Стою печален на кладбище. Debout, je suis triste, là dans le cimetière. Гляжу кругом — обнажено Je regarde tout autour de moi – nue Святое смерти пепелище La cendre de la sainte mort И степью лишь окружено. Seulement cernée par la steppe…
… И деревянные кресты. D’où trônent des mornes croix de bois.
Подруга дней моих суровых, Compagne de mes heures implacables Голубка дряхлая моя! Ma colombe vénérable ! Одна в глуши лесов сосновых Au cœur d’une forêt de pins sylvestres…
… То чудится тебе … Il te semble …
1826
Gabriel Metsu, Vieille Femme méditant, v.1660-1662, Rijksmuseum, Amsterdam
Viktor Madarász – Hunyadi László a ravatalon (1859), Le deuil de Ladislas Hunyadi avec sa mère Erzsébet Szilágyi
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Hazádnak rendületlenűl
A ta patrie inébranlable Para sua pátria inabalável Légy híve, oh magyar;
Sois croyant, ô Magyar ; Seja um crente, ó magiar; Bölcsőd az s majdan sírod is,
C’est ton berceau et ton caveau, Este é o seu berço e o seu cofre Mely ápol s eltakar.
Qui te soigne et t’inhume. Quem te cura e te enterra.
*
A nagy világon e kivűl
Dans le grand monde, au-delà, No grande mundo, além, Nincsen számodra hely;
Il n’y a pas de place pour toi. Não há lugar para voce. Áldjon vagy verjen sors keze;
Béni ou maudit Abençoado ou amaldiçoado Itt élned, halnod kell.
Tu dois vivre ici, tu dois mourir. Você tem que viver aqui, você tem que morrer.
*
Ez a föld, melyen annyiszor
C’est la terre où tant de fois É a terra onde tantas vezes Apáid vére folyt;
Le sang de tes pères a coulé ; O sangue de seus pais fluiu; Ez, melyhez minden szent nevet
Cette terre que tous les saints noms Esta terra todos os nomes sagrados Egy ezredév csatolt.
Ont assemblé depuis un millénaire. Reunidos por mil anos.
*
Itt küzdtenek honért a hős
Ici, le héros se bat pour l’honneur Aqui, o herói está lutando pela honra Árpádnak hadai;
Dans les troupes d’Arpad ; Nas tropas de Arpad; Itt törtek össze rabigát
Ils sont déchaînés ici Eles estão furiosos aqui Hunyadnak karjai.
Les bras de l’immense Hunyad. Os braços do enorme Hunyad.
*
Szabadság! itten hordozák
Liberté ! Ici, contemple le théâtre Liberdade! Aqui, contemple o teatro Véres zászlóidat,
Où se sont ensanglantées tes bannières, Onde seus banners estão sangrando, S elhulltanak legjobbjaink
Et où les meilleurs sont morts E onde os melhores estão mortos A hosszu harc alatt.
Pendant ce long combat. Durante esta longa luta.
*
És annyi balszerencse közt,
Et après tant de malchance, E depois de tanto fracasso, Oly sok viszály után,
Après tant de controverses, Depois de muita controvérsia, Megfogyva bár, de törve nem,
Épuisée cependant, mais pas vaincue, Exausto no entanto, mas não derrotado, Él nemzet e hazán.
La nation irrigue la patrie. A nação vive na terra natal.
*
S népek hazája, nagy világ!
Ô patrie des peuples, ô vaste monde ! Ó pátria dos povos, ó vasto mundo! Hozzád bátran kiált:
Elle t’implore : Ela te implora: « Egy ezredévi szenvedés
« Mille ans de souffrance « Mil anos de sofrimento Kér éltet vagy halált! » Donne droit à vivre pleinement ou à mourir ! » Dê o direito de viver plenamente ou morrer! «
*
Az nem lehet hogy annyi szív
Se peut-il qu’autant de cœurs Pode ser que tantos corações Hiában onta vért,
Aient souffert en vain, Sofreu em vão, S keservben annyi hű kebel
Se peut-il qu’autant d’âmes Pode ser que tantas almas Szakadt meg a honért.
