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LA PLACE ROYALE ACTE IV CORNEILLE

LA PLACE ROYALE ACTE IV CORNEILLE
Le Théâtre de Corneillle
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     LA PLACE ROYALE CORNEILLE
LITTERATURE FRANCAISE

Comédie
EN CINQ ACTES


 

LE THEÂTRE DE
PIERRE CORNEILLE
1606 – 1684

 

LA PLACE ROYALE

Comédie en Cinq Actes
1634

ACTE IV

LA PLACE ROYALE ACTE IV CORNEILLE

***

LA PLACE ROYALE ACTE IV
Scène première

Alidor, Cléandre, troupe d’armes

(L’acte est dans la nuit, et Alidor dit ce premier vers à Cléandre ; et l’ayant fait retirer avec sa troupe, il continue seul.)

Alidor

Attends, sans faire bruit, que je t’en avertisse.

Enfin la nuit s’avance, et son voile propice

Me va faciliter le succès que j’attends

Pour rendre heureux Cléandre, et mes désirs contents.

Mon cœur, las de porter un joug si tyrannique,

Ne sera plus qu’une heure esclave d’Angélique.

Je vais faire un ami possesseur de mon bien:

Aussi dans son bonheur je rencontre le mien.

C’est moins pour l’obliger que pour me satisfaire,

Moins pour le lui donner qu’afin de m’en défaire.

Ce trait paraîtra lâche et plein de trahison,

Mais cette lâcheté m’ouvrira ma prison.

Je veux bien à ce prix avoir l’âme traîtresse,

Et que ma liberté me coûte une maîtresse.

Que lui fais-je, après tout, qu’elle n’ait mérité,

Pour avoir, malgré moi, fait ma captivité ?

Qu’on ne m’accuse point d’aucune ingratitude ;

Ce n’est que me venger d’un an de servitude,

Que rompre son dessein, comme elle a fait le mien,

Qu’user de mon pouvoir, comme elle a fait du sien,

Et ne lui pas laisser un si grand avantage

De suivre son humeur, et forcer mon courage.

Le forcer ! mais, hélas ! que mon consentement

Par un si doux effort fut surpris aisément !

Quel excès de plaisirs goûta mon imprudence

Avant que réfléchir sur cette violence !

Examinant mon feu, qu’est-ce que je ne perds ?

Et qu’il m’est cher vendu de connaître mes fers !

Je soupçonne déjà mon dessein d’injustice,

Et je doute s’il est ou raison ou caprice.

Je crains un pire mal après ma guérison,

Et d’aller au supplice en rompant ma prison.

Alidor, tu consens qu’un autre la possède !

Tu t’exposes sans crainte à des maux sans remède !

Ne romps point les effets de son intention,

Et laisse un libre cours à ton affection.

Fais ce beau coup pour toi ; suis l’ardeur qui te presse.

Mais trahir ton ami ! mais trahir ta maîtresse !

Je n’en veux obliger pas un à me haïr,

Et ne sais qui des deux, ou servir, ou trahir.

Quoi ! je balance encor, je m’arrête, je doute !

Mes résolutions, qui vous met en déroute ?

Revenez, mes desseins, et ne permettez pas

Qu’on triomphe de vous avec un peu d’appas.

En vain pour Angélique ils prennent la querelle ;

Cléandre, elle est à toi, nous sommes deux contre elle.

Ma liberté conspire avecque tes ardeurs ;

Les miennes désormais vont tourner en froideurs ;

Et lassé de souffrir un si rude servage,

J’ai l’esprit assez fort pour combattre un visage.

Ce coup n’est qu’un effet de générosité,

Et je ne suis honteux que d’en avoir douté.

Amour, que ton pouvoir tâche en vain de paraître.

Fuis, petit insolent, je veux être le maître ;

Il ne sera pas dit qu’un homme tel que moi,

En dépit qu’il en ait, obéisse à ta loi.

Je ne me résoudrai jamais à l’hyménée

Que d’une volonté franche et déterminée,

Et celle à qui ses nœuds m’uniront pour jamais

M’en sera redevable, et non à ses attraits ;

Et ma flamme…

LA PLACE ROYALE ACTE IV
Scène II

ALIDOR & CLEANDRE

CLEANDRE

Alidor !

ALIDOR

Qui m’appelle ?

CLEANDRE

Cléandre.

ALIDOR

Tu t’avances trop tôt.

CLEANDRE

Je me lasse d’attendre.

