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Jan Valerián Jirsík – Evêque de České Budějovice – Biskupa českobudějovického

TCHEQUIE – Česká republika
České Budějovice
捷克布杰约维采
Чешские Будейовице

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Photo Jacky Lavauzelle

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Jan Valerián Jirsík
Evêque de České Budějovice
biskupa českobudějovického

19. června 1798 Kácov – 23. února 1883 České Budějovice
19 Juin 1798  Kacov – 23 Février 1883 České Budějovice

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Socha Jana Valeriána Jirsíka u paty Černé věže
Statue de Jan Valerian Jirsik au pied de la Tour Noire

Jan Valerián Jirsík Evaque de Ceske Budejovice biskupa ceskobudejovickeho artgitato La Tour Noire Jan Valerián Jirsík Evaque de Ceske Budejovice biskupa ceskobudejovickeho artgitato

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VOYAGE EN BOHEME EN 1840

De la Bohème et du gouvernement autrichien

Je ne sais quelle épithète caractéristique les géographes, grands dessinateurs de silhouettes, ont l’habitude de décerner à la Bohème. Je m’imagine que, les uns, préoccupés de l’aspect du sol, disent que c’est une contrée montueuse et boisée, riche en mines de tout genre. D’autres, plus attentifs au personnel qu’au matériel, doivent tracer à peu près ainsi son portrait : « La Bohème est un pays habité par un peuple aux mœurs douces, ce qui n’empêche pas d’être spirituel, au tempérament soumis et docile sans bassesse. Les Bohèmes sont braves d’abord, tous les Européens le sont, mais moins que d’autres ils sont enclins à la violence ; ils sont laborieux et appliqués plus que leurs voisins du midi, les Autrichiens, et cependant, à peu près autant qu’eux, sensibles aux joies de la consommation. » Un troisième, ayant vu dans les moindres villages passer des enfans pieds nus, un violon sous le bras ou une clarinette à la main, pour se rendre à l’école, définira la Bohème, la terre musicale par excellence. Les Anglais, qui sont disposés à juger les nations par les auberges et les aubergistes, doivent inscrire dans leurs comptes-rendus que la propreté n’est pas l’attribut dominant du pays. Sur ce point cependant, si l’on en jugeait d’après Carlsbad, l’arrêt serait bien injuste ; Carlsbad [Karlovy Vary] est la ville la plus coquettement proprette qui se puisse voir. Pour moi, si je me hasardais à écrire une géographie sous le coup de l’impression que j’ai ressentie en arrivant, je donnerais à ce pays l’épithète de paisible. Ce calme de la vie dont je trouve ici l’empreinte sur tous les visages et dont on se sent bientôt imprégné soi-même, c’est si neuf et si bon pour un Français ! Quand on compare une physionomie bohème aux nôtres, je parle des seules physionomies masculines, on est tenté de croire que le Français est au lendemain d’une attaque de nerfs, au lendemain et à la veille aussi. Il faut qu’ici, me disais-je, on passe de meilleures nuits qu’en France. Eh non ? ce sont de meilleurs jours.
La Bohème est un pays paisible. Dans cette atmosphère tranquille, les poumons s’épanouissent, et le sang circule plus doucement. Ce n’est pas un calme plat, image de la mort, c’est une activité ordonnée et sans secousses, qui dans son ensemble n’est point sans grandeur, car il y a même un caractère de majesté, dans toute masse considérable qui se déploie avec régularité. Pour chacun en particulier, c’est une vie modestement heureuse, où, autant qu’il est donné à. notre nature, il y a équilibre entre les jouissances et les désirs. Ce n’est pas le repos du cachot ni celui du cloître ; c’est un mouvement continu, exempt de soucis, celui de, l’homme qui voit un but devant lui et qui y, chemine, sans que le sol tremble sous ses pas, sans qu’au dessus de sa tète la tempête gronde.
La Bohème est aussi un pays riche, le, sol y est fertile. C’est une des contrées, comme la France, heureusement situées dans une latitude moyenne, qui produisent à peu près tout ce que réclament les besoins de l’homme, parce qu’elles touchent à la fois, au nord et au midi. Elle récolte du vin qu’on vante, quoique le cru de Melnik ne soit pas propre à faire oublier les nôtres. Grace à la betterave, elle produit du sucre aussi bien que les Antilles. Les entrailles de la terre y recèlent des richesses incomparables. La Bohème est adossée aux montagnes appelées l’Erzgebirge, parce qu’elles sont métallifères par excellence. C’est au milieu de l’Erzgebirge qu’est le classique Freiberg, où tout ingénieur de mines doit faire un pèlerinage, comme autrefois tout bachelier espagnol à Salamanque. On y trouve le fer et le plomb, le cuivre et l’étain, l’argent lui-même. Les mines d’argent de Joachimsthal, à deux pas de Carlsbad, ont une grande renommée ; bien des millions en ont été retirés. C’est le nom de Joachimsthal qui a fait celui de thaler, adopté aujourd’hui encore pour l’unité monétaire en Prusse, et, par corruption, celui de dollar, quoique, il faut le dire, si le mot dollar vient de Joachimsthal, il ne sera plus permis de rire avec le poète de ceux qui veulent qu’alfala vienne d’equus. La Bohème possède en abondance des mines de houille qui valent ou vaudront, quand on en tirera parti, mieux que des mines d’or. Ces trésors de la surface et du fond sont presque tous exploités avec un succès croissant. Une personne parfaitement digne de confiance m’a affirmé qu’il n’y avait pas de pays en Europe qui, matériellement eût fait, depuis trente ans, plus de progrès que la Bohème.
Ce caractère de quiétude qu’on retrouve dans toute la partie allemande de l’empire, les populations bohèmes et autrichiennes le conserveront-elles ? Je suis porté à répondre par l’affirmative. Les révolutions ne paraissent pas devoir venir troubler cette paisible ruche…
Dans la population bohème et dans l’esprit actuel de son gouvernement, il n’y a aucun motif latent de désordre ; il n’y a que des raisons de stabilité…
La population bohème offre les deux meilleures garanties d’ordre, l’obéissance et la foi. Un peuple qui obéit et qui croit est à l’antipode des révolutions…
Le gouvernement autrichien, dont la Bohème est l’un des plus anciens domaines, s’y montre paternel. Il y est affectueux et affectionné. Il connaît ses devoirs comme ses droits. Il a le sentiment de la direction nouvelle de la civilisation, car il travaille avec persévérance à substituer la monarchie populaire à la monarchie aristocratique. On pourrait même dire qu’il a commencé la révolution avant nous, ou plutôt que, plaçant le progrès sous sa tutelle, il l’a empêché de prendre les allures révolutionnaires. Joseph II était entré dans la carrière des réformes politiques et sociales avant qu’il en fût pratiquement question chez nous. Il est vrai que nous pouvons revendiquer l’honneur des tentatives de Joseph II, car ce prince agissait sous l’inspiration des idées françaises.

Michel Chevalier
Sur les gouvernemens absolus de l’Allemagne
Revue des Deux Mondes, Période initiale, 4eme série, tome 29, 1842 -pp. 743-783
Notes prises, en 1840, pendant un voyage à Carlsbad