Se soient consumées en vain pour la patrie. Foram consumidos em vão pelo país.
*
Az nem lehet, hogy ész, erő,
Il n’est pas possible que tant d’esprit et tant de force, Não é possível que tanto espírito e tanta força, És oly szent akarat
Et animé d’une si sainte volonté E animado por tal vontade sagrada Hiába sorvadozzanak
En vain, s’enlisent Em vão, atolar-se Egy átoksúly alatt.
Sous le poids de la malédiction. Sob o peso da maldição.
*
Még jőni kell, még jőni fog
Il doit encore venir, il reviendra Ele ainda tem que vir, ele vai voltar Egy jobb kor, mely után
Ce meilleur avenir Este futuro melhor Buzgó imádság epedez
Que prient ardemment O que deixe centenas de lábios Százezrek ajakán.
Des centaines de lèvres. Rezarem ardentemente.
*
Vagy jőni fog, ha jőni kell,
Ou qu’elle vienne, si elle doit venir, Ou se ela vier, se tiver que vir A nagyszerű halál,
La grande mort, A grande morte Hol a temetkezés fölött
A l’enterrement No funeral Egy ország vérben áll.
D’un pays en sang. De um país em sangue.
*
S a sírt, hol nemzet sűlyed el,
Et ils pleureront le mort d’une nation, E eles vão lamentar a morte de uma nação, Népek veszik körűl,
Les peuples réunis, Os povos unidos, S az ember millióinak
Et de millions de personnes E em milhões de pessoas Szemében gyászköny űl.
Scintilleront des yeux endeuillés. Cintila os olhos enlutados.
*
Légy híve rendületlenűl
Sois inflexible Seja inflexível Hazádnak, oh magyar:
Pour ton pays, ô Magyar : Para o seu país, ó Magiar: Ez éltetőd, s ha elbukál,
C’est ta vie, et si tu échoues, É a sua vida e se você falhar Hantjával ez takar.
T’ensevelira sa poussière. Sua poeira te enterrará.
*
A nagy világon e kivűl Dans le grand monde, au-delà, No grande mundo, além, Nincsen számodra hely;
Il n’y a pas de place pour toi. Não há lugar para voce. Áldjon vagy verjen sors keze;
Béni ou maudit Abençoado ou amaldiçoado Itt élned, halnod kell.
Tu dois vivre ici, tu dois mourir. Você tem que viver aqui, você tem que morrer.
Ich trag im Herzen eine tiefe Wunde
Je porte une blessure profonde dans le cœur Und will sie stumm bis an mein Ende tragen;
Et je désire la conserver jusqu’à ma fin ; Ich fühl ihr rastlos immer tiefres Nagen,
Je sens qu’elle me ronge toujours un peu plus profondément, Und wie das Leben bricht von Stund zu Stunde.
Comme la vie qui passe d’heure en heure.
*
Nur eine weiß ich, der ich meine Kunde
Je sais seulement qu’à une seule personne Vertrauen möchte und ihr alles sagen;
Je pourrais faire confiance et tout lui dire ; Könnt ich an ihrem Halse schluchzen, klagen!
J’aimerais sangloter à son cou, me consoler ! Die eine aber liegt verscharrt im Grunde.
Mais malheureusement, elle repose dans la tombe.
*
O Mutter, komm, laß dich mein Flehn bewegen!
O Mère, viens, écoute mes prières Wenn deine Liebe noch im Tode wacht,
Si ton amour vit encore dans la mort, Und wenn du darfst, wie einst, dein Kind noch pflegen,
Et si tu veux, comme avant, protéger ton enfant,
*
So laß mich bald aus diesem Leben scheiden.
