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PIAZZALE DEI MARTIRI ROMA – LE CARRE DES MARTYRS ROME : Damiano Chiesa, Francesco Rismondo, Cesare Battisti, Nazario Sauro, Fabio Filzi

ROME – ROMA- 罗马
PIAZZALE DEI MARTIRI ROMA
LA VILLA BORGHESE
贝佳斯别墅

 

Armoirie de Rome

 Photos  Jacky Lavauzelle

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Flag_of_Lazio


Les Bustes de la Villa Borghèse
I busti della villa Borghèse
PIAZZALE DEI MARTIRI
Le Carré des Martyrs

PIAZZALE DEI MARTIRI ROMA - LE CARRE DES MARTYRS ROME artgitato

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Damiano Chiesa
1894-1916
Militaire & Patriote Italien
Militare & Patriota Italiano

 PIAZZALE DEI MARTIRI ROMA - LE CARRE DES MARTYRS ROME artgitato Damiano Chiesa artgitato

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Francesco Rismondo
1885-1915
Patriote Italien
Patriota Italiano

PIAZZALE DEI MARTIRI ROMA - LE CARRE DES MARTYRS ROME artgitato Franceso Rismondo

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Cesare Battisti
1875-1916
Journaliste & homme politique
Giornalista & politico
Révolutionnaire irrédentiste
Irredentista italiano
Il a consacré sa vie à sa région, le Trentin
Dedicò la vita alla causa della sua regione, il Trentino

PIAZZALE DEI MARTIRI ROMA - LE CARRE DES MARTYRS ROME artgitato Cesare Battisti

 

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Nazario Sauro
1880-1916
Patriote Irredentiste Italien
Patriote Irredentista Italiano

Nazario_Sauro

PIAZZALE DEI MARTIRI ROMA - LE CARRE DES MARTYRS ROME artgitato Nazario Sauro

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Fabio Filzi
1884-1916
Patriote Irredentiste Italien
Patriota Irredentista Italiano

Fabio_FilziPIAZZALE DEI MARTIRI ROMA - LE CARRE DES MARTYRS ROME artgitato Fabio Filzi

L’Irrédentisme

FRANCIS CHARMES
Chronique de la quinzaine, histoire politique
14 juin 1903
LA REVUE DES DEUX MONDES
Tome 15 – 1903

« L’Italie vient de traverser une crise d’irrédentisme qui a éclaté subitement, et n’est peut-être pas encore tout à fait terminée. Elle n’en est pas loin toutefois. Le gouvernement devait prendre, et a pris effectivement des mesures pour en empêcher le développement. Si peu qu’elle ait duré, elle a suffi à jeter des lumières dans les profondeurs de l’opinion italienne. Ce mot est peut-être excessif. Nous ne savons pas au juste si l’irrédentisme est aujourd’hui chez nos voisins un sentiment vraiment profond ; mais il est à coup sûr très vif. On aurait tort de croire que le feu soit éteint ; il est seulement assoupi.
Malgré la révolution prodigieuse qui s’y est faite depuis moins de cinquante ans et qui a créé son unité, l’Italie ne regarde pas ses destinées comme accomplies. Tout le monde sait que certaines provinces autrichiennes sont considérées par elle comme lui appartenant. Ce sont : le Tyrol, que la géographie semble lui attribuer en effet, et Trieste où la majorité de la population est italienne. C’est donc à la fois au nom de la géographie et au nom de la race que l’Italie forme à l’endroit de ces parties du territoire autrichien comme une revendication secrète, mais qui se réveille à l’occasion, comme le fait l’a montré. »

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Fiume, l’Adriatique et les rapports franco-italiens
LA REVUE DES DEUX MONDES
Tome 1 – 1921

