Archives par mot-clé : 23 April 1850

POÈMES DE WILLIAM WORDSWORTH – WILLIAM WORDWORTH’S POEMS

 ** 
Poésie anglaise
William Wordsworth
7 April 1770 – 23 April 1850
7 avril 1770 – 22 avril 1850
*

traduction Jacky Lavauzelle William Wordsworth

*******

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 

 traduction Jacky Lavauzelle William Wordsworth


LES POÈMES
DE WILLIAM WORDSWORTH

traduction Jacky Lavauzelle William Wordsworth

*******

William Wordsworth’s poems
POEMS
POÈMES

*******
*

Scorn not the Sonnet
Ne méprise pas le Sonnet

Scorn not the Sonnet; Critic, you have frowned,
Ne méprise pas le Sonnet ; Critique, tu t’es détourné
Mindless of its just honours; with this key
A tort de ses justes honneurs ; avec cette clé…

william Wordsworth Traduction Jacky Lavauzelle

***

 RESOLUTION AND INDEPENDENCE
RÉSOLUTION & INDÉPENDANCE

I

There was a roaring in the wind all night;
Le vent incessamment a rugi  toute la nuit ;
The rain came heavily and fell in floods;
Incessamment la pluie lourdement s’est abattue ;

**

II

All things that love the sun are out of doors;
Tout qui aime le soleil est là ;
The sky rejoices in the morning’s birth;
Le ciel se réjouit de la naissance du matin ;

**

III

I was a Traveller then upon the moor;
J’étais un Voyageur sur la lande ;
I saw the hare that raced about with joy;
J’ai vu le lièvre bondir de joie ;

**

IV

 But, as it sometimes chanceth, from the might
Mais, comme il arrive parfois, la puissance
Of joys in minds that can no further go,
Des joies permettant à l’esprit de repousser ses limites,

**

V

I heard the sky-lark warbling in the sky;
J’entendis l’alouette flotter dans le ciel,
And I bethought me of the playful hare:
Et je pensai au plaisant lièvre ludique :

**

VI

My whole life I have lived in pleasant thought,
Toute ma vie j’ai vécu dans d’agréables pensées,
As if life’s business were a summer mood;
Comme si les affaires de la vie avaient un goût d’été ;

**

VII

I thought of Chatterton, the marvellous Boy,
Je pensais à Chatterton, ce garçon merveilleux,
The sleepless Soul that perished in his pride;
 Cette âme sans sommeil qui périt dans son orgueil ;

**

VIII

Now, whether it were by peculiar grace,
Maintenant, que ce soit par une grâce particulière,
A leading from above, a something given,
Un présage d’en haut, une chose donnée,

**

IX

As a huge stone is sometimes seen to lie
Comme une pierre énorme parfois s’observe
Couched on the bald top of an eminence;
Jonchée à la pointe d’une éminence,

**

X

Such seemed this Man, not all alive nor dead,
Ainsi semblait cet homme, ni tout à fait vivant ni tout à fait mort,
Nor all asleep—in his extreme old age:
Ni tout à fait endormi dans son extrême vieillesse :

**

XI

Himself he propped, limbs, body, and pale face,
Lui-même se tenait, tant les membres, le corps que son pâle visage,
Upon a long grey staff of shaven wood:
 A une un longue canne grise de bois nu :

**

XII

At length, himself unsettling, he the pond
Enfin, lui-même inquiétant, devant la mare
Stirred with his staff, and fixedly did look
Notre homme agite son bâton, et fixe son regard

**

XIII

A gentle answer did the old Man make,
Une réponse douce m’arriva du vieil homme
  In courteous speech which forth he slowly drew:
Dans un discours courtois qu’il exprimait lentement:

**

XIV

 His words came feebly, from a feeble chest,
Ses paroles sortaient faiblement, d’une faible poitrine,
But each in solemn order followed each,
Mais chacun des mots se suivait dans un ordre solennel,

**

XV

He told, that to these waters he had come
Il dit que, au bord de ces eaux, il était venu
To gather leeches, being old and poor :
Lui, pauvre vieil homme, à la recherche de sangsues  :

**

XVI

The old Man still stood talking by my side;
Le vieil homme continuait à parler à mes côtés ;
But now his voice to me was like a stream
Mais, désormais, sa voix tel un flux était

**

XVII

My former thoughts returned: the fear that kills;
Mes anciennes pensées revinrent : la peur mortelle,
And hope that is unwilling to be fed;
L’espoir vain et malheureux,

**

XVIII

 He with a smile did then his words repeat;
Il esquissa un sourire, puis répéta ces mots :
And said that, gathering leeches, far and wide
Et me dit qu’il capturait des sangsues, dans tous les lieux

**

XIX

While he was talking thus, the lonely place,
Pendant qu’il parlait ainsi, le solitaire lieu,
The old Man’s shape, and speech—all troubled me:
L’aspect du vieil homme, sa parole – tout me troublait :