Alors laisse-moi bientôt quitter cette vie. Ich sehne mich nach einer stillen Nacht,
Je me languis d’une tranquille nuit, O hilf dem Schmerz, dein müdes Kind entkleiden.
O aide à ôter la douleur de ton enfant fatigué.
« Cela me fit oublier mon ressentiment, car je vis, ce que j’aurais dû penser d’abord, que quelque chose de plus fort qu’elle et moi avait traversé son cœur et le mien. » Le voilà encore une fois en lutte avec « quelque chose de plus fort que lui ; » il ne résistera pas. Cinq jours après, il entend la prima donna dans le Bélisaire de Donizetti. « C’est une femme merveilleuse, écrit-il. Jamais, depuis que j’ai descendu ma mère dans la tombe, je n’ai tant sangloté. Ce n’était pas son rôle qu’elle chantait, c’était tout le destin tragique de l’humanité qui éclatait dans ses cris de désespoir. Une douleur sans nom me saisit. J’en tremble encore. » Il ne pouvait manquer de la complimenter. Elle, de son côté, lui assura que l’effet qu’elle avait produit sur lui était son plus beau triomphe. Les jours suivants, il va la voir après le théâtre, il dîne chez elle, et il trouve que la grande artiste est en même temps une femme distinguée. « Elle est très aimable en société, écrit-il à Sophie, et elle a des attentions particulières pour moi : il faudra que tu la connaisses. »
Le martyre d’un poète
Nicolas Lenau et Sophie Lœwenthal
Adolphe Bossert
Revue des Deux Mondes
Tome 37
1907
Дени́с Васи́льевич Давы́дов Denis Davydov 1784 Москва Moscou— 1839 русский поэт
*
Тебе, певцу, тебе, герою! Toi, le chanteur, toi, le héros! Не удалось мне за тобою
Je n’aurais pas pu te suivre При громе пушечном, в огне
Lorsque au milieu du tonnerre des canons…
LES JUGEMENTS DE Tolstoï
SUR LES POEMES DE POUCHKINE
Ayons donc pleine confiance dans le jugement du comte Tolstoï sur les poèmes de Pouchkine, son compatriote ! Croyons-le, encore, quand il nous parle d’écrivains allemands, anglais, et scandinaves : il a les mêmes droits que nous à se tromper sur eux. Mais ne nous trompons pas avec lui sur des œuvres françaises dont le vrai sens, forcément, lui échappe, comme il échappera toujours à quiconque n’a pas, dès l’enfance, l’habitude de penser et de sentir en français ! Je ne connais rien de plus ridicule que l’admiration des jeunes esthètes anglais ou allemands pour tel poète français. Verlaine, par exemple, ou Villiers de l’Isle-Adam. Ces poètes ne peuvent être compris qu’en France, et ceux qui les admirent à l’étranger les admirent sans pouvoir les comprendre. Mais il ne résulte pas de là, comme le croit le comte Tolstoï, qu’ils soient absolument incompréhensibles. Ils ne le sont que pour lui, comme pour nous Lermontof et Pouchkine. Ce sont des artistes : la valeur artistique de leurs œuvres résulte de l’harmonie de la forme et du fond : et si lettré que soit un lecteur russe, si parfaite que soit sa connaissance de la langue française, la forme de cette langue lui échappe toujours.
Léon Tolstoï Qu’est-ce que l’art ? Traduction par T. de Wyzewa. Perrin, 1918 pp. i-XII
Pouchkine en 1810, alors âgé de 11 ans.
Aquarelle de Serguei Gavrilovich Tchirikoff Сергей Гаврилович Чириков
(1776—1853)
1811
Pouchkine s’inscrit au lycée Tsarskoïe Selo
(25 km de Saint-Pétersbourg).
Царское Село
Porte le nom de Pouchkine
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1814
La famille Pouchkine emménage à Saint-Pétersbourg après la fin des Guerres napoléoniennes, en 1814.
