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JE VEUX ÊTRE LE SOLEIL – POÈME DE NIKOLOZ BARATACHVILI – ნიკოლოზ ბარათაშვილი – არ უკიჟინო, სატრფოო

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POÈME DE NIKOLOZ BARATASHVILI
POÈME DE NIKOLOZ BARATACHVILI
ნიკოლოზ ბარათაშვილი
LITTERATURE GEORGIENNE
ქართული ლიტერატურა
POESIE GEORGIENNE
ქართული პოეზია

GEORGIE – DECOUVERTE DE LA GEORGIE – საქართველოს აღმოჩენა

POEME DE NIKOLOZ BARATACHVILI NIKOLOZ BARATASHVILI
Géorgie
საქართველო

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

 

POEME DE NIKOLOZ BARATACHVILI - POEME DE NIKOLOZ BARATACHVILI NIKOLOZ BARATASHVILI

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POÉSIE GÉORGIENNE
ქართული პოეზია

NIKOLOZ BARATASHVILI
NIKOLOZ BARATACHVILI
ნიკოლოზ ბარათაშვილი

1817 წლის 4 დეკემბერი – 1844 წლის 21 ოქტომბერი
4 décembre 1817 – 21 octobre 1844

Nikoloz Baratachvili

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

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JE VEUX ÊTRE LE SOLEIL
არ უკიჟინო, სატრფოო
1841

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Tableau de Nana Lagidze



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არ უკიჟინო, სატრფოო, შენსა მგოსანსა გულისთქმა:
Ne blâme pas, aimée, la folle inspiration du poète :
მოკვდავსა ენას არ ძალუძს უკვდავთა გრძნობათ გამოთქმა!
  Le langage d’un mortel ne peut éclairer les sentiments immortels !

*


მინდა მზე ვიყო, რომ სხივნი ჩემთ დღეთა გარსამოვავლო,
Je veux être le soleil pour faire briller mes jours,
  საღამოს მისთვის შთავიდე, რომ დილა უფრო ვაცხოვლო.
Le soir, partir, pour apporter la force de vivre au petit matin….



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BLEU – POÈME DE NIKOLOZ BARATACHVILI – ნიკოლოზ ბარათაშვილი – ცისა ფერს, ლურჯსა ფერს… 1841

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POÈME DE NIKOLOZ BARATASHVILI
POÈME DE NIKOLOZ BARATACHVILI
ნიკოლოზ ბარათაშვილი
LITTERATURE GEORGIENNE
ქართული ლიტერატურა
POESIE GEORGIENNE
ქართული პოეზია

GEORGIE – DECOUVERTE DE LA GEORGIE – საქართველოს აღმოჩენა

POEME DE NIKOLOZ BARATACHVILI NIKOLOZ BARATASHVILI
Géorgie
საქართველო

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

 

POEME DE NIKOLOZ BARATACHVILI - POEME DE NIKOLOZ BARATACHVILI NIKOLOZ BARATASHVILI

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POÉSIE GEORGIENNE
ქართული პოეზია

NIKOLOZ BARATASHVILI
NIKOLOZ BARATACHVILI
ნიკოლოზ ბარათაშვილი

1817 წლის 4 დეკემბერი – 1844 წლის 21 ოქტომბერი
4 décembre 1817 – 21 octobre 1844

Nikoloz Baratachvili

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

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BLEU
ცისა ფერს, ლურჯსა ფერს…
1841

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Ivan Aïvazovski, Débarquement de la flotte de Raïevski à Soubashi,1839

****************

ცისა ფერს, ლურჯსა ფერს,
Le ciel a sa couleur, la couleur bleue,
პირველად ქმნილსა ფერს
La première couleur de la création…


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LA POÉSIE DE NIKOLOZ BARATACHVILI – ნიკოლოზ ბარათაშვილი –

Photo JL
LE MONUMENT A NIKOLOZ BARATASHVILI NIKOLOZ BARATACHVILI
ნიკოლოზ ბარათაშვილი
sculpture de Boris Tsibadze
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POÈME DE NIKOLOZ BARATASHVILI
POÈME DE NIKOLOZ BARATACHVILI
ნიკოლოზ ბარათაშვილი
LITTERATURE GEORGIENNE
ქართული ლიტერატურა
POESIE GEORGIENNE
ქართული პოეზია

GEORGIE – DECOUVERTE DE LA GEORGIE – საქართველოს აღმოჩენა

POEME DE NIKOLOZ BARATACHVILI NIKOLOZ BARATASHVILI
Géorgie
საქართველო

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

 

