LITTERATURE ALLEMANDE
Deutsch Literatur
Gedichte – Poèmes
Texte
RAINER MARIA RILKE
1875-1926
Portrait de Rainer Maria Rilke
1906
Par Paula Modersohn-Becker
*
La Poésie
de Rainer Maria Rilke
Werk des Dichters
Rainer Maria Rilke
Gedicht von Rainer Maria Rilke
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DIE ARMEN WORTE
Les Pauvres Mots
1897
Die armen Worte, die im Alltag darben,
Les pauvres mots, aux teintes du quotidien,
die unscheinbaren Worte, lieb ich so.
ô ces mots discrets, comme je les aime.
*
Das ist die Sehnsucht: wohnen im Gewoge
Le désir est ainsi : vivre dans la vague
und keine Heimat haben in der Zeit.
et sans patrie dans le temps qui passe.
Ernst Ludwig Kirchner, Baigneuses entre pierres, 1912, musée Städel, Francfort-sur-le-Main
*
Das Buch vom mönchischen Leben
Le livre de la vie monastique
1899
Da neigt sich die Stunde und rührt mich an
Comme se pose l’heure et me touche
mit klarem, metallenem Schlag:
par son clair impact métallique :
…
*
EINSAMKEIT
SOLITUDE
1902
Die Einsamkeit ist wie ein Regen.
La solitude est comme la pluie.
Sie steigt vom Meer den Abenden entgegen;
Elle monte de la mer vers les soirées ;
*
LES VAGUES DU CŒUR
Einmal nahm ich zwischen meine Hände
Einmal nahm ich zwischen meine Hände
Une fois, je pris dans mes mains
dein Gesicht. Der Mond fiel darauf ein.
ton visage. La lune alors tomba sur lui.
*
HERBST
AUTOMNE
1902
Die Blätter fallen, fallen wie von weit,
Les feuilles tombent, elles tombent venant de loin,
als welkten in den Himmeln ferne Gärten;
comme venant des jardins desséchés lointains du ciel ;
*
LE PARFUM
DER DUFT
Wer bist du, Unbegreiflicher: du Geist,
Qui es-tu, élément incompréhensible : ô toi, esprit,
wie weißt du mich von wo und wann zu finden,
comment sais-tu où et quand me trouver,
*
LES FENÊTRES
Il suffit que, sur un balcon
ou dans l’encadrement d’une fenêtre
celle que nous perdons
en l’ayant vue apparaître.
…
*
BLANCHES ÂMES
Weiße Seelen
Weiße Seelen mit den Silberschwingen,
Âmes blanches aux ailes d’argent,
Kinderseelen, die noch niemals sangen,-
Âmes d’enfants qui jamais encore n’ont chanté,
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AVENTE
L’AVENT
Es treibt der Wind im Winterwalde
Le vent souffle dans la forêt d’hiver
die Flockenherde wie ein Hirt
Un blanc troupeau de flocons tel un berger
Maslenitsa, Boris Koustodiev, 1916
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EINGANG
L’ARBRE NOIR DANS LE CIEL
1906
Wer du auch seist: am Abend tritt hinaus
Qui que tu sois : sors le soir
aus deiner Stube, drin du alles weißt;
de ta chambre, dans laquelle tu sais tout ;
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PROMENADE
Spaziergang
1924
Schon ist mein Blick am Hügel, dem besonnten,
Mon regard est déjà sur la colline, le soleil en face,
dem Wege, den ich kaum begann, voran.
Sur ce chemin, qu’à peine je commence.
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LES QUATRAINS VALAISANS
36 poèmes
36 Gedichte
1926
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LES ROSES
RECUEIL DE 24 POEMES
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Sonette aus dem Portugiesischen (Rilke)
Sonnets from the Portuguese (Elizabeth Barrett Browning)
Sonnets Portugais (trad. Jacky Lavauzelle)
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Les SONNETS de Louise Labé
Die Sonette von Louise Labé
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TENDRES IMPÔTS A LA FRANCE
RECUEIL DE 15 POEMES
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VERGERS
RECUEIL DE POEMES
1924 – 1925
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RAINER MARIA RILKE
LE REDEMPTEUR DES PAUVRES MOTS
Disons maintenant quelques mots des moyens employés par Verhaeren pour atteindre la vision, pour traduire la passion dans les phénomènes intérieurs et pour éveiller l’enthousiasme. Examinons d’abord s’il est vrai de dire que Verhaeren soit un artiste au point de vue de la langue. Ses moyens verbaux ne sont nullement restreints. Si, dans ses termes ou dans ses rimes, on peut constater des retours fréquents qui confinent parfois à la monotonie, on remarque chez lui dans l’emploi du mot une étrangeté, une nouveauté, un inattendu qui sont presque sans exemple dans la lyrique poésie française. Une langue ne s’enrichit pas uniquement de néologismes. Un mot peut acquérir une vie nouvelle en prenant une place et un sens qu’il n’avait pas, par une transvaluation de sa signification, comme fit Rainer Maria Rilke dans la poésie allemande. « Être le rédempteur par la vie poétique des pauvres mots qui se meurent d’indigence dans la vie journalière », voilà peut-être qui est supérieur à la création de nouveaux vocables.