Pouchkine a consacré son temps libre à la littérature et, en 1814, à quinze ans, il a déjà publié pour la première fois son poème « À un ami poète » dans la revue « Le Messager de l’Europe ». Ces vers, déclamés lors d’un examen de passage, lui valent l’admiration du poète Gavrila Derjavine.
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1811-1817
Amitié avec les futurs décembristes. L’Insurrection décabriste, ou insurrection décembriste, prendra la forme, une dizaine d’années plus tard environ, d’une tentative de coup d’État militaire (Saint-Pétersbourg, en décembre 1825) afin d’obtenir une constitution du Tsar Nicolas Ier.
«Твой и мой, — говорит Лафонтен —
« Tien et mien, — dit La fontaine — Расторгло узы всего мира». — Du monde a rompu le lien. » — Что до меня, я этому отнюдь не верю.
Quant à moi, je n’en crois rien. Что было бы, моя Климена,
Que serait ce, ma Climène, Если бы ты больше не была моей,
Si tu n’étais plus la mienne, Если б я больше не был твоим?
Si je n’étais plus le tien ?
(Texte en français par Pouchkine et publié en 1884)
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Rouslan et Ludmila
Parution en 1820
écrit à la façon d’un conte de fées épique
Par
Prosper Mérimée
« cet essai frisait la témérité«
« Il obtint un succès plus légitime et dont il n’avait pas à rougir, en publiant vers 1820 le poème de Rousslan et Lioudmila. C’est encore une imitation, mais plus habile et d’après un original d’une autorité moins contestable. Il s’inspira de l’Arioste et surtout de Voltaire, dont la langue et l’esprit lui étaient plus familiers. Comme ses maîtres, il est gai, gracieux, élégamment ironique. En faveur de l’imitation, les Aristarques du temps lui montrèrent quelque indulgence ; ils y virent une preuve de modestie digne d’encouragement ; ils eussent été impitoyables peut-être pour une œuvre originale. À Rome autrefois, on n’aurait osé écrire en latin qu’en s’abritant sous l’autorité d’un Grec. À Saint-Pétersbourg, les lettrés exigeaient qu’on copiât un type français ou allemand. Aujourd’hui ce qui nous paraît le plus à remarquer dans Rousslan et Lioudmila, c’est un essai d’emprunter aux croyances populaires de la Russie des ressorts moins usés que ceux de la mythologie grecque, hors lesquels en 1820 il n’y avait pas de salut. Alors cet essai frisait la témérité, tant était grande l’intolérance classique. »
Prosper Mérimée
Portraits historiques et littéraires
Michel Lévy frères
1874
« Nous en trouvons l’explication dans une lettre que Joukowsky lui adressait, à Michailowskoïe, en 1826 : « Tu n’es mêlé à aucune affaire, cela est vrai, mais on a trouvé tes poèmes dans les papiers de tous ceux qui ont agi ; c’est un mauvais moyen de rester en bons termes avec le gouvernement. » Ainsi, pour ne jamais avoir déserté le terrain littéraire et s’être tenu à l’écart de la politique proprement dite, Pouchkine n’en était pas moins un homme dangereux. Il l’était peut-être plus que ceux que l’on avait emprisonnés et envoyés en Sibérie, car son influence était occulte, impalpable et fuyante. S’il n’existait aucune preuve tangible de sa culpabilité, son nom se rattachait cependant indiscutablement au parti libéral et, par-là même, au parti révolutionnaire. Ses poèmes séditieux, souvent mordants et satiriques, passaient sous forme de manuscrits de mains en mains, beaucoup d’inculpés politiques, parmi lesquels se comptaient les plus grands noms de la Russie, avouaient aux juges avoir été fortement influencés par les œuvres de Pouchkine. Nicolas Ier s’en souvint toute sa vie. Il ne cessa d’exercer une surveillance étroite sur le poète et sur ses œuvres. Trop intelligent pour ne point reconnaître la valeur réelle de Pouchkine, il y mit assez de formes pour ne point frapper le s poète, tout en se méfiant de l’homme. Il ne l’exila point comme avait fait son père ; au contraire, il exigea sa présence constante dans la capitale d’où Pouchkine ne put que rarement s’échapper. De cette manière, aucun de ses faits et gestes ne restait inconnu à la police. D’autre part, l’Empereur le délivra dès 1826 du joug officiel de la censure et se constitua son seul et unique censeur. Cette décision, qui avait les apparences d’une grâce » exceptionnelle, n’était, au fond, qu’un suprême moyen de contrôle. »
Le duel et la mort de Pouchkine
Hélène Iswolsky
Revue des Deux Mondes
Tome 56
1920
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8 septembre 1826
Pouchkine rentre d’exil par ordre de Nicolas Ier
Il sera reçu par Nicolas Ier.
