Подруга дней моих суровых, Compagne de mes heures implacables Голубка дряхлая моя! Ma colombe vénérable ! Одна в глуши лесов сосновых Au cœur d’une forêt de pins sylvestres…
… То чудится тебе … Il te semble …
1826
Gabriel Metsu, Vieille Femme méditant, v.1660-1662, Rijksmuseum, Amsterdam
« Wir satteln nur um Mitternacht.
–« Nous n’avons sellé qu’à minuit. Weit rit ich her von Böhmen. Je viens du fin fond de la Bohême. Ich habe spat mich aufgemacht,
Il est tard, Und wil dich mit mir nemen. » –
Et je te veux avec moi. « – « Ach, Wilhelm, erst herein geschwind!
-« Ah, Wilhelm, viens d’abord ! Den Hagedorn durchsaust der Wind,
Le vent siffle à travers l’aubépine , Herein, in meinen Armen.
Viens dans mes bras. Herzliebster, zu erwarmen! » –
Chérie, viens te réchauffer ! »-
*
« Las sausen durch den Hagedorn, « Laisse-le siffler à travers l’aubépine, -Las sausen, Kind, las sausen! – Laisse-le siffler, mon enfant, laisse-le siffler ! Der Rappe schart; es klirt der Sporn. Le cheval piaffe ; tintent les éperons. Ich darf alhier nicht hausen. Je ne peux pas vivre ici. Kom, schürze spring’ und schwinge dich Viens, saute sur la selle et monte Auf meinen Rappen hinter mich! Derrière moi, sur mon destrier ! Mus heut noch hundert Meilen Nous avons une centaine de miles à faire aujourd’hui Mit dir ins Brautbett’ eilen. » – Pour rejoindre la demeure nuptiale. »
*
« Ach! woltest hundert Meilen noch « Ah, encore à une centaine de miles Mich heut ins Brautbett’ tragen? Pour rejoindre la demeure nuptiale ? Und horch! es brumt die Glocke noch, Ecoute ! la cloche sonne toujours, Die elf schon angeschlagen. » – Les Onze heures sont déjà passées ! « – « Sieh hin, sieh her! der Mond scheint hell.
« Regarde, regarde comme la lune brille ! Wir und die Todten reiten schnell. Nous et les morts comme nous allons vite. Ich bringe dich, zur Wette, Je te jure, je te jure Noch heut ins Hochzeitbette. » – Que nous y serons aujourd’hui même ! « –
*
« Sag an, wo ist dein Kämmerlein? « Dis-moi, où est donc ta chambre ? Wo? Wie dein Hochzeitbetchen?“ – Où est-elle ? Comment est ton lit nuptial ? « – « Weit, weit von hier! – – Stil, kühl und klein! – – « Loin, loin d’ici ! – – Silencieux, étroit et petit ! – – Sechs Bretter und zwei Bretchen!“ – Six planches et deux planchettes ! « – « Hat’s Raum für mich?“ – « Für dich und mich! « Y a-t-il de la place pour moi ? » – « Pour toi et pour moi ! Kom, schürze, spring und schwinge dich! Viens ! Que la fête commence ! Die Hochzeitgäste hoffen; Les invités de la noce attendent ; Die Kammer steht uns offen. »– La chambre nuptiale est prête. « –
*
Schön Liebchen schürzte, sprang und schwang
La belle s’accoutre, saute Sich auf das Ros behende;
Sur son fier destrier; Wol um den trauten Reiter schlang
Elle enroule autour du cavalier audacieux Sie ihre Lilienhände;
Ses belles mains de lis ; Und hurre hurre, hop hop hop!
Et hurle « Allez ! hop ! hop ! hop ! » Ging’s fort in sausendem Galop,
Elle est partie au grand galop, Daß Ros und Reiter schnoben,
Avec le cheval et le cavalier en un éclair, Und Kies und Funken stoben.
Et le gravier a volé en éclat.
*
Zur rechten und zur linken Hand,
A droite comme à gauche, Vorbei vor ihren Blicken,
Devant leurs yeux, Wie flogen Anger, Haid’ und Land!
S’envolaient les paysages ! Wie donnerten die Brücken! –
Frémissaient les ponts ! – « Graut Liebchen auch? – – Der Mond scheint hell! « As-tu peur, aussi ? – Vois comme la lune brille ! Hurrah! die Todten reiten schnell! Vois ! Comme les morts vont vite ! Graut Liebchen auch vor Todten? » – Es-tu effrayée par les morts ? « – « Ach nein! – doch las die Todten!“ – « Oh non ! – mais laisse les morts ! « –
*
Was klang dort für Gesang und Klang?
Que sont ces chanson et ces sons ? Was flatterten die Raben? –
Que sont ces corbeaux qui volent ? – Horch Glockenklang! horch Todtensang!
Ecoute la cloche ! Ecoute les chants mortuaires ! « Last uns den Leib begraben! » « Nous devons enterrer le corps ! » Und näher zog ein Leichenzug,
Et le cortège funèbre s’est rapproché, Der Sarg und Todtenbaare trug.