ALIDOR

Laisse-moi, cher ami, le soin de t’avertir

En quel temps de ce coin il te faudra sortir.

CLEANDRE

Minuit vient de sonner ; et, par expérience,

Tu sais comme l’amour est plein d’impatience.

ALIDOR

Va donc tenir tout prêt à faire un si beau coup ;

Ce que nous attendons ne peut tarder beaucoup.

Je livre entre tes mains cette belle maîtresse,

Sitôt que j’aurai pu lui rendre ta promesse:

Sans lumière, et d’ailleurs s’assurant en ma foi,

Rien ne l’empêchera de la croire de moi.

Après, achève seul ; je ne puis, sans supplice,

Forcer ici mon bras à te faire service ;

Et mon reste d’amour, en cet enlèvement,

Ne peut contribuer que mon consentement.

CLEANDRE

Ami, ce m’est assez.

ALIDOR

Va donc là-bas attendre

Que je te donne avis du temps qu’il faudra prendre.

Cléandre, encore un mot: pour de pareils exploits

Nous nous ressemblons mal, et de taille et de voix ;

Angélique soudain pourra te reconnaître ;

Regarde après ses cris si tu serais le maître.

CLEANDRE

Ma main dessus sa bouche y saura trop pourvoir.

ALIDOR

Ami, séparons-nous, je pense l’entrevoir.

CLEANDRE

Adieu. Fais promptement.

LA PLACE ROYALE ACTE IV
Scène III

ALIDOR & ANGELIQUE

ANGELIQUE

Que la nuit est obscure !

Alidor n’est pas loin, j’entends quelque murmure.

ALIDOR

De peur d’être connu, je défends à mes gens

De paraître en ces lieux avant qu’il en soit temps.

Tenez.

Il lui donne la promesse de Cléandre

ANGELIQUE

Je prends sans lire ; et ta foi m’est si claire,

Que je la prends bien moins pour moi que pour mon père:

Je la porte à ma chambre: épargnons les discours ;

Fais avancer tes gens, et dépêche.

ALIDOR

J’y cours.

Lorsque de son honneur je lui rends l’assurance,

C’est quand je trompe mieux sa crédule espérance:

Mais puisqu’au lieu de moi je lui donne un ami,

À tout prendre, ce n’est la tromper qu’à demi.

LA PLACE ROYALE ACTE IV
Scène IV

PHYLIS

Angélique ! C’est fait, mon frère en a dans l’aile.

La voyant échapper, je courais après elle ;

Mais un maudit galant m’est venu brusquement

Servir à la traverse un mauvais compliment,

Et par ses vains discours m’embarrasser de sorte

Qu’Angélique à son aise a su gagner la porte.

Sa perte est assurée, et le traître Alidor

La posséda jadis, et la possède encor.

Mais jusques à ce point serait-elle imprudente ?

Il n’en faut point douter, sa perte est évidente:

Le cœur me le disait, le voyant en sortir,

Et mon frère dès lors se devait avertir.

Je te trahis, mon frère, et par ma négligence,

Etant sans y penser de leur intelligence…

Alidor paraît avec Cléandre accompagné d’une troupe ; et après lui avoir montré Phylis, qu’il croit être Angélique, il se retire en un coin du théâtre, et Cléandre enlève Phylis, et lui met d’abord la main sur la bouche

LA PLACE ROYALE ACTE IV
Scène V

ALIDOR

On l’enlève, et mon cœur, surpris d’un vain regret,

Fait à ma perfidie un reproche secret ;

Il tient pour Angélique, il la suit, le rebelle !

Parmi mes trahisons il veut être fidèle ;

Je le sens, malgré moi, de nouveaux feux épris,

Refuser de ma main sa franchise à ce prix,

Désavouer mon crime, et pour mieux s’en défendre,

Me demander son bien, que je cède à Cléandre.

Hélas ! qui me prescrit cette brutale loi

De payer tant d’amour avec si peu de foi ?

Qu’envers cette beauté ma flamme est inhumaine !

Si mon feu la trahit, que lui ferait ma haine ?

Juge, juge, Alidor, en quelle extrémité

La va précipiter ton infidélité.

Ecoute ses soupirs, considère ses larmes,

Laisse-toi vaincre enfin à de si fortes armes ;

Et va voir si Cléandre, à qui tu sers d’appui,

Pourra faire pour toi ce que tu fais pour lui.