« C’est qu’en avril 1915 il n’existait en Italie ni mouvement d’opinion, ni tradition politique en faveur de l’annexion de Fiume. Aucun Italien n’en parlait et très rares devaient être ceux qui y pensaient. Trente et Trieste résumaient pour la masse l’irrédentisme national. Le nom de Fiume n’avait à aucun degré la même signification, n’exerçait nullement le même pouvoir d’attraction. Au-dessus de la foule, une élite étendait sans doute son irrédentisme aux peuplements italiens de la rive orientale de l’Adriatique ; entendait, en même temps que la voix du sang, celle des souvenirs historiques, qui lui parlaient de l’empire de Venise et même de l’Empire romain ; faisait enfin entrer en ligne de compte des considérations politiques, stratégiques et économiques. Mais c’était là un irrédentisme principalement intellectuel. Les noms de Fiume et de Dalmatie n’étaient évocateurs d’italianité et de domination ancienne qu’à l’esprit d’un petit nombre d’Italiens. Économiquement, Trieste paraissait une aubaine suffisante à satisfaire les plus difficiles. Stratégiquement, le port commercial de Fiume ne présentait aucun intérêt ; Pola et Vallona semblaient devoir, avec Tarente, assurer la maîtrise de l’Adriatique : la possession ou la simple neutralisation du littoral et des îles dalmates achèveraient de garantir la sécurité de la côte italienne. Politiquement, personne ne s’attendait à l’entière dislocation de l’Empire austro-hongrois ; et laisser un débouché sur l’Adriatique à la Croatie, province de la Hongrie ou partie d’une monarchie trialiste, paraissait une concession logique et dépourvue d’inconvénient. Tel est l’état d’esprit qui a été celui des négociateurs italiens de la Convention de Londres, d’où est résultée la rédaction même de l’acte, et qui leur a permis d’avoir, en le signant, la conscience en repos. La plus exigeante des consciences italiennes s’en fût satisfaite alors comme celle de ces grands Italiens, les Sonnino, les Salandra. »

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FRANCESCO CRISPI (1819-1901), TRIPLE ALLIANCE ET IRREDENTISME

CHARLES DE MAZADE
CHRONIQUE DE LA QUINZAINE
HISTOIRE POLITIQUE ET LITTERAIRE
14 OCTOBRE 1890
LA REVUE DES DEUX MONDES
TOME 1
« M. Crispi, en habile homme, a surpris un peu son monde ; il a prononcé un discours qui est tout à la fois une déclaration de guerre à tout ce qui est révolutionnaire, à l’irrédentisme, c’est-à-dire à la revendication des terres italiennes séparées encore du royaume, — et une profession de foi en faveur de la monarchie, surtout en faveur de la triple alliance. La guerre à l’irrédentisme, la monarchie, la triple alliance, tout cela se tient ! Sans doute, il y a longtemps déjà que M. Crispi a rompu ses vieux liens républicains, qu’il n’a point hésité à déclarer que la monarchie était la plus sûre gardienne, la seule garantie de l’unité italienne ; il n’avait pas à renouveler sa profession de foi. Il y a moins longtemps, il faut l’avouer, qu’il s’est décidé contre l’irrédentisme ; sa conversion est même d’une date assez récente, et en vérité il n’est rien de tel que d’avoir été un fougueux irrédentiste pour exécuter d’anciens amis devenus gênants, M. Crispi a fait son exécution avec dextérité, sans regarder derrière lui. Il a désavoué l’irrédentisme parce qu’il ne pouvait pas faire autrement, sans rompre avec l’Autriche, — et le premier objet qu’il se proposait était justement l’apologie de la triple alliance. »

 

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Piazzale dei Martiri Roma

ENRICO TOTI – VILLA BORGHESE – MONUMENTO A ENRICO TOTI

ROME – ROMA
LA VILLA BORGHESE

Armoirie de Rome

 Photos  Jacky Lavauzelle

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Flag_of_Lazio

MONUMENTO A ENRICO TOTI
1922

(1882-1916)

Monumento realizzato da Arturo Dazzi (1922)
Monument réalisé en 1922 par Arturo Dazzi
ARTURO DAZZI
scultore e pittore
sculpteur & peintre
(1881-1966)

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Enrico Toti
Eroi d’Italia

Héros d’Italie

Romain, homme du peuple
un Romano – uomo del popolo
Il symbolise l’abnégation et le patriotisme
Simbolo del patriottismo

Amputé de la jambe gauche (accident du travail)
Amputata la gamba sinistra (incidente sul lavoro)

Avant la Grande Guerre, fait un Tour d’Europe avec sa seule jambe valide.
Giro d’Europa in bicicletta (con una gamba sola)

Se fait mobiliser à la Guerre grâce à de faux papiers
(fece carte false )

