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FRANK WEDEKIND Frühlings Erwachen I-2 L’EVEIL DU PRINTEMPS 1891

*LITTERATURE ALLEMANDE
Dramatische Werke
Théâtre Allemand

Frank Wedekind

1864 Hannover Hanovre -1918 München Munich

 


L’EVEIL DU PRINTEMPS
Frühlings Erwachen
I-2
1891
Erscheinungsjahr
Année de publication

Franz Marc
Der Traum – Le Rêve
1912
Musée Thyssen-Bornemisza
Madrid

 

*********

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

****************

Acte 1
Erster Akt
 Scène 2
Zweite Szene

Sonntag abend
Dimanche soir

Melchior
Das ist mir zu langweilig. Ich mache nicht mehr mit.
Comme c’est ennuyeux ! J’arrête de jouer !

Otto
Dann können wir andern nur auch aufhören! 
Alors, arrêtons-nous aussi !
– Hast du die Arbeiten, Melchior?
– As-tu travaillé, Melchior ?

Melchior
Spielt ihr nur weiter!
Continuez votre jeu !

Moritz
Wohin gehst du?
Où vas-tu ?

Melchior
Spazieren.
Je vais faire un tour.

Georg
Es wird ja dunkel!
Il fait déjà bien sombre !

Robert
Hast du die Arbeiten schon?
Ton travail est déjà fini ?

Melchior
Warum soll ich denn nicht im Dunkeln spazierengehn?
Pourquoi ne devrais-je pas me promener en soirée ?

Ernst
Zentralamerika!
L’Amérique centrale !
 – Ludwig der Fünfzehnte!
– Louis XV !
– Sechzig Verse Homer!
Les soixante vers d’Homère !
– Sieben Gleichungen!
– et les sept équations !

Melchior
Verdammte Arbeiten!
Damné travail !

Georg
Wenn nur wenigstens der lateinische Aufsatz nicht auf morgen wäre!
Si seulement au moins le latin n’était pas pour demain !

Moritz
An nichts kann man denken, ohne daß einem Arbeiten dazwischenkommen!
Sur tout ce que vous pouvez penser, le travail vient s’y immiscer !

Otto
Ich gehe nach Hause.

Je retourne à la maison.

Georg
Ich auch,

Moi aussi.
Arbeiten machen.
Pour travailler.

Ernst
Ich auch, ich auch.
Moi aussi. Moi aussi.

Robert
Gute Nacht, Melchior.

Bonne nuit, Melchior.

Melchior
Schlaft wohl!
Dormez bien !

Alle entfernen sich bis auf Moritz und Melchior.
Tous partent, à l’exception de Moritz et de Melchior.












Melchior
Möchte doch wissen, wozu wir eigentlich auf der Welt sind!

J’aimerais tant savoir pourquoi nous sommes réellement dans le monde !

Moritz
Lieber wollt’ ich ein Droschkengaul sein um der Schule willen! –
Je préférerais être un cheval de fiacre plutôt que d’aller à l’école ! –
Wozu gehen wir in die Schule?
Pourquoi allons-nous à l’école?
– Wir gehen in die Schule, damit man uns examinieren kann!
– Nous allons à l’école afin que nous puissions passer nos examens !
– Und wozu examiniert man uns?
-Et pourquoi nous les passons ?
– Damit wir durchfallen.
– Pour nous les loupions.
– Sieben müssen ja durchfallen, schon weil das Klassenzimmer oben nur sechzig faßt.
– Sept doivent redoubler, parce que la classe au-dessus n’a que soixante places.
– Mir ist so eigentümlich seit Weihnachten…
– Je me sens si étrange depuis Noël…
hol mich der Teufel, wäre Papa nicht, heut noch schnürt’ ich mein Bündel und ginge nach Altona!
par tous les diables, si papa n’était pas là, aujourd’hui même je ferais mon paquetage et direction Altona !

Melchior
Reden wir von etwas anderem. –

Parlons d’autres choses.

Sie gehen spazieren.
Ils partent se promener

Moritz
Siehst du die schwarze Katze dort mit dem emporgereckten Schweif?
Est-ce que tu vois là-bas le chat noir avec sa queue dressée ?

Melchior
Glaubst du an Vorbedeutungen?
Crois-tu aux présages ?

Moritz
Ich weiß nicht recht. –
Je ne sais pas vraiment.
 – Sie kam von drüben her.
– Il vient de là-bas.
Es hat nichts zu sagen.
Cela ne veut rien dire.

Melchior
Ich glaube, das ist eine Charybdis, in die jeder stürzt, der sich aus der Skylla religiösen Irrwahns emporgerungen.
Je pense que c’est une Charybde, où tout le monde se précipite, quand il s’arrache à la Scylla de l’illusion religieuse.
– Laß uns hier unter der Buche Platz nehmen.
– Arrêtons-nous ici sous le hêtre.
Der Tauwind fegt über die Berge.
Le vent du dégel balaie les montagnes.
Jetzt möchte ich droben im Wald eine junge Dryade sein, die sich die ganze lange Nacht in den höchsten Wipfeln wiegen und schaukeln läßt.
Maintenant, je veux être une jeune dryade étage dans la forêt, toute la nuit sur la plus haute cime des arbres, me balançant.

Moritz
Knöpf dir die Weste auf, Melchior!
Déboutonne ta veste, Melchior !

Melchior
Ha – wie das einem die Kleider bläht!
Ha ! Comme il gonfle les vêtements ce vent !

Moritz
Es wird weiß Gott so stockfinster, daß man die Hand nicht vor den Augen sieht.
Dieu qu’il fait sombre à ne pas voir sa main devant les yeux.
Wo bist du eigentlich?
Où es-tu enfin ?
– Glaubst du nicht auch, Melchior, daß das Schamgefühl im Menschen nur ein Produkt seiner Erziehung ist?
– Ne penses-tu pas aussi, Melchior, que le sentiment de honte chez l’homme est seulement un produit de son éducation ?

Melchior
Darüber habe ich erst vorgestern noch nachgedacht.
J’y pensais aussi avant-hier encore.
Es scheint mir immerhin tief eingewurzelt in der menschlichen Natur.
Il me semble, après tout, profondément enraciné dans la nature humaine.
Denke dir, du sollst dich vollständig entkleiden vor deinem besten Freund.
Imagine, tu dois te déshabiller entièrement en face de ton meilleur ami.
Du wirst es nicht tun, wenn er es nicht zugleich auch tut.
Tu ne le ferais pas, sauf s’il se déshabille en même temps.
– Es ist eben auch mehr oder weniger Modesache.
– C’est aussi plus ou moins une question de mode.

Moritz
Ich habe mir schon gedacht, wenn ich Kinder habe, Knaben und Mädchen, so lasse ich sie von früh auf im nämlichen Gemach, wenn möglich auf ein und demselben Lager, zusammenschlafen, lasse ich sie morgens und abends beim An- und Auskleiden einander behilflich sein und in der heißen Jahreszeit, die Knaben sowohl wie die Mädchen, tagsüber nichts als eine kurze, mit einem Lederriemen gegürtete Tunika aus weißem Wollstoff tragen.
J’ai réfléchi là-dessus, si j’ai des enfants, garçons et filles, je les laisserais très tôt dans la même chambre, si possible dans le même lit, dormir ensemble, je les laisserais matin et soir s’aider les uns les autres pour se déshabiller et, à la saison chaude, les garçons comme les filles, ne porteraient rien de la journée, seulement une tunique de laine blanche cintrée avec une lanière de cuir
– Mir ist, sie müßten, wenn sie so heranwachsen, später ruhiger sein, als wir es in der Regel sind.
– Il me semble qu’ils seraient ainsi plus calmes en grandissant que nous ne le sommes.

Melchior
Das glaube ich entschieden, Moritz!
Je le crois vraiment, Moritz !
– Die Frage ist nur, wenn die Mädchen Kinder bekommen, was dann?
– La seule question est de savoir si les filles ont des enfants, alors quoi faire ?

Moritz
Wieso Kinder bekommen?
Comment si elles ont des enfants ?

Melchior
Ich glaube in dieser Hinsicht nämlich an einen gewissen Instinkt.
Je crois, à cet égard, à un certain instinct.
Ich glaube, wenn man einen Kater zum Beispiel mit einer Katze von Jugend auf zusammensperrt und beide von jedem Verkehr mit der Außenwelt fernhält, d. h. sie ganz nur ihren eigenen Trieben überläßt
Je crois que si, par exemple, on isole ensemble un chat avec une chatte très tôt dans leur jeunesse, leur empêchant toute communication avec le monde extérieur, ce qui veut dire qu’on les laisse complètement livrés à leurs propres instincts
– daß die Katze früher oder später doch einmal trächtig wird, obgleich sie sowohl wie der Kater niemand hatten, dessen Beispiel ihnen hätte die Augen öffnen können.
– la chatte se retrouvera pleine, tôt ou tard, bien qu’ils n’aient eu personne pour leur ouvrir les yeux.

Moritz
Bei Tieren muß sich das ja schließlich von selbst ergeben.
Chez les animaux, cela arrive naturellement.

Melchior
Bei Menschen glaube ich erst recht!
Chez l’homme, je crois plus que jamais !
Ich bitte dich, Moritz, wenn deine Knaben mit den Mädchen auf ein und demselben Lager schlafen und es kommen ihnen nun unversehens die ersten männlichen Regungen
Je t’en prie, Moritz, si tu mets dans le même lit les garçons avec les filles, ne penses-tu pas que viendraient tout à coup les premiers élans masculins
– ich möchte mit jedermann eine Wette eingehen…
– je ferai là un pari avec n’importe qui…

Moritz
Darin magst du recht haben.
Dans ce cas, tu as sans doute raison.
– Aber immerhin…
– Mais quand même …

Melchior
Und bei deinen Mädchen wäre es im entsprechenden Alter vollkommen das nämliche!
Et au sujet des filles, à l’âge appropriée, ce serait complètement la même chose !
Nicht, daß das Mädchen gerade…
Non pas que la jeune fille justement …
man kann das ja freilich so genau nicht beurteilen…
peut être, oui, bien sûr, aussi précisément …
Jedenfalls wäre vorauszusetzen…
Quoi qu’il en soit, supposons…
und die Neugierde würde das ihrige zu tun auch nicht verabsäumen!
et il ne faut pas négliger la curiosité !

Moritz
Eine Frage beiläufig –
Une question en passant

Melchior
Nun?
Quoi ?












Moritz
Aber du antwortest?
Mais tu réponds ?

Melchior
Natürlich!

Naturellement !




Moritz
Wahr?!

Vraiment ?!

Melchior
Meine Hand darauf. 
Ma main.
Nun, Moritz?
Eh bien, Moritz ?
So sprich doch frisch von der Leber weg!
Parle librement !
– Hier hört und sieht uns ja niemand.
– Ici, personne ne te voit ni ne t’entend.

