Archives par mot-clé : allemagne

LES HEURES BLEUES (GERHART HAUPTMANN : DER KETZER VON SOANA – LE MECREANT DE SOANA)

GERHART HAUPTMANN
Le Mécréant de Soana
Der Ketzer von Soana (1918)

LES HEURES BLEUES

Il s’agit d’union. Il s’agit de mort et de vie, de nature à la nature ajoutée. « Comment est-il possible d’être mort, et de vivre ? » De naissances, encore et encore, de nouveaux rendez-vous en nouveaux rendez-vous. A ces instants où les éléments eux-mêmes changent, changent de propriétés et de nature, quand « l’air semblait dépourvu des éléments nécessaires à la respiration. » Il s’agit du manque et du plein. Il parle du Chaos et du vide, du monde, du Ciel et de l’Enfer. Comment savoir ce qui est important, essentiel à la vie ? Que voyons-nous et comment voyons-nous ? « Il regardait de haut les papes, les empereurs, les princes et les évêques, tout le monde en un mot, comme les hommes, d’ordinaire, regardent les fourmis. »

Gerhart Hauptmann

Quand nos yeux ne voyant presque plus, dans les ombres du soir, les bruits du soir s’amplifient. Ce que nous ne voyons plus, nous continuons à le percevoir. Rien ne s’éteint jamais vraiment. «l’« heure bleue » qui arrive lorsque le soleil a disparu à l’horizon, était particulièrement belle ce jour-là. On entendait le bruit de la cascade de Soana. »

Il s’agit d’amour.

UN GLISSEMENT DANS LES SENS

Le roman de Gerhart Hauptmann, ne parle pas d’un «mécréant», Bösewicht, quelqu’un qui n’a pas la foi, un athée, de quelqu’un qui fait le mal, Böse. Il s’agirait plutôt que d’un hérétique, der Ketzer. L’hérésie ne se décrète pas personnellement, ce n’est pas un statut que l’on se donne mais que l’on nous donne, désapprouvant nos attitudes et nos propos, considérant que nos comportements  sortent du dogme.  Les hérétiques sont d’abord des incompris, des rejetés.

Mais continuons de glisser dans le sens, dans tous les sens. Et nous glissons, nous nous décalons, afin que le sens se recompose et se redéfinisse. Notre héros ne va pas se détacher de sa foi, il la vivra différemment, certainement plus intensément. Il s’en trouvera bouleversé, mais ce n’est pas tant lui qui changera, que les éléments qui l’affecteront.

LE ROMAN D’UNE REVOLUTION INTERIEURE

C’est le roman d’une découverte, au sens de Colomb ; découvrant de nouvelles terres. Dans le sens où, après, rien ne fut plus comme avant. En revenant, il n’aura pas réellement changé, mais les autres le verront différemment. Il sait qu’il part vers des contrées nouvelles, mais c’est pour y apporter la foi et la sainteté. Quand il monte dans la montagne, il pénètre dans un désert où les hommes sont à l’état de nature, d’une nature post-religieuse.

L’histoire que rapporte Hauptmann dans le Mécréant de Soana est celle de la fusion ; une fusion qui déchire et qui emporte loin, au niveau des nuages, « à flanc de montagne, au-dessus du Lac de Lugano. » Une histoire, toute en ascension, difficile et rude, qui nous mènera dans un village, « niché,…que l’on peut atteindre par une route en lacets en une heure environ. »

LE RETOUR A L’ETAT SAUVAGE

L’ascension se fera au détriment des valeurs acquises, de la foi, dans un combat contre la raison et l’entendement, afin de rentrer dans le grand bain de la nature et de la jouissance, sans entraves et sans conventions. Comme si nous découvrions un personnage passant d’un pur et roide classicisme à un romantisme exacerbé.  

Gerhart Hauptmann nous entraîne, dans l’ouverture de son récit, par la fin avec la découverte du chevrier dans sa montagne, totalement en osmose avec la nature elle-même. « Avec les longues boucles négligées de ses cheveux et de sa barbe, et ses habits de peaux de bête, le pâtre bronzé, on le sait, donnait une impression de retour à l’état sauvage. Il a été comparé à un saint Jean de Donatello. »

SI QUELQU’UN ENTRE PAR MOI…

Mais dans la seconde partie, Le Récit du pâtre, nous découvrons Francesco, celui qui deviendra le chevrier mais qui n’est encore qu’un jeune prêtre timide, à « l’alpe de Santa Croce ». Il « passa, les yeux baissés, près des laveuses, répondant à leurs bruyants saluts par un mouvement de tête. »

Si Hauptmann nous parle d’un berger guidant ses moutons, il fait référence aux textes bibliques, assurément.  « En vérité, je vous le dis, celui qui entre par la porte est le berger des brebis. Celui qui garde la porte la porte lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix…Lorsqu’il les a toutes fait sortir, il marche à leur tête et elles le suivent parce qu’elles connaissent sa voix…Jésus reprit : « en vérité, je vous le dis, je suis la porte…Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé. »…Je suis le bon berger : le bon berger se dessaisit de sa vie pour ses brebis… » (Jean, 10, la parabole du berger) 

LE SPECTACLE DE LA NATURE

Francesco, sorte de négatif de saint Augustin, va suivre le chemin de l’étude du séminaire et de sa passion pour les Evangiles à sa passion pour la chair et pour la belle Agathe. Il sort de ses études et ne semble pas être attiré par cette voluptueuse nature qui s’offre à ses yeux. «Différent en cela de son saint patron d’Assise, Francesco ne s’enthousiasmait guère au spectacle de la nature ; pourtant les pousses tendres et pleines de sève, la verdure naissante, les fleurs qui s’épanouissaient alentour, ne pouvaient pas rester sans action sur lui. »

La nature va l’absorber, petit à petit, en faisant sauter, un à un, tous les verrous. La nature débridée passe aussi par la voix et le corps des femmes. « Les femmes et les jeunes filles, dont quelques-unes étaient d’une beauté peu commune, l’obsédaient de leur bavardage et de leur rire pendant cet examen, et par moments il avait l’impression d’être aussi entouré de Ménades enivrées. »