POEME DE NIKOLOZ BARATACHVILI - POEME DE NIKOLOZ BARATACHVILI NIKOLOZ BARATASHVILI

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POÉSIE GEORGIENNE
ქართული პოეზია

NIKOLOZ BARATASHVILI
NIKOLOZ BARATACHVILI
ნიკოლოზ ბარათაშვილი

1817 წლის 4 დეკემბერი – 1844 წლის 21 ოქტომბერი
4 décembre 1817 – 21 octobre 1844

Nikoloz Baratachvili

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

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LA POÉSIE DE
NIKOLOZ BARATACHVILI
ნიკოლოზ ბარათაშვილის პოეზია
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MEDITATION SUR LES BORDS DU MTKVARI
ფიქრნი მტკვრის პირას
1837

წარვედ წყალის პირს სევდიანი ფიქრთ გასართველად,
Mes pas lourds m’avaient conduit vers les eaux fraîches,
აქ ვეძიებდი ნაცნობს ადგილს განსასვენებლად;
Ici, à la recherche d’un lieu pour me détendre.

Le Mtkvari – Photo JL

NAPOLÉON
ნაპოლეონ
1838

ნაპოლეონმა გარდმოავლო თვალი ფრანციას,
Napoléon tourna ses yeux vers la France,
და თქვა: „აბაო ხელმწიფებამ რა შემიძინა?“
Et dit : « Mon règne, qu’a-t-il réalisé ?« 

Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard, Jacques-Louis David, musée du château de Malmaison

LA BOUCLE D’OREILLE
საყურე
O brinco
1839

ვითა პეპელა
Au vif papillon
Uma borboleta rápida, 
არხევს ნელნელა
Fais ralentit son vol
Abrandar o seu voo

BLEU
ცისა ფერს, ლურჯსა ფერს…
1841

ცისა ფერს, ლურჯსა ფერს,
Le ciel a sa couleur, la couleur bleue,
პირველად ქმნილსა ფერს
La première couleur de la création

Ivan Aïvazovski, Débarquement de la flotte de Raïevski à Soubashi,1839

JE VEUX ÊTRE LE SOLEIL
არ უკიჟინო, სატრფოო
1841

არ უკიჟინო, სატრფოო, შენსა მგოსანსა გულისთქმა:
Ne blâme pas, aimée, la folle inspiration du poète :
მოკვდავსა ენას არ ძალუძს უკვდავთა გრძნობათ გამოთქმა!
  Le langage d’un mortel ne peut éclairer les sentiments immortels !

Tableau de Nana Lagidze

LE TOMBEAU DU ROI EREKLE
საფლავი მეფის ირაკლისა
1842

მოვიდრეკ მუხლთა შენს საფლავს წინ, გმირო მხცოვანო,
Je viens à ta tombe à genoux, mon cher héros,
და ცრემლთ დავანთხევ შენს სახელზე, მეფევ ხმოვანო!
Et mes larmes baignent ton nom, ô mon roi !

Heraclius II de Géorgie

LA RIVIERE MTKVARI
ჩინარი
1844

RESHKA
Trilogie Partie I – « Trilogy part – I  » – « ტრილოგია ნაწილი – I » Reshka 05.19.2019
Oil on banner: 80 x 50 cm.
ზეთი ფირფიცარი: 80 x 50 სმ.

განმარტოებულს ფრიალოს კლდეზე სდგას ალვის ხისა ნორჩი ახალი,
Sur la falaise se dresse le long peuplier,
მრავალ-შტოვანი, მაგრილობელი, ჰაეროვანი, ტურფა, მაღალი.
Dont les innombrables branches se balancent, aériennes.

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LE MONUMENT A NIKOLOZ BARATACHVILI
ნიკოლოზ ბარათაშვილი
Boris Tsibadze
TBILISSI
1976

Nikoloz Baratachvili – Photo JL

En 1957, Boris Tsibadze participe au Festival international de la jeunesse et des étudiants de Moscou (« Portrait de la Vierge », Marbre, Galerie de tableaux de la Géorgie). Travaux :
N. Baratashvili (Bronze, 1976, Tbilissi),
Monuments de Pirosmanashvili (1961, pierre noire, musée Pirosmanashvili, Mirzaani)
Vazha Pshavela (arbre, 1963, ministère de la Culture de Géorgie, Tbilissi)
« Peace Guards » (1965, glossaire de la Géorgie)