«Gli eroi muoiono tutti, e per una causa provvidenziale questi eroi non soffrono»
« Les héros meurent tous, et pour une cause providentielle quels héros ne souffrent pas. »

 

Enrico Toti in trincea nel 1916 dans les tranchées Villa Borghese 1916

Prima puntata de « I GRANDI ITALIANI di RADIO ARTOM », programma ideato e condotto da Manfredi Beninati e Vincenzo Profeta che quì parlano di Enrico Toti, l’eroe della Grande Guerra con una sola gamba.
Premier épisode de programme « LES GRANDS ITALIENS » créé et dirigé par Manfredi Beninati et Vincenzo Prophète qui parle ici de Enrico Toti, le héros de la Grande Guerre avec une jambe.

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« Bella non piangere » – 1954
Film

un film di Davide Carbonari girato nel 1954 ed ispirato alla vicenda di Enrico Toti, uno degli eroi della prima guerra mondiale
Un film de David Carbonari (1954) inspiré de la vie d’Enrico TOTI

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 Villa Borghese EnricoToti artgitato 1 Villa Borghese EnricoToti artgitato 2 Villa Borghese EnricoToti artgitato 3 Villa Borghese EnricoToti artgitato 4 Villa Borghese EnricoToti artgitato 5 Villa Borghese EnricoToti artgitato 6 Villa Borghese EnricoToti artgitato 7

 

La morte di Enrico Toti nella copertina della Domenica del Corriere Villa Borghese artgitato

Черна песен – Димчо Дебелянов – Poème Bulgare de Dimcho Debelyanov – Chanson Noire (1910)

България – Български
Dimcho Debelyanov
Черна песен – Димчо Дебелянов

Traduction – Texte Bilingue
Превод – показване на два текста


LITTERATURE BULGARE
POESIE BULGARE

българската поезия
българска литература

Димчо Дебелянов
Dimcho Debelyanov
1887 – 1916

Черна песен
Chanson Noire
1910

Аз умирам и светло се раждам –
Je meurs et renais à la lumière
разнолика, нестройна душа, 
éclatée, mon âme est en vrac,
през деня неуморно изграждам,
la journée sans relâche je construis,
през нощта без пощада руша.
la nuit sans pitié je détruis.

*

Призова ли дни светло-смирени, 
Je désire une journée simple,
гръмват бури над тъмно море,
le
s orages couvrent la mer assombrie,
а подиря ли буря – край мене 
Je cherche une tempête à moi
всеки вопъл и ропот замре.
des cris et le murmure des morts.

*

За зора огнеструйна копнея, 
je désire des aubes ardentes
а слепи ме с лъчите си тя, 
mais leurs lumières m’aveuglent,
в пролетта като в есен аз крея, 
au printemps et à l’automne, je languis,
в есента като в пролет цъфтя.
à l’automne et au printemps, j’espère.

*

На безстрастното време в неспира
Sur impassible fuite incessante du temps
гасне мълком живот неживян 
ma vie non vécue s’estompe en silence
и плачът ми за пристан умира,
et mon cri meurt sur le quai
низ велика пустиня развян. 
et dans un grand désert plonge.

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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Dimcho Debelyanov
Димчо Дебелянов

Излиза за пръв път в сп. « Съвременник »,
г. II, кн. 6 от 15.V.1910 г.

Première parution dans le magazine « Contemporain »
sur II, Vol. 6, le 15 mai 1910

VERDUN ON NE PASSE PAS 1916 Chanson de Jack Cazol & Eugène Joullot Musique de René Mercier

SELECTION ARTGITATO
CHANSON FRANCAISE
 

PAROLES de Jack CAZOL  (1874-1935)
& Eugène JOULLOT (1872-1941)
MUSIQUE de René MERCIER (1867-1945)

 

Verdun on ne passe pas Chanson Militaire Sélection Artgitato


Verdun ! On ne passe pas!

Chanson Militaire
1916

Un aigle noir a plané sur la ville,
Il a juré d’être victorieux,
De tous côtés, les corbeaux se faufilent
Dans les sillons et dans les chemins creux.
Mais tout à coup, le coq gaulois claironne :
Cocorico, debout petits soldats !
Le soleil luit, partout le canon tonne,
Jeunes héros, voici le grand combat.