LA SYMPHONIE NATURELLE

La vie transforme la nature et les gens comme elle changera Francesco qui vient des bouillonnements internes, des éclosions sensuelles, de tumultueux jaillissements, d’étranges palpitations ; «c’était étrange : tandis qu’il grimpait péniblement, glissant fréquemment sur les pierres aux arêtes vives, à travers les genêts, les hêtres et les buissons de ronces, le matin l’entourait comme une symphonie naturelle, bienheureuse et également puissante, qui parlait plus de création que de choses créées… il toucha le tronc d’un châtaignier, et sentit les sèves nourricières qu’il faisait monter en lui. Il absorbait l’air comme une âme vivante, et savait en même temps que c’était à lui qu’il devait la respiration et les hymnes de son âme. »Le combat, la lutte du sacré et du profane, fait rage autant dans le chevrier que dans le prêtre. Les deux s’interpénètrent. « De l’un il disait : « N’a-t-il pas l’air du Malin en personne ? Regardez donc ses yeux. Quelle force, quelles étincelles de colère, de rage, de méchanceté. Et en même temps quelle lueur sacrée ! » Mais il semblait à l’auteur que dans les yeux de son interlocuteur brillait cette même flamme infernale qu’il avait nommé une lueur sacrée… Jupiter Ammon était représenté sous l’aspect d’un taureau…Tous les peuples vénéraient le taureau, le bouc, le bélier et en répandaient dans les sacrifices le sang sacré…La puissance qui engendre est la puissance suprême qui crée ; engendrer et créer, c’est la même chose. Certes, le culte de cette puissance n’est pas une froide piaillerie de moines et de nonnes…Les prêtres mouraient dans ses embrassements. J’ai eu là une intuition passagère et incomplète de toutes sortes de mystères. Le mystère de l’engendrement noir dans l’herbe verte, de la volupté couleur de nacre, des extases et des évanouissements, du secret des grains jaunes du maïs, de tous les fruits, de tout ce qui gonfle, de toutes les couleurs. J’eus envie de rugir, fou de douleur, lorsque j’aperçus l’impitoyable et toute puissante Sita. Je crus mourir de désir. »

UN NOUVEL ADAM, UN NOUVEAU PARADIS

Mais de l’animalité et de cette emprise, Francesco va recréer un nouveau Paradis, à l’écart du monde et des hommes. « Dans son souvenir, toutes les choses qui jusqu’alors avaient été tout pour lui, étaient détruites et désormais sans valeur. Son père, sa mère, tout comme ses maîtres, étaient restés comme des vermisseaux dans la poussière de l’ancien monde qu’il avait rejeté, tandis que les portes du Paradis avaient été ouvertes de nouveau par le chérubin pour lui, le fils de Dieu, le nouvel Adam. Ce Paradis dans lequel il faisait maintenant, ravi, ses premiers pas, était en dehors du temps. Il ne se sentait plus homme d’une époque ou d’un âge déterminé. Le monde nocturne qui l’entourait était en dehors du temps… »

LE PREMIER COUPLE HUMAIN

L’histoire du monde peut recommencer avec une nouvelle genèse. Le couple engendrera une nouvelle humanité. « Agathe et Francesco, Francesco et Agathe, le prêtre, le jeune homme de bonne famille, et la petite bergère honnie et méprisée, descendant la main dans la main vers la vallée par des sentiers secrets et nocturnes étaient le premier couple humain…C’était le dernier mystère. C’est justement ce pour quoi Dieu avait créé, et la raison pour laquelle il avait mis la mort dans le monde… »

« Les miracles ne sont pas en contradiction avec les lois de la nature, mais avec ce que nous savons de ces lois.» (Saint Augustin)

JL

(Citations Ed Rombaldi -traduction de R. Guignard)

SAG MIR, WO DIE BLUMEN SIND Où sont les fleurs ? Dis-moi (traduction Lyrics) Marlene DIETRICH

Sag mir, wo die Blumen sind
Où sont les fleurs ? Dis-moiMarlene Dietrich Sag mir Wo die Blumen SindMarlène Dietrich
Hannes Wader – Joan Baez – City

 

Où sont les fleurs ? Dis-moi 
Maintenant où sont-elles ?
Dis-moi où sont-elles allées ?
Que s’est-il passé ?
Où sont les fleurs ? Dis-moi 
Les filles les ont cueillies déjà
Le saurons-nous un jour ?
Le saurons-nous un jour ?

Où sont les filles ? Dis-moi
Maintenant où sont-elles ?
Dis-moi où sont-elles allées ?
Que s’est-il passé ?
Où sont les filles ? Dis-moi
Les hommes les ont cueillies déjà
Le saurons-nous un jour ?
Le saurons-nous un jour ?

Où sont les hommes ? Dis-moi
Maintenant où sont-ils ?
Dis-moi où sont-ils allés ?
Que s’est-il passé ?
Où sont les hommes ? Dis-moi
La guerre s’entend au loin déjà
Le saurons-nous un jour ?
Le saurons-nous un jour ?

Où sont les soldats ? Dis-moi
Maintenant où sont-ils ?
Dis-moi où sont-ils allés ?
Que s’est-il passé ?
Où sont les soldats ? Dis-moi
Le vent lèche les tombes déjà
Le saurons-nous un jour ?
Le saurons-nous un jour ?

Où sont les tombes ? Dis-moi
Maintenant où sont-elles ?
Dis-moi où sont-elles allées ?
Que s’est-il passé ?
Où sont les tombes ? Dis-moi
Les fleurs explosent dans la brise de l’été déjà
Le saurons-nous un jour ?
Le saurons-nous un jour ?

Le saurons-nous un jour ?
Nous ne le saurons peut-être jamais !

 Traduction Jacky Lavauzelle

 Sag mir wo die Blumen sind
 Wo sind sie geblieben
 Sag mir wo die Blumen sind
 Was ist geschehen
 Sag mir wo die Blumen sind
 Mädchen pflückten sie geschwind
 Wann wird man je verstehn
 Wann wird man je verstehn 

Sag mir wo die Mädchen sind
 Wo sind sie geblieben
 Sag mir wo die Mädchen sind
 Was ist geschehen
 Sag mir wo die Mädchen sind
 Männer nahmen sie geschwind
 Wann wird man je verstehn
 Wann wird man je verstehn

 Sag mir wo die Männer sind
 Wo sind sie geblieben
 Sag mir wo die Männer sind
 Was ist geschehen
 Sag mir wo die Männer sind
 Zogen fort der Krieg beginnt
 Wann wird man je verstehn
 Wann wird man je verstehn

 Sag wo die Soldaten sind
 Wo sind sie geblieben
 Sag wo die Soldaten sind
 Was ist geschehen
 Sag wo die Soldaten sind
 Über Gräbern weht der Wind
 Wann wird man je verstehn
 Wann wird man je verstehn

 Sag mir wo die Gräber sind
 Wo sind sie geblieben
 Sag mir wo die Gräber sind
 Was ist geschehen
 Sag mir wo die Gräber sind
 Blumen blüh’n im Sommerwind
 Wann wird man je verstehn
 Wann wird man je verstehn

 Sag mir wo die Blumen sind
 Wo sind sie geblieben
 Sag mir wo die Blumen sind
 Was ist geschehen
 Sag mir wo die Blumen sind
 Mädchen pflückten sie geschwind
 Wann wird man je verstehn
 Wann wird man je verstehn

 Wann wird man je verstehn
 Ach wird man je verstehn

 