LA POÉSIE D’AFANASSI FET – Поэзия Афанасси Фета

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LITTÉRATURE RUSSE
POÉSIE RUSSE
Русская литература
Русская поэзия
___________________________________
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AFANASSI FET
Афана́сий Афана́сьевич Шенши́н

5 décembre 1820 Novosselki, près de Mtsensk – 3 décembre 1892 Moscou
5 декабря 1820 г. Новоселки под Мценском – 3 декабря 1892 г. Москва

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TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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Poésie d’Afanassi Fet
*
Поэзия Афанасси Фета

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LA CASCADE
Водопад
1840

Там, как сраженный
Là, comme un terrassé
Титан, простерся
Titan prostré

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Hubert Robert, Paysage avec une cascade, 1802, Юбер Робер, Пейзаж с водопадом

**

LE BOULEAU TRISTE
1842
Печальная берёза

Печальная берёза
Un bouleau triste
У моего окна,
À ma fenêtre,

**

LA JOURNEE GRISE
1847
Непогода — осень — куришь…

Непогода — осень — куришь,
Temps exécrable – l’automne – la fumée,
Куришь — всё как будто мало.
La fumée – tout semble être étriqué.

**

LA CITE DANS LE CIEL 
1848
Воздушный город

Вон там по заре растянулся
Là-bas, à l’aube, s’allongeaient
Причудливый хор облаков:
De pâles et étranges nuages :

**

L’AUBE
1850
Шёпот, робкое дыханье

Шёпот, робкое дыханье,
Respiration, chuchotante et timide,
Трели соловья,
Doux trilles de rossignol,


**

LA MAIN & LE COEUR 
1853
Люди спят; мой друг, пойдём в тенистый сад

Люди спят; мой друг, пойдём в тенистый сад.
Les gens dorment ; mon ami, partons au jardin ombragé.
Люди спят; одни лишь звёзды к нам глядят.
Les gens dorment ; seules les étoiles nous regardent.

**

LA TEMPÊTE
Буря
1854

Свежеет ветер, меркнет ночь,
Le vent se rafraîchit, la nuit s’estompe,
А море злей и злей бурлит,
Et la mer écume d’une rage endiablée,

Ivan Aïvazovski, Иван Константинович Айвазовский, La Création ou Le Chaos, 1841, Сотворение или Хаос, Musée Arménien, Venise, Армянский музей, Венеция.

**

LA TERRE DES PENSÉES PURES
1862
Какая грусть! Конец аллеи

Какая грусть! Конец аллеи
Quelle tristesse! La ruelle là-bas
Опять с утра исчез в пыли,
Encore ce matin a disparu dans la neige,

Ivan Chichkine, Hiver, Иван Шишкин, Зима, 1890

**

EMBRASSER LE GLACIAL GRANIT
1862
Не избегай; я не молю…

Не избегай; я не молю
Ne fuie pas ; je ne prie
Ни слез, ни сердца тайной боли,
Ni ne pleure, sans secrète douleur du cœur,

**

UNE NUIT MYSTERIEUSE 
1864
В тиши и мраке таинственной ночи

В тиши и мраке таинственной ночи
Dans le silence et l’obscurité d’une nuit mystérieuse
Я вижу блеск приветный и милой,
Je vois une douce étincelle accueillante,

**

ALTER EGO
1878

Как лилея глядится в нагорный ручей,
Comme un lis regardant dans un ruisseau de montagne,
Ты стояла над первою песней моей,
Tu étais comme ma première chanson,

Isaac Levitan, Исаак Левитан, Silence, Тишина, 1898

**

MAINTENANT
Теперь
1883

Мой прах уснёт забытый и холодный,
Mes cendres vont s’endormir froides et oubliées,
А для тебя настанет жизни май;
Et toi tu pénètres dans le doux moi de mai ;

**

JE NE TE DIRAI RIEN
1885
Я тебе ничего не скажу

Я тебе ничего не скажу,
Je ne te dirai rien,
И тебя не встревожу ничуть,
Et je ne veux t’inquiéter nullement,


**

LA GRÂCE EST DANS MON ÂME
1886
Жаждою света горя

Жаждою света горя,
Une flamme assoiffée de lumière,
Выйти стыдится заря;
L’aube se dresse honteuse ;

**

DEVANT LES BEAUTES DU MONDE
Еще люблю, еще томлюсь…
1890

Еще люблю, еще томлюсь
Toujours amoureux, toujours languissant
Перед всемирной красотою
Devant la beauté du monde

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LA TEMPÊTE – Poème de AFANASSI FET – 1854 – Поэзия Афанасси Фета – Буря