Moritz
Selbstverständlich müßten meine Kinder nämlich tagsüber arbeiten, in Hof und Garten, oder sich durch Spiele zerstreuen, die mit körperlicher Anstrengung verbunden sind.
Bien sûr, mes enfants travailleraient pendant la journée, dans la cour et le jardin, ou feraient des jeux qui sont associés à un effort physique.
Sie müßten reiten, turnen, klettern und vor allen Dingen nachts nicht so weich schlafen wie wir.
Ils monteraient à cheval, feraient de la gymnastique, de l’escalade et surtout ils n’auraient pas de nuit douce comme nous.
Wir sind schrecklich verweichlicht.
Nous sommes terriblement ramollis.
– Ich glaube, man träumt gar nicht, wenn man hart schläft.
– Je pense qu’on ne rêve plus quand on dort à la dure.

Melchior
Ich schlafe von jetzt bis nach der Weinlese überhaupt nur in meiner Hängematte.
Je dors à partir de maintenant et ce jusqu’à ce qu’après les vendanges uniquement dans mon hamac.
Ich habe mein Bett hinter den Ofen gestellt.
J’ai fait mon lit derrière le poêle.
Es ist zum Zusammenklappen.
Il est repliable
 – Vergangenen Winter träumte mir einmal, ich hätte unsern Lolo so lange gepeitscht, bis er kein Glied mehr rührte.
– L’hiver dernier, j’ai rêvé une fois que, notre Lolo, je l’avais longtemps fouetté jusqu’à ce qu’il ne puisse bouger un seul de ses membres.
Das war das Grauenhafteste, was ich je geträumt habe.
Ce fut la chose la plus horrible que j’ai jamais rêvé.
– Was siehst du mich so sonderbar an?
– Pourquoi me regardes-tu si étrangement?

Moritz
Hast du sie schon empfunden?
Les as-tu ressenties déjà ?

Melchior
Was?
Quoi ?

Moritz
Wie sagtest du?
Comment disais-tu ?

Melchior
Männliche Regungen?
Les impulsions masculines ?

Moritz
M-hm.

Melchior
 Allerdings!

Naturellement !

Moritz
Ich Auch

Moi aussi

Melchior
Ich kenne das nämlich schon lange!
Je connais ça depuis longtemps!
Schon bald ein Jahr.
Depuis bientôt un an.

Moritz
Ich war wie vom Blitz gerührt.

Je me suis trouvé comme frappé par la foudre.

Melchior
Du hattest geträumt?
As-tu rêvé ?

Moritz
Aber nur ganz kurz…
Mais très brièvement …
von Beinen im himmelblauen Trikot, die über das Katheder steigen
des jambes sous le maillot bleu ciel qui montaient au-dessus du lutrin
– um aufrichtig zu sein, ich dachte, sie wollten hinüber.
– Pour être honnête, je pensais qu’elle voulait juste passer.
– Ich habe sie nur flüchtig gesehen.
– Je ne les ai vues que brièvement.

Melchior
Georg Zirschnitz träumte von seiner Mutter.
Georg Zirschnitz rêvait de sa mère.

Moritz
Hat er dir das erzählt?

Il te l’as dit ?

Melchior
Draußen am Galgensteg!
Dehors, sur la route de la potence !




Moritz
Wenn du wüßtest, was ich ausgestanden seit jener Nacht!
Si tu savais tout ce que j’ai enduré !

Melchior
Gewissensbisse?
Des remords ?

Moritz
Gewissensbisse??
Des remords ??
Todesangst!
L’angoisse de la mort !

Melchior
Herrgott…
Seigneur…

Moritz
Ich hielt mich für unheilbar.
Je me croyais incurable.
Ich glaubte, ich litte an einem inneren Schaden.
Je pensais que je souffrais d’une blessure interne.
Schließlich wurde ich nur dadurch wieder ruhiger, daß ich meine Lebenserinnerungen aufzuzeichnen begann.
Enfin, j’ai retrouvé mon calme dès que j’ai commencé à écrire mes mémoires.
Ja, ja, lieber Melchior, die letzten drei Wochen waren ein Gethsemane für mich.
Oui, oui, cher Melchior, les trois dernières semaines ont été un Gethsémani pour moi.

Melchior
Ich war seinerzeit mehr oder weniger darauf gefaßt gewesen.
J’étais à ce moment-là plus ou moins bien préparé.
Ich schämte mich ein wenig. 
J’ai eu un peu honte il est vrai.
Das war aber auch alles.
Mais ce fut tout.

Moritz
Und dabei bist du noch fast um ein ganzes Jahr jünger als ich!
Et tu as près d’un an de moins que moi !

Melchior
Darüber, Moritz, würd’ ich mir keine Gedanken machen.
Moritz, cela ne doit pas t’inquiéter.
All meinen Erfahrungen nach besteht für das erste Auftauchen dieser Phantome keine bestimmte Altersstufe.
D’après mes expériences, il n’y a pas d’âge précis pour la première apparition de ces fantômes.
Kennst du den großen Lämmermeier mit dem strohgelben Haar und der Adlernase?
Connais -tu le grand Lämmermeier avec ses cheveux couleur paille et le nez aquilin ?
Drei Jahre ist der älter als ich. 
Il a trois ans de plus que moi.
Hänschen Rilow sagt, der träume noch bis heute von nichts als Sandtorten und Aprikosengelee.
Hans Rilow a dit qu’il ne rêve encore à ce jour de rien d’autre que de tartes et de gelée d’abricots.

Moritz
Ich bitte dich, wie kann Hänschen Rilow darüber urteilen!

Comment Hans Rilow peut-il en juger ?

Melchior
Er hat ihn gefragt.
Il lui a demandé.

Moritz
Er hat ihn gefragt?
Il lui a demandé ?
Ich hätte mich nicht getraut, jemanden zu fragen.
– Je n’oserai jamais demander ça à quelqu’un.

Melchior
Du hast mich doch auch gefragt.
Tu me l’as demandé à moi.

Moritz
Weiß Gott ja! 

Dieu, oui !
Möglicherweise hatte Hänschen auch schon sein Testament gemacht.
Peut-être que Hans avait déjà fait son testament.
Wahrlich ein sonderbares Spiel, das man mit uns treibt.
Vraiment, c’est un jeu étrange qui nous pousse.
Und dafür sollen wir uns dankbar erweisen!
Et nous devons nous montrer reconnaissants !
Ich erinnere mich nicht, je eine Sehnsucht nach dieser Art Aufregung verspürt zu haben.
Je ne me souviens pas avoir jamais ressenti un désir pour ce genre d’excitation.
Warum hat man mich nicht ruhig schlafen lassen, bis alles wieder still gewesen wäre.
Pourquoi ne pas m’avoir laisser dormir tranquillement jusqu’à ce que tout  se soit calmé à nouveau.
Meine lieben Eltern hätten hundert bessere Kinder haben können.
Mes chers parents auraient pu avoir une centaine d’enfants meilleurs que moi.
So bin ich nun hergekommen, ich weiß nicht, wie, und soll mich dafür verantworten, daß ich nicht weggeblieben bin.
Je suis là maintenant, je ne sais pas comment, et je dois répondre du fait de n’être pas resté où j’étais.
Hast du nicht auch schon darüber nachgedacht, Melchior, auf welche Art und Weise wir eigentlich in diesen Strudel hineingeraten?
As-tu déjà pensé, Melchior, comment nous nous sommes retrouvés dans ce tourbillon?

Melchior
Du weißt das also noch nicht, Moritz?
Tu ne le sais donc pas que encore, Moritz?

Moritz
Wie sollt’ ich es wissen?
Comment puis-je le savoir ?
Ich sehe, wie die Hühner Eier legen, und höre, daß mich Mama unter dem Herzen getragen haben will.
Je vois comment les poules pondent des œufs, et j’entends dire que Maman m’a porté sous le cœur.
Aber genügt denn das?
Mais est-ce suffisant ?
Ich erinnere mich auch, als fünfjähriges Kind schon befangen worden zu sein, wenn einer die dekolletierte Coeurdame aufschlug.
Je me souviens aussi d’avoir été ému dès l’âge de cinq ans, quand on a sortait la Dame de Cœur, celle avec un large décolleté.
Dieses Gefühl hat sich verloren.
Cette émotion s’est envolée.
Indessen kann ich heute kaum mehr mit irgendeinem Mädchen sprechen, ohne etwas Verabscheuungswürdiges dabei zu denken, und
Pourtant, aujourd’hui, je peux à peine parler à une fille sans penser à quelque chose cas détestable, et
– ich schwöre dir, Melchior
– je te jure, Melchior –
ich weiß nicht was.
Je ne sais pas quoi.

Melchior
Ich sage dir alles.
Je vais tout te dire.
Ich habe es teils aus Büchern, teils aus Illustrationen, teils aus Beobachtungen in der Natur.
Cela vient en partie des livres et en partie à partir de photographies et en partie à partir d’observations dans la nature.
Du wirst überrascht sein;
Tu seras surpris ;
ich wurde seinerzeit Atheist.
Je suis devenu athée à partir de là.




Ich habe es auch Georg Zirschnitz gesagt!
Je l’ai dit à Georg Zirschnitz !
Georg Zirschnitz wollte es Hänschen Rilow sagen, aber Hänschen Rilow hatte als Kind schon alles von seiner Gouvernante erfahren.
Georg Zirschnitz voulait en parler à Hans Rilow mais Hans Rilow avait déjà tout appris quand il était enfant par sa gouvernante.

Moritz
Ich habe den Kleinen Meyer von A bis Z durchgenommen.
Je suis passé par le petit Meyer de A à Z.
Worte – nichts als Worte und Worte!
Des mots – rien que des mots et des mots !
Nicht eine einzige schlichte Erklärung.
Pas une seule explication simple.
O dieses Schamgefühl!
O cette honte !
Was soll mir ein Konversationslexikon, das auf die nächstliegende Lebensfrage nicht antwortet.
A quoi peut bien servir une encyclopédie qui ne répond à aucune question du quotidien.

Melchior
Hast du schon einmal zwei Hunde über die Straße laufen sehen?
As-tu déjà vu deux chiens qui traversent la rue ?

Moritz
Nein!

Non !
Sag mir lieber heute noch nichts, Melchior.
Ne me dis rien maintenant, Melchior.
Ich habe noch Mittelamerika und Ludwig den Fünfzehnten vor mir.
Je reste en Amérique centrale et j’ai Louis XV devant moi.
Dazu die sechzig Verse Homer, die sieben Gleichungen, der lateinische Aufsatz
Et avec tout ça, les soixante versets d’Homère, les sept équations, le latin
– ich würde morgen wieder überall abblitzen.
– Je voudrais tout pouvoir renvoyer à demain.
Um mit Erfolg büffeln zu können, muß ich stumpfsinnig wie ein Ochse sein.
Pour que tout rentre dans mon crâne avec succès, je vais devoir travailler comme un bœuf.