« Je terminerai par une pièce d’un tout autre caractère qui, de même que l’Antchar, a eu le malheur d’être prise par la censure pour un dithyrambe révolutionnaire. Aujourd’hui l’une et l’autre sont imprimées dans toutes les éditions récentes de Pouchkine. Elle est intitulée le Prophète. « Tourmenté d’une soif spirituelle, j’allais errant dans un sombre désert, et un séraphin à six ailes m’apparut à la croisée d’un sentier. De ses doigts légers comme un songe, il toucha mes prunelles ; mes prunelles s’ouvrirent voyantes comme celles d’un aiglon effarouché ; il toucha mes oreilles, elles se remplirent de bruits et de rumeurs, et je compris l’architecture des cieux et le vol des anges au-dessus des monts, et la voie des essaims d’animaux marins sous les ondes, et le travail souterrain de la plante qui germe. Et l’ange, se penchant vers ma bouche, m’arracha ma langue pécheresse, la diseuse de frivolités et de mensonges, et entre mes lèvres glacées sa main sanglante mit le dard du sage serpent. D’un glaive il fendit ma poitrine et en arracha mon cœur palpitant, et dans ma poitrine entrouverte il enfonça une braise ardente. Tel qu’un cadavre, j’étais gisant dans le désert, et la voix de Dieu m’appela : Lève-toi, prophète, vois, écoute, et parcourant et les mers et les terres, brûle par la Parole les cœurs des humains. »
Prosper Mérimée
Portraits historiques et littéraires
Michel Lévy frères
1874
1829
1er mai 1829 départ pour l’armée active dans le Caucase
Juin 1829 – Pouchkine à Tiflis – Tbilissi (actuellement capitale de la Géorgie)
27 juin 1829 – Pouchkine lors de la prise d’Erzurum.
En 1829, la ville d’Erzurum (aujourd’hui située en Turquie) tombe aux mains des russes qui l’abandonnèrent aussitôt.
1830
карантин – Quarantaine La Russie subit une épidémie de choléra pendant l’automne 1830
(3 mois d’isolement pour Pouchkine du 3 septembre 1830 et le 5 décembre 1830 à Boldino)
Il arrive dans sa propriété pour organiser les affaires immobilières, puis il reste par obligation de quarantaine imposée par les autorités. Cette période correspond à ce que l’on a appelé l’Automne de Boldino, une propriété familiale, (Бо́лдинская о́сень).
Cette période fut très intense pour le poète. Il y terminera Eugène Onéguine. Boldino se trouve à environ 600 kilomètres à l’est de Moscou, aujourd’hui dans l’oblast de Nijni Novgorod (Нижний Новгород).
Il écrira notamment le poème ci-dessous Румяный критик мой, librement renommé ici LA QUARANTAINE AU TEMPS DU CHOLÉRA.