**

XX

 And soon with this he other matter blended,
Et bientôt il parla d’autres choses,
Cheerfully uttered, with demeanour kind,
Avec un enthousiasme prononcé,

**************************

POÉSIE DE WILLIAM WORDSWORTH

************************************

L’humilité,
l’échelle de l’ambition

Nihil humani à me alienum puto

Wordsworth est aujourd’hui en pleine possession du trône poétique de l’Angleterre. Ce n’est pas encore un roi populaire chez tout son peuple, mais c’est un roi solidement établi et qui n’a pas même contre lui de prétendant. Qui est-ce qui lui disputerait maintenant le sceptre ? Byron et Walter Scott sont morts, qui d’ailleurs n’ont jamais été plus que lui souverains légitimes. Crabbe et Shelley, deux autres très puissants seigneurs littéraires, — non pas de la famille royale pourtant, — s’en sont allés aussi. Pour ce qui est des poètes contemporains célèbres encore vivants, aucun d’eux ne s’inscrit, j’imagine, comme compétiteur sérieux du monarque actuel. Thomas Moore et Southey n’y songent nullement. Ce sont toujours de laborieux écrivains ; mais ce n’est ni d’ambition, ni de renommée qu’ils s’occupent, c’est de profit. Ils font de l’histoire, je crois, à l’heure qu’il est. Samuel Rogers et Thomas Campbell sommeillent fort paisiblement sur l’oreiller de leur réputation didactique. Et puis, ils ont vieilli les ans et les autres. Les uns et les autres, ris sont au bout de leur poésie. Oh ! oui, Wordsworth est bien le maître et le prince unique. Il règne à un double titre, et par l’originalité du génie et par la fécondité puissante. L’âge en lui n’a pas même refroidi la verve. Ses cheveux ont blanchi sans qu’une seule des feuilles de sa couronne ait été flétrie ou emportée. La source nouvelle qu’il a découverte et où il puise est intarissable. On dirait que la nature qu’il adore, et au sein de laquelle il a passé sa vie, a communiqué à son âme l’éternelle jeunesse. Après plusieurs années de silence, lorsqu’on croyait partout sa voix éteinte, voici qu’elle vient de faire entendre un chant aussi ferme et aussi plein qu’aucun de ses chants d’autrefois. Voici que, du fond de sa retraite, il vient de jeter au milieu du monde un livre de poèmes où se retrouvent toute la verdeur et toute la vitalité de ses premières productions.

— Le génie de Wordsworth est une pure émanation de l’esprit du siècle. Eût-il vécu à une autre époque du monde, jamais on n’eût ouï parler de lui. Maintenant même, sa valeur n’est pas incontestée ; les ténèbres dont sa pensée s’enveloppe souvent, et la vulgarité des sujets qu’il traite, ne sont pas les moindres obstacles qui aient retardé son succès. Mais chez lui c’est l’humilité qui est l’échelle de l’ambition. Qu’il ne s’en prenne donc qu’à lui, si ces degrés qu’il a choisis pour monter le mènent lentement et malaisément à la renommée. Sa muse domestique semble avoir peur de quitter la terre ; on dirait qu’elle n’ose pas déployer au soleil la splendeur de ses ailes. Il dédaigne les images et les fantaisies que la passion engendre ; il n’a voulu employer ni le somptueux appareil du savoir mythologique, ni les couleurs éclatantes d’une diction recherchée. Son style est simple et familier. Ce sont les choses et les vérités du ménage qu’il nous dit ; il ne voit rien de plus puissant que les espérances humaines, rien de plus profond que le cœur humain. Voilà ce qu’il pèse, ce qu’il montre, ce qu’il prouve avec toute son incalculable force de sentiment et de pensée ; et en même temps il apaise les battements de son propre cœur à contempler incessamment l’aspect serein de la nature. S’il peut faire couler le sang de son sein blessé, ce sera cette pourpre vivante qui colorera son vers ; puis, s’il calme sa souffrance et ferme sa plaie avec le baume de la rêverie solitaire, et le pouvoir bienfaisant des arbres, des herbes et des influences célestes, c’est tout le triomphe que poursuit son art. Il prend les plus simples aliments de la nature et de l’âme humaine, les conditions purement abstraites et inséparables de notre être, et il essaie d’en former un nouveau système de poésie ; il a réussi dans cette entreprise autant qu’il était donné à homme d’y réussir. — Nihil humani à me alienum puto est la devise de ses ouvrages. Nulle chose n’est, selon lui, indifférente ou secondaire. Tout ce qui n’est pas l’essence absolue du sentiment et de la vérité est, selon lui, factice, vieux et illégitime. En un mot, sa poésie est fondée sur une opposition extrême et perpétuelle entre le naturel et l’artificiel, entre l’esprit de l’humanité et l’esprit de la mode et du monde.

Antoine Fontaney
(poète romantique français ())
Cinquième Partie
WILLIAM WORDSWORTH
Poètes et Romanciers de la Grande-Bretagne
Revue des Deux Mondes
Tome 3 – 1835

*************************************

traduction Jacky Lavauzelle William Wordsworth