Melchior
Komm doch mit auf mein Zimmer. 
Viens dans ma chambre.
In dreiviertel Stunden habe ich den Homer, die Gleichungen und zwei Aufsätze.
En trois quarts d’heure, je te fais Homère, les équations et deux essais.
Ich korrigiere dir einige harmlose Schnitzer hinein, so ist die Sache im Blei.
Je vais y ajouter quelques fautes aux bons endroits, comme cela ce sera perlé !
Mama braut uns wieder eine Limonade, und wir plaudern gemütlich über die Fortpflanzung.
Maman nous préparera à nouveau une limonade, et nous bavardons confortablement à propos de la reproduction.

Moritz
Ich kann nicht. 
Je ne peux pas.
 – Ich kann nicht gemütlich über die Fortpflanzung plaudern!
– Je ne peux pas avoir une conversation au sujet de la reproduction ! Wenn du mir einen Gefallen tun willst, dann gib mir deine Unterweisungen schriftlich. 
Si tu veux me faire une faveur, dis-les moi par écrit.
Schreib mir auf, was du weißt.
Écris-moi ce que tu sais.
Schreib es möglichst kurz und klar und steck es mir morgen während der Turnstunde zwischen die Bücher.
Ecrit aussi clairement et que cela soit court, mets-moi le mot entre deux livres que je lirai pendant le cours de gymnastique.
Ich werde es nach Hause tragen, ohne zu wissen, daß ich es habe.
Je le porterai la maison sans savoir que je l’ai.
Ich werde es unverhofft einmal wiederfinden.
Je le trouverai et je lirai à nouveau de façon inattendue.
Ich werde nicht umhinkönnen, es müden Auges zu durchfliegen…
Je lirai à travers mes yeux fatigués …
falls es unumgänglich notwendig ist, magst du ja auch einzelne Randzeichnungen anbringen.
Si c’est absolument nécessaire, tu peux aussi y ajouter des dessins dans les marges.




Melchior
Du bist wie ein Mädchen. 
Tu es comme une fille.
– übrigens wie du willst!
– C’est comme tu veux !
Es ist mir das eine ganz interessante Arbeit. 
C’est un travail très intéressant pour moi.
Eine Frage, Moritz.
Une question Moritz.

Moritz
Hm?

Melchior
Hast du schon einmal ein Mädchen gesehen?
As-tu déjà vu une fille ?

Moritz
Ja!

Oui !

Melchior
Aber ganz?!
Mais entièrement ?!

Moritz
Vollständig!
Complètement !

Melchior
Ich nämlich auch! 
Moi aussi !
– Dann werden keine Illustrationen nötig sein.
– Les photos ne seront donc pas nécessaires.

Moritz
Während des Schützenfestes, in Leilichs anatomischem Museum!
Au cours de la Fête des Chasseurs, à Leilich, au musée d’anatomie !
Wenn es aufgekommen wäre, hätte man mich aus der Schule gejagt.
Si on l’avait vu, on m’aurait  chassé de l’école.
– Schön wie der lichte Tag, und – o so naturgetreu!
– Aussi belle que la lumière du jour, et – Oh ! si réaliste !

Melchior
Ich war letzten Sommer mit Mama in Frankfurt  
J’étais l’été dernier avec maman à Francfort
– Du willst schon gehen, Moritz?
– Tu veux partir déjà, Moritz ?

Moritz
Arbeiten machen.
Je vais finir mon travail.
– Gute Nacht.
-Bonne nuit.

Melchior
Auf Wiedersehen.
Au revoir.

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Frank Wedekind
Frühlings Erwachen
L’Eveil du Printemps
Acte 2 Erster Akt
 Scène 2 Zweite Szene

FRANK WEDEKIND Frühlings Erwachen L’EVEIL DU PRINTEMPS Pièce en 3 actes

LITTERATURE ALLEMANDE
Dramatische Werke
Théâtre Allemand

Frank Wedekind

1864 Hannover Hanovre -1918 München Munich

 


L’EVEIL DU PRINTEMPS
Frühlings Erwachen
1891
Erscheinungsjahr
Année de publication

Franz Marc
Der Traum – Le Rêve
1912
Musée Thyssen-Bornemisza
Madrid

*********

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

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Acte 1
Erster Akt

**
 Scène 1
Erste Szene
Sie kommen mir so des Abends, wenn ich nicht einschlafe.
Elles arrivent le soir, quand je ne suis pas endormie.
Mir ist gar nicht traurig dabei, und ich weiß, daß ich dann um so besser schlafe.
Je ne suis pas triste, car je sais que je dors beaucoup mieux ensuite.
– Ist es sündhaft, Mutter, über derlei zu sinnen?
– Est-ce un péché, mère, de rêver ainsi ?

**

 Scène 2
Zweite Szene
Aber nur ganz kurz…
Mais très brièvement …
von Beinen im himmelblauen Trikot, die über das Katheder steigen
des jambes sous le maillot bleu ciel qui montaient au-dessus du lutrin
– um aufrichtig zu sein, ich dachte, sie wollten hinüber.
Pour être honnête, je pensais qu’elle voulait juste passer.
Ich habe sie nur flüchtig gesehen.
– Je ne les ai vues que brièvement.

**

Scène 3
Dritte Szene
WENDLA
Denke dir, Melchi Gabor sagte mir damals, er glaube an nichts – nicht an Gott, nicht an ein Jenseits – an gar nichts mehr in dieser Welt.
Sais-tu que  Melchi Gabor m’a dit qu’il ne croyait en rien – qu’il ne croyait pas en Dieu,  ni à l’au-delà – à rien dans ce monde.

**

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Frank Wedekind
Frühlings Erwachen
L’Eveil du Printemps

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SIGMUND FREUD
SUR
FRANK WEDEKIND

Ainsi que le montrent quelques-unes des observations qui précèdent, une tendance perturbatrice inconsciente peut atteindre son but par la répétition obstinée du même acte manqué. J’emprunte un exemple amusant d’une répétition de ce genre à un petit livre intitulé Frank Wedekind et le théâtre, paru à la maison d’édition « Drei-Masken Verlag », de Munich. Je laisse toutefois à l’auteur du livre la responsabilité de l’histoire qu’il raconte à la manière de Marc Twain.

« Dans la partie la plus intéressante de la pièce de Wedekind, La Censure, figure la phrase suivante : « La crainte de la mort est une erreur de la pensée (Denkfehler) ». L’auteur, qui tenait beaucoup à ce passage, pria l’acteur, lors de la répétition, de faire une petite pause, avant de prononcer le mot Denkfehler. Le soir, l’acteur, tout à fait familiarisé avec son rôle, observe la pause indiquée, mais dit à son insu et sur le ton le plus solennel : « La crainte de la mort est… une faute d’impression (Druckfehler). » La représentation terminée, l’auteur assure l’acteur qu’il n’a rien à lui reprocher, mais lui rappelle que « la crainte de la mort est une erreur de la pensée (Denkfehler) », et non une « faute d’impression (Druckfehler) ».

Le lendemain soir, La Censure est de nouveau jouée. Arrivé au fameux passage, l’acteur dit, toujours du ton le plus solennel : « La crainte de la mort est une… fiche aide-mémoire (Denkzettel). » Wedekind combla, cette fois encore, l’acteur d’éloges, mais lui rappela une fois de plus que « la crainte de la mort est une erreur de la pensée (Denkfehler) ».

Lors de la troisième représentation de La Censure, l’acteur qui, entre temps, s’était lié d’amitié avec l’auteur, avec lequel il avait eu de longues discussions sur l’art, prononce encore la fameuse phrase, avec l’expression la plus solennelle du monde : « La crainte de la mort est… une étiquette imprimée (Druckzettel). »

L’artiste reçut de nouveau les plus chaleureuses félicitations de l’auteur, la pièce fut encore jouée nombre de fois; mais quant à l’ « erreur de la pensée » (Denkfehler), Wedekind n’en parla plus, considérant la question comme liquidée une fois pour toutes.

Psychopathologie de la vie quotidienne
Sigmund Freud
Chapitre XI
Association de plusieurs actes manqués

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FRANK WEDEKIND Frühlings Erwachen I-1 L’EVEIL DU PRINTEMPS 1891

LITTERATURE ALLEMANDE
Dramatische Werke
Théâtre Allemand

Frank Wedekind

1864 Hannover Hanovre -1918 München Munich

 


L’EVEIL DU PRINTEMPS
Frühlings Erwachen
I-1
1891
Erscheinungsjahr
Année de publication

Franz Marc
Der Traum – Le Rêve
1912
Musée Thyssen-Bornemisza
Madrid

*********

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

****************

Acte 1
Erster Akt
 Scène 1
Erste Szene

Wendla
Warum hast du mir das Kleid so lang gemacht, Mutter?
Mère, pourquoi m’as tu fait cette robe si longue ?

Frau Bergmann
Du wirst vierzehn Jahr heute!
Tu as tes quatorze ans aujourd’hui !

Wendla
Hätt’ ich gewußt, daß du mir das Kleid so lang machen werdest, ich wäre lieber nicht vierzehn geworden.
Si j’avais su que j’aurais une si longue robe, j’aurais préféré ne pas les avoir, ces quatorze ans.

Frau Bergmann
Das Kleid ist nicht zu lang, Wendla.
Ta robe n’est pas trop longue, Wendla.
Was willst du denn!
Que veux-tu donc ?




Kann ich dafür, daß mein Kind mit jedem Frühling wieder zwei Zoll größer ist?
Mon enfant, chaque printemps, ne prends-tu pas deux pouces ?
Du darfst doch als ausgewachsenes Mädchen nicht in Prinzeßkleidchen einhergehen.
Tu ne peux plus sortir en robe de petite princesse tout de même, une grande fille comme toi !

Wendla
Jedenfalls steht mir mein Prinzeßkleidchen besser als diese Nachtschlumpe.
Quoi qu’il en soit, ma robe de petite princesse me va beaucoup mieux que cette chemise de nuit.
– Laß mich’s noch einmal tragen, Mutter!
– Permets-moi de la porter à nouveau, mère !
 Nur noch den Sommer lang.
Seulement encore cet été.  
Ob ich nun vierzehn zähle oder fünfzehn, dies Bußgewand wird mir immer noch recht sein. 
Que j’ai quatorze ou quinze ans, ce sac sera toujours bien pour moi.
– Heben wir’s auf bis zu meinem nächsten Geburtstag;
– Nous la mettrions de côté pour mon prochain anniversaire ;
jetzt würd’ ich doch nur die Litze heruntertreten.
maintenant je ne pourrais que marcher sur ses coutures.








Frau Bergmann
Ich weiß nicht, was ich sagen soll.
Je ne sais pas quoi dire.
Ich würde dich ja gerne so behalten, Kind, wie du gerade bist. 
Je voudrais te garder ainsi, mon enfant, comme tu es maintenant.

Andere Mädchen sind stakig und plump in deinem Alter.
D’autres filles sont des potiches à ton âge.
Du bist das Gegenteil.
Tu es tout le contraire.
– Wer weiß, wie du sein wirst, wenn sich die andern entwickelt haben.
– Qui sait comment tu seras quand les autres auront grandi.