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LITTÉRATURE RUSSE
POÉSIE RUSSE
Русская литература
Русская поэзия
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Poésie d’Afanassi Fet
Поэзия Афанасси Фета


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AFANASSI FET
Афана́сий Афана́сьевич Шенши́н

5 décembre 1820 Novosselki, près de Mtsensk – 3 décembre 1892 Moscou
5 декабря 1820 г. Новоселки под Мценском – 3 декабря 1892 г. Москва

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TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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LA TEMPÊTE
Буря
1854

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Ivan Aïvazovski, Иван Константинович Айвазовский, La Création ou Le Chaos, 1841, Сотворение или Хаос, Musée Arménien, Venise, Армянский музей, Венеция.

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Свежеет ветер, меркнет ночь,
Le vent se rafraîchit, la nuit s’estompe,
А море злей и злей бурлит,
Et la mer écume d’une rage endiablée,
И пена плещет на гранит —
Et les vagues fracassent le calme granit –
То прянет, то отхлынет прочь.
Elles se dressent, puis s’éloignent.

Всё раздражительней бурун;
Le vacarme du ressac s’accroît ;
Его шипучая волна
Sa vague effervescente
Так тяжела и так плотна,
Devient si lourd et si compacte
Как будто в берег бьет чугун.
Comme si la fonte frappait le rivage.

Как будто бог морской сейчас,
Comme si le dieu de la mer maintenant
Всесилен и неумолим,
Omnipotent et implacable,
Трезубцем пригрозя своим,
Menaçant de son trident
Готов воскликнуть: «Вот я вас!»
S’exclamait : « Je vous suis ! »

1854



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LA POÉSIE DE VLADISLAV KHODASSÉVITCH – ПОЭЗИЯ ВЛАДИСЛАВА ХОДАССЕВИЧА

*Антология русской поэзии
Anthologie de la Poésie Russe
*


LITTERATURE RUSSE
русская литература

стихотворение  – Poèmes

Traduction Jacky Lavauzelle 

Vladislav Khodasevich
Vladislav Khodassevitch

 

 né le 16 mai 1886 Moscou – 14 juin 1939 Billancourt

 

ПОЭЗИЯ ВЛАДИСЛАВА ХОДАССЕВИЧА

LA POÉSIE DE VLADISLAV KHODASSÉVITCH

*******************

__________
1904
__________

CRÉPUSCULE NEIGEUX
Сумерки снежные

Сумерки снежные. Дали туманные.
Crépuscule neigeux. Silhouettes brumeuses.
Крыши гребнями бегут.
Les toits sont des crêtes maritimes.

Ivan Aïvazovski, Айвазовский, Иван Константинович, Ночь в Гурзуфе, 1891

__________
1907
__________

LES NUITS
Ночи

Чуть воют псы сторожевые.
Des lointains hurlements de chiens.
Сегодня там же, где вчера,
Aujourd’hui tout comme hier,

Ivan Aïvazovski, Айвазовский, Иван Константинович, Гнев морей, La Colère des mers, 1886

__________
1913
__________

L’ACROBATE
Акробат

От крыши до крыши протянут канат.
Une corde est tendue entre deux toits.
Легко и спокойно идет акробат.
Facile et silencieux, marche l’acrobate.

Marc Chagall, timbre de Biélorussie

__________
1915
__________

LA SOLITUDE
Уединение

Заветные часы уединенья!
Précieuses heures de solitude !
Ваш каждый миг лелею, как зерно;
Chaque instant je chéris, comme une graine ;

Pavel Filonov,Autoportrait,1921,Selfportrait,Павел Филонов, Автопортрет

__________
1916 – 1917
__________

LES MAUVAIS POÈMES
Хорошие стихи меня томят

Хорошие стихи меня томят,
Les bons poèmes me tourmentent,

Плохие же так милы почему-то:
Les mauvais, eux, sont si mignons, sans raison aucune :

Ivan Aïvazovski, Иван Константинович Айвазовский, Naufrage, Кораблекрушение,1876

__________
1917
__________

LA TRACE DE L’ÂME
Золото

В рот — золото, а в руки — мак и мед:
De l’or dans la bouche, du pavot et du miel dans les mains :
Последние дары твоих земных забот.
Les derniers cadeaux de vos préoccupations terrestres.