Et Verdun, la victorieuse,
Pousse un cri que portent là-bas
Les échos des bords de la Meuse,
Halte là ! on ne passe pas…
Plus de morgue, plus d’arrogance,
Fuyez barbares et laquais,
C’est ici la porte de France,
Et vous ne passerez jamais.

Les ennemis s’avancent avec rage,
Énorme flot d’un vivant océan,
Semant la mort partout sur son passage,
Ivres de bruit, de carnage et de sang;
Ils vont passer… quand relevant la tête,
Un officier dans un suprême effort,
Quoique mourant, crie : À la baïonnette
Hardi les gars, debout, debout les morts !

Et Verdun, la victorieuse,
Pousse un cri que portent là-bas
Les échos des bords de la Meuse,
Halte là ! on ne passe pas…
Plus de morgue, plus d’arrogance,
Fuyez barbares et laquais,
C’est ici la porte de France,
Et vous ne passerez jamais.

Mais nos enfants, dans un élan sublime,
Se sont dressés; et bientôt l’aigle noir,
La rage au cœur impuissant en son crime,
Vit disparaître son suprême espoir.
Les vils corbeaux devant l’âme française
Tombent sanglants, c’est le dernier combat
Pendant que nous chantons la Marseillaise,
Les assassins fuient devant les soldats.

Et Verdun, la victorieuse,
Pousse un cri que portent là-bas
Les échos des bords de la Meuse,
Halte là ! on ne passe pas…
Plus de morgue, plus d’arrogance,
Fuyez barbares et laquais,
C’est ici la porte de France,
Et vous ne passerez jamais.

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verdun on ne passe pas

LES GRANDS PAROLIERS DE LA CHANSON FRANCAISE

LES GRANDS COMPOSITEURS DE LA CHANSON FRANCAISE

Rubén Darío A ROOSEVELT Texte Espagnol & Traduction Française

 Rubén Darío
(1867-1916)
A ROOSEVELT

Rubén Darío A ROOSEVELT Artgitato Traduction Française et Texte Espagnol

Modernismo
Literatura en español

 

RUBEN DARIO A ROOSEVELT
A Roosevelt

¡Es con voz de la Biblia, o verso de Walt Whitman,
Il y a une voix de la Bible, ou un vers de Walt Whitman,
 que habría que llegar hasta ti, Cazador!
que je devrais posséder pour venir à toi, Chasseur !
  con un algo de Washington y cuatro de Nemrod.
Avec quelque chose de Washington et un peu plus de Nemrod.
Primitivo y moderno, sencillo y complicado,
Primitif et moderne, simple et compliqué,
Eres los Estados Unidos,
Tu es les Etats-Unis,
eres el futuro invasor
tu es le futur envahisseur
de la América ingenua que tiene sangre indígena,
de l’Amérique ingénue qui a du sang indigène,
que aún reza a Jesucristo y aún habla en español.
qui prie encore Jésus-Christ et parle encore en espagnol….
 

 

 

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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TOROS R. ET LE GENOCIDE ARMENIEN : LES CONVOIS DE LA MORT

Հայոց Ցեղասպանություն
LE GENOCIDE AMENIEN (1915-1916)
LE MEMORIAL DU GENOCIDE ARMENIEN
PAR TOROS R.
(Aix-en-Provence)

Mémorial Génocide Arménien Aix en P Toros R (3)

 LES CONVOIS
DE LA MORT

Après le Déluge, la barque de Noé retrouve la terre ferme sur le Mont Ararat (Արարատ), symbole national arménien. Ararat se retrouve désormais dans le district turc de Daroynk (Դարոյնք). Mais d’autres déluges, naturels et humains, sont là qui attendent de balayer la nation Arménienne.

Mémorial Génocide Arménien Aix en P Toros R (4)

 