Mais mon esprit s’égare, et quoi qu’il se figure,

Faut-il que je me rende à des pleurs en peinture,

Et qu’Alidor, de nuit plus faible que de jour,

Redonne à la pitié ce qu’il ôte à l’amour ?

Ainsi donc mes desseins se tournent en fumée !

J’ai d’autres repentirs que de l’avoir aimée !

Suis-je encore Alidor après ces sentiments ?

Et ne pourrai-je enfin régler mes mouvements ?

Vaine compassion des douleurs d’Angélique,

Qui penses triompher d’un cœur mélancolique !

Téméraire avorton d’un impuissant remords,

Va, va porter ailleurs tes débiles efforts.

Après de tels appas, qui ne m’ont pu séduire,

Qui te fait espérer ce qu’ils n’ont su produire ?

Pour un méchant soupir que tu m’as dérobé,

Ne me présume pas tout à fait succombé:

Je sais trop maintenir ce que je me propose,

Et souverain sur moi, rien que moi n’en dispose.

En vain un peu d’amour me déguise en forfait

Du bien que je me veux le généreux effet,

De nouveau, j’y consens, et prêt à l’entreprendre…

LA PLACE ROYALE ACTE IV
Scène VI

ANGELIQUE & ALIDOR

ANGELIQUE

Je demande pardon de t’avoir fait attendre,

D’autant qu’en l’escalier on faisait quelque bruit,

Et qu’un peu de lumière en effaçait la nuit:

Je n’osais avancer, de peur d’être aperçue.

Allons, tout est-il prêt ? Personne ne m’a vue:

De grâce, dépêchons, c’est trop perdre de temps,

Et les moments ici nous sont trop importants ;

Fuyons vite, et craignons les yeux d’un domestique.

Quoi ! tu ne réponds point à la voix d’Angélique ?

ALIDOR

Angélique ! mes gens vous viennent d’enlever ;

Qui vous a fait sitôt de leurs mains vous sauver ?

Quel soudain repentir, quelle crainte de blâme,

Et quelle ruse enfin vous dérobe à ma flamme ?

Ne vous suffit-il point de me manquer de foi,

Sans prendre encor plaisir à vous jouer de moi ?

ANGELIQUE

Que tes gens cette nuit m’aient vue ou saisie !

N’ouvre point ton esprit à cette fantaisie.

ALIDOR

Autant que l’ont permis les ombres de la nuit,

Je l’ai vu de mes yeux.

ANGELIQUE

Tes yeux t’ont donc séduit ;

Et quelque autre sans doute, après moi descendue,

Se trouve entre les mains dont j’étais attendue.

Mais, ingrat, pour toi seul j’abandonne ces lieux,

Et tu n’accompagnais ma fuite que des yeux !

Pour marque d’un amour que je croyais extrême,

Tu remets ma conduite à d’autres qu’à toi-même !

Je suis donc un larcin indigne de tes mains ?

ALIDOR

Quand vous aurez appris le fond de mes desseins,

Vous n’attribuerez plus, voyant mon innocence,

À peu d’affection l’effet de ma prudence.

ANGELIQUE

Pour ôter tout soupçon et tromper ton rival,

Tu diras qu’il fallait te montrer dans le bal.

Faible ruse !

ALIDOR

Ajoutez et vaine, et sans adresse,

Puisque je ne pouvais démentir ma promesse.

ANGELIQUE

Quel était donc ton but ?

ALIDOR

D’attendre ici le bruit

Que les premiers soupçons auront bientôt produit,

Et d’un autre côté me jetant à la fuite,

Divertir de vos pas leur plus chaude poursuite.

ANGELIQUE
en pleurant

Mais enfin, Alidor, tes gens se sont mépris ?

ALIDOR

Dans ce coup de malheur, et confus, et surpris,

Je vois tous mes desseins succéder à ma honte ;

Mais il me faut donner quelque ordre à ce mécompte:

Permettez…

ANGELIQUE

Cependant, à qui me laisses-tu ?

Tu frustres donc mes vœux de l’espoir qu’ils ont eu,

Et ton manque d’amour, de mes malheurs complice,

M’abandonnant ici, me livre à mon supplice ?

L’hymen (ah, ce mot seul me réduit aux abois !)

D’un amant odieux me va soumettre aux lois ;

Et tu peux m’exposer à cette tyrannie !

De l’erreur de tes gens je me verrai punie !

ALIDOR

Nous préserve le ciel d’un pareil désespoir !

Mais votre éloignement n’est plus en mon pouvoir.