Avec le cercueil et les porteurs. Das Lied war zu vergleichen
La chanson était envoûtante Dem Unkenruf in Teichen.
Comme la malheureuse prophétie des étangs.
*
« Nach Mitternacht begrabt den Leib, « Après minuit, enterrez le corps, Mit Klang und Sang und Klage! Avec des complaintes et des chansons ! Jezt führ’ ich heim mein junges Weib. Maintenant, je ramène chez moi ma jeune femme. Mit, mit zum Brautgelage! Venez au banquet du mariage ! Kom, Küster, hier! Kom mit dem Chor, Allez ! sacristain, viens ici ! Viens avec le chœur, Und gurgle mir das Brautlied vor! Et que résonne la chanson nuptiale ! Kom, Pfaff’, und sprich den Segen, Viens Prêtre ! donne la bénédiction ! Eh wir zu Bett’ uns legen! » – Avant que nous nous allongions dans notre lit ! « –
*
Stil Klang und Sang. – – Die Baare schwand. – –
Se sont tus les gémissements et les chants. La bière s’est tarie – Gehorsam seinem Rufen,
Obéissant à son appel, Kam’s, hurre hurre! nachgerant,
Viennent les hourrah ! hourra ! Hart hinter’s Rappen Hufen;
Frappent les sabots ; Und immer weiter, hop hop hop!
Et puis, hop ! hop ! hop ! Ging’s fort in sausendem Galop,
Ils sont partis au grand galop, Daß Ros und Reiter schnoben,
On entendait les respirations des chevaux et des cavaliers, Und Kies und Funken stoben.
Et le gravier volait en éclat.
*
Wie flogen rechts, wie flogen links, Comme de tous côtés s’envolaient Gebirge, Bäum’ und Hecken!
Les montagnes, les arbres et les haies ! Wie flogen links, und rechts, und links
Comme à gauche et à droite s’envolaient Die Dörfer, Städt’ und Flecken! –
Les villages, les villes et les bourgs ! – « Graut Liebchen auch? – – Der Mond scheint hell!
« As-tu peur, aussi ? – Vois comme la lune brille ! Hurrah! die Todten reiten schnell! Hourra ! Comme les morts vont vite ! Graut Liebchen auch vor Todten? » – Es-tu effrayée par les morts ? « – « Ach! Las sie ruhn, die Todten!“ – « Ah ! Laisse-les reposer les morts en paix ! « –
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Sieh da! sieh da! Am Hochgericht
Là ! regarde ! Sur la haute cour, Tanzt, um des Rades Spindel,
Dansent autour de la roue, Halb sichtbarlich, bei Mondenlicht,
A moitié visible, à la lumière de la lune, Ein luftiges Gesindel. –
Des fantômes aériens. – « Sasa! Gesindel, hier! Kom hier! « Ici ! Fantômes, ici ! Venez ici ! Gesindel, kom und folge mir! Fantômes, venez et suivez-moi ! Tanz’ uns den Hochzeitreigen,
Dansons au mariage, Wann wir zu Bette steigen!“ – Partons vers le banquet ! « –
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Und das Gesindel husch husch husch!
Et le fantôme criait : « husch ! » Kam hinten nachgeprasselt,
Avec le vent dans le dos, Wie Wirbelwind am Haselbusch
Comme un tourbillon dans un buisson de noisetier Durch dürre Blätter rasselt.
A travers les feuilles mortes. Und weiter, weiter, hop hop hop!
Et qui s’élève, hop ! hop ! hop ! Ging’s fort in sausendem Galop,
Sont partis au grand galop, Daß Ros und Reiter schnoben,
Cavalier et Cheval en un souffle, Und Kies und Funken stoben.
Et le gravier a volé en éclat.
*
Wie flog, was rund der Mond beschien,
Comment a volé ce que la lune faisait briller, Wie flog es in die Ferne!
Comment tout ça a volé de tous côtés ? Wie flogen oben über hin
Ils survolent le sommet Der Himmel und die Sterne! –
Du ciel et des étoiles! – « Graut Liebchen auch? – – Der Mond scheint hell! « As-tu peur, aussi ? – Vois comme la lune brille ! Hurrah! die Todten reiten schnell! Hourra ! Comme les morts vont vite ! Graut Liebchen auch vor Todten? » – Es-tu effrayée par les morts ? « – « O weh! Las ruhn die Todten! » –
« O malheur ! que les morts reposent en paix ! »
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« Rapp’! Rapp’! Mich dünkt der Hahn schon ruft. –
« Rapp ! Rapp ! Je pense que le coq chante déjà. – Bald wird der Sand verrinnen – Bientôt le sablier ne s’écoulera plus – Rapp’! Rapp’! Ich wittre Morgenluft – Rapp ! Rapp ! Je sens déjà l’air du petit matin – Rapp’! Tumle dich von hinnen! – Rapp ! Sois alerte, mon destrier ! – Volbracht, volbracht ist unser Lauf! Voici qu’elle s’achève ! Elle s’achève notre course ! Das Hochzeitbette thut sich auf! Le lit nuptial s’ouvre ! Die Todten reiten schnelle! Comme les morts marchent vite ! Wir sind, wir sind zur Stelle.“ – Nous sommes ! nous sommes là ! »-
*
Rasch auf ein eisern Gitterthor
Rapide, ils se retrouvent devant une porte de fer Ging’s mit verhängtem Zügel.