Wendla
Wer weiß
Qui sait
 – vielleicht werde ich nicht mehr sein.
– peut-être que je ne serai pas !

Frau Bergmann
Kind, Kind, wie kommst du auf die Gedanken!
Mon enfant, mon enfant, comment te viennent de si vilaines pensées !

Wendla
Nicht, liebe Mutter;
Non, chère mère ;
nicht traurig sein!
Ne sois pas triste !

Frau Bergmann
sie küssend
elle l’embrasse
Mein einziges Herzblatt!
Mon unique fortune !

Wendla
Sie kommen mir so des Abends, wenn ich nicht einschlafe.
Elles arrivent le soir, quand je ne suis pas endormie.
Mir ist gar nicht traurig dabei, und ich weiß, daß ich dann um so besser schlafe.
Je ne suis pas triste, car je sais que je dors beaucoup mieux ensuite.
– Ist es sündhaft, Mutter, über derlei zu sinnen?
– Est-ce un péché, mère, de rêver ainsi ?

Frau Bergmann
Geh denn und häng das Bußgewand in den Schrank!
Va accrocher ce sac dans le placard !
Zieh in Gottes Namen dein Prinzeßkleidchen wieder an!
Remets à nouveau ta robe de petite princesse !
Ich werde dir gelegentlich eine Handbreit Volants unten ansetzen.
J’y ajouterai quand même quelques pouces de ruban.

Wendla
das Kleid in den Schrank hängend
accrochant la robe dans l’armoire
Nein, da möcht’ ich schon lieber gleich vollends zwanzig sein…!
Ah non ! là je préférerais avoir mes vingt ans révolus…!

Frau Bergmann
Wenn du nur nicht zu kalt hast!
Si seulement tu ne prends pas trop froid !
– Das Kleidchen war dir ja seinerzeit reichlich lang; aber…
– La robe en effet, il y a quelques années, était bien longue ; mais …

Wendla
Jetzt, wo der Sommer kommt?
Maintenant que l’été arrive ?
– O Mutter, in den Kniekehlen bekommt man auch als Kind keine Diphtheritis!
– O Mère, aux genoux, aucun enfant n’attrape la diphtérie !
Wer wird so kleinmütig sein.
Que l’on manque de courage.
In meinen Jahren friert man noch nicht – am wenigsten an die Beine.
A mon âge, on ne peut pas geler – du moins au niveau des jambes. Wär’s etwa besser, wenn ich zu heiß hätte, Mutter?
Est-ce mieux si j’ai trop chaud, mère ?
– Dank’ es dem lieben Gott, wenn sich dein Herzblatt nicht eines Morgens die Ärmel wegstutzt und dir so zwischen Licht abends ohne Schuhe und Strümpfe entgegentritt!
– Merci à Dieu bienveillant, si ta bien-aimée n’arrive pas un matin les manches raccourcies et ne rentre à la lumière de la nuit sans chaussures et sans chaussettes !
– Wenn ich mein Bußgewand trage, kleide ich mich darunter wie eine Elfenkönigin…
– Quand je porterai mon sac, je n’aurai rien en-dessous comme la reine des fées …
Nicht schelten, Mütterchen!
Ne me gronde pas, Mère !
  Es sieht’s dann ja niemand mehr.
Personne ne pourra le voir !

******************

Frank Wedekind
Frühlings Erwachen
L’Eveil du Printemps
Acte 1 Erster Akt
 Scène 1 Erste Szene

 

Sriwijaya Çrīvijaya LE ROYAUME DE SRI VIJARA -Le Royaume de Çrivijaya

MALAISIE – MALAYSIA
Sriwijaya


Royaume Sriwijaya
650 – 1377
Capitale Palembang puis Jambi
Malacca aurait été fondée par un prince de Sriwijaya (avt 1400)




LE ROYAUME DE SRI VIJARA
Le Royaume de Çrivijaya

****

Le point de vue de
George Cœdès


Conservateur de la Bibliothèque Nationale de Bangkok
Bulletin de l’Ecole Française d’Extrême-Orient
volume 18, 1 – 
1918

Extraits

« La difficulté disparaît si l’on prend Çrīvijaya, non plus comme un nom de personne, mais comme un nom de pays. Que l’on se reporte aux trois phrases citées plus haut, et l’on verra que rien, dans le contexte, n’oblige à interpréter Çrīvijaya comme le nom d’un roi plutôt que comme celui d’un royaume. L’absence, déjà signalée, de tout titre royal serait surprenante s’il s’agissait réellement d’un prince nommé Vijava ou Çrīvijaya. Jointe à la difficulté syntactique que je viens de souligner, elle me semble entraîner la conclusion que l’inscription de Bangka émane, non pas de « Sa Majesté Vijaya », mais d’un personnage anonyme qui était chef d’un Etat malais indouisé nommé Çrīvijaya… Voilà donc deux inscriptions des VIIe-VIIIe siècles émanant toutes deux d’un royaume nommé Çrīvijaya. S’agit-il dans les deux cas d’un seul et même pays ? En d’autres termes, aurait-il existé à cette époque un royaume étendant sa suzeraineté de Bangka à Vieng Sa ? L’examen paléographique des inscriptions n’y contredit nullement… »
George Cœdès
orientaliste & épigraphiste français
()

*****

Le Royaume de Çrīvijaya

Sriwijaya

VOYAGE EN MALAISIE Pelancongan di Malaysia 马来西亚 マレーシア Малайзия

Pelancongan di Malaysia
Voyage en Malaisie




 

 MALAISIE
马来西亚
マレーシア
Малайзия

*








Visiter Kuala Lumpur
Meneroka kota Kuala Lumpur

*

BATU CAVES
黑风洞
பத்துமலை

*
Visiter Malacca
Meneroka kota Melaka
马六甲

*

ARTIS MELAYU
LES ARTISTES MALAIS
MALAYSIAN ARTISTS
马来艺人

*

APPRENDRE LE MALAISIEN
Pembelajaran Bahasa Melayu

*




LES ORANG ASLI
LES ABORIGENES DE MALAISIE

*

LITTERATURE
kesusasteraan

Lettres de Malaisie
Paul Adam
1896

Toutes ces stations se trouvent situées au faîte de sommets rendus inaccessibles par la nature montueuse du sol, l’impénétrabilité des forêts vierges, la pestilence des marécages, et notre ignorance générale de la topographie de ces régions…

**

Les Pirates Malais
Charles Hubert Lavolée
1853

A l’extrémité de l’Asie, au milieu du XIXe siècle, des bandes de forbans tiennent bravement la mer …

**

La férocité des pirates malais
Charles de Varigny
1887
(L’Océanie moderne)

La férocité de ces Malais, leur mépris de la mort, ont, pendant des siècles, inspiré la terreur aux navigateurs qui se hasardaient dans ses parages…

**

LE MACAQUE CRABIER 
Beruk

**




Le Varan Malais
Varanus salvator

**

Le périophtalme de Malaisie
(Mudskipper)

**

La Malaisie
vue
par la Première Encyclopédie

 » Les habitants de cette presqu’île sont noirs, petits, bien proportionnés dans leur petite taille, & redoutables lorsqu’ils ont pris de l’opium, qui leur cause une espèce d’ivresse furieuse. Ils vont tous nus de la ceinture en haut, à l’exception d’une petite écharpe qu’ils portent tantôt sur l’une, tantôt sur l’autre épaule. Ils sont fort vifs, fort sensuels, & se noircissent les dents par le fréquent usage qu’ils font du bétel… » Louis de Jaucourt 1751

******




*****

CIVILISATIONS

Sriwijaya – Çrīvijaya

LE ROYAUME DE SRI VIJARA
Le Royaume de Çrivijaya
George Cœdès
1918

Voilà donc deux inscriptions des VIIe-VIIIe siècles émanant toutes deux d’un royaume nommé Çrīvijaya. S’agit-il dans les deux cas d’un seul et même pays ?…

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CHANSONS – MUSIQUE
Lagu – muzik

Les plus belles chansons malaisiennes
Lagu Malaysia
Ranking Artgitato

*




Les Chansons de P. Ramlee
Lagu lagu P. Ramlee

*********

RELIGIONS

L’Islam en Malaisie

« Le règne de la civilisation indoue cessa, lorsque l’islamisme fut apporté dans l’archipel d’Asie, vers le commencement du XIIIe siècle… » (Édouard Dulaurier-1851)

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TRADUCTION MALAISIEN
Terjemahan Malaysia

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Malaysia – Malaisie




LE PORTRAIT GERMAIN NOUVEAU POEME

LE PORTRAIT GERMAIN NOUVEAU
LITTERATURE FRANCAISE
SYMBOLISME

germain-nouveau-poemes-poesie-artgitato

Germain Nouveau

31 juillet 1851 Pourrières (Var) – 4 avril 1920 Pourrières

——–


POEMES
VALENTINES ET AUTRES VERS

LA POESIE DE
GERMAIN NOUVEAU
LE PORTRAIT

Valentines et autres vers

Texte établi par Ernest Delahaye
Albert Messein, 1922
*
le-portrait-germain-nouveau-artgitato-joaquin-sorolla-raquel-meller-1918Joaquin Sorolla
Retrato de – Portrait de
Raquel Meller
1918.
*

LE PORTRAIT

Depuis longtemps, je voudrais faire
Son portrait, en pied, suis-moi bien :
Quand elle prend son air sévère,
Elle ne bouge et ne dit rien.

Ne croyez pas qu’Elle ne rie
Assez souvent, alors, je vois
Luire un peu de sorcellerie
Dans les arcanes de sa voix.

Impérieuse, à n’y pas croire !
Pour le moment, pour son portrait,
(Encadré d’or pur, sur ivoire)
Plus sérieuse… qu’un décret.

Suivez-moi bien : son Âme est belle
Autant que son visage est beau,
Un peu plus… si je me rappelle
Que Psyché se rit du Tombeau.

Tout le Ciel est dans ses prunelles
Dont l’éclat efface le jour,
Et qu’emplissent les éternelles
Magnificences de l’Amour ;

Et ses paupières sont ouvertes
Sur le vague de leur azur,
Toutes grandes et bien mieux, certes,
Que le firmament le plus pur.

L’arc brun de ses grands sourcils, digne
De la flèche d’amours rieurs,
Est presque un demi-cercle, signe
De sentiments supérieurs.

Sans ride morose ou vulgaire,
Son front, couronné… de mes vœux,
En fait de nuages n’a guère
Que l’ombre douce des cheveux.

Quand elle a dénoué sa tresse
Où flottent de légers parfums,
Sa chevelure la caresse
Par cascades de baisers bruns,

Qui se terminent en fumée
À l’autre bout de la maison,
Et quand sa natte est refermée
C’est la plus étroite prison.

Le nez aquilin est la marque
D’une âme prompte à la fureur,
Le sien serait donc d’un monarque
Ou d’une fille d’empereur ;

Ses deux narines frémissantes
Disent tout un trésor voilé
De délicatesses puissantes
Au fond duquel nul est allé.