LA PETITE MAISON DE KOLOMNA (La Petite Maison dans la Kolomna) Par Prosper Mérimée
« La Petite Maison dans la Kolomna et le Comte Nouline sont deux charmants petits tableaux du même genre, non moins gracieux que leur devancier. Sauf la forme des vers et le ton général de la composition, Pouchkine n’a rien dérobé à lord Byron. Ses caractères sont bien russes et pris sur la nature. La Petite Maison dans la Kolomna chante les tribulations d’une bonne veuve, mère d’une jolie fille, en quête d’une servante à tout faire. Il s’en présente une, grande, robuste, un peu gauche et maladroite, mais qui prend les gages qu’on lui offre. La fille de la maison est d’ailleurs fort empressée à la mettre au fait et l’aide de son mieux. Un jour, la veuve est prise, pendant la messe, d’un pressentiment que sa bonne fait quelque sottise dans le ménage : elle rentre en hâte, et la trouve devant un miroir en train de se raser. »
Prosper Mérimée
Portraits historiques et littéraires
Michel Lévy frères, 1874
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18 février 1831
mariage avec Natalia Gontcharova
Natalia Nikolaïevna Gontcharova Наталья Николаевна Гончарова
( – )
Natalia Gontcharova par Alexandre Brioullov Алекса́ндр Па́влович Брюлло́в
En 1831
Le 25 mai 1831, ils déménagement à Tsarskoïe Selo.
En octobre 1831, ils s’installent à Saint-Pétersbourg
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LE MARIAGE DE POUCHKINE
AVEC NATALIA
…Telle était la situation de Pouchkine à l’époque de son mariage, qui fut célébré à Moscou le 18 février 1831. Il avait trente-deux ans. Sa fiancée, Nathalie Nicolaievna Goncharowa, en avait dix-huit. Très épris de cette belle et jeune personne, Pouchkine ne restait pas moins sceptique au sujet de son bonheur. Ses fiançailles furent longues et pénibles et la famille Goncharoff ne témoignait que peu d’empressement pour le projet de cette union. Mme Goncharowa, mère, occupée surtout de la dot de sa fille, cherchait sans cesse querelle à son futur gendre. Quant à la jeune fille, elle se montrait aussi passive, aussi indifférente que Pouchkine était ardent et impatient.
« Quel cœur doit-elle donc avoir ? s’écriait Pouchkine ; il est armé d’une écorce plus dure que celle du chêne. » Jamais, dès ses premières rencontres avec Nathalie, Pouchkine ne se sentit aimé ou même apprécié par cette énigmatique et froide fiancée qui, en réponse à ses plus tendres épîtres, lui écrivait des lettres « grandes comme une carte de visite.» Le duel et la mort de Pouchkine Hélène Iswolsky
Revue des Deux Mondes
Tome 56
1920
Georges-Charles de Heeckeren d’Anthès
Beau-frère de Pouchkine
(mariage le 10 janvier 1837 avec la sœur de Natalia, Ekaterina Nikolaïevna Gontcharova Екатерина Николаевна Гончарова (1809 -1843)
Duel le 8 février 1837
Mort le 10 février 1837 à 37 ans
Le duel Pouchkine – d’Anthès
le 8 février au soir
par Alexey Avvakumovich Naumov
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LE DUEL ET LA MORT DE POUCHKINE
par
Hélène Iswolsky
Mais il y eut aussi un autre Pouchkine, celui des dernières années, un Pouchkine sombre et triste, déchiré par la vie. Bien avant de recevoir la blessure qui devait l’emporter, il avait été meurtri, frappé mortellement au point le plus sensible de sa libre conscience de poète ; le drame intime de Pouchkine, et c’est ici qu’il s’éloigne de Lensky, ne fut pas essentiellement un drame d’amour ; le mal était plus grave et plus cruel et se rattachait à toutes les fibres de son âme. Son génie, sa fière indépendance, étaient touchés autant et plus peut-être que son cœur. Cette histoire complexe et douloureuse des dernières années du grand poète ne fut jamais complètement déchiffrée ; ses biographes récents s’y sont attachés avec un intérêt croissant. M. Stchegoleff, qui a consacré à Pouchkine plusieurs volumes d’une grande probité historique et de la plus haute valeur, a étudié minutieusement les faits et les documents se rattachant à cette époque. Il a eu, notamment, le privilège de puiser dans les archives d’un Français, le très distingué conservateur du Musée des Arts décoratifs de Paris ; M. Louis Metmann est en effet l’arrière-petit-fils du gentilhomme alsacien, le baron Georges d’Anthès Heckeren, dont la main porta le coup meurtrier à Alexandre Pouchkine…. Le duel et la mort de Pouchkine Hélène Iswolsky