Ivan Aïvazovski, Айвазовский, Иван Константинович, Moulins à vent en bord de mer, 1837

__________
1917 – 1918
__________

CHERCHEZ-MOI !
Ищи меня

Ищи меня в сквозном весеннем свете.
Cherchez-moi dans la lumière du printemps.
Я весь — как взмах неощутимых крыл,
Je suis un vol d’ailes imperceptibles,

Ivan Aïvazovski Айвазовский Иван Константинович Хаос. Сотворение мира. 1841 Chaos, la Création du monde Musée Arménien de Venise

__________
1918 – 1919
__________

LE SINGE
Обезьяна

Была жара. Леса горели. Нудно
Il faisait chaud. Les forêts se consumaient. Paresseux,
Тянулось время. На соседней даче
Passait le temps. Au chalet voisin

Singe devant un squelette, Gabriel von Max , Обезьяна перед скелетом, Габриэль фон Макс

__________
1921
__________

LA VAPEUR DES MARAIS
Иду, вдыхая глубоко

Иду, вдыхая глубоко
Je marche, respirant profondément
Болот Петровых испаренья,
Les vapeurs des marais,

**

J’AIME LES GENS
Люблю людей, люблю природу

Люблю людей, люблю природу,
J’aime les gens, j’aime la nature,
Но не люблю ходить гулять,
Mais je n’aime pas me promener,

Pieter Brueghel l’Ancien , Питер Брейгель Старший, Le Paysan et le voleur de nid, Крестьянин и гнездовой разбойник, 1568

__________
1923
__________

N’ATTENDS RIEN
Не жди, не уповай, не верь

Не жди, не уповай, не верь:
N’attends rien, n’aie pas confiance, ne crois pas :
Всё то же будет, что теперь.
Tout sera comme avant.

Alexej von Jawlensky, Алексей Георгиевич Явленский, Der Glöckner, Le Bossu,Горбун, 1905, Musée Lenbachhaus, Munich, Музей Ленбаххаус, Мюнхен

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L’AVEUGLE
СЛЕПОЙ

Палкой щупая дорогу,
Sentant la route avec son bâton,
Бродит наугад слепой,
Un aveugle erre au hasard,

La Parabole des aveugles, Pieter Brueghel l’Ancien, Питер Брейгель Старший, Притча о слепых, Дерево, масло, 1568

__________
1924
__________

DEVANT LE MIROIR
Перед зеркалом

Я, я, я. Что за дикое слово!
Moi, moi, moi. Quel mot sauvage !
Неужели вон тот — это я?
Est-ce moi cet homme là-bas – est-ce moi ?

Titien, Vénus au miroir, Тициан, Венера в зеркале
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CHERCHEZ-MOI ! Poème de Vladislav Khodassevitch – Владислав Ходасевич – Ищи меня – 1918

Ivan Aïvazovski
Айвазовский, Иван Константинович
Хаос. Сотворение мира. 1841
Chaos, la Création du monde
Musée Arménien de Venise

*Антология русской поэзии
Anthologie de la Poésie Russe
*


LITTERATURE RUSSE
русская литература

стихотворение  – Poèmes

Traduction Jacky Lavauzelle 

Vladislav Khodasevich
Vladislav Khodassevitch

 

 né le 16 mai 1886 Moscou – 14 juin 1939 Billancourt,

 

ПОЭЗИЯ ВЛАДИСЛАВА ХОДАССЕВИЧА

LA POÉSIE DE VLADISLAV KHODASSEVITCH

CHERCHEZ-MOI !
1917-1918
Ищи меня

*******************

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Ищи меня в сквозном весеннем свете.
Cherchez-moi dans la lumière du printemps.
Я весь — как взмах неощутимых крыл,
Je suis un vol d’ailes imperceptibles,
Я звук, я вздох, я зайчик на паркете,
Je suis un son, je suis un souffle, un léger rayon sur le sol,
Я легче зайчика: он — вот, он есть, я был.
Je suis plus léger encore : il était là, mais déjà s’en est allé.

*

Но, вечный друг, меж нами нет разлуки!
Mais, mon éternel ami, il n’y a nulle séparation entre nous !
Услышь, я здесь. Касаются меня
Hé ! je suis là ! Elles me touchent
Твои живые, трепетные руки,
Tes mains vives et tremblantes,
Простертые в текучий пламень дня.
Puis s’étirent dans la fluide flamme du jour.

*

Помедли так. Закрой, как бы случайно,
Résiste ! Baisse tes paupières
Глаза. Еще одно усилье для меня —
Sur tes yeux. Un dernier effort, pour moi,
И на концах дрожащих пальцев, тайно,
Et que les extrémités de tes doigts tremblants, secrètement,
Быть может, вспыхну кисточкой огня.
Soient les pinceaux d’un feu qui m’enflamment.