Ses lèvres ont toutes les grâces
Comme ses yeux ont tout l’Amour,
Elles sont roses, point trop grasses,
Et d’un spirituel contour.

Ho, ça ! Monsieur, prenez bien garde
À tous les mots que vous jetez,
Son oreille fine les garde
Longtemps, comme des vérités.

L’ensemble vit, pense, palpite ;
L’ovale est fait de doux raccords ;
Et la tête est plutôt petite,
Proportionnée à son corps.

Esquissons sous sa nuque brune
Son cou qui semble… oh ! yes, indeed !
La Tour d’ivoire, sous la lune
Qui baigne la Tour de David ;

Laquelle, loin que je badine,
Existe encor, nous la voyons
Sur l’album de la Palestine,
Chez les gros marchands de crayons.

Je voudrais faire… les épaules.
Ici, madame, permettez
Que j’écarte l’ombre des saules
Que sur ces belles vous jetez…

Non ? vous aimez mieux cette robe
Teinte de la pourpre que Tyr
À ses coquillages dérobe
Dont son art vient de vous vêtir ;

Vous préférez à la nature
D’avant la pomme ou le péché,
Cette lâche et noble ceinture
Où votre pouce s’est caché.

Mais votre peintre aime l’éloge,
Et… l’on est le premier venu
Fort indigne d’entrer en loge,
Si l’on ne sait rendre le nu ;

S’il ne peut fondre avec noblesse
Cette indifférence d’acier
Où sa réflexion vous laisse,
Comment fera-t-il votre pied ?

Vos mains mignonnes, encor passe ;
Mais votre pied d’enfant de rois
Dont la cambrure se prélasse
Ainsi qu’un pont sur les cinq doigts,

Qu’on ne peut toucher sans qu’il parte
Avec un vif frémissement
Des doigts dont le pouce s’écarte,
Comme pour un… commandement…

Vous persistez, c’est votre affaire,
Faites, faites, ça m’est égal !
Je barbouille tout, de colère…
Et tant pis pour mon madrigal !

*
LE PORTRAIT GERMAIN NOUVEAU

LA POÉSIE RUSSE – LA LITTÉRATURE RUSSE

**************************
Traduction Russe Jacky Lavauzelle
Жаки Лавозель
ARTGITATO
Французский перевод текстов на русском языке
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Traductions Artgitato Français Portugais Latin Tchèque Allemand Espagnol

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TRADUCTION RUSSE

Французский перевод текстов на русском языке

*******

**

 Анна Ахматова
Anna Akhmatova

**

Innokenti Annenski
Иннокентий Анненский
La Poésie d’Innokenti Annenski
Поэзия Иннокенти Анненски

**
Alexandre Blok
Алекса́ндр Алекса́ндрович Блок

LA POÉSIE DE BLOK

Les poèmes et les correspondances de Blok
de 1898 à 1921

**

VALÉRI BRIOUSSOV
ВАЛЕРИЙ БРЮСОВ 

LA POÉSIE DE VALÉRI BRIOUSSOV
ВАЛЕРИЙ БРЮСОВ
СТИХИ

**

Prince Alexandre Chakhovskoy

Le Cosaque poète
Saint-Pétersbourg – 1812

**

Gavrila Derjavine

Le Fleuve du temps
РЕКА ВРЕМЁН В СВОЁМ СТРЕМЛЕНЬИ…
1816

**

Sergueï Essénine
Сергей Александрович Есенин

LA POESIE de Sergueï Essénine
поэзия есенина  

**

AFANASSI FET
Афана́сий Афана́сьевич Шенши́н

LA POÉSIE D’AFANASSI FET 
Поэзия Афанасси Фета 

**


ZINAÏDA HIPPIUS
Зинаи́да Никола́евна Ги́ппиус

Poésie de Zinaïda Hippius
Поэзия Зинаиды Гиппиус

**

VIATCHESLAV IVANOV
Вячеслав Иванович Иванов

LA POÉSIE DE VIATCHESLAV IVANOV
ПОЭЗИЯ ВЯЧЕСЛАВА ИВАНОВА

**

VLADISLAV KHODASSEVITCH
VLADISLAV KHODASEVICH
ПОЭЗИЯ ВЛАДИСЛАВА ХОДАССЕВИЧА

Poésie

**

Mikhaïl Kouzmine
Михаи́л Алексе́евич Кузми́н

Poésie- Poèmes

**

Ivan Krylov

le Magasin à la mode

**

Mikhaïl LERMONTOV
Михаил Юрьевич Лермонтов

La Poésie de Lermontov
Стихи Лермонтова

**

Mirra Lokhvitskaïa
Мирра Лохвицкая

Poésie de Mirra Lokhvitskaïa
Поэзия Мирры Лохвицкой

**

Vladimir Maïakovski
Владимир Владимирович Маяковский

Poèmes
Поэмы

**

Ossip Mandelstam
О́сип Эми́льевич Мандельшта́м

Poésie de Ossip Mandelstam
Поэзии Осип Мандельштам





**

B Okoudjava & V Kikabidze

  LES PEPINS DE RAISIN
Виноградную косточку

**

Caroline Pavlova
Кароли́на Ка́рловна Па́влова

Poésie

**

Sophia Parnok
Поэзия офии Парнок

**
CAROLINE PAVLOVA

**

Alexandre Pouchkine
Александр Сергеевич Пушкин

Poésie – Поэзия А. С. Пушкина
poemes-de-alexandre-pouchkine-artgitatopushkin-alexander

**

Constantin SLOUTCHEVSKI 
Константин Константинович Случевский
Poèmes 

**

 Anton Tchekhov
Антон Павлович Чехов

Les pièces de Théâtre – Театр

**

Fiodor Tiouttchev
Федор Тютчев

La poésie de Fiodor Tiouttchev
стихи федор тютчев

Fiodor Tiouttchev Poèmes Poésie Artgitato Les poèmes de Fiodor Tiouttchev

**

Ivan Tourgueniev
Иван Сергеевич Тургенев

Собака – Mon Chien (février 1878)
русский язык – La Langue Russe (juin 1882)

**

Marina Tsvétaïéva
Марина Ивановна Цветаева

Poésie de Marina Tsvétaïéva
Поэзия Марины Чветаевой

**

Vladimir Vyssotski
Владимир Семёнович Высоцкий

Les Coupoles – Купола

**





Boulat Okoudjova
Булат Шалвович Окуджава

Tant que la terre continue de tourner

**

Vladislav Ozerov
Владислав Александрович Озеров

Fingal
Tragédie en trois actes
1805

**

 Denis Fonvizine
Денис Иванович Фонвизин

Le Dadais ou l’Enfant gâté
1782

*****

Французский перевод текстов на русском языке

TRADUCTION RUSSE

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DE L’ART DE TRADUIRE LE RUSSE

Je viens d’indiquer la double valeur des écrits de Pouchkine : l’auteur de Poltava a renouvelé, comme prosateur, la langue russe, en même temps qu’il ouvrait à ses contemporains, comme poète, des sources nouvelles d’inspiration. On sait aussi quel accueil la Russie a fait à cet interprète de la pensée nationale. Quant à l’Europe, il faut le dire, elle est restée trop indifférente au rôle que Pouchkine a joué dans son pays. La France surtout n’a eu longtemps qu’une idée vague de ce grand mouvement littéraire commencé et dirigé par un seul homme. Ici même cependant, une étude biographique sur Pouchkine avait déjà indiqué l’importance de ses travaux. Pendant longtemps, on a pu s’étonner qu’une plume française ne cherchât point à le traduire. Aujourd’hui cette tâche a été abordée ; mais peut-on la regarder comme remplie ? L’auteur de la traduction française de Pouchkine qui vient d’être publiée n’a point paru se douter des difficultés que présentait un pareil travail. Il y avait là des écueils et des obstacles qui imposaient au traducteur un redoublement d’efforts. L’art de traduire, surtout lorsqu’il s’applique à la poésie, suppose une sorte d’initiation qui ne s’achète qu’au prix de veilles laborieuses. Les vulgaires esprits seuls peuvent s’imaginer qu’il suffit, pour traduire un poète, de rendre ses vers dans un autre idiome, sans s’inquiéter d’ailleurs de la physionomie, du mouvement, des nuances infinies de la pensée, des mille finesses du style. Or, ce ne sont point-là des choses qui aient leur vocabulaire écrit et ce sont pourtant des choses qu’il faut traduire, ou du moins indiquer : elles demandent une intelligence vive et délicate pour les saisir, une plume habile et souple pour les rendre. Pour transporter d’ailleurs dans son propre idiome les richesses d’une langue étrangère, il y a une première condition à remplir ; est-il besoin de la rappeler ? C’est la connaissance parfaite de la langue dont on veut révéler à son pays les richesses littéraires. Qu’on y songe, l’idiome russe est le plus difficile des idiomes européens, il est difficile même pour les Russes qui n’en ont pas fait l’objet d’une étude sérieuse. C’est une langue dont le sens positif varie à l’infini et dont le sens poétique varie encore davantage : langue souple et rude, abondante et imagée, dont l’origine, les accidents, l’esprit, l’allure, les procédés, n’offrent aucune analogie avec nos langues d’Occident. Le traducteur français des œuvres de Pouchkine a échoué pour n’avoir point compris les exigences de sa tâche. Il importe qu’on ne l’oublie pas, une traduction de ce poète exige une connaissance intime et approfondie, non-seulement de la grammaire et du vocabulaire russes, mais des finesses et des bizarreries de la langue ; elle exige aussi un long commerce avec ce génie si original, si en dehors de toute tradition européenne. Tant que cette double condition n’aura pas été remplie, notre pays, nous le disons à regret, ne connaîtra qu’imparfaitement la valeur et l’originalité du poète russe.

Pouchkine et le mouvement littéraire en Russie depuis 40 ans
Charles de Saint-Julien
Revue des Deux Mondes
Œuvres choisies de Pouchkine, traduites par M. H. Dupont
T.20 18

VERGERS – Recueil de poèmes de RAINER MARIA RILKE – 1924-1925

Rainer Maria Rilke
VERGERS

VERGERS
1924-1925
Ecrits en Français

signature 2


LITTERATURE ALLEMANDE
Deutsch Literatur

Gedichte – Poèmes

 

RAINER MARIA RILKE
1875-1926

 Rainer Maria Rilke Portrait de Paula Modersohn-Becker 1906
Portrait de Rainer Maria Rilke
1906
Par Paula Modersohn-Becker

*








 

VERGERS
de Rainer Maria Rilke
1924-1925

Gedicht von Rainer Maria Rilke

 

*

Vergers Rainer Maria Rilke 1924 1925 Artgitato Paul Klee Mythe de Fleur 1918
Mythe de Fleurs Paul Klee 1918

*




VERGERS

1
MON COEUR FAIT CHANTER DES ANGES

Ce soir mon cœur fait chanter
des anges qui se souviennent
Une voix, presque mienne,
par trop de silence tentée,

Monte et se décide
à ne plus revenir;
tendre et intrépide,
à quoi va-t-elle s’unir ?