« Il y a tellement de choses à raconter » lâche un rescapé du Génocide Arménien dans le film de  Laurence Jourdan. Il y a tellement à dire que les mots se retrouvent à ne plus vouloir sortir devant l’immensité de l’horreur. Comment parler du Mal ? Comment parler de ses proches qui sont tombés devant soi ? Mais les mots finissent par sortir. Toutes les oreilles n’entendent pas encore, mais les mots sont là. Même de la bouche de Saha, à qui l’on avait tranchée la gorge, les mots sortent. Et les visions d’horreur se succèdent. L’Enfer est là. Des hommes ont commis de tels actes. L’homme centenaire se lève et évoque comment il dormait debout dans ce chaos. Se coucher s’était mourir.  Comment dans les corps égorgés qui flottaient et qu’il voyait se trouvait peut-être celui de son père. Le choc est là. Entre les corps égorgés et jetés dans les rivières, ceux affamés découpés par les aigles et les chacals, ceux jetés dans les précipices, ou simplement abattus comme des chiens, ceux vendus comme esclaves et ceux entassés sous des amas de corps, parfois encore en vie. Ces massacres sont ceux d’une horreur de notre histoire, à nous humains, de l’Horreur, dans une Anatolie démembrée et chaotique au cœur d’un monde plongé dans la première guerre mondiale. Une horreur dans le chaos du monde.

Certains auront la chance de survivre à l’indicible comme les 4200 sauvés par l’Amiral Dartige du Fournet, avec son croiseur Guichen, dans la pointe nord de la Baie d’Antioche en 1915. Les rescapés seront sauvés et verront enfin le bout du tunnel à Port-Saïd, mais garderont les stigmates de l’horreur à jamais dans leur chair et dans leurs nuits. Ce sauvetage ne lavera pas l’inaction des grandes puissances mais participera à la reconnaissance par le monde entier, sauf de la Turquie, du génocide.    

Mémorial Génocide Arménien Aix en P Toros R (2)

« Il y a tellement de choses à raconter » et il faut les raconter.  C’est arrivé aux portes de l’Europe, un déferlement inouï de haines et de violences sur ces Arméniens des six provinces qui se transforment en de terribles Provinces-abattoirs, comme le soulignera Leslie A. Davis (La province de la mort).

A Alep, en Syrie, est né, le 12 décembre 1934, le sculpteur Toros R. pour Toros Rast-klan né Toros Rasguelénian. A Alep, nœud de l’horreur génocidaire,  où les déportés arméniens survivants épuisés se retrouvaient, ceux de l’Anatolie Occidentale, après avoir transité par Konya puis Bozanti, ceux de l’est et du sud-est passés par Ra’s al-‘Ayn ( رأس العي), ceux du nord, ceux de Sivas (Սեբաստիա) , de Kharpout (Խարբերդ),  ou de Muş (Մուշ) qui traversèrent le camp de transit de Malatya (Մալաթիա) . A Alep, l’horreur ne finit pas. La route des supplices continue. Les rares survivants n’auront toujours pas fini leur calvaire. Ils repartiront, les uns vers le désert de Syrie, les autres vers celui de Mésopotamie.

Nous sommes en pleine guerre et de nombreux wagons sont réquisitionnés par l’armée. Mais le plan de déportation est établi et scrupuleusement respecté par les autorités. Les Arméniens partiront, à pied jusqu’à ce que mort s’ensuive.  Le Comité d’Union et Progrès de Constantinople établira même son centre opérationnel à Erzeroum (Կարին) afin de mieux planifier et contrôler le bon déroulement des déportations. Ce comité n’ayant pas trouvé de réelle solution finale que trouveront quelques années plus tard les nazis. La solution sera donc, in fine, l’épuisement des corps. Mais le corps résiste. Et la vie s’acharne quelquefois contre le plan systématique des Turcs.

 Entre la Mer Noire et la Mer Caspienne, la population arménienne d’Anatolie a été massacrée, torturée, déplacée entre 1915 et 1916, perdant près des 2/3 de ces membres.

Mémorial Génocide Arménien Aix en P Toros R (6)Le film de Laurence Jourdan, Le Génocide Arménien,  s’ouvre sur un vieil arménien de 101 ans, Artem Ohanian,  qui raconte : « Les Arméniens ont été tués comme des moutons. Nous avons été persécutés de diverses manières. On nous a éliminés avec toutes sortes d’armes. Les Turcs nous traitaient de traîtres d’infidèles. Qu’avions nous fait ? Quelle faute avions-nous commis? »

Au milieu des empires, au milieu des turbulences de la guerre, du bouleversement des alliances, les Arméniens se retrouvent seuls dans  une Arménie elle-même déchirée entre le Caucase et l’Anatolie, entre Erevan (Երևան) et Van (Վան).  L’arménien est la seule langue indo-européenne dite agglutinante. L’Arménie  agglutine aussi de nombreux handicaps. Il y a plus aujourd’hui d’arméniens dans la diaspora que dans le pays lui-même, indépendant depuis 1991. Il est enclavé entre trois acteurs majeurs : les Turcs, les Russes et les Perses. Le peuple arméniens a subi les occupations multiples et incessantes, des Partes, des Arabes, des Byzantins, des Mongols, des Perses, des Ottomans, des Russes, puis des Soviétiques. Des tremblements de terre meurtriers dont le dernier a fait 30 000 morts.