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20 декабря 1917 – 3 января 1918
20 décembre 1917 — 3 janvier 191
8

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PATRIE – POÉSIE DE MIKHAÏL LERMONTOV – 1841- Поэзия Михаила Лермонтова – Родина

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LITTÉRATURE RUSSE
POÉSIE RUSSE
Русская литература
Русская поэзия
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Poésie de Mikhaïl Lermontov
Поэзия Михаила Лермонтова
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MIKHAÏL IOURIEVITCH LERMONTOV
Михаи́л Ю́рьевич Ле́рмонтов
3 octobre 1814 Moscou – 15 juillet 1841 Piatigorsk
3 октября 1814 г. Москва – 15 июля 1841 г. Пятигорск

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TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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PATRIE
1841
Родина

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Люблю отчизну я, но странною любовью!
J’aime ma patrie, mais d’un étrange amour !
Не победит её рассудок мой.
Ma raison ne triomphera pas.
Ни слава, купленная кровью,
Ni sa gloire achetée dans le sang,


1841



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POEMES D’EMILY BRONTË – POEMS OF EMILY BRONTË

LITTERATURE ANGLAISE -English Literature – English poetry

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EMILY BRONTË
30 July 1818 – 19 December 1848
30 Juillet 1818 – 19 décembre 1848

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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POEMS OF EMILY BRONTË

POEMES D’EMILY BRONTË

The night is darkening round me
La Nuit tout autour de moi
1837

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POETICAL FRAGMENTS
‘TWAS OF THOSE DARK CLOUDY DAYS
Ces sombres jours
1838

‘Twas one of those dark, cloudy days
C’était l’un de ces sombres jours caligineux
That sometimes come in summer blaze,
Qui parfois recouvrent la flamboyance de l’été,

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I’m happiest when most away
Les Mondes de lumière
1838

I’m happiest when most away
Je suis la plus heureuse quand le plus loin possible
I can bear my soul from its home of clay
 Mon âme s’éloigne de son foyer d’argile


*

 Fair sinks the summer evening now 
Une Claire soirée d’été
1839

Fair sinks the summer evening now
Passe la claire soirée d’été
In scattered glory round;
Tout autour dans une gloire diffuse ;

 









Riches I hold in light esteem,
Les richesses, je les estime peu,
And Love I laugh to scorn;
Et l’amour, je le méprise ;

 






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No coward soul is mine
L’Âme ardente
1846

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 I’ll come when thou art saddest
Je viendrai quand tu seras vraiment triste

 

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SUPPLEMENT

LES DERNIERS JOURS D’EMILY

Pourtant, et malgré le sincère désir de la mort qu’elle a toujours laissé voir, Emily se sentait si nécessaire dans la maison qu’elle s’acharnait à vivre. On ne put obtenir qu’elle renonçât à une seule de ses occupations ordinaires. « Je n’ai jamais rien vu qui lui ressemblât, écrivait encore Charlotte. Plus forte qu’un homme, plus simple qu’un enfant. Le seul point affreux était que, pleine de sollicitude pour les autres, pour elle-même elle n’avait aucune pitié. De ses mains tremblantes, de ses jambes affaiblies, de ses pauvres yeux fatigués, elle exigeait le même service que quand elle était bien portante. Et c’était un supplice inexprimable d’être là auprès d’elle, d’assister à tout cela, et de ne rien oser lui dire. »




Le 18 décembre 1848, Emily, qui la veille encore avait pris froid dans une promenade sur les bruyères, s’obstina cependant à vouloir se lever. Elle commença à se peigner, assise près du feu. Le peigne tomba de ses mains ; elle essaya de se baisser pour le ramasser, mais elle était trop faible, elle ne put. Sa toilette finie, elle descendit au salon et se mit à un ouvrage de couture. Vers deux heures, elle était si pâle que ses sœurs la supplièrent d’aller se coucher. Elle refusa d’un signe de tête, fit un effort pour se lever, s’appuya sur le sofa, Elle était morte.




Le corps de cette chère jeune fille repose maintenant dans un caveau de l’église de Haworth, tout au sommet de cette colline qu’elle a si passionnément aimée. Son âme aussi, j’imagine, doit avoir obtenu la permission d’y demeurer à jamais, puisque tout autre séjour lui était impossible. Je crois bien même l’y avoir vue, dans la visite que j’ai faite à la petite église du village : c’était une âme pâle et douce, tout odorante du parfum des bruyères. Elle flottait devant moi ; mais quand je voulus l’approcher, je ne vis plus rien.