 

2
LAMPE DU SOIR

Lampe du soir, ma calme confidente,
mon coeur n’est point par toi dévoilé;
(on s’y perdrait peut-être;) mais sa pente
du côté sud est doucement éclairée.

C’est encore toi, ô lampe d’étudiant,
qui veux que le liseur de temps en temps
s’arrête, étonné, et se d´range
sur son bouquin, te regardant.

(Et ta simplicité supprime un Ange.)

3
L’ANGE A TA TABLE

Reste tranquille, si soudain
l’Ange à ta table se décide;
efface doucement les quelques rides
que fait la nappe sous ton pain.

Tu offriras ta rude nourriture,
pour qu’il en goûte à son tour,
et qu’il soulève à la lèvre pure
un simple verre de tous les jours.




4
LES ETRANGES CONFIDENCES

Combien a-t-on fait aux fleurs
d’étranges confidences,
pour que cette fine balance
nous dise le poids de l’ardeur.

Les astres sont tous confus
qu’à nos chagrins on les mêle.
Et du plus fort au plus frêle
nul ne supporte plus

notre humeur variable,
nos révoltes, nos cris -,
sauf l’infatigable table
et le lit (table évanouie).

5
LES DANGERS DE LA POMME

Tout se passe à peu près comme
si l’on reprochait à la pomme
d’être bonne à manger.
Mais il reste d’autres dangers.

Celui de la laisser sur l’arbre,
celui de la sculpter en marbre,
et le dernier, le pire :
de lui en vouloir d’être en cire.

6
L’INVISIBLE

Nul ne sait, combien ce qu’il refuse,
l’Invisible, nous domine, quand
notre vie à l’invisible ruse
cède, invisiblement.

Lentement, au gré des attirances
notre centre se déplace pour
que le cœur s’y rende à son tour:
lui, enfin Grand-Maître des absences.

7
LES PLIS DES ETOILES DORMANTES

À Mme et M. Albert Vulliez.

Paume, doux lit froissé
où des étoiles dormantes
avaient laissé des plis
en se levant vers le ciel.

Est-ce que ce lit était tel
qu’elles se trouvent reposées,
claires et incandescentes,
parmi les astres amis
en leur élan éternel?

Ô les deux lits de mes mains
Abandonnés et froids,
légers d’un absent poids
de ces astres d’airain.

8
LES DERNIERS MOTS

Notre avant-dernier mot
serait un mot de misère,
mais devant la conscience-mère
le tout dernier sera beau.

Car il faudra qu’on résume
tous les efforts d’un désir
qu’aucun goût d’amertume
ne saurait contenir.




9
LE SILENCE DIVIN

Si l’on chante un dieu,
ce dieu vous rend son silence.
Nul de nous ne s’avance
que vers un dieu silencieux.

Cet imperceptible échange
qui nous fait frémir,
devient l’héritage d’un ange
sans nous appartenir.

10
C’EST LE CENTAURE QUI A RAISON

C’est le centaure qui a raison,
qui traverse par bonds les saisons
d’un monde à peine commencé
qu’il a de sa force comblé.

Ce n’est que l’Hermaphrodite
qui est complet dans son gîte.
Nous cherchons en tous les lieux
la moitié perdue de ces Demi-Dieux.

11
CORNE D’ABONDANCE

Ô belle corne, d’où
penchée vers notre attente?
Qui n’êtes qu’une pente
en calice, déversez-vous!

Des fleurs, des fleurs, des fleurs,
qui, en tombant font un lit
aux bondissantes rondeurs
de tant de fruits accomplis!

Et tout cela sans fin
nous attaque et s’élance,
pour punir l’insuffisance
de notre cœur déjà plein.

Ô corne trop vaste, quel
miracle par vous se donne !
Ô cor de chasse, qui sonne
des choses, au souffle du ciel !

12
COMME UN VERRE DE VENISE

Comme un verre de Venise
sait en naissant ce gris
et la clarté indécise
dont il sera épris,

ainsi tes tendres mains
avaient rêvé d’avance
d’être la lente balance
de nos moments trop pleins.

13
DOUX PÂTRE

Doux pâtre qui survit
tendrement à son rôle
avec sur son épaule
un débris de brebis.
Doux pâtre qui survit
en ivoire jaunâtre
à son jeu de pâtre.
Ton troupeau aboli
autant que toi dure
dans la lente mélancolie
de ton assistante figure
qui résume dans l’infini
la trêve d’actives pâtures.

14
LA PASSANTE D’ETE

Vois-tu venir sur le chemin la lente, l’heureuse,
celle que l’on envie, la promeneuse?
Au tournant de la route il faudrait qu’elle soit
saluée par de beaux messieurs d’autrefois.

Sous son ombrelle, avec une grâce passive,
elle exploite la tendre alternative:
s’effaçant un instant à la trop brusque lumière,
elle ramène l’ombre dont elle s’éclaire.




15
SUR LE SOUPIR DE L’AMIE

Sur le soupir de l’amie
toute la nuit se soulève,
une caresse brève
parcourt le ciel ébloui.

C’est comme si dans l’univers
une force élémentaire
redevenait la mère
de tout amour qui se perd.

16
PETITE ANGE EN PORCELAINE

Petit Ange en porcelaine,
s’il arrive que l’on te toise,
nous t’avions quand l’année fut pleine,
coiffé d’une framboise.

Ça nous semblait tellement futile
de te mettre ce bonnet rouge,
mais depuis lors tout bouge
sauf ton tendre tortil.

Il est desséché, mais il tient,
on dirait parfois qu’il embaume;
couronné d’un fantôme,
ton petit front se souvient.

17
LE TEMPLE DE L’AMOUR

Qui vient finir le temple de l’Amour?
Chacun en emporte une colonne;
et à la fin tout le monde s’étonne
que le dieu à son tour

de sa flèche brise l’enceinte.
(Tel nous le connaissons.)
Et sur ce mur d’abandon
pousse la plainte.

18
EAU QUI PRESSE

Eau qui se presse, qui court -, eau oublieuse
que la distraite terre boit,
hésite un petit instant dans ma main creuse,
souviens-toi!
Clair et rapide amour, indifférence,
presque absence qui court,
entre ton trop d’arrivée et ton trop de partance
Tremble un peu de séjour.

19
EROS

I
Ô toi, centre du jeu
où l’on perd quand on gagne;
célèbre comme Charlemagne,
roi, empereur et Dieu, –

tu es aussi le mendiant
en pitoyable posture,
et c’est ta multiple figure
qui te rend puissant. –

Tout ceci serait pour le mieux;
mais tu es, en nous (c’est pire)
comme le noir milieu
d’un châle brodé de cachemire.

II
Ô faisons tout pour cacher son visage
d’un mouvement hagard et hasardeux,
il faut le reculer au fond des âges
pour adoucir son indomptable feu.

Il vient si près de nous qu’il nous sépare
de l’être bien-aimé dont il se sert;
il veut qu’on touche, c’est un dieu barbare
que des panthères frôlent au désert.

Entrant en nous avec son grand cortège,
il y veut tout illuminé, –
lui, qui après se sauve comme d’un piège,
sans qu’aux appâts il ait touché.

III
Là, sous la treille, parmi le feuillage
il nous arrive de le deviner:
son front rustique d’enfant sauvage,
et son antique bouche mutilée …

La grappe devant lui devient pesante
et semble fatiguée de sa lourdeur,
un court moment on frôle l’épouvante
de cet heureux été trompeur.

Et son sourire cru, comme il l’infuse
à tous les fruits de son fier décor;
partout autour il reconnaît sa ruse
qui doucement le berce et l’endort.

IV
Ce n’est pas la justice qui tient la balance préciser
c’est toi, ô Dieu à l’envie indivise,
qui pèses nos torts,
et qui de deux cœurs qu’il meurtrit et triture
fais un immense cœur plus grand que nature,
qui voudrait encor

grandir…Toi, qui indifférente et superbe,
humilies la bouche et exaltes le verbe
vers un ciel ignorant…
Toi qui mutiles les êtres en les ajoutant
à l’ultime absence dont ils sont des fragments.

20
QUE LE DIEU SE CONTENTE DE NOUS

Que le dieu se contente de nous,
de notre instant insigne,
avant qu’une vague maligne
nous renverse et pousse à bout.

Un moment nous étions d’accord :
lui, qui survit et persiste,
et nous dont le cœur triste
s’étonne de son effort.




21
DANS LA MULTIPLE RENCONTRE

Dans la multiple rencontre
faisons à tout sa part,
afin que l’ordre se montre
parmi les propos du hasard.

Tout autour veut qu’on l’écoute -,
écoutons jusqu’au bout;
car le verger et la route
c’est toujours nous !

22
LA DISCRETION DES ANGES

Les Anges, sont-ils devenus discrets !
Le mien à peine m’interroge.
Que je lui rende au moins le reflet
d’un émail de Limoges.

Et que mes rouges, mes verts, mes bleus
son œil rond réjouissent.
S’il les trouve terrestres, tant mieux
pour un ciel en prémisses.

23
LE MOUVANT EQUILIBRE

Combien le pape au fond de son faste,
sans être moins vénérable,
par la sainte loi du contraste
doit attirer le diable.

Peut-être qu’on compte trop peu
avec ce mouvant équilibre;
il y a des courants dans le Tibre,
tout jeu veut son contre-jeu.

Je me rappelle Rodin
qui me dit un jour d’un air mâle
(nous prenions, à Chartres, le train)
que, trop pure, la cathédrale
provoque un vent de dédain.

24
CE QU’IL NOUS FAUT CONSENTIR

C’est qu’il nous faut consentir
à toutes les forces extrêmes;
l’audace est notre problème
malgré le grand repentir.

Et puis, il arrive souvent
que ce qu’on affronte, change:
le calme devient ouragan,
l’abîme le moule d’un ange.

Ne craignons pas le détour.
Il faut que les Orgues grondent,
pour que la musique abonde
de toutes les notes de l’amour.

26
LA FONTAINE

Je ne veux qu’une seule leçon, c’est la tienne,
fontaine, qui en toi-même retombes, –
celle des eaux risquées auxquelles incombe
ce céleste retour vers la vie terrienne.

Autant que ton multiple murmure
rien ne saurait me servir d’exemple;
toi, ô colonne légère du temple
qui se détruit par sa propre nature.

Dans ta chute, combien se module
chaque jet d’eau qui termine sa danse.
Que je me sens l’élève, l’émule
de ton innombrable nuance!

Mais ce qui plus que ton chant vers toi me décide
c’est cet instant d’un silence en délire
lorsqu’ à la nuit, à travers ton élan liquide
passe ton propre retour qu’un souffle retire.

27
MON CORPS

Qu’il est doux parfois d’être de ton avis ;
frère aîné, ô mon corps,
qu’il est doux d’être fort
de ta force,
de te sentir feuille, tige, écorce
et tout ce que tu peux devenir encor,
toi, si près de l’esprit.