J’en ai manqué le coup ; et, ce que je regrette,

Mon carrosse est parti, mes gens ont fait retraite.

À Paris, et de nuit, une telle beauté,

Suivant un homme seul, est mal en sûreté:

Doraste, ou par malheur quelque rencontre pire,

Me pourrait arracher le trésor où j’aspire:

Evitons ces périls en différant d’un jour.

ANGELIQUE

Tu manques de courage aussi bien que d’amour,

Et tu me fais trop voir par ta bizarrerie

Le chimérique effet de ta poltronnerie.

Alidor (quel amant !) n’ose me posséder.

ALIDOR

Un bien si précieux se doit-il hasarder ?

Et ne pouvez-vous point d’une seule journée

Retarder le malheur de ce triste hyménée ?

Peut-être le désordre et la confusion

Qui naîtront dans le bal de cette occasion

Le remettront pour vous ; et l’autre nuit, je jure…

ANGELIQUE

Que tu seras encore ou timide ou parjure.

Quand tu m’as résolue à tes intentions,

Lâche, t’ai-je opposé tant de précautions ?

Tu m’adores, dis-tu ? tu le fais bien paraître,

Rejetant mon bonheur ainsi sur un peut-être.

ALIDOR

Quoi qu’ose mon amour appréhender pour vous,

Puisque vous le voulez, fuyons, je m’y résous ;

Et malgré ces périls… Mais on ouvre la porte ;

C’est Doraste qui sort, et nous suit à main-forte.

(Alidor s’échappe et Angélique le veut suivre ; mais Doraste l’arrête.)

LA PLACE ROYALE ACTE IV
Scène VII

ANGELIQUE, DORASTE & LYCANTE
Troupe d’amis

DORASTE

Quoi ! ne m’attendre pas ? c’est trop me dédaigner ;

Je ne viens qu’à dessein de vous accompagner ;

Car vous n’entreprenez si matin ce voyage

Que pour vous préparer à notre mariage.

Encor que vous partiez beaucoup devant le jour,

Vous ne serez jamais assez tôt de retour ;

Vous vous éloignez trop, vu que l’heure nous presse.

Infidèle ! est-ce là me tenir ta promesse ?

ANGELIQUE

Eh bien, c’est te trahir. Penses-tu que mon feu

D’un généreux dessein te fasse un désaveu ?

Je t’acquis par dépit, et perdrais avec joie.

Mon désespoir à tous m’abandonnait en proie,

Et lorsque d’Alidor je me vis outrager,

Je fis armes de tout afin de me venger.

Tu t’offris par hasard, je t’acceptai de rage ;

Je te donnai son bien, et non pas mon courage.

Ce change à mon courroux jetait un faux appas,

Je le nommais sa peine, et c’était mon trépas:

Je prenais pour vengeance une telle injustice,

Et dessous ces couleurs j’adorais mon supplice.

Aveugle que j’étais ! mon peu de jugement

Ne se laissait guider qu’à mon ressentiment.

Mais depuis, Alidor m’a fait voir que son âme,

En feignant un mépris, n’avait pas moins de flamme.

Il a repris mon cœur en me rendant les yeux ;

Et soudain mon amour m’a fait haïr ces lieux.

DORASTE

Tu suivais Alidor !

ANGELIQUE

Ta funeste arrivée,

En arrêtant mes pas, de ce bien m’a privée ;

Mais si…

DORASTE

Tu le suivais !

ANGELIQUE

Oui: fais tous tes efforts ;

Lui seul aura mon cœur, tu n’auras que le corps.

DORASTE

Impudente, effrontée autant comme traîtresse,

De ce cher Alidor tiens-tu cette promesse ?

Est-elle de sa main, parjure ? De bon cœur

J’aurais cédé ma place à ce premier vainqueur ;

Mais suivre un inconnu ! me quitter pour Cléandre !

ANGELIQUE

Pour Cléandre !

DORASTE

J’ai tort ; je tâche à te surprendre.

Vois ce qu’en te cherchant m’a donné le hasard ;

C’est ce que dans ta chambre a laissé ton départ:

C’est là qu’au lieu de toi j’ai trouvé sur ta table

De ta fidélité la preuve indubitable.

Lis, mais ne rougis point ; et me soutiens encor

Que tu ne fuis ces lieux que pour suivre Alidor.