Les Arméniens, différents par la culture, la religion, un christianisme monophysite que l’on retrouve en Ethiopie, où le Fils à une seule nature divine, la langue, mélange de grec et d’araméen, cristallisent les vexations, les rancœurs des turcs depuis le démantèlement de leur territoire enclenché depuis leur échec à Vienne. Et peu importe si les Arméniens participent de plus en plus à la vie du pays, voire au gouvernement, peu importe s’ils sont nombreux à participer entre décembre 1914 et janvier  1915 à la bataille de Sarikamis afin de reprendre la ville de Kars (Ղարս) aux Russes. Peu importe si Enver Pacha, ministre de la guerre et généralissime de l’armée impériale écrit à l’Evêque de Konya, le 26 février 1915 : « les soldats arméniens ottomans remplissent consciencieusement leurs devoirs sur le théâtre de la guerre, ce que j’ai pu constater de ’visu’. Je vous prie donc de transmettre l’expression de ma satisfaction et de ma gratitude à la nation arménienne, connue de tous temps par son attachement au gouvernement impérial ottoman. »

Mémorial Génocide Arménien Aix en P Toros R (1)

Les préjugés sont là, tenaces. La population turque musulmane subissant des vexations militaires, des démembrements successifs, les pressions de l’Entente dans les Dardanelles, la pression des russes sur le Caucase entendront et verront les quelques arméniens qui se rallient aux russes ou ceux qui s’opposent à l’injustice de l’impôt sur les non-musulmans et à l’inégalité en droit des communautés religieuses. Il faut un bouc-émissaire afin de ressouder le sentiment national. Tous les Arméniens deviendront des traîtres et des ennemis.

Déjà entre 1894 et 1896, le panislamisme d’Abdülhamid II donne un avant-goût du génocide avec le massacre de 250000 arméniens. En 1908, suite à l’arrivée au pouvoir du mouvement Jeunes-Turcs, et à la victoire des unionistes sur les fédéralistes libéraux, 25000 arméniens de Cilicie sont massacrés à Adana. Il faut purifier la Turquie en éliminant tous les infidèles. Il faut désormais turquifier l’Anatolie. Les minorités n’ont plus leur place. Il faut les déplacer et les délocaliser. Viendra le moment des grandes déportations où les arméniens, souvent à pied, subiront le calvaire, les exécutions, les attaques des kurdes, la famine et la mort.

A Aix-en-Provence, entre deux lieux importants et très fréquentés, la Place du Général de Gaule et la Place François Villon pour les aixois, au bout du célèbre Cours Mirabeau, se trouve dans un endroit calme et reposant la statue de Toros, le mémorial aux victimes du génocide Arméniens de 1915. Sur un socle imposant, l’homme est à genoux, la tête inclinée. La vie est encore là. La chemise déchirée, les genoux écartés, l’homme reste stable et une puissance émane du corps. Le corps, à l’image de la nation arménienne, résiste, contre toutes les atrocités, les combats et les coups du sort. La résistance est là et les bras se lèvent. L’homme épuisé ne baisse pas les bras. Au contraire. Il luttera jusqu’à son dernier souffle.  

 Une sculpture digne et belle, comme peut être beau, dans sa grandeur, ce sentiment de dépassement.  Alors que frappe le tortionnaire, la victime se grandit. Après le long calvaire et le long cheminement vers la mort, les arméniens et les arméniennes finissent par tomber. Mais le poing est là qui se tend.  Il faut regarder devant, maintenant, sans oublier le passé douloureux. « Il faut savoir, coûte que coûte, Garder toute sa dignité Et, malgré ce qu’il nous en coûte, S’en aller sans se retourner Face au destin qui nous désarme.  » (Charles Aznavour, Il faut savoir)

 Jacky Lavauzelle