Toi, si franc, si uni
dans ta joie manifeste
d’être cet arbre de gestes
qui, un instant, ralentit
les allures célestes
pour y placer sa vie.

28
LA DEESSE

Au midi vide qui dort
combien de fois elle passe,
sans laisser à la terrasse
le moindre soupçon d’un corps.

Mais si la nature la sent,
l’habitude de l’invisible
rend une clarté terrible
à son doux contour apparent.

29
LE VERGER
I

Peut-être que si j’ai osé t’écrire,
langue prêtée, c’était pour employer
ce nom rustique dont l’unique empire
me tourmentait depuis toujours: Verger.

Pauvre poète qui doit élire
pour dire tout ce que ce nom comprend,
un à peu près trop vague qui chavire,
ou pire: la clôture qui défend.

Verger: ô privilège d’une lyre
de pouvoir te nommer simplement;
nom sans pareil qui les abeilles attire,
nom qui respire et attend…

Nom clair qui cache le printemps antique,
tout aussi plein que transparent,
et qui dans ses syllabes symétriques
redouble tout et devient abondant.

II

Vers quel soleil gravitent
tant de désirs pesants?
De cette ardeur que vous dites,
où est le firmament?

Pour l’un à l’autre nous plaire,
faut-il tant appuyer?
Soyons légers et légères
à la terre remuée
par tant de forces contraires.

Regardez bien le verger:
c’est inévitable qu’il pèse;
pourtant de ce même malaise
il fait le bonheur de l’été.

III

Jamais la terre n’est plus réelle
que dans tes branches, ô verger blond,
ni plus flottante que dans la dentelle
que font tes ombres sur le gazon.

Là se rencontre ce qui nous reste,
ce qui pèse et ce qui nourrit
avec le passage manifeste
de la tendresse infinie.

Mais à ton centre, la calme fontaine,
presque dormant en son ancien rond,
de ce contraste parle à peine,
tant en elle il se confond.

IV

De leur grâce, que font-ils,
tous ces dieux hors d’usage,
qu’un passé rustique engage
à être sages et puérils?

Comme voilés par le bruit
des insectes qui butinent,
ils arrondissent les fruits;
(occupation divine).

Car aucun jamais ne s’efface,
tant soit-il abandonné;
ceux qui parfois nous menacent
sont des dieux inoccupés.

V

Ai-je des souvenirs, ai-je des espérances,
en te regardant, mon verger?
Tu te repais autour de moi, ô troupeau d’abondance
et tu fais penser ton berger.

Laisse-moi contempler au travers de tes branches
la nuit qui va commencer.
Tu as travaillé; pour moi c’était un dimanche, –
mon repos, m’a-t-il avancé?

D’être berger, qu’y a-t-il de plus juste en somme?
Se peut-il qu’un peu de ma paix
aujourd’hui soit entrée doucement dans tes pomme
Car tu sais bien, je m’en vais…




VI

N’était-il pas, ce verger, tout entier,
ta robe claire, autour de tes épaules?
Et n’as-tu pas senti combien console
son doux gazon qui pliait sous ton pied?

Que de fois, au lieu de promenade,
il s’imposait en devenant tout grand;
et c’était lui et l’heure qui s’évade
qui passaient par ton être hésitant.

Un livre parfois t’accompagnait…
Mais ton regard, hanté de concurrences,
au miroir de l’ombre poursuivait
un jeu changeant de lentes ressemblances.

 

VII

Heureux verger, tout tendu à parfaire
de tous ses fruits les innombrables plans,
et qui sait bien son instinct séculaire
plier à la jeunesse d’un instant.

Quel beau travail, quel ordre que le tien!
Qui tant insiste dans les branches torses,
mais qui enfin, enchanté de leur force,
déborde dans un calme aérien.

Tes dangers et les miens, ne sont-ils point
tout fraternels, ô verger, ô mon frère?
Un même vent, nous venant de loin,
nous force d’être tendres et austères.

30
TOUTES LES JOIES DES AÏEUX

Toutes les joies des aïeux
ont passé en nous et s’amassent;
leur cœur, ivre de chasse,
leur repos silencieux

devant un feu presque éteint…
Si dans les instants arides
de nous notre vie se vide,
d’eux nous restons tout pleins.

Et combien de femmes ont dû
en nous se sauver, intactes,
comme dans l’entr’acte
d’une pièce qui n’a pas plu -,

parées d’un malheur qu’aujourd’hui
personne ne veut ni ne porte,
elles paraissent fortes
appuyées sur le sang d’autrui.

Et des enfants, des enfants!
Tous ceux que le sort refuse,
en nous exercent la ruse
d’exister pourtant.

 

31
PORTRAIT INTERIEUR

Ce ne sont pas des souvenirs
qui, en moi, t’entretiennent;
tu n’es pas non plus mienne
par la force d’un beau désir.

Ce qui te rend présente,
c’est le détour ardent
qu’une tendresse lente
décrit dans mon propre sang.

Je suis sans besoin
de te voir apparaître;
il m’a suffi de naître
pour te perdre un peu moins.

32
LA DOUCE VIE

Comment encore reconnaître
ce que fut la douce vie?
En contemplant peut-être
dans ma paume l’imagerie

de ces lignes et de ces rides
que l’on entretient
en fermant sur le vide
cette main de rien.

33
LE SUBLIME EST UN DEPART

Le sublime est un départ.
Quelque chose de nous qui au lieu
de nous suivre, prend son écart
et s’habitue aux cieux.

La rencontre extrême de l’art
n’est-ce point l’adieu le plus doux?
Et la musique: ce dernier regard
que nous jetons nous-mêmes vers nous !

34
COMBIEN DE PORTS

Combien de ports pourtant, et dans ces ports
combien de portes, t’accueillant peut-être.
combien de fenêtres
d’où l’on voit ta vie et ton effort.

Combien de grains ailés de l’avenir
qui, transportés au gré de la tempête,
un tendre jour de fête
verront leur floraison t’appartenir.

Combien de vies qui toujours se répondent;
et par l’essor que prend ta propre vie
en étant de ce monde,
quel gros néant à jamais compromis.

35
L’OFFRANDE

N’est-ce pas triste que nos yeux se ferment ?
On voudrait avoir les yeux toujours ouverts,
pour avoir vu, avant le terme,
tout ce que l’on perd.

N’est-il pas terrible que nos dents brillent ?
Il nous aurait fallu un charme plus discret
pour vivre en famille
en ce temps de paix.

Mais n’est-ce pas le pire que nos mains se cramponnent,
dures et gourmandes ?
Faut-il que des mains soient simples et bonnes
pour lever l’offrande !

36
LA MELODIE PASSAGERE

Puisque tout passe, faisons
la mélodie passagère ;
celle qui nous désaltère,
aura de nous raison.

Chantons ce qui nous quitte
avec amour et art ;
soyons plus vite
que le rapide départ.

37
L’ÂME-OISEAU

Souvent au-devant de nous
l’âme-oiseau s’élance;
c’est un ciel plus doux
qui déjà la balance,

pendant que nous marchons
sous des nuées épaisses.
Tout en peinant, profitons
de son ardente adresse.

38
VUE DES ANGES

Vues des Anges, les cimes des arbres peut-être
sont des racines, buvant les deux;
et dans le sol, les profondes racines d’un hêtre
leur semblent des faîtes silencieux.

Pour eux, la terre, n’est-elle point transparente
en face d’un ciel, plein comme un corps?
Cette terre ardente, où se lamente
auprès des sources l’oubli des morts.

39
LES INCONNUS

Mes amis, vous tous, je ne renie
aucun de vous; ni même ce passant
qui n’était de l’inconcevable vie
qu’un doux regard ouvert et hésitant.

Combien de fois un être, malgré lui,
arrête de son œil ou de son geste
l’imperceptible fuite d’autrui,
en lui rendant un instant manifeste.

Les inconnus. Ils ont leur large part
à notre sort que chaque jour complète.
Précise bien, ô inconnue discrète,
mon cœur distrait, en levant ton regard.

40
LE CYGNE

Un cygne avance sur l’eau
tout entouré de lui-même,
comme un glissant tableau;
ainsi à certains instants
un être que l’on aime
est tout un espace mouvant.

Il se rapproche, doublé,
comme ce cygne qui nage,
sur notre âme troublée…
qui à cet être ajoute
la tremblante image
de bonheur et de doute.

41
NOSTALGIE DES LIEUX

Ô nostalgie des lieux qui n’étaient point
assez aimés à l’heure passagère,
que je voudrais leur rendre de loin
le geste oublié, l’action supplémentaire !

Revenir sur mes pas, refaire doucement
– et cette fois, seul – tel voyage,
rester à la fontaine davantage,
toucher cet arbre, caresser ce banc…

Monter à la chapelle solitaire
que tout le monde dit sans intérêt;
pousser la grille de ce cimetière,
se taire avec lui qui tant se tait.

Car n’est-ce pas le temps où il importe
de prendre un contact subtil et pieux ?
Tel était fort, c’est que la terre est forte;
et tel se plaint: c’est qu’on la connaît peu.

42
LE SORT IMMOBILE

Ce soir quelque chose dans l’air a passé
qui fait pencher la tête;
on voudrait prier pour les prisonniers
dont la vie s’arrête.
Et on pense à la vie arrêtée…

À la vie qui ne bouge plus vers la mort
et d’où l’avenir est absent ;
où il faut être inutilement fort
et triste, inutilement.

Où tous les jours piétinent sur place,
où toutes les nuits tombent dans l’abîme,
et où la conscience de l’enfance intime
à ce point s’efface,

qu’on a le cœur trop vieux pour penser un enfant
Ce n’est pas tant que la vie soit hostile;
mais on lui ment,
enfermé dans le bloc d’un sort immobile.

43
TEL CHEVAL QUI BOIT A LA FONTAINE

Tel cheval qui boit à la fontaine,
telle feuille qui en tombant nous touche,
telle main vide, ou telle bouche
qui nous voudrait parler et qui ose à peine -,

autant de variations de la vie qui s’apaise,
autant de rêves de la douleur qui somnole:
ô que celui dont le coeur est à l’aise,
cherche la créature et la console.




45
LUMIERE

Cette lumière peut-elle
tout un monde nous rendre ?
Est-ce plutôt la nouvelle
ombre, tremblante et tendre,
qui nous rattache à lui ?
Elle qui tant nous ressemble
et qui tourne et tremble
autour d’un étrange appui.
Ombres des feuilles frêles,
sur le chemin et le pré,
geste soudain familier
qui nous adopte et nous mêle
à la trop neuve clarté.

46
LA BLONDEUR DU JOUR

Dans la blondeur du jour
passent deux chars pleins de briques ;
ton rosé qui revendique
et renonce tour à tour.

Comment se fait-il que soudain
ce ton attendri signifie
un nouveau complot de vie
entre nous et demain.

47
LE SILENCE UNI DE L’HIVER

Le silence uni de l’hiver
est remplacé dans l’air
par un silence à ramage;
chaque voix qui accourt
y ajoute un contour,
y parfait une image.