Je me réjouis pourtant de la savoir là, et j’en vins à envier l’heureux destin qui lui était échu. Elle n’a point connu, comme sa sœur Charlotte, les fortes émotions de la renommée ; mais le désir de la renommée n’a été pour elle « qu’un rêve léger qui s’est évanoui avec le matin ». Et la voici en revanche qui possède un privilège plus rare, la fidèle amitié de cœurs pareils au sien. Je n’oublierai pas de quelle touchante manière son nom me fut révélé pour la première fois. C’était à Dresde, sur la terrasse de Brühl, un soir d’été, il y a quatre ou cinq ans. L’orchestre du Belvédère jouait des valses dans le lointain ; une odeur tranquille me venait des jardins, par delà le fleuve ; et la jeune Anglaise avec qui je causais voulut bien m’avouer que, entre tous les romans, celui qu’elle préférait était Wuthering Heights, d’Emily Brontë. Elle eut pour me faire cet aveu un gracieux sourire un peu gêné, et baissa la tête, toute rougissante, comme s’il s’était agi d’une confidence trop hardie. Mais bientôt elle reprit courage : elle me récita, j’en jurerais, le roman tout entier ; elle me peignit le caractère d’Emily Brontë ; elle me dit comment ses amies et elle s’étaient promis de garder toujours un culte exclusif à cette noble mémoire. Oui, plus de quarante ans après sa mort, Emily excite encore dans les âmes des jeunes filles de son pays de pieux enthousiasmes. Et tandis que sa sœur Charlotte et George Eliot et Mistress Browning entrent peu à peu dans l’oubli, tous les jours arrivent de nouvelles guirlandes au tombeau de cette Emily Brontë, qui « joignait à l’énergie d’un homme la simplicité d’un enfant ».

Préface de Théodore de Wyzewa
Pour sa traduction de UN AMANT
D’Emily Brontë
1892







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LES TROIS SOEURS BRONTË
par/by Branwell Brontë
From left to right: Anne, Emily and Charlotte
De gauche à droite : Anne, Emily et Charlotte

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EMILY BRONTË The Old Stoic Le Vieux stoïque 1841

LITTERATURE ANGLAISE -English Literature – English poetry

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EMILY BRONTË
30 July 1818 – 19 December 1848
30 Juillet 1818 – 19 décembre 1848

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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THE OLD STOIC

LE VIEUX STOÏQUE

March 1841
Mars 1841

 




Riches I hold in light esteem,
Les richesses, je les estime peu,
And Love I laugh to scorn;
Et l’amour, je le méprise ;
And lust of fame was but a dream,
Et la luxure de la gloire : un rêve,
That vanished with the morn:
Disparu au petit matin :

 






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And if I pray, the only prayer
Et si je prie, la seule prière
That moves my lips for me
Qui meut mes lèvres
  Is, « Leave the heart that now I bear,
Est : « Laisse désormais le cœur que je porte,
 And give me liberty! »
Et donne-moi la liberté! »

 






*
Yes, as my swift days near their goal:
Oui, alors que mes derniers jours arrivent :
 ‘Tis all that I implore;
C’est tout ce que je demande ;
In life and death a chainless soul,
Dans la vie et dans la mort, une âme sans chaînes,
 With courage to endure.
Avec le courage de supporter.

 

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SUPPLEMENT

LES SOEURS BRONTË
VERS 1841

En 1841, Charlotte quitta de nouveau Haworth pour une position de gouvernante. Cette fois elle tomba dans une maison hospitalière et chez des maîtres bienveillants, mais elle s’aperçut bientôt que ce métier n’était décidément pas fait pour elle. La société des enfants ne convient pas aux personnes tristes et éprouvées par la douleur. Sa timidité lui créait une foule de petits obstacles. « Je ne sais comment faire pour réprimer la familiarité bruyante des enfans. J’éprouve une difficulté extrême à demander aux domestiques ou à ma maîtresse les choses qui me sont nécessaires, quelque besoin que j’en aie. J’ai moins de peine à supporter les plus grands embarras qu’à descendre à la cuisine pour prier qu’on m’en délivre. Je suis une folle, mais Dieu sait que je ne puis faire autrement. » Charlotte d’ailleurs à cette date avait l’esprit bien loin des occupations vulgaires auxquelles elle était assujettie. Dans sa tête commençaient à bouillonner confusément une foule de personnages, de paysages, d’aventures, qui cherchaient à se dégager de leurs limbes, et imploraient Charlotte de les faire venir au jour. Charlotte n’avait pas un instant à donner à l’imagination, qui devenait de plus en plus impérieuse. En outre, elle réfléchit que ce métier de gouvernante, avec des gages de 16 liv. (400 fr.) par an, n’était pas un avenir. Elle reprit le projet, déjà abandonné une fois, de tenir un pensionnat, Celui de miss Wooler était à vendre. Il lui avait été offert ; mais deux difficultés l’arrêtaient : il lui fallait un petit capital et deux années de travaux préparatoires dans l’étude du français et de l’allemand. Elle décida sa tante à risquer une petite somme qui devait être partagée entre les premiers frais d’établissement et les frais d’éducation supplémentaire qui lui était devenue indispensable. La tante consentit : Charlotte et Emilie partirent pour le continent et débarquèrent à Bruxelles, dans le pensionnat de M. Héger, où elles devaient compléter leur éducation.