LES PLUS BELLES CHANSONS ALLEMANDES – Die besten deutschen lieder

Die besten deutschen lieder
The best German songs
Les Plus belles chansons
allemandes

allemagne les plus belles chansons best german songs Die besten deutschen Lieder

 

Marlene Dietrich
Lily Marleen

Udo Lindenberg

Das Leben

Tonbandgerät
Irgendwie Anders

Herbert Grönemeyer
Der Weg

Die Toten Hosen
Tage wie diese

Unheilig
Geboren um zu leben

Marlene Dietrich
Sag mir, wo die Blumen sind

Rammstein

Ich Will

*
Sportfreunde Stiller
Applaus, Applaus (Akustik)

*

Die Toten Hosen
Altes Fieber

 

*
Wir Sind Helden
Nur Ein Wort

*

Zara Leander
 nur nicht aus liebe weinen


*

Rammstein
Du Hast
*

Udo Lindenberg

Hinterm Horizont
(feat.Josephin Busch & Nathalie Dorra)

*
Rammstein
Sonne

 

*

Udo Lindenberg
Mein Ding

 

*

Annett Louisan
Das Spiel

*

Nena
99 Luftballons – Summer of the ’80

*

Rammstein
Rosenrot

 

*
Wolfgang Petry

Wo sind denn all die Helden


*

Adel Tawil
Und ich singe diese Lieder

* 

Die Toten Hosen
Unsterblich

*

Udo Lindenberg

Durch die schweren Zeiten

 

*

Reinhard Mey 
Über den Wolken
Gute Nacht Freunde

Ich & Ich (Annette Humpe & Adel Tawil)
Was wär ich ohne dich

*

Zara Leander
kann denn liebe sünde sein? »

 *

 

Udo Lindenberg
Plan B

*

ECHT
Du trägst keine Liebe in dir

*

Herbert Grönemeyer und Bono
Mensch

Silbermond
Symphonie

*

Udo Lindenberg & Clueso
Cello

 

*

Patent Ochsner
(Suisse alémanique)
W. Nuss vo Bümpliz

*

Trio
Da da da

Grauzone
Eisbaer

Adel Tawil
Lieder

*

Udo Lindenberg
Wir ziehen in den Frieden

*

Juli 
Perfekte Welle

 

*

 

Unheilig 
Unter deiner Flagge

*

 

Udo Lindenberg & Josephin Busch & Nathalie Dorra
Hinterm Horizont

 

*

 

Udo Lindenberg
Wenn Du durchhängst 

*

Silbermond
Irgendwas bleibt

*

Rammstein

Heirate Mich 

 

*

Die Ärzte
Männer sind Schweine

Helene Fischer & Unheilig
So wie du warst  

*

Wolfgang Petry
Ruhrgebiet 

*

Sophie Hunger
Walzer für Niemand

City
Am Fenster

*

Ich + Ich
So soll es bleiben

Echt
(live – Echt Flensburg ) Weinst DU?

Udo Lindenberg
Sonderzug nach Pankow 1983

Wolfgang Petry
Wahnsinn

 

*

KARL & ANNA (Leonhard Frank) : LA RAVE ET LA CUISSE

LEONHARD FRANK

  KARL ET ANNA
(Version française de Jean-Richard Bloch)
Première représentation le 10 avril 1929
au Théâtre de l’Avenue

  Karl et Anna Leonhard Frank 1929 artgitato d'après Merci! Dessin L Sabattier

LA RAVE &
L
A CUISSE
Le 20 mars 1929, le Maréchal de France, Ferdinand Foch meurt à Paris et, le 26 mars, Paris accueille sa dépouille par des obsèques nationales. 2 semaines plus tard, au théâtre de l’Avenue, la pièce Karl et Anna de l’allemand Leonhard Frank est représentée pour la première fois. Les critiques de l’époque, sensibles encore à la proximité de la guerre, et loin d’un rapprochement franco-germanique, en font l’écho tout en modérant les réactions extrêmes. Comment parler de la guerre quand les plaies dans chaque village et dans chaque famille ne se sont pas encore refermées.
Karl et Anna Leonhard Frank 1929 artgitato affiche
LE DOMAINE DE L’ESPRIT
En montrant que l’histoire qui se déroule sur les planches reste universelle, intemporelle. Joseph Kessel en parlait en ces termes dans Gringoire : « voilà dix ans que nous sommes en paix ; voilà longtemps déjà que des œuvres françaises sont jouées sur toutes les scènes d’Allemagne. Allons-nous être plus susceptibles à Paris qu’on ne l’est à Berlin et maintenir ici, dans le domaine de l’esprit, un état de guerre que l’on semble avoir oublié là-bas ? Sans doute, des uniformes allemands habillent les personnages de Karl et Anna, mais ils ne représentent aucune idée qui nous puisse blesser. Ils recouvrent une commune misère et la souffrance fraternelle de tous les combattants. Et puisque, dans une question de cette sorte, il faut procéder par analogie, comment ne rappellerais-je point que le film tiré de l’Equipage a été donné en Allemagne, ce film qui exalte nos aviateurs et leurs combats ? Il serait humiliant que ceux à qui on a reproché tant de fois leur étroitesse de vues en montrassent soudain moins que nous. » Et en effet, dans la pièce, aucun nationalisme ni relents guerriers, mais l’histoire du triangle, une femme et deux hommes, qui rappelle de nombreuses œuvres ou faits divers de toutes les époques, notamment le retour de Martin Guerre.

Karl et Anna Leonhard Frank 1929 artgitato Lucien Nat & Georges Vitray Théâtre de l'AvenueUN IMAGINAIRE FECOND ET INFINI
Mais plus que de la guerre, la pièce parle des ruptures, des rencontres et des retrouvailles des couples déchirés. Des attentes et des rencontres. Des drames des annonces des morts sur le champ d’honneur et des drames des retours parfois avec des naissances inattendues et des nouveaux mariages. Les désirs, les manques, la fidélité, la jalousie, sont les thèmes de la pièce qui pourrait être contemporaine. Mais avant tout, Karl et Anna parle de la force des mots sur des âmes en attente, sur des cœurs éprouvés. Karl est le personnage principal, une force de la nature par son imaginaire fécond et infini.