Billet de Cléandre à Angélique

Angélique, reçois ce gage

De la foi que je te promets

Qu’un prompt et sacré mariage

Unira nos jours désormais

Quittons ces lieux, chère maîtresse ;

Rien ne peut que ta fuite assurer mon bonheur ;

Mais laisse aux tiens cette promesse

Pour sûreté de ton honneur,

Afin qu’ils en puissent apprendre

Que tu suis ton mari lorsque tu suis Cléandre.

CLEANDRE

Angélique

Que je suis mon mari lorsque je suis Cléandre ?

Alidor est perfide, ou Doraste imposteur.

Je vois la trahison, et doute de l’auteur.

Mais, pour m’en éclaircir, ce billet doit suffire ;

Je le pris d’Alidor, et le pris sans le lire ;

Et puisqu’à m’enlever son bras se refusait,

Il ne prétendait rien au larcin qu’il faisait.

Le traître ! J’étais donc destinée à Cléandre !

Hélas ! Mais qu’à propos le ciel l’a fait méprendre,

Et ne consentant point à ses lâches desseins,

Met au lieu d’Angélique une autre entre ses mains !

DORASTE

Que parles-tu d’une autre en ta place ravie ?

ANGELIQUE

J’en ignore le nom, mais elle m’a suivie ;

Et ceux qui m’attendaient dans l’ombre de la nuit…

DORASTE

C’en est assez, mes yeux du reste m’ont instruit:

Autre n’est que Phylis entre leurs mains tombée ;

Après toi de la salle elle s’est dérobée.

J’arrête une maîtresse, et je perds une sœur:

Mais allons promptement après le ravisseur.

LA PLACE ROYALE ACTE IV
Scène VIII

ANGELIQUE

Dure condition de mon malheur extrême !

Si j’aime, on me trahit ; je trahis, si l’on m’aime.

Qu’accuserai-je ici d’Alidor ou de moi ?

Nous manquons l’un et l’autre également de foi.

Si j’ose l’appeler lâche, traître, parjure,

Ma rougeur aussitôt prendra part à l’injure ;

Et les mêmes couleurs qui peindront ses forfaits

Des miens en même temps exprimeront les traits.

Mais quel aveuglement nos deux crimes égale,

Puisque c’est pour lui seul que je suis déloyale ?

L’amour m’a fait trahir (qui n’en trahirait pas ?),

Et la trahison seule a pour lui des appas.

Son crime est sans excuse, et le mien pardonnable:

Il est deux fois, que dis-je ? il est le seul coupable ;

Il m’a prescrit la loi, je n’ai fait qu’obéir ;

Il me trahit lui-même, et me force à trahir.

Déplorable Angélique, en malheurs sans seconde,

Que veux-tu désormais, que peux-tu faire au monde,

Si ton ardeur sincère et ton peu de beauté

N’ont pu te garantir d’une déloyauté ?

Doraste tient ta foi ; mais si ta perfidie

A jusqu’à te quitter son âme refroidie,

Suis, suis dorénavant de plus saines raisons,

Et sans plus t’exposer à tant de trahisons,

Puisque de ton amour on fait si peu de conte,

Va cacher dans un cloître et tes pleurs et ta honte.

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LA PLACE ROYALE ACTE IV

PUENTE DE SAN PABLO BURGOS PONT DE SAINT PAUL – L’EPOPEE DU CID – la Epopeya del Cid Campeador

Puente de san Pablo  – Pont de saint Paul
L’EPOPEE DU CID – la Epopeya del Cid Campeador

BURGOS
布尔戈斯
ブルゴス
Бургос
——

Photos Jacky Lavauzelle
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Rodrigo Díaz de Vivar, el Cid Campeador
Le Cid
né vers 1043 à Vivar près de de Burgos, et mort le 10 juillet 1099 à Valence
obra de Juan Cristóbal 1955
Œuvre de 1955
[Juan Cristóbal González Quesada escultor español – sculpteur espagnol – 1897 –  1961 (19 de septiembre de 1961)]

 

« Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvantés reprenaient de courage !

