The street sounds to the soldiers’ tread, La rue résonne du roulement des soldats, And out we troop to see: Et nous sortons pour les voir : A single redcoat turns his head, Un seul manteau rouge tourne la tête, He turns and looks at me. Il se tourne et me regarde.
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My man, from sky to sky’s so far, Mon ami, du ciel au ciel il y a une éternité, We never crossed before; Nous ne nous sommes avant jamais croisés ; Such leagues apart the world’s ends are,
Les extrémités du monde sont si écartées, We ’re like to meet no more; Nous n’allons plus nous rencontrer ;
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What thoughts at heart have you and I Quelles pensées avez-vous et quelles pensées ai-je ? We cannot stop to tell; Nous ne pouvons pas nous arrêter pour en parler ; But dead or living, drunk or dry, Mais mort ou vivant, ivre ou non, Soldier, I wish you well. Soldat, je te souhaite bonne chance.
It nods and curtseys and recovers Elle s’incline, se rétracte quand le vent When the wind blows above, Souffle juste au-dessus, The nettle on the graves of lovers L’ortie sur les tombes des amants That hanged themselves for love. Qui par amour se sont pendus.
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The nettle nods, the winds blows over, Quand les vents soufflent s’incline l’ortie, The man, he does not move, L’homme ne bouge pas, lui, The lover of the grave, the lover L’amant de la tombe, l’ami That hanged himself for love. Qui par amour se pendit.
La poésie a-t-elle perdu toute son importance à une époque comme la nôtre ? Quoiqu’on l’ait souvent répété, cela ne me semble vrai qu’à demi ; même à notre époque, je crois qu’elle est encore, sinon une grande page de l’histoire des nations, au moins une des meilleures clés pour nous ouvrir leur caractère. Si je veux connaître la raison ou la conscience d’un homme, je ne lui demanderai pas ce qu’il pense sur une question donnée : sa réponse à cet égard pourrait n’être qu’une notion empruntée ou la conséquence de quelque lieu commun entièrement indépendant de sa nature. Je préfère observer les goûts ou les répugnances qu’il témoigne à son insu, les impressions et les jugemens qui lui échappent au contact de tout ce qui le touche ; ils laissent voir bien plus à nu ce qui vit et palpite au fond de son être. Un avantage analogue, j’imagine, s’attache à la poésie des peuples étrangers elle est comme leur confession involontaire. Elle ne nous met pas seulement sous les yeux un produit de leurs facultés, elle nous montre à l’œuvre leurs facultés mêmes ; elle nous dévoile leurs idées générales, celles dont toutes leurs opinions ne sont que des modulations ; elle nous permet enfin de saisir sous leurs idées tous ces mobiles plus mystérieux, tous ces instincts, ces goûts, ces affections, qui jouent un si grand rôle dans les actions des hommes, et qu’on daigne à peine cependant regarder comme des réalités positives, parce qu’ils ne sont pas des conceptions de l’esprit.
Dans le cas de l’Angleterre, la confession me paraît d’ailleurs offrir un intérêt particulier. Les poètes de l’Italie ou de l’Espagne, par exemple, ne nous révéleraient guère qu’un état intellectuel et moral que nous avons déjà traversé nous-mêmes ; ceux de l’Angleterre au contraire, les derniers surtout, attestent, à mon sens, un mouvement d’idées tout nouveau dans l’histoire, et qui est peut-être la seule condition possible de vie pour les nouvelles institutions de nos sociétés. En tout cas, ce qu’ils reflètent est une phase d’esprit dont nous soupçonnons à peine l’existence, et qui ne s’est pas encore produite en France.
L’Europe entière avait traduit et imité Byron ; elle l’avait admiré avec passion, probablement parce qu’elle retrouvait chez lui ses propres sensations ; elle est restée indifférente pour ses successeurs, probablement parce qu’elle ne reconnaissait pas chez eux sa propre manière de voir et d’apprécier les choses. Quoi qu’il en soit des causes, le fait certain, c’est que Byron est encore regardé chez nous comme le dernier mot du génie poétique de l’Angleterre moderne. S’il nous est venu quelques échos des réputations plus récentes, ils étaient assez vagues. On n’a pas cherché, que je sache, à rapprocher l’un de l’autre les représentans de la littérature du jour ; on n’a pas tenté de faire ressortir les liens de parenté qui les unissent entre eux, en les distinguant tous de l’école byronienne, et naturellement ils nous apparaissent un peu comme des copies effacées de Byron, comme des variétés dégénérées de son espèce.
La Poésie anglaise depuis Byron J. Milsand
La Revue des Deux Mondes
Tome 11
1851