UN IDEALISME DESPOTIQUE OU UN REALISME EFFICACE
Une autre polémique en cette année 1929 fait rage dans le rang des critiques. Cette pièce est-elle réaliste ou idéaliste ? Georges Pioch dans La Volonté souligne : « un drame fort, âpre, singulier, dont certains diront, parce qu’il rend souvent un son cruel, qu’il est d’un réalisme féroce. Il est surtout d’un idéalisme forcené, despotique, implacable… » Maurice Rostand, dans Le Soir, va dans le même sens : « œuvre réaliste diront certains. Je n’en connais pas de plus idéaliste ! Le rêve même y devient plus fort et plus vivant que la vie, et l’amour impérissable de Karl est né non seulement du premier regard, mais comme de la première pensée échangée. » Alors que Pierre Brisson dans Le Temps soutient l’autre facette : « la pièce de M. Leonhard Frank agit donc par son réalisme qui témoigne d’un art sinon très neuf du moins très sûr, très net et hostiles aux effets trop vulgaires. »

Karl et Anna Leonhard Frank 1929 artgitato Lucien Nat & Georges VitrayTOUT SE BROUILLE
Reprenons la pièce et nous verrons que chacun avait raison suivant si l’on suit tel ou tel personnage. Le premier acte pose dans un camp de prisonnier russe, en juillet 1917, deux soldats allemands prisonniers, Karl (Lucien Nat en 1929 au Théâtre de l’Avenue) et Richard (Georges Vitray en 1929), deux amis. Ils sont ensemble depuis trois ans, et depuis tout ce temps, depuis le tout début de guerre, depuis septembre 1914, ils parlent d’eux et de leurs passés. C’est surtout Richard qui partage les souvenirs qu’il a de sa femme, Anne, jouée par Marguerite Jamois lors de la première. Richard est dans la réalité, dans le présent de cette jambe qui le fait souffrir, qui pourrait être opérée, et dans le passé de l’image de sa femme qui s’estompe. « Il y a maintenant trois ans de passés…Souvent, je ne me rappelle plus à quoi elle ressemble, Anna. Je ne vois pas sa figure. Je ne la vois pas du tout ! Tu sais, tout se brouille. » Il envie Karl et son imaginaire : « ce que tu en voies toujours des choses, toi ! Tu en as de la chance ! Quand tu bouffes une rave, tu peux toujours t’imaginer que c’est de la cuisse d’oie. »

UN CHAPEAU COMME VOITURE
Les images du passé ont transité de Richard à Karl qui l’a phagocyté littéralement, qui l’a vidé. Karl est plein de ce passé et de ce futur qu’il envisage avec de plus en plus de force et de désirs. Karl n’est « pas ordinaire », c’est Richard qui le dit. D’un rien il fait un tout, d’une pointe une maison, d’une pierre un pays. « Quand j’avais trois ans, une fois, ma mère s’est acheté un chapeau neuf, une espèce de capote, avec des rubans longs. Alors, de ce chapeau-là, je m’en suis fait une voiture. Je me suis attelé entre les rubans et je traînais le chapeau derrière moi, dans les flaques de la cour. »

Cette vampirisation est complète : «  Je sais déjà tout d’elle. Bien plus que tu ne m’en as raconté et surtout que tu pourrais en raconter. » Il a remplacé son ami. Karl est devenu Richard. Mais un Richard augmenté, avec des nouveaux désirs et une imagination débordante. Anna n’a qu’à bien se tenir.

Karl et Anna Leonhard Frank 1929 artgitato Lucien Nat & Marguerite JamoisThéâtre de l'AvenueVOUS N’ÊTES PAS MON MARI !
Viendra la fuite de Karl qui nous conduira, un an plus tard, en juillet 1918, dans l’appartement d’Anna. C’est la rencontre. Anna et son amie Marie, jouée par Suzanne Demars, ne sont pas dupes, « qui êtes-vous ? …Bonté du ciel ! Vous n’êtes pourtant pas mon mari. Mon mari…Mon mari est … ». Anna ne sait plus comment est son mari. Qui est-il ce mari qui n’est plus là depuis tant d’années ?  Karl utilise les phrases qui touchent avec de multiples petits détails qui sont autant d’harpons : la peinture des chaises, le gaz qui siffle, la vieille fourchette… Anna vacille mais ne flanche pas.

IL N’Y A PAS DE MENSONGES !
Mais Karl sent bien le désir qui habite Anna, et sait qu’elle est à sa portée. Déjà pour Anna, il n’est déjà plus si déroutant : « Pour moi…Non, vous n’êtes pas un étranger pour moi, et je n’y comprends rien. Après tout, ce ne serait pas si grave, de loin pas si grave, si seulement vous vouliez bien ne pas dire que vous êtes mon mari ! » Mais Karl insiste et l’amène dans ses filets : « Tu le sens bien toi-même ! Tu le sens, que nous sommes l’un à l’autre, toi et moi. Anna, tu le sens bien ? » Après avoir vampirisé son ami, il hypnotise sa femme. Et Karl répète comme un mantra que c’est la vérité, « il n’y a pas de mensonge ! »

Dans un dernier mouvement, Karl montre qu’elle ne pourra jamais s’échapper, qu’elle est conquise à jamais, la gazelle est coincée dans la mâchoire du lion affamé : « d’une certaine façon, tu es, tu es absolument en moi. Il n’y a pas moyen d’expliquer ça…mais mon sang à ta forme…Quand, petite fille, tu revenais de l’école avec ta gibecière, tu poussais la porte de ta maison, comme ça, avec ton épaule, et tu restais encore un moment à regarder la rue. »

Elle passe en deux mouvements au tutoiement et à l’abandon, en l’embrassant dans un « Richard ! » tonitruant.

Karl et Anna Leonhard Frank 1929 artgitato Lucien Nat et Marguerite JamoisThéâtre de l'Avenue

 ET ALORS LUI DIRE TOUT
Le troisième acte fait un nouveau saut temporel de cinq mois et nous retrouvons Anna enceinte de Karl. C’est l’acte de la vérité. Karl lit la lettre qu’a envoyée Richard, qui, libéré, devrait arriver bientôt. Les jeux sont faits. Anna redit son amour pour Karl, en le nommant « Mon mari ». Elle est prête à le recevoir et envisage même le pire : « S’il ne consent pas à me quitter, je ne peux plus continuer à vivre. Il faut qu’il accepte ce qu’il faut…Il n’y a qu’à attendre. Attendre jusqu’à ce qu’il arrive. Et alors lui dire tout. Dire tout, tout de suite. Je ne me déroberai pas. Alors il ne lui restera plus qu’à me tuer. Je ne peux plus ne pas vivre sans toi. »

Pas de temps mort avec le dernier acte qui glisse sur le troisième avec l’arrivée de Richard. La presque totalité de l’acte se déroule dans le quiproquo. Richard n’est pas plus étonné que ça de voir Karl chez lui, de travailler là où il travaillait, chez Grieb et Stein, et le remercie encore de lui avoir sauvé la vie quand ils étaient prisonniers.

LES AMANTS ET LE CHOCOLAT
La vérité est avancée alors brutalement et Karl prend les devants : « C’est une question de vie ou de mort, voilà. » Richard découvre la maternité d’Anna. Mais la découverte du véritable amour qu’elle pour Karl finit par l’effondrer, « alors, plus jamais ? Plus jamais maintenant ? » Et il en perd ses mots et son envie de vivre, « Bon. Alors, il ne reste qu’à …alors, il ne me reste plus qu’à… »

Les amants se retirent et laisse seul un Richard cassé par la guerre et par cette récente découverte devant la malheureuse tablette de chocolat qui devait émerveiller Anna.

Karl n’a jamais menti. Il a accompli son désir le plus profond. Tout son être s’est réalisé. « Tout le bonheur des hommes est dans l’imagination » soulignait Sade. Karl a trouvé le bonheur dans l’imagination, qui lui a permis de mieux vivre son incarcération,  de subjuguer Anna et le bonheur dans la réalité de son amour qui les accompagne dans cette histoire allemande qui n’en finira pas de bouger.

Jacky Lavauzelle

Texte : La Petite Illustration N°437 – Théâtre n°2346 juillet 1929
1ère le 10 avril 1929 au Théâtre de l’Avenue – Compagnie Gaston Baty
Version française de Jean-Richard Bloch
Mise en scène en 1929 de Gaston Baty
Photographies Achay et G.-L. Manuel frères
Affiche réalisée à partir du dessin « Merci! » de L. Sabattier

FAUST (Goethe) LA DEDICACE – ZUEIGNUNG

Johann Wofgang von Goethe

ZUEIGNUNG
DEDICACE

Faust Goethe Eine Tragödie Argitato Théâtre Zueignung Dédicace

 

Ihr naht euch wieder, schwankende Gestalten,

Vous vous approchez, formes indécises

Die früh sich einst dem trüben Blick gezeigt.

Jadis, vous apparaissiez à mon œil innocent.

Versuch ich wohl, euch diesmal festzuhalten?

Essaierai-je cette fois de vous capturer ?

Fühl ich mein Herz noch jenem Wahn geneigt?

Mon cœur serait-il toujours sensible à cette illusion?

Ihr drängt euch zu! nun gut, so mögt ihr walten,

Je sens votre présence !  Vos pulsions !

Wie ihr aus Dunst und Nebel um mich steigt;

Vous m’enveloppez de brume et de brouillard ;

Mein Busen fühlt sich jugendlich erschüttert

Ma poitrine émue se sent rajeunir,

Vom Zauberhauch, der euren Zug umwittert. 

Du souffle magique, le cortège s’enveloppe.

 Ihr bringt mit euch die Bilder froher Tage,

Vous apportez avec vous les images des jours plus heureux,

Und manche liebe Schatten steigen auf ;

Accompagnées de douces et tendres ombres ;

Gleich einer alten, halbverklungnen Sage.

Comme une vieille fable, à moitié oubliée.

Kommt erste Lieb und Freundschaft mit herauf ;

Vient le premier amour, viennent les premières amitiés ;

Der Schmerz wird neu, es wiederholt die Klage

La douleur se réveille, elle rappelle le cours

Des Lebens labyrinthisch irren Lauf,

Sinueux de ma vie,

Und nennt die Guten, die, um schöne Stunden

Elle appelle les amis, qui, dans des doux moments

Vom Glück getäuscht, vor mir hinweggeschwunden.

Trompés par le destin, disparurent devant moi.

Sie hören nicht die folgenden Gesänge,

Elles n’écouteront pas les chansons nouvelles,

Die Seelen, denen ich die ersten sang;

Les âmes, pour connurent les premières chansons

Zerstoben ist das freundliche Gedränge,

Dispersée, la foule amicale,

Verklungen, ach! der erste Widerklang.

Oublié, ah ! le tout premier écho.

Mein Lied ertönt der unbekannten Menge,

Ma chanson se perd dans la foule,

Ihr Beifall selbst macht meinem Herzen bang,   

Leurs applaudissements me bouleversent,

Und was sich sonst an meinem Lied erfreuet,   

Et ceux qui se replongent dans mes chansons,

Wenn es noch lebt, irrt in der Welt zerstreuet.

S’ils sont encore en vie, ils sont de par le monde.

 Und mich ergreift ein längst entwöhntes Sehnen

Et voici qu’un désir depuis longtemps oublié

Nach jenem stillen, ernsten Geisterreich,

Après ce calme, frappe à la porte du royaume sérieux de l’Esprit,

Es schwebet nun in unbestimmten Tönen

Il rode maintenant un murmure incertain

Mein lispelnd Lied, der Äolsharfe gleich,

Ma chanson siffle, telle une harpe éolienne,

Ein Schauer faßt mich, Träne folgt den Tränen,

Un frisson me déchire, aux pleurs suivent les pleurs,

Das strenge Herz, es fühlt sich mild und weich ;

Mon cœur sévère, se sent doux et léger ;

Was ich besitze, seh ich wie im Weiten,

Ce que j’ai, je le vois de si loin,

Und was verschwand, wird mir zu Wirklichkeiten.

Et ce qui a disparu, devient pour moi réalité.

Traduction Jacky Lavauzelle
artgitato.com

FAUST (GOETHE) VORSPIEL AUF DEM THEATER – PROLOGUE SUR LE THEÂTRE

Johann Wofgang von Goethe

FAUST
VORSPIEL AUF DEM THEATER
PROLOGUE SUR LE THEÂTRE

Faust Goethe Eine Tragödie Argitato Théâtre VORSPIEL AUF DEM THEATER Prologue sur le théâtre

 Traduction Jacky Lavauzelle – artgitato.com

 

Direktor. Theatherdichter. Lustige Person

Le directeur, le poète et le bouffon

Direktor
Le directeur

Ihr beiden, die ihr mir so oft,

Vous deux, qui, avec moi, tant de fois,

In Not und Trübsal, beigestanden,

Dans la peine et dans l’épreuve, m’avez accompagné,

Sagt, was ihr wohl in deutschen Landen

Dîtes, que pensez-vous, en terres allemandes,

Von unsrer Unternehmung hofft?

De l’évolution de notre programme ?

Ich wünschte sehr der Menge zu behagen,

Je voudrais bien avoir l’opinion publique avec moi,

Besonders weil sie lebt und leben läßt.

Surtout parce qu’elle vit et qu’elle nous permet de vivre.

Die Pfosten sind, die Bretter aufgeschlagen,

Les affiches posées, les critiques avisées,

Und jedermann erwartet sich ein Fest.

Et chacun s’attend à une féerie.

Sie sitzen schon mit hohen Augenbraunen

Ils sont déjà assis, les yeux écarquillés

Gelassen da und möchten gern erstaunen.

Souhaitant être surpris et désirant être heureux.

Ich weiß, wie man den Geist des Volks versöhnt ;

Je sais comment de l’esprit du public on en fait un allié ;

Doch so verlegen bin ich nie gewesen :

Pourtant, je n’ai jamais été aussi embarrassé :

Zwar sind sie an das Beste nicht gewöhnt,

Il est vrai que du meilleur ils n’ont pas l’habitude,

Allein sie haben schrecklich viel gelesen.

Seulement, ils ont beaucoup lu.

Wie machen wir’s, daß alles frisch und neu

Comment allons-nous faire pour que tout soit frais, pour que tout soit nouveau

Und mit Bedeutung auch gefällig sei?

Et avec du sens aussi ?

Denn freilich mag ich gern die Menge sehen,

Pour sûr, je tiens à voir la foule,

Wenn sich der Strom nach unsrer Bude drängt,

Comme un torrent se fracasser à notre baraque,

Und mit gewaltig wiederholten Wehen

Et avec une douleur lancinante et puissante

Sich durch die enge Gnadenpforte zwängt ;

Se presser jusqu’au-devant du guichet salvateur ;

Bei hellem Tage, schon vor vieren,

Au grand jour, avant les quatre heures,

Mit Stößen sich bis an die Kasse ficht

Par saccades, se heurter à la caisse

Und, wie in Hungersnot um Brot an Bäckertüren,

Et, comme lors des famines devant la porte du boulanger,

Um ein Billet sich fast die Hälse bricht.

Pour un billet, pour un peu, se briser le cou.

Dies Wunder wirkt auf so verschiedne Leute

Un tel miracle ne peut se produire sur une foule éclectique

Der Dichter nur ; mein Freund, o tu es heute !

Que par le poète, uniquement ; mon ami, fais qu’il en soit ainsi aujourd’hui !

Dichter
Le poète

O sprich mir nicht von jener bunten Menge,

Oh! Ne me parle de cette foule bariolée,

Bei deren Anblick uns der Geist entflieht.

Qui par son seul aspect fait fuir mon esprit.

Verhülle mir das wogende Gedränge,

Aveuglé par les vagues de cette cohue,

Das wider Willen uns zum Strudel zieht.

Qui, contre ma volonté, m’entraîne dans son tourbillon.

Nein, führe mich zur stillen Himmelsenge,

Non, conduis-moi vers le calme d’un ciel irisé,

Wo nur dem Dichter reine Freude blüht ;

Où, pour le seul poète, la joie peut fleurir ;

Wo Lieb und Freundschaft unsres Herzens Segen

Où amour et amitié ont la faveur de notre cœur,  

Mit Götterhand erschaffen und erpflegen.

Avec le soutien de Dieu, créé et protégé.

Ach! was in tiefer Brust uns da entsprungen,

Ah ! Comme du plus profond de nous s’évade

Was sich die Lippe schüchtern vorgelallt,

Ce que nos lèvres timides susurrent,

Mißraten jetzt und jetzt vielleicht gelungen,

Dénaturé parfois et parfois plus fameux,

Verschlingt des wilden Augenblicks Gewalt.

Dévoré par la puissance et la sauvagerie du présent.

Oft, wenn es erst durch Jahre durchgedrungen,

Souvent, après bien des années durant,

Erscheint es in vollendeter Gestalt.

Elle apparaît alors dans une forme aboutie.

Was glänzt, ist für den Augenblick geboren,

Ce qui brille, n’existe que pour les yeux,

Das Echte bleibt der Nachwelt unverloren.

Le vrai, seul, passe à la postérité.

Lustige Person
Le Bouffon

Wenn ich nur nichts von Nachwelt hören sollte.

Je ne veux plus rien entendre sur cette postérité !

Gesetzt, daß ich von Nachwelt reden wollte,

Soit, vous désirez que je discoure sur la postérité,

Wer machte denn der Mitwelt Spaß ?

Qui s’occupera alors à divertir nos contemporains ?

Den will sie doch und soll ihn haben.

Car ils en veulent encore et nous leur en donnons.

Die Gegenwart von einem braven Knaben

La présence d’un brave garçon

Ist, dächt ich, immer auch schon was.

Est, je pense, toujours autant apprécié.

Wer sich behaglich mitzuteilen weiß,

Celui qui sait annoncer quelque chose de plaisant,

Den wird des Volkes Laune nicht erbittern ;

Par l’humeur du public ne sera pas exaspéré ;

Er wünscht sich einen großen Kreis,

Il souhaitera agrandir un plus grand le cercle,

Um ihn gewisser zu erschüttern.

Sachez l’étonner !

Drum seid nur brav und zeigt euch musterhaft,

Les tambours ne sont bons, montrez-vous exemplaire,

Laßt Phantasie, mit allen ihren Chören,

Laissez l’imagination, avec tous ses chœurs,

Vernunft, Verstand, Empfindung, Leidenschaft,

Raison, intellect, émotion, passion,

Doch, merkt euch wohl! nicht ohne Narrheit hören.

Mais, remarquez bien! N’attendez rien sans folie.

  Direktor
Le directeur

Besonders aber laßt genug geschehn!

Surtout, montrez en assez !

Man kommt zu schaun, man will am liebsten sehn.

On vient pour voir, on veut voir toujours plus.

Wird vieles vor den Augen abgesponnen,

Beaucoup devant des yeux fatigués,

So daß die Menge staunend gaffen kann,

Tellement que la foule en restera sans voix,

Da habt Ihr in der Breite gleich gewonnen,

Là, vous aurez gagné la partie,

Ihr seid ein vielgeliebter Mann.

Vous voici un homme considéré.

Die Masse könnt Ihr nur durch Masse zwingen,

La masse peut, elle seule, en rabattre à la masse

Ein jeder sucht sich endlich selbst was aus.

Chacun recherche en fait ce qui l’intéresse

Wer vieles bringt, wird manchem etwas bringen;

Qui apporte beaucoup, à chacun apporte quelque chose ;

Und jeder geht zufrieden aus dem Haus.

Et chacun rentrera heureux chez lui.

Gebt Ihr ein Stück, so gebt es gleich in Stücken!

Vous donnez une pièce, donnez-la en morceaux !

Solch ein Ragout, es muß Euch glücken ;

Ainsi qu’un ragoût, elle rendra tout le monde heureux ;

Leicht ist es vorgelegt, so leicht als ausgedacht.

Il est facilement servi, tout autant que facilement réalisé

Was hilft’s, wenn Ihr ein Ganzes dargebracht?

A quoi bon, si vous offrez tout dans sa totalité ?

Das Publikum wird es Euch doch zerpflücken.

Le public aurait vite fait de vous disséquer !

Dichter
Le poète

Ihr fühlet nicht, wie schlecht ein solches Handwerk sei!

Vous ne sentez pas, comme est méprisable cet artisanat !

Wie wenig das dem echten Künstler zieme!

Comme il correspond peu au véritable artiste !

Der saubern Herren Pfuscherei

Les belles prouesses de ces messieurs

Ist. merk ich. schon bei Euch Maxime.

Je le remarque. Vous en faites déjà votre maxime.

Direktor
Le directeur

Ein solcher Vorwurf läßt mich ungekränkt :

Une telle critique me laisse de marbre :

Ein Mann, der recht zu wirken denkt,

Un homme, qui souhaite travailler correctement,

Muß auf das beste Werkzeug halten.

Doit avoir les meilleurs outils.

Bedenkt, Ihr habet weiches Holz zu spalten,

Rappelez-vous, vous devez fendre du bois tendre,

Und seht nur hin, für wen Ihr schreibt !

Et regardez dehors, pour savoir à qui vous écrivez !

Wenn diesen Langweile treibt,

Quand l’un arrivera dépressif,

Kommt jener satt vom übertischten Mahle,

Les autres arriveront d’un festin trop copieux,

Und, was das Allerschlimmste bleibt,

Et, ce qui reste le pire,

Gar mancher kommt vom Lesen der Journale.

Plus d’un viendront à la lecture du journal.

Man eilt zerstreut zu uns, wie zu den Maskenfesten,

On se précipite vers nous, comme à une mascarade,

Und Neugier nur beflügelt jeden Schritt ;

Et la curiosité précipite chaque pas ;

Die Damen geben sich und ihren Putz zum besten

Les dames montrent d’elles leurs plus beaux atours

Und spielen ohne Gage mit.

Et jouent déjà pour le public, sans gages.

Was träumet Ihr auf Eurer Dichterhöhe?

A quoi rêvez-vous, poètes, sur vos sommets ?

Was macht ein volles Haus Euch froh?

Que rend joyeux une salle comble ?

Beseht die Gönner in der Nähe!

Gardez vos mécènes à proximité !

Halb sind sie kalt, halb sind sie roh.

La moitié est glaciale, l’autre est inculte.

Der, nach dem Schauspiel, hofft ein Kartenspiel,

Qui, après la pièce, espère une partie de cartes,

Der eine wilde Nacht an einer Dirne Busen.

Qui, une nuit sauvage dans les bras d’une prostituée.

Was plagt ihr armen Toren viel,

Que, pour eux, vous tourmentez,

Zu solchem Zweck, die holden Musen ?

Dans ce but, les douces muses ?

Ich sag Euch, gebt nur mehr und immer, immer mehr,

Je vais vous dire, donnez seulement plus et plus encore, toujours plus,

 

So könnt Ihr Euch vom Ziele nie verirren

Ainsi vous ne perdrez pas le but de vue

Sucht nur die Menschen zu verwirren,

Cherchez seulement à troubler les hommes,

Sie zu befriedigen, ist schwer — —

Les satisfaire, c’est plus compliqué

Was fällt Euch an? Entzückung oder Schmerzen?

Qu’en pensez-vous ? Exstase ou douleur ?

Dichter
Le poète

Geh hin und such dir einen andern Knecht !

Va et trouve-toi un autre valet !

Der Dichter sollte wohl das höchste Recht,

Le poète devrait probablement par cette loi suprême,

Das Menschenrecht, das ihm Natur vergönnt,

Des droits de l’Homme, de ce que la Nature permet,

Um deinetwillen freventlich verscherzen !

Y renoncer sans autres motifs !

Wodurch bewegt er alle Herzen ?

Comment pourrait-il faire frémir les cœurs?

Wodurch besiegt er jedes Element ?

Comment soumettrait-il chaque élément ?

Ist es der Einklang nicht, der aus dem Busen dringt,

N’est-ce-pas l’accord qui sort de sa poitrine,

Und in sein Herz die Welt zurücke schlingt  ?

Et en son cœur n’enveloppe-t-il pas le monde ?

Wenn die Natur des Fadens ew’ge Länge,

Si la nature démêle les longs fils éternels,

Gleichgültig drehend, auf die Spindel zwingt,

Indépendamment des rotations, de la puissance de la broche,

Wenn aller Wesen unharmon’sche Menge

Si pour tous les êtres d’une foule discordante

Verdrießlich durcheinander klingt-

Renfrognés pêle-mêle s’entrechoquant

Wer teilt die fließend immer gleiche Reihe

Partageant toujours le même courant

Belebend ab, daß sie sich rhythmisch regt ?

Vivifiant cela, n’est-ce point lui qui suscite le rythme?

Wer ruft das Einzelne zur allgemeinen Weihe,

Qui appelle le particulier à l’unification générale,

Wo es in herrlichen Akkorden schlägt ?

Qui y introduit de beaux accords?

Wer läßt den Sturm zu Leidenschaften wüten ?

Qui peut lâcher la tempête sur les passions ?

Das Abendrot im ernsten Sinne glühn ?

Le coucher de soleil dans une âme éplorée ?

Wer schüttet alle schönen Frühlingsblüten

Qui étale toutes les belles fleurs de printemps

Auf der Geliebten Pfade hin?

Sur les chemins d’une bien-aimée ?

Wer flicht die unbedeutend grünen Blätter

Qui tresse des feuilles vertes insignifiantes

Zum Ehrenkranz Verdiensten jeder Art ?

Pour honorer les mérites en couronnes de gloire ?

Wer sichert den Olymp? vereinet Götter ?

Qui assure l’Olympe? Qui assemble les dieux ?

Des Menschen Kraft, im Dichter offenbart.

Tout le pouvoir de l’homme, par le poète est révélé.

Lustige Person
Le Bouffon

So braucht sie denn, die schönen Kräfte,

Utilisez donc vos puissants dons,

Und treibt die dichtrischen Geschäfte,

Et continuez vos travaux poétiques,

Wie man ein Liebesabenteuer treibt.

Comme on conduit une histoire d’amour.

Zufällig naht man sich, man fühlt, man bleibt,

On regarde par hasard, on s’émeut, on reste,

Und nach und nach wird man verflochten;

Et peu à peu vous vous retrouvez prisonnier ;

Es wächst das Glück, dann wird es angefochten,

Il pousse le bonheur, mais il est bientôt contesté

Man ist entzückt, nun kommt der Schmerz heran,

On est ravi, mais maintenant la douleur est proche,

Und eh man sich’s versieht, ist’s eben ein Roman.

Et avant que vous le sachiez, c’en est maintenant un roman.

Laßt uns auch so ein Schauspiel geben !

Donnez-nous aussi un tel spectacle!

Greift nur hinein ins volle Menschenleben!

Puisez seulement dans toute la plénitude de la vie humaine !

Ein jeder lebt’s, nicht vielen ist’s bekannt,

Chacun la vit, peu la connaissent,

Und wo ihr’s packt, da ist’s interessant.

Et où vous l’empoignez, là est l’intéressant.

In bunten Bildern wenig Klarheit,

En images colorées et peu de clarté,

Viel Irrtum und ein Fünkchen Wahrheit,

Beaucoup d’erreur et un atome de vérité,

So wird der beste Trank gebraut,

Ainsi, la meilleure boisson est-elle brassée,

Der alle Welt erquickt und auferbaut.

Elle rafraîchie le monde entier et l’édifie.

Dann sammelt sich der Jugend schönste Blüte

Alors s’assemble la plus belle fleur de la jeunesse

Vor eurem Spiel und lauscht der Offenbarung,

Devant votre jeu et écoutant la révélation,

Dann sauget jedes zärtliche Gemüte

Alors chaque esprit tendre extrait

Aus eurem Werk sich melanchol’sche Nahrung,

De votre travail des aliments mélancoliques,

Dann wird bald dies, bald jenes aufgeregt,

Telle chose apparaît bientôt, bientôt remplacée par une autre ,

Ein jeder sieht, was er im Herzen trägt.

Tout le monde voit, ce qu’il porte dans son cœur.

Noch sind sie gleich bereit, zu weinen und zu lachen,

Pourtant, ils sont encore prêts à pleurer et à rire,

Sie ehren noch den Schwung, erfreuen sich am Schein ;

Ils honorent toujours l’enthousiasme, ils jouissent de l’apparence ;

Wer fertig ist, dem ist nichts recht zu Machen ;

Ce qui est terminé, n’est plus à faire ;

Ein Werdender wird immer dankbar sein.

Un esprit qui se cherche sera toujours reconnaissant.

Dichter

Le poète

So gib mir auch die Zeiten wieder,

Alors rend-moi donc à nouveau ce temps,

Da ich noch selbst im Werden war,

Depuis que je recherche ma voie,

Da sich ein Quell gedrängter Lieder

Depuis qu’une source a pénétré mes chansons

Ununterbrochen neu gebar,

Continuellement renouvelées,

Da Nebel mir die Welt verhüllten,

Là, le brouillard m’enveloppait le monde,

Die Knospe Wunder noch versprach,

Le bourgeon encore promettait des merveilles,

Da ich die tausend Blumen brach,

Là, je cueillais un millier de fleurs,

Die alle Täler reichlich füllten.

Qui tapissaient abondamment les vallées.

Ich hatte nichts und doch genug :

Je n’avais rien, et j’avais assez:

Den Drang nach Wahrheit und die Lust am Trug.

Le soif de vérité et la joie de mentir.

Gib ungebändigt jene Triebe,

Donne-moi ces instincts sauvages,

Das tiefe, schmerzenvolle Glück,

La profondeur d’un douleur bonheur,

Des Hasses Kraft, die Macht der Liebe,

La force de la haine, la puissance de l’amour,

Gib meine Jugend mir zurück!

Rends-moi ma jeunesse!

Lustige Person
Le Bouffon

Der Jugend, guter Freund, bedarfst du allenfalls,

La jeunesse, mon ami, tu en as toujours besoin,

Wenn dich in Schlachten Feinde drängen,

Quand tu es poussé par tes ennemis dans les batailles,

Wenn mit Gewalt an deinen Hals

Quand violemment autour de votre cou

Sich allerliebste Mädchen hängen,

Les belles filles se pendent,

Wenn fern des schnellen Laufes Kranz

Quant à l’écart de la course folle la couronne

Vom schwer erreichten Ziele winket,

Au loin, te montre l’objectif à atteindre,

Wenn nach dem heft’gen Wirbeltanz

Quand après la danse tourbillonnante

Die Nächte schmausend man vertrinket.

Les nuits se parfument de boissons.

Doch ins bekannte Saitenspiel

Mais faire vibrer la célèbre lyre

Mit Mut und Anmut einzugreifen,

Avec force et grâce,

Nach einem selbstgesteckten Ziel

Vers un objectif fixé par soi-même

Mit holdem Irren hinzuschweifen,

Par de charmants et déments vagabondages,

Das, alte Herrn, ist eure Pflicht,

C’est là, vieil homme, où est ton devoir,

Und wir verehren euch darum nicht minder.

Et nous ne vous en respectons pas moins.

Das Alter macht nicht kindisch, wie man spricht,

L’âge ne nous fait pas enfant, comme l’on dit,

Es findet uns nur noch als wahre Kinder.

Il nous trouve juste encore comme de vrais enfants.

Direktor
Le directeur

Der Worte sind genug gewechselt,

Assez de mots échangés,

Laßt mich auch endlich Taten sehn!

Laissez-moi voir enfin l’action!

Indes ihr Komplimente drechselt,

Pendant que vous peaufiniez les compliments,

Kann etwas Nützliches geschehn.

Quelque chose d’utile aurait pu voir le jour.

Was hilft es, viel von Stimmung reden?

N’est-ce pas ce qui aide le plus pour parler d’inspiration ?

Dem Zaudernden erscheint sie nie.

Elle n’apparaît jamais aux indécis.

Gebt ihr euch einmal für Poeten,

Vous vous dîtes des poètes,

So kommandiert die Poesie.

Alors commandez à la poésie.

Euch ist bekannt, was wir bedürfen,

Vous savez tous ce dont nous avons besoin,

Wir wollen stark Getränke schlürfen ;

Nous voulons siroter des boissons fortes,

Nun braut mir unverzüglich dran!

Maintenant, brassez-en immédiatement !

Was heute nicht geschieht, ist morgen nicht getan,

Ce qui n’est pas fait aujourd’hui, demain ne sera pas,

Und keinen Tag soll man verpassen,

Et pas un jour ne doit se perdre,

Das Mögliche soll der Entschluß

Le possible doit devenir le certain

Beherzt sogleich beim Schopfe fassen,

Il faut le saisir immédiatement avec courage des deux mains,

Er will es dann nicht fahren lassen

Et enfin ne pas le laisser filer

Und wirket weiter, weil er muß.

Et il continuera parce qu’il le doit.

Ihr wißt, auf unsern deutschen Bühnen

Vous savez, sur nos scènes allemandes

Probiert ein jeder, was er mag ;

Chacun essaie ce qu’il aime ;

Drum schonet mir an diesem Tag

N’épargner plus aujourd’hui

Prospekte nicht und nicht Maschinen.

Les décors ou les machines.

Gebraucht das groß, und kleine Himmelslicht,

Utilisez la grande et petite lumière céleste,

Die Sterne dürfet ihr verschwenden ;

Gaspillez à l’envi les étoiles ;

An Wasser, Feuer, Felsenwänden,

De l’eau, le feu, les parois rocheuses,

An Tier und Vögeln fehlt es nicht.

Les animaux et les oiseaux, il n’en manque pas.

Den ganzen Kreis der Schöpfung aus,

Sur les étroites planches traversez

So schreitet in dem engen Bretterhaus

Le cercle entier de la création

Und wandelt mit bedächt’ger Schnelle

Et marchez d’un pas rapide

Vom Himmel durch die Welt zur Hölle.

Du ciel à travers le monde jusqu’à l’Enfer.