Et tout cela n’est que le fond
de ce qui serait l’action
de notre cœur qui surpasse
le multiple dessin
de ce silence plein
d’inexprimable audace.

 

48
LA NATURE

Entre le masque de brume
et celui de verdure,
voici le moment sublime où la nature
se montre davantage que de coutume.

Ah, la belle! Regardez son épaule
et cette claire franchise qui ose …
Bientôt de nouveau elle jouera un rôle
dans la pièce touffue que l’été compose.

49
LE DRAPEAU

Vent altier qui tourmente le drapeau
dans la bleue neutralité du ciel,
jusqu’à le faire changer de couleur,
comme s’il voulait le tendre à d’autres nations
par-dessus les toits. Vent impartial,
vent du monde entier, vent qui relie,
évocateur des gestes qui se valent,
ô toi, qui provoques les mouvements interchangeables
Le drapeau étale montre son plein écusson, –
mais dans ses plis quelle universalité tacite !

Et pourtant quel fier moment
lorsqu’un instant le vent se déclare
pour tel pays: consent à la France,
ou subitement s’éprend

des Harpes légendaires de la verte Irlande.
Montrant toute l’image, comme un joueur de cartes
qui jette son atout,
et qui de son geste et de son sourire anonyme,
rappelle je ne sais quelle image
de la Déesse qui change.

50
LA FENÊTRE

I

N’es-tu pas notre géométrie,
fenêtre, très simple forme
qui sans effort circonscris
notre vie énorme?

Celle qu’on aime n’est jamais plus belle
que lorsqu’on la voit apparaître
encadrée de toi; c’est, ô fenêtre,
que tu la rends presque éternelle.

Tous les hasards sont abolis. L’être
se tient au milieu de l’amour,
avec ce peu d’espace autour
dont on est maître.

II

Fenêtre, toi, ô mesure d’attente,
tant de fois remplie,
quand une vie se verse et s’impatiente
vers une autre vie.

Toi qui sépares et qui attires,
changeante comme la mer, –
glace, soudain, où notre figure se mire
mêlée à ce qu’on voit à travers ;

échantillon d’une liberté compromise
par la présence du sort ;
prise par laquelle parmi nous s’égalise
le grand trop du dehors.

III

Assiette verticale qui nous sert
la pitance qui nous poursuit,
et la trop douce nuit
et le jour, souvent trop amer.

L’interminable repas,
assaisonné de bleu -,
il ne faut pas être las
et se nourrir par les yeux.

Que de mets l’on nous propose
pendant que mûrissent les prunes;
ô mes yeux, mangeurs de rosés,
vous allez boire de la lune !

51
A LA BOUGIE ETEINTE

À la bougie éteinte,
dans la chambre rendue à l’espace,
on est frôlé par la plainte
de feu la flamme sans place.

Faisons-lui un subtil
tombeau sous notre paupière,
et pleurons comme une mère
son très familier péril.

52
L’APPROCHE

C’est le paysage longtemps, c’est une cloche,
c’est du soir la délivrance si pure -;
mais tout cela en nous prépare l’approche
d’une nouvelle, d’une tendre figure…

Ainsi nous vivons dans un embarras très étrange
entre l’arc lointain et la trop pénétrante flèche;
entre le monde trop vague pour saisir l’ange
et Celle qui, par trop de présence, l’empêche.

53
LA ROSE

On arrange et on compose
les mots de tant de façons,
mais comment arriverait-on
à égaler une rosé ?

Si on supporte l’étrange
prétention de ce jeu,
c’est que, parfois, un ange
le dérange un peu.

54
L’IMPERTUBABLE NATURE

J’ai vu dans l’œil animal
la vie paisible qui dure,
le calme impartial
de l’imperturbable nature.

La bête connaît la peur ;
mais aussitôt elle avance
et sur son champ d’abondance
broute une présence
qui n’a pas le goût d’ailleurs.

55
OBJETS OBSCURS

Faut-il vraiment tant de danger
à nos objets obscurs?
Le monde serait-il dérangé,
étant un peu plus sûr?

Petit flacon renversé,
qui t’a donné cette mince base?
De ton flottant malheur bercé,
l’air est en extase.

56
LA DORMEUSE

Figure de femme, sur son sommeil
fermée, on dirait qu’elle goûte
quelque bruit à nul autre pareil
qui la remplit toute.

De son corps sonore qui dort
elle tire la jouissance
d’être un murmure encor
sous le regard du silence.




57
LA BICHE

Ô la biche : quel bel intérieur
d’anciennes forêts dans tes yeux abonde ;
combien de confiance ronde
mêlée à combien de peur.

Tout cela, porté par la vive
gracilité de tes bonds.
Mais jamais rien n’arrive
à cette impossessive
ignorance de ton front.

58
SOUS CES BEAUX ARBRES

Arrêtons-nous un peu, causons.
C’est encore moi, ce soir, qui m’arrête,
c’est encore vous qui m’écoutez.

Un peu plus tard d’autres joueront
aux voisins sur la route
sous ces beaux arbres que l’on se prête.

59
LES ADIEUX

Tous mes adieux sont faits. Tant de départs
m’ont lentement formé dès mon enfance.
Mais je reviens encor, je recommence,
ce franc retour libère mon regard.

Ce qui me reste, c’est de le remplir,
et ma joie toujours impénitente
d’avoir aimé des choses ressemblantes
à ces absences qui nous font agir.

 

VERGERS
de Rainer Maria Rilke
1924-1925

Gedicht von Rainer Maria Rilke

 

*

Vergers Rainer Maria Rilke 1924 1925 Artgitato Paul Klee Mythe de Fleur 1918

TESTAMENTE Karlfeldt poet- Poesi – Texte & Traduction Poésie de Karlfeldt : Testament

Traduction – Texte Bilingue
Erik Axel Karlfeldts dikter
Karlfeldt poet
TESTAMENTE KARLFELDT Poesi
Testament KARLFELDT Poésie


LITTERATURE SUEDOISE
POESIE SUEDOISE

svensk litteratur
svensk poesi

Erik Axel Karlfeldt
1864 – 1931

Testamente Karlfeldt poesi Testament poésie de Erik Axel Karlfeldt Poésie Artgitato Traduction

 

Traduction Jacky Lavauzelle

Flora och Pomona
&
FLORE & POMONE

1918


TESTAMENTE

Testament

 *

Nu slocknar daggens glitter
Maintenant s’en va le jour éclatant
 och skyarna förstoras,
et les cieux s’agrandissent,
 och alla fåglars kvitter
et tous les gazouillis des oiseaux
 i klanglös rymd förloras;
sans retour se perdent dans l’espace ;
 och majvind lyfter vingen
et le vent de mai soulève son aile
 som Eols bud och Floras,
comme un fils d’Eole et de Flore,
 
 men det är rök kring tingen,
mais il y a une fumée autour des choses,
 och luften känns mig trång.
et l’air m’apparaît vicié.

*

 Jag vandrar mot ett drömland,
Je marche vers un lieu de rêve,
 jag vet ej vad det heter,
Je ne sais comme il s’appelle,
 ett bergland, ett strömland,
pays de montagnes, pays de cascades,
 
 där luften är som eter,
où l’air est tel que l’éther,
 där alla grenar gunga
où toutes les branches balancent
 hänryckningens poeter
les poètes extatiques
 och alla vindar sjunga
et où les vents chantent
 det nya livets sång.
la chanson de la nouvelle vie.

*

 Det står i syner skära,
Il apparaît dans des teintes rosées,
när dagarna bli korta,
lorsque les jours deviennent courts,
 och kanske är det nära,
et peut-être est-il là,
men kanske fjärran borta;
mais peut-être aussi là-bas ;
och jag är tung till sinnes
et j’ai l’esprit tellement affligé
 av allt jag haft att bära
par tout ce que j’ai dû supporter
 
  och allting ont jag minnes,
et tout le mal dont je me souviens,
 och vägen blir mig lång.
et la route devient si longue.

*

 Så ger jag åt en annan
Donc, je donne à un autre
 
 min stav, mitt pilgrimsbälte.
ma canne, ma ceinture de pèlerin.
 Hell dig med ljusa pannan
Salut à toi, toi et ton front lumineux
 och blick av munter hjälte!
et ton regard de héros épanoui !
 Sök bortom berg och strömmar
Recherche au-delà des montagnes et des ruisseaux
 
 min ökensyn som smälte.
Ma vision du désert qui s’est enfuie.
 Jag ger dig mina drömmar
Je te donne mes rêves
 som arv och laga fång.
en patrimoine et en héritage.

*

 Och du har allt att vinna
Et tu as tout à y gagner
och intet att försona,
et rien à perdre,
 och fort kan lyckan tvinna
mais la chance aussi peut tordre
 den djärves lagerkrona.
la couronne de l’aventureux.
 Och du är lätt i stegen,
Tu parcours facilement les étapes,
 och kanske skall du hinna
et peut-être attraperas-tu
den nejd som är din egen,
le pays qui est le tien,
  min son, en gång, en gång.
mon fils, une fois de plus.

******************
Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
******************

testamente Karlfeldt poesi 1918
testament poésie Karlfeldt 1918

Den flyende kungen KARLFELDT Poet Poesi – Texte et Traduction du poème : La Fuite du Roi

Den flyende kungen Karlfeldt Poet La Fuite du Roi Poésie Erik Axel Karlfeldt Poésie Artgitato Traduction

Traduction – Texte Bilingue
Erik Axel Karlfeldts dikter
Karlfeldt poet
Den flyende kungen KARLFELDT Poesi
La Fuite du Roi KARLFELDT Poésie


LITTERATURE SUEDOISE
POESIE SUEDOISE

svensk litteratur
svensk poesi

Erik Axel Karlfeldt
1864 – 1931

 

 

Traduction Jacky Lavauzelle

Flora och Pomona
&
FLORE & POMONE

1918


Den Flyende Kungen

La Fuite du Roi

 *

Nyss var jag konung. Fredlös genom riket
Récemment, j’étais encore roi. Désormais renégat
  jag flyr i dag, förhungrande. I diket
Je cherche refuge la journée, affamé. dans le fossé
jag dignar, piskad av en hagelvind.
je gémis, fouetté par un vent de grêle.
Omkring mig frodas tiggareranunkel.
Autour de moi prospèrent les renoncules scélérates.
  Jag trycker bladen hårt mot hand och kind.
Je serre les feuilles avec ma main sur la joue.
Då drager giftet sårnad och karbunkel,
Le poison entraîne des tumeurs et des lésions,
och när jag nalkas byn, står folk vid grind:
et quand je m’approche d’un village, se lèvent les gens à leur porte :
 « Tvi, se en spetälsk », kastar till mig bröd
« Bah ! Un lépreux ! » et me jettent du pain
och rymmer vägen för kung Skam och Död.
et se détournent du chemin du roi de la Honte et la Mort.

********************
Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
********************

Den flyende kungen Karlfeldt Poet Poesi 1918
La Fuite du Roi Poésie de Karlfeldt 1918