Stefan Zweig
Émile Verhaeren : sa vie, son œuvre
Traduction par Paul Morisse et Henri Chervet.
Mercure de France, 1910
pp. –360
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LES CAHIERS DE MALTE LAURIDS BRIGGE
A vouloir commenter ce livre, on risque de prouver surtout que pour l’avoir trop compris on l’a mal deviné, tant on sent qu’il se veut irréductible à l’entendement. Ce serait là sans doute un truisme s’il s’agissait d’une pure œuvre d’art. Mais précisément chez cet authentique poète qu’est Rilke, le plus original peut-être et l’un des plus richement doués parmi les Allemands de sa génération, la pente de l’esprit, l’inclinaison morale est si forte qu’elle détermine la vision, de telle sorte qu’on lui ferait tort d’une part essentielle en ne se préoccupant point de la signification de ses écrits.
Les deux petits volumes de prose dont il est question révèlent pleinement une richesse secrète, un sens d’intimité que les œuvres précédentes ne décelaient encore que par affleurements. Dans ce recueil de souvenirs et d’impressions, qui tient autant d’un traité de la vie intérieure que d’une étude de psychologie, nous sommes d’abord frappés par la prédominance d’une sensualité attentive et déliée, d’où se dégage par une sorte d’intuition immédiate, une image étendue de la vie. Rilke ose les déductions les plus lointaines et les plus compliquées sans prendre le détour de la combinaison intellectuelle ; il ne quitte pas sa sensation et, si son cœur est tourmenté d’une soif d’absolu toute pascalienne, il ne souhaite pas » trouver Dieu ailleurs que partout. » Il l’y cherche avec une ferveur exaltée, avec un soin méticuleux, avec une inquiétude qui n’est pas sans péril. Il est comme un chien sur la piste du divin.
Il nous introduit dans une atmosphère moite et enfiévrée où un monde à venir semble en éclosion continuelle. La vie s’y tient inachevée et trop serrée comme à l’intérieur d’un bourgeon.
Un jeune homme de ces temps-ci, le dernier descendant d’une vieille famille aristocratique du Danemark, fait à Paris, dans la misère et l’isolement, l’expérience d’un déracinement bien autre- ment grave que s’il se détachait, simplement, de sa terre et de ses morts. Déracinant son cœur, il passe d’une époque à une autre, il entreprend de se quitter lui-même pour parcourir dans la solitude l’espace très long qui sépare de la sympathie l’amour. Il ne continue pas sa lignée. Les temps nouveaux sont entrés en lui, il a élargi son cadre, il a laissé là sa maison et ce qu’il possédait.
…
C’est là ce qui donne au lyrisme de Rilke son accent unique, sa force, son importance. Peut-être faut-il rapporter ce trait si particulier à ses influences ou à ses origines slaves. Il fait fréquemment penser à Dostoïevski dont il est loin pourtant par la nature de son talent comme par sa volonté d’artiste. Il a, à un haut degré, la faculté de contact avec la matérialité des choses qui manque au grand romancier russe. C’est au point qu’il donne l’impression de posséder quelque sens supplémentaire lui permettant des relations plus variées et plus intimes avec le monde des phénomènes. Son style très imagé prend presque toutes ses expressions dans des termes de mouvement. Les choses chez lui ne sont pas, elles deviennent et l’on pourrait dire qu’il a l’adjectif dynamique. Il obtient par là une adhérence si intime entre la pensée et la forme que celle-ci suggère l’idée d’une peau bien plus que d’un vêtement. Son invention verbale est sans bornes, mais il lui arrive parfois d’outrepasser les limites du possible, et son goût qui est fin, à certaines fâcheuses défaillances… Il est juste cependant de dire que quand il se contorsionne en d’invraisemblables acrobaties, ce n’est jamais que par nécessité, et comme pour atteindre un objet hors de sa portée.
Ce lyrique qu’on dirait tout absorbé par ses grands événements à ses moments perdus se révèle observateur remarquable, psychologue subtil et narquois. Il a la vision impeccablement concrète, le trait original, sûr et concentré, un don amusant de la charge et peut-être l’étoffe d’un romancier.
Les notes de M. L. Brigge ne sont pas un livre beau, bien fait, réussi. Elles ont quelque chose de trop vert, de trop foisonnant, de trop jeune, un tremblement trop peu dominé ; elles ne sont que délicieuses et importantes, et lourdes du mystère des œuvres vivantes.
La Nouvelle Revue Française
NRF, 1911
Tome V