 

 






Les deux sœurs transportèrent avec elles sur le continent les aiguillons de souffrance qui les avaient blessées sans relâche, et sentirent plus vivement leurs piqûres au milieu d’un monde étranger. Leur timidité était telle qu’une dame anglaise, qui les invitait de temps à autre à venir chez elle, cessa de le faire, parce qu’elle s’aperçut que ces invitations leur causaient plus de peine que de plaisir. Emilie prononçait à peine quelques monosyllabes : quant à Charlotte, elle causait quelquefois éloquemment, lorsqu’elle était en veine de sociabilité ; mais avant de se décider, elle avait l’habitude de se détourner sur sa chaise de manière à cacher son visage à son interlocuteur. Toutes les gaucheries de la solitude étaient désormais inséparables de leur personne. Les deux sœurs vécurent à peu près exclusivement dans la société l’une de l’autre ; elles avaient à Bruxelles deux amies d’enfance, l’une d’elles mourut bientôt. Ces deux écolières, dont l’une avait vingt-six ans et l’autre vingt, n’avaient dans leur exil qu’une pensée : apprendre bien vite ce qu’il leur était nécessaire de savoir et quitter ce monde maudit. Le continent leur faisait horreur. Tout autour d’elles était si différent de leur manière de vivre et de sentir. Elles flairaient des corruptions qui leur étaient inconnues. Jamais Scythe ou Germain antique n’a été plus scandalisé de la corruption de la Grèce et de Rome que ces deux petites sauvages du Yorkshire ne le furent des mœurs et du culte qu’elles avaient sous les yeux. Les impressions de Charlotte sont loin d’être favorables au continent en général, au peuple belge et à la religion catholique en particulier ; mais elles sont curieuses, et nous en transcrivons quelques-unes en lui en laissant toute la responsabilité.

« Si l’on doit juger du caractère national des Belges par le caractère de la plupart des jeunes filles de l’école, c’est un caractère singulièrement froid, égoïste, bête et inférieur. Elles sont très indociles, et donnent beaucoup de peine à leurs maîtresses. Leurs principes sont pourris au cœur. Nous les évitons, ce qui n’est pas difficile, car nous avons sur notre front la marque réprouvée du protestantisme et de l’anglicisme. On parle du danger auquel les protestants s’exposent en allant vivre dans les pays catholiques, où ils courent risque de perdre leur foi. Le conseil que je donnerai à tous les protestants assez assotés pour se faire catholiques est d’aller sur le continent, d’assister soigneusement à la messe pendant quelque temps, d’en bien noter les momeries, ainsi que l’aspect idiot et mercenaire de tous les prêtres, et puis, s’ils sont disposés à voir autre chose dans le papisme qu’un système de pauvres mensonges bien puérils, qu’ils se fassent papistes, et grand bien leur en advienne ! Je considère le méthodisme, le quakerisme et les opinions extrêmes de la haute et de la basse église comme des folies, mais le catholicisme romain surpasse tout cela. En même temps permettez-moi de vous dire qu’il y a quelques catholiques qui sont aussi religieux que peuvent l’être des chrétiens pour qui la Bible est un livre scellé, et qui valent mieux que beaucoup de protestants. »

Émile Montégut
critique français (1825 – 1895)
Miss Brontë, sa Vie et ses Œuvres
I. — La Vie anglaise, la Famille et la Jeunesse de Miss Brontë
Revue des Deux Mondes
2e, tome 10, 1857






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LES TROIS SOEURS BRONTË
par/by Branwell Brontë
From left to right: Anne, Emily and Charlotte
De gauche à droite : Anne, Emily et Charlotte

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