Le cavalier donne un coup de rênes. Mit schwanker Gert’ ein Schlag davor
Frappant d’un léger coup, Zersprengte Schlos und Riegel.
Les serrures et les battants se cassent aussitôt. Die Flügel flogen klirrend auf, Ils repartent en un coup d’ailes, Und über Gräber ging der Lauf. Et au-dessus des tombes se porte la course. Es blinkten Leichensteine Ils se trouvent là des pierres tombales qu’illuminent Rund um im Mondenscheine. Les rayons lumineux de la lune.
*
Ha sieh! Ha sieh! im Augenblik,
Ah ! Regardez ! Regardez ! en une fraction de seconde, Huhu! ein gräslich Wunder!
Hou ! hou! un grand miracle ! Des Reiters Koller, Stük für Stük,
La cape du cavalier, pièce après pièce, Fiel ab, wie mürber Zunder.
Se détache comme de l’amadou brûlé. Zum Schädel, ohne Zopf und Schopf,
Son crâne, sans tresse et sans cheveux, Zum nakten Schädel ward sein Kopf;
Sa tête n’était plus qu’un crâne nu ; Sein Körper zum Gerippe,
Son corps, un squelette, Mit Stundenglas und Hippe.
Avec sablier et faux.
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Hoch bäumte sich, wild schnob der Rapp’,
Se cabrant fortement , la monture souffla sauvagement, Und sprühte Feuerfunken;
Et des étincelles sortent de ses naseaux ; Und hui! war’s unter ihr hinab
Et huiiii ! En un clin d’œil Verschwunden und versunken.
Disparu et se perdit au loin. Geheul! Geheul aus hoher Luft,
Houuuuu ! Des hurlement fendaient les airs, Gewinsel kam aus tiefer Gruft.
Des pleurs venaient d’une profonde crypte. Lenorens Herz, mit Beben,
Le cœur de Lénore, tremblant, Rang zwischen Tod und Leben.
Chavirait entre la vie et la mort.
*
Nun tanzten wol bei Mondenglanz,
Dansant au clair de lune, Rund um herum im Kreise,
En cercle tout autour d’elle, Die Geister einen Kettentanz,
Les esprits se mirent à chanter, Und heulten diese Weise:
Et crièrent ainsi : « Gedult! Gedult! Wenn’s Herz auch bricht! « Patience ! Patience ! Même si tu as le cœur brisé ! Mit Gott im Himmel hadre nicht! Avec Dieu dans le Ciel, il ne faut pas perdre patience ! « Des Leibes bist du ledig; Tu es délivrée de ton corps ; Gott sey der Seele gnädig! » Que Dieu aie pitié de ton âme !
Entstehungsdatum – 1773 Ecrit en 1773
Erscheinungsdatum – 1778 Publié en 1778
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Les 112 premiers vers
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Lenore fuhr um’s Morgenrot Lénore échappe, avec la venue de l’aube, Empor aus schweren Träumen:
Au convoi de ces pesants rêves : „Bist untreu, Wilhelm, oder todt?
« Es-tu infidèle, Wilhelm, ou mort ? Wie lange wilst du säumen?“ – T’absenteras-tu longtemps ? « – Er war mit König Friedrichs Macht
Il est parti, avec les troupes du roi Frédéric, Gezogen in die Prager Schlacht,
Combattre à la bataille de Prague, Und hatte nicht geschrieben:
Et n’a rien écrit depuis ce temps : Ob er gesund geblieben.
Est-il encore vivant ?
*
Der König und die Kaiserin,
Le Roi et l’Impératrice, Des langen Haders müde,
Fatigués par ces interminables combats, Erweichten ihren harten Sin,
Souhaitant adoucir leur lourd péché, Und machten endlich Friede;
Finalement acceptèrent la paix ; Und jedes Heer, mit Sing und Sang,
Et toutes les armées, en grandes fanfares, Mit Paukenschlag und Kling und Klang,
Et puissantes musiques, Geschmükt mit grünen Reisern,
Épicées et fleuries, Zog heim zu seinen Häusern.
Retournèrent dans leurs pénates.
*
Und überal al überal,
Et tout le long, continuellement, Auf Wegen und auf Stegen,
Sur les chemins et sur les passerelles, Zog Alt und Jung dem Jubelschall
Les vieux comme les jeunes les acclamaient Der Kommenden entgegen.
Et venaient à leur rencontre. Gottlob! rief Kind und Gattin laut,
« Dieu merci ! » disait l’enfant et priait la femme, Wilkommen! manche frohe Braut.
« Bienvenue ! » ajoutait l’heureuