fiore non retto da stelo,
Toi, fleur sans tige tenue,
tu luce non nata da fuoco,
Toi, lumière non d’un feu issue,
tu simile a stella del cielo;
Toi, semblable à une étoile dans le ciel ;




dal cielo dell’anima, ov’ora
Du ciel de l’âme, tu t’éveillas
sbocciasti improvviso, tra poco
Soudainement, bientôt
tu dileguerai nell’aurora.
Dans l’aurore tu t’évanouiras.

 In tanto tu vivi per una
Tu vis pourtant
breve ora; in un’anima, in tanto,
Un bref moment ; en une âme, pourtant,
di vergine: in quella tua cuna
de vierge : en ton berceau
tu piangi il tuo tacito pianto.
Tu pleures tes silencieuses larmes.

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GIOVANNI PASCOLI
par
PAUL HAZARD
en 1912

« Il aimera toute la nature« 

Cet art très objectif est tout pénétré de sentiment. Ce pourrait être la haine de la nature marâtre, qui met au inonde les créatures pour les torturer, si nous ne nous rappelions ici la bonté essentielle de Pascoli : il ne se lasse jamais d’exprimer sa douleur, parce qu’il ne l’oublie jamais : mais de sa souffrance, plutôt qu’à la légitimité de la révolte, il conclut à la nécessité du pardon. Désirer la vengeance, blasphémer ou maudire, ne serait-ce pas perpétuer le mal sur la terre, et prendre rang parmi les coupables ? Ayant éprouvé qu’il y a dans la vie un insondable mystère, ils doivent se serrer les uns contre les autres, ceux que le même mystère angoisse ; ils doivent se chérir et s’entr’aider, pour prendre leur revanche contre le sort. La pitié, la tendresse, la douceur, voilà donc les sentimens qui pénétreront les vers du poète, et qui, partant des hommes, aboutiront aux choses. Parmi les hommes, il s’intéressera d’abord aux victimes, aux orphelins, aux malades ; puis aux humbles, aux pauvres, aux misérables ; puis encore, aux simples et aux primitifs. Pareillement, il aimera les arbres qui frémissent au vent, les fleurs qui tremblent sur leur tige, et la faiblesse gracieuse des oiseaux : comme saint François d’Assise, puisqu’on a dit de lui qu’il était un Virgile chrétien, ou un saint François païen ; comme ce Paolo Uccollo dont il a écrit la touchante histoire. Il aimera toute la nature : soit qu’il aperçoive en elle des symboles, et veuille voir des berceaux dans les nids ; soit qu’il manifeste une reconnaissance émerveillée pour les tableaux de beauté qu’elle lui présente ; soit qu’il l’associe aux hommes dans la lutte contre le mystère qui l’enveloppe elle-même, il finit par la considérer comme une mère très douce, qui nous berce encore à l’heure où nous nous endormons. « Ah ! laissons-la faire, car elle sait ce qu’elle fait, et elle nous aime !… » Ce sentiment-là, il nous le communique sans prétendre nous l’imposer. En effet, cet artiste épris d’exactitude, connaissant la valeur de la précision, en connaît aussi les limites. Il sait qu’au-delà du terme où l’analyse peut atteindre, il y a les forces presque inconscientes qu’il faut laisser agir par elles-mêmes après les avoir mises en mouvement. Il possède la pudeur rare qui consiste à ne pas vouloir tout dire ; à faire crédit à la sensibilité du lecteur ; à se taire lorsqu’il a provoqué le rêve, afin de ne le point troubler.
Giovanni Pascoli
Paul Hazard
Revue des Deux Mondes Tome 10-  1912




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Il sogno della vergine
Le Rêve de la vierge



Traduction Jacky Lavauzelle
artgitato
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GIOVANNI PASCOLI – LE RÊVE DE LA VIERGE -II- Il sogno della vergine (Canti di Castelvecchio)

Giovanni Pascoli

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

LITTERATURE ITALIENNE

Letteratura Italiana

GIOVANNI PASCOLI
1855-1912

Giovanni Pascoli artgitato poesie poesia

Traduction Jacky Lavauzelle

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Il sogno della vergine
Le Rêve de la vierge
II

Canti di Castelvecchio

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Stupisce le placide vene
Stupéfiant les placides veines
quel flutto soave e straniero,
Quel étranger flux suave,
quel rivolo, labile, lene,
Quel léger filet labile,

d’ignota sorgente, che sembra
De source inconnue, qui semble
che inondi di blando mistero
Inonder d’un fade mystère
  le pie sigillate sue membra.
Ses membres pieusement scellés.


Le gracili membra non sanno
Ses gracieux membres ignorent
  lo schianto, non sanno l’amplesso:
L’intrusion, ignore l’étreinte :
  nel cuore, sì forse un affanno
Dans le cœur, probablement une fatigue




c’è, l’ombra di un palpito, l’orma
L’ombre d’une palpitation, la cicatrice
  d’un grido: il respiro sommesso
d’un cri : le souffle infime
  d’un vago ricordo che dorma;
d’un vague souvenir ensommeillé ;

 

che dorma nel cuore ed esali
Il dort dans le coeur et expire
 nel cuore il suo sonno romito.
Dans le cœur de son sommeil solitaire.
La vergine sogna: ecco, un alito
Rêve la vierge : un souffle, ici
piccolo, accanto… un vagito…
Si ténu, si proche… un gémissement…

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GIOVANNI PASCOLI
par
PAUL HAZARD
en 1912

« Il aimera toute la nature« 

Cet art très objectif est tout pénétré de sentiment. Ce pourrait être la haine de la nature marâtre, qui met au inonde les créatures pour les torturer, si nous ne nous rappelions ici la bonté essentielle de Pascoli : il ne se lasse jamais d’exprimer sa douleur, parce qu’il ne l’oublie jamais : mais de sa souffrance, plutôt qu’à la légitimité de la révolte, il conclut à la nécessité du pardon. Désirer la vengeance, blasphémer ou maudire, ne serait-ce pas perpétuer le mal sur la terre, et prendre rang parmi les coupables ? Ayant éprouvé qu’il y a dans la vie un insondable mystère, ils doivent se serrer les uns contre les autres, ceux que le même mystère angoisse ; ils doivent se chérir et s’entr’aider, pour prendre leur revanche contre le sort. La pitié, la tendresse, la douceur, voilà donc les sentimens qui pénétreront les vers du poète, et qui, partant des hommes, aboutiront aux choses. Parmi les hommes, il s’intéressera d’abord aux victimes, aux orphelins, aux malades ; puis aux humbles, aux pauvres, aux misérables ; puis encore, aux simples et aux primitifs. Pareillement, il aimera les arbres qui frémissent au vent, les fleurs qui tremblent sur leur tige, et la faiblesse gracieuse des oiseaux : comme saint François d’Assise, puisqu’on a dit de lui qu’il était un Virgile chrétien, ou un saint François païen ; comme ce Paolo Uccollo dont il a écrit la touchante histoire. Il aimera toute la nature : soit qu’il aperçoive en elle des symboles, et veuille voir des berceaux dans les nids ; soit qu’il manifeste une reconnaissance émerveillée pour les tableaux de beauté qu’elle lui présente ; soit qu’il l’associe aux hommes dans la lutte contre le mystère qui l’enveloppe elle-même, il finit par la considérer comme une mère très douce, qui nous berce encore à l’heure où nous nous endormons. « Ah ! laissons-la faire, car elle sait ce qu’elle fait, et elle nous aime !… » Ce sentiment-là, il nous le communique sans prétendre nous l’imposer. En effet, cet artiste épris d’exactitude, connaissant la valeur de la précision, en connaît aussi les limites. Il sait qu’au-delà du terme où l’analyse peut atteindre, il y a les forces presque inconscientes qu’il faut laisser agir par elles-mêmes après les avoir mises en mouvement. Il possède la pudeur rare qui consiste à ne pas vouloir tout dire ; à faire crédit à la sensibilité du lecteur ; à se taire lorsqu’il a provoqué le rêve, afin de ne le point troubler.
Giovanni Pascoli
Paul Hazard
Revue des Deux Mondes Tome 10-  1912




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Il sogno della vergine
Le Rêve de la vierge



Traduction Jacky Lavauzelle
artgitato
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GIOVANNI PASCOLI – LE RÊVE DE LA VIERGE -I- Il sogno della vergine (Canti di Castelvecchio)

Giovanni Pascoli

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

LITTERATURE ITALIENNE

Letteratura Italiana

GIOVANNI PASCOLI
1855-1912

Giovanni Pascoli artgitato poesie poesia

Traduction Jacky Lavauzelle

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Il sogno della vergine
Le Rêve de la vierge
I

Canti di Castelvecchio

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La vergine dorme. Ma lenta
La vierge dort. Mais indolente
la fiamma dal puro alabastro
La flamme d’albâtre pur tente
le immemori palpebre tenta;
De pénétrer ses paupières inconscientes ;

bussa alla chiusa anima. Il lume
Frappe à l’âme close. La lumière
vacilla nell’ombra, come astro
vacille dans l’ombre, comme une étoile
di vita tra un velo di brume.
De vie dans un voile de brume.


Echeggia nell’anima, invasa
Des échos dans l’âme envahissent
dal sonno, quel battere, e pare
Ce sommeil, un rythme qui semble
destare la tacita casa.
Réveiller la silencieuse maison.



La casa si desta: un sorriso
La maison s’est éveillée : un sourire
s’accende, si muove ed appare
S’ouvre, se déplace et apparaît
via via qua e là per il viso…
peu à peu, ici et là sur le visage …

 

La vergine sogna; ed un rivo
Rêve la vierge quand un courant
di sangue stupisce le intatte
De sang sidère les chastes
vene, d’un sangue più vivo,
veines, un sang plus vif,
più tiepido: come di latte…
plus chaud : tel du lait …

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GIOVANNI PASCOLI
par
PAUL HAZARD
en 1912

« Il aimera toute la nature« 

Cet art très objectif est tout pénétré de sentiment. Ce pourrait être la haine de la nature marâtre, qui met au inonde les créatures pour les torturer, si nous ne nous rappelions ici la bonté essentielle de Pascoli : il ne se lasse jamais d’exprimer sa douleur, parce qu’il ne l’oublie jamais : mais de sa souffrance, plutôt qu’à la légitimité de la révolte, il conclut à la nécessité du pardon. Désirer la vengeance, blasphémer ou maudire, ne serait-ce pas perpétuer le mal sur la terre, et prendre rang parmi les coupables ? Ayant éprouvé qu’il y a dans la vie un insondable mystère, ils doivent se serrer les uns contre les autres, ceux que le même mystère angoisse ; ils doivent se chérir et s’entr’aider, pour prendre leur revanche contre le sort. La pitié, la tendresse, la douceur, voilà donc les sentimens qui pénétreront les vers du poète, et qui, partant des hommes, aboutiront aux choses. Parmi les hommes, il s’intéressera d’abord aux victimes, aux orphelins, aux malades ; puis aux humbles, aux pauvres, aux misérables ; puis encore, aux simples et aux primitifs. Pareillement, il aimera les arbres qui frémissent au vent, les fleurs qui tremblent sur leur tige, et la faiblesse gracieuse des oiseaux : comme saint François d’Assise, puisqu’on a dit de lui qu’il était un Virgile chrétien, ou un saint François païen ; comme ce Paolo Uccollo dont il a écrit la touchante histoire. Il aimera toute la nature : soit qu’il aperçoive en elle des symboles, et veuille voir des berceaux dans les nids ; soit qu’il manifeste une reconnaissance émerveillée pour les tableaux de beauté qu’elle lui présente ; soit qu’il l’associe aux hommes dans la lutte contre le mystère qui l’enveloppe elle-même, il finit par la considérer comme une mère très douce, qui nous berce encore à l’heure où nous nous endormons. « Ah ! laissons-la faire, car elle sait ce qu’elle fait, et elle nous aime !… » Ce sentiment-là, il nous le communique sans prétendre nous l’imposer. En effet, cet artiste épris d’exactitude, connaissant la valeur de la précision, en connaît aussi les limites. Il sait qu’au-delà du terme où l’analyse peut atteindre, il y a les forces presque inconscientes qu’il faut laisser agir par elles-mêmes après les avoir mises en mouvement. Il possède la pudeur rare qui consiste à ne pas vouloir tout dire ; à faire crédit à la sensibilité du lecteur ; à se taire lorsqu’il a provoqué le rêve, afin de ne le point troubler.
Giovanni Pascoli
Paul Hazard
Revue des Deux Mondes Tome 10-  1912




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Il sogno della vergine
Le Rêve de la Vierge



Traduction Jacky Lavauzelle
artgitato
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GIOVANNI PASCOLI – LA TESSITRICE – LA TISSEUSE – 1897

Giovanni Pascoli

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

LITTERATURE ITALIENNE

Letteratura Italiana

GIOVANNI PASCOLI
1855-1912

Giovanni Pascoli artgitato poesie poesia

Traduction Jacky Lavauzelle

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La tessitrice
La Tisseuse

1897
CANTI DI CASTELVECCHIO
Il ritorno a San Mauro
*

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Mi son seduto su la panchetta
Je me suis assis sur le banc
come una volta… quanti anni fa?
comme jadis … quand était-ce donc ?
 Ella, come una volta, s’è stretta
Elle, comme jadis, s’asseyait
 su la panchetta.
Sur le banc.

E non il suono d’una parola;
Pas un son, pas un mot ;
  solo un sorriso tutto pietà.
Juste un sourire en pleine dévotion.
  La bianca mano lascia la spola.
La main blanche s’échappe de la bobine.




Piango, e le dico: Come ho potuto,
Je pleure et je dis : Comment ai-je pu,
 dolce mio bene, partir da te?
Ma douce, m’éloigner de toi ?
  Piange, e mi dice d’un cenno muto:
Elle pleure et me dit d’un signe de tête silencieux :
Come hai potuto?
Comment as-tu pu ?

Con un sospiro quindi la cassa
Dans un soupir, la caisse
tira del muto pettine a sè.
Tire le peigne silencieux à soi.
Muta la spola passa e ripassa.
La muette bobine passe et repasse.




Piango, e le chiedo: Perchè non suona
Je pleure, et je demande : Pourquoi ne sonne-t-il
dunque l’arguto pettine più?
Plus l’esprit de notre peigne ?
Ella mi fìssa, timida e buona:
Elle me regarde fixement, timide et bonne :
 Perchè non suona?
Pourquoi ne sonne-t-il plus ?

E piange, piange — Mio dolce amore,
Et elle pleure, pleure – Mon doux amour,
non t’hanno detto? non lo sai tu?
Ne t-ont-ils rien dit ? Ne sais-tu donc rien ?
Io non son viva che nel tuo cuore.
Je ne suis en vie que dans ton cœur.




Morta! Sì, morta! Se tesso, tesso
Morte ! Oui, morte! Si je tisse, tisse
per te soltanto; come, non so:
C’est pour toi seulement ; comment ? je ne sais pas !
 in questa tela, sotto il cipresso,
Dans cette toile, sous le cyprès,
 accanto alfine ti dormirò —
Enfin je dormirai à tes côtés-

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GIOVANNI PASCOLI
par
PAUL HAZARD
en 1912

« Il aimera toute la nature« 

Cet art très objectif est tout pénétré de sentiment. Ce pourrait être la haine de la nature marâtre, qui met au inonde les créatures pour les torturer, si nous ne nous rappelions ici la bonté essentielle de Pascoli : il ne se lasse jamais d’exprimer sa douleur, parce qu’il ne l’oublie jamais : mais de sa souffrance, plutôt qu’à la légitimité de la révolte, il conclut à la nécessité du pardon. Désirer la vengeance, blasphémer ou maudire, ne serait-ce pas perpétuer le mal sur la terre, et prendre rang parmi les coupables ? Ayant éprouvé qu’il y a dans la vie un insondable mystère, ils doivent se serrer les uns contre les autres, ceux que le même mystère angoisse ; ils doivent se chérir et s’entr’aider, pour prendre leur revanche contre le sort. La pitié, la tendresse, la douceur, voilà donc les sentimens qui pénétreront les vers du poète, et qui, partant des hommes, aboutiront aux choses. Parmi les hommes, il s’intéressera d’abord aux victimes, aux orphelins, aux malades ; puis aux humbles, aux pauvres, aux misérables ; puis encore, aux simples et aux primitifs. Pareillement, il aimera les arbres qui frémissent au vent, les fleurs qui tremblent sur leur tige, et la faiblesse gracieuse des oiseaux : comme saint François d’Assise, puisqu’on a dit de lui qu’il était un Virgile chrétien, ou un saint François païen ; comme ce Paolo Uccollo dont il a écrit la touchante histoire. Il aimera toute la nature : soit qu’il aperçoive en elle des symboles, et veuille voir des berceaux dans les nids ; soit qu’il manifeste une reconnaissance émerveillée pour les tableaux de beauté qu’elle lui présente ; soit qu’il l’associe aux hommes dans la lutte contre le mystère qui l’enveloppe elle-même, il finit par la considérer comme une mère très douce, qui nous berce encore à l’heure où nous nous endormons. « Ah ! laissons-la faire, car elle sait ce qu’elle fait, et elle nous aime !… » Ce sentiment-là, il nous le communique sans prétendre nous l’imposer. En effet, cet artiste épris d’exactitude, connaissant la valeur de la précision, en connaît aussi les limites. Il sait qu’au-delà du terme où l’analyse peut atteindre, il y a les forces presque inconscientes qu’il faut laisser agir par elles-mêmes après les avoir mises en mouvement. Il possède la pudeur rare qui consiste à ne pas vouloir tout dire ; à faire crédit à la sensibilité du lecteur ; à se taire lorsqu’il a provoqué le rêve, afin de ne le point troubler.
Giovanni Pascoli
Paul Hazard
Revue des Deux Mondes Tome 10-  1912




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La Tessitrice – La Tisseuse



Traduction Jacky Lavauzelle
artgitato
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