Revue des Deux Mondes
Tome 56
1920
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Natalia Gontcharova par Ivan Makarov
Ива́н Кузьми́ч Мака́ров
en 1849
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Georges de Heeckeren d’Anthès
Vers 1878
Peint par Carolus-Duran
D’Anthès prit le nom de Georges-Charles de Heeckeren, après accord du roi des Pays-Bas par lettre du
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Depuis le 6 février 1837
La tombe de Pouchkine se trouve dans le Monastère Sviatogorski ou Monastère Sviatogorski de la Dormition de la Vierge Marie
Святогорский Свято-Успенский монастырь Oblast de Pskov – Пско́вская о́бласть
(Proche de la Lettonie, de l’Estonie et de la Biélorussie.)
Le monastère a été fondé en 1569, sous ordre d’Ivan le Terrible.
LES JUGEMENTS DE Tolstoï
SUR LES POEMES DE POUCHKINE
Ayons donc pleine confiance dans le jugement du comte Tolstoï sur les poèmes de Pouchkine, son compatriote ! Croyons-le, encore, quand il nous parle d’écrivains allemands, anglais, et scandinaves : il a les mêmes droits que nous à se tromper sur eux. Mais ne nous trompons pas avec lui sur des œuvres françaises dont le vrai sens, forcément, lui échappe, comme il échappera toujours à quiconque n’a pas, dès l’enfance, l’habitude de penser et de sentir en français ! Je ne connais rien de plus ridicule que l’admiration des jeunes esthètes anglais ou allemands pour tel poète français. Verlaine, par exemple, ou Villiers de l’Isle-Adam. Ces poètes ne peuvent être compris qu’en France, et ceux qui les admirent à l’étranger les admirent sans pouvoir les comprendre. Mais il ne résulte pas de là, comme le croit le comte Tolstoï, qu’ils soient absolument incompréhensibles. Ils ne le sont que pour lui, comme pour nous Lermontof et Pouchkine. Ce sont des artistes : la valeur artistique de leurs œuvres résulte de l’harmonie de la forme et du fond : et si lettré que soit un lecteur russe, si parfaite que soit sa connaissance de la langue française, la forme de cette langue lui échappe toujours.
Léon Tolstoï Qu’est-ce que l’art ? Traduction par T. de Wyzewa. Perrin, 1918 pp. i-XII
ALFRED DE MUSSET GRAND LECTEUR DE GIACOMO LEOPARDI
DEUX ÂMES SOEURS
Outre les sonnets de Michel-Ange, Alfred relisait sans cesse, jusqu’à les savoir par cœur, les poésies de Giacomo Leopardi, dont les alternatives de sombre tristesse et de douce mélancolie répondaient à l’état présent de son esprit. Lorsqu’il frappait sur la couverture du volume, en disant : « Ce livre, si petit, vaut tout un poème épique, » il sentait que l’âme de Leopardi était sœur de la sienne. Les Italiens ont la tête trop vive pour aimer beaucoup la poésie du cœur. Il leur faut du fracas et de grands mots. Plus malheureux qu’Alfred de Musset, Leopardi n’a pas obtenu justice de ses compatriotes, même après sa mort. Alfred en était révolté. Il voulut d’abord écrire un article, pour la Revue des Deux-Mondes, sur cet homme qu’il considérait comme le premier poète de l’Italie moderne. Il avait même recueilli quelques renseignements biographiques, dans ce dessein ; mais, en y rêvant, il préféra payer en vers son tribut d’admiration et de sympathie au Sombre amant de la Mort. De là sortit le morceau intitulé Après une lecture, qui parut le 15 novembre 1842.