Et le combat cessa faute de combattants. »

Corneille, Le Cid, Acte IV, Scène 3
El Cid (1636)




  Puente de San Pablo
Pont de saint Paul
L’EPOPEE DU CID




la Epopeya del Cid Campeador

 

 

8 estatuas del Ciclo Cidiano
8 statues du Cycle du Cid
8 sculptures conçues par Joaquin Lucarini, entre 1953 et 1955
Realizadas por Joaquín Lucarini entre 1953 y 1955

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Río Arlanzón

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Puente de San Pablo

Alvar Fañez Minaya
Sobrino del Cid
León o Castilla, hacia 1047 – Segovia, abril de 1114

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Hijo de Cid campeador
Fils du Cid

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Puente de San Pablo

*

San Sisebuto
Abad del Monasterio de San Pedro de Cardeña
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*

Doña Jimena
Chimène
Esposa del Cid campeador
Epouse du Cid
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Puente de San Pablo

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CHIMENE DANS LE CID DE CORNEILLE
« Les hommes valeureux le sont du premier coup. »
(Acte II scène 3)
« Au sang de ses sujets un roi doit la justice.





Sire, la voix me manque à ce récit funeste ;
Mes pleurs et mes soupirs vous diront mieux le reste. »
(Acte II scène 8)

*

Martin Munoz
Conde de Coimbra

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*

Ben Galbón
alcalde de Molina de Aragón y amigo del Campeador
Señor del Molina

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Retrato de Rodrigo Díaz de Vivar
el Cid Campeador

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LE CID – EL CID
CORNEILLE
ACTE IV – Scène 3




Don Rodrigue

Sous moi donc cette troupe s’avance,
Et porte sur le front une mâle assurance.
Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvantés reprenaient de courage !
J’en cache les deux tiers, aussitôt qu’arrivés,
Dans le fond des vaisseaux qui lors furent trouvés ;
Le reste, dont le nombre augmentait à toute heure,
Brûlant d’impatience autour de moi demeure,
Se couche contre terre, et sans faire aucun bruit,
Passe une bonne part d’une si belle nuit.
Par mon commandement la garde en fait de même,
Et se tenant cachée, aide à mon stratagème ;
Et je feins hardiment d’avoir reçu de vous
L’ordre qu’on me voit suivre et que je donne à tous.

Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ;
L’onde s’enfle dessous, et d’un commun effort
Les Mores et la mer montent jusques au port.
On les laisse passer ; tout leur paraît tranquille ;
Point de soldats au port, point aux murs de la ville.
Notre profond silence abusant leurs esprits,
Ils n’osent plus douter de nous avoir surpris ;
Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent,
Et courent se livrer aux mains qui les attendent.
Nous nous levons alors, et tous en même temps
Poussons jusques au ciel mille cris éclatants.
Les nôtres, à ces cris, de nos vaisseaux répondent ;
Ils paraissent armés, les Mores se confondent,
L’épouvante les prend à demi descendus ;
Avant que de combattre, ils s’estiment perdus.
Ils couraient au pillage, et rencontrent la guerre ;
Nous les pressons sur l’eau, nous les pressons sur terre,
Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang,
Avant qu’aucun résiste, ou reprenne son rang.
Mais bientôt, malgré nous, leurs princes les rallient ;
Leur courage renaît, et leurs terreurs s’oublient :
La honte de mourir sans avoir combattu
Arrête leur désordre, et leur rend leur vertu.
Contre nous de pied ferme ils tirent leurs alfanges,
De notre sang au leur font d’horribles mélanges ;
Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port,
Sont des champs de carnage où triomphe la mort.
Ô combien d’actions, combien d’exploits célèbres
Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres,
Où chacun, seul témoin des grands coups qu’il donnait,
Ne pouvait discerner où le sort inclinait !
J’allais de tous côtés encourager les nôtres,
Faire avancer les uns, et soutenir les autres,
Ranger ceux qui venaient, les pousser à leur tour,
Et ne l’ai pu savoir jusques au point du jour.
Mais enfin sa clarté montre notre avantage :
Le More voit sa perte, et perd soudain courage ;
Et voyant un renfort qui nous vient secourir,
L’ardeur de vaincre cède à la peur de mourir.
Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les câbles,
Poussent jusques aux cieux des cris épouvantables,
Font retraite en tumulte, et sans considérer
Si leurs rois avec eux peuvent se retirer.
Pour souffrir ce devoir leur frayeur est trop forte :
Le flux les apporta ; le reflux les remporte,
Cependant que leurs rois, engagés parmi nous,
Et quelque peu des leurs, tous percés de nos coups,
Disputent vaillamment et vendent bien leur vie.
À se rendre moi-même en vain je les convie :
Le cimeterre au poing ils ne m’écoutent pas ;
Mais voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats,
Et que seuls désormais en vain ils se défendent,
Ils demandent le chef : je me nomme, ils se rendent.
Je vous les envoyai tous deux en même temps ;
Et le combat cessa faute de combattants.

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Puente de San Pablo