En faisant la part de son exagération naturelle et de son excessive sensibilité, il faut pourtant reconnaître que, dans cette fatale année 1842, les blessures ne furent pas épargnées à Alfred de Musset. Il se plaignait que, de tous les côtés à la fois, lui venaient des sujets de désenchantement, de tristesse et de dégoût. « Je ne vois plus, disait-il, que les revers de toutes les médailles. »
Paul de Musset
Biographie de Alfred de Musset
Troisième partie
1837-1842
Charpentier, 1888
pp. 185-284
Or poserai per sempre,
Repose-toi éternellement, Stanco mio cor. Perì l’inganno estremo,
Mon cœur épuisé. Périt l’extrême méprise, Ch’eterno io mi credei. Perì. Ben sento,
Qu’éternelle je croyais. Elle périt. Je sens bien In noi di cari inganni,
Qu’en nous les chers égarements, Non che la speme, il desiderio è spento.
L’espoir, le désir sont éteints. Posa per sempre. Assai
Gisant à jamais. Toujours Palpitasti. Non val cosa nessuna
Palpitant. Elle ne vaut aucun I moti tuoi, nè di sospiri è degna
De tes mouvements, elle n’est digne de soupirs La terra. Amaro e noia
La terre. Amertume et ennui La vita, altro mai nulla; e fango è il mondo
La vie, n’a jamais rien été d’autre ; et le monde une boue T’acqueta omai. Dispera
Qui t’apaise désormais. Disparaît L’ultima volta. Al gener nostro il fato
Une dernière fois. Ce que donne le destin Non donò che il morire. Omai disprezza
N’est que le don de mourir. Désormais méprise Te, la natura, il brutto
Toi-même, la nature, le laid Poter che, ascoso, a comun danno impera
Qui ordonne, caché, le mal E l’infinita vanità del tutto
Et la vanité infinie de tout.
——–
ALFRED DE MUSSET GRAND LECTEUR DE GIACOMO LEOPARDI
DEUX ÂMES SOEURS
Outre les sonnets de Michel-Ange, Alfred relisait sans cesse, jusqu’à les savoir par cœur, les poésies de Giacomo Leopardi, dont les alternatives de sombre tristesse et de douce mélancolie répondaient à l’état présent de son esprit. Lorsqu’il frappait sur la couverture du volume, en disant : « Ce livre, si petit, vaut tout un poème épique, » il sentait que l’âme de Leopardi était sœur de la sienne. Les Italiens ont la tête trop vive pour aimer beaucoup la poésie du cœur. Il leur faut du fracas et de grands mots. Plus malheureux qu’Alfred de Musset, Leopardi n’a pas obtenu justice de ses compatriotes, même après sa mort. Alfred en était révolté. Il voulut d’abord écrire un article, pour la Revue des Deux-Mondes, sur cet homme qu’il considérait comme le premier poète de l’Italie moderne. Il avait même recueilli quelques renseignements biographiques, dans ce dessein ; mais, en y rêvant, il préféra payer en vers son tribut d’admiration et de sympathie au Sombre amant de la Mort. De là sortit le morceau intitulé Après une lecture, qui parut le 15 novembre 1842.
En faisant la part de son exagération naturelle et de son excessive sensibilité, il faut pourtant reconnaître que, dans cette fatale année 1842, les blessures ne furent pas épargnées à Alfred de Musset. Il se plaignait que, de tous les côtés à la fois, lui venaient des sujets de désenchantement, de tristesse et de dégoût. « Je ne vois plus, disait-il, que les revers de toutes les médailles. »
Paul de Musset
Biographie de Alfred de Musset
Troisième partie
1837-1842
Charpentier, 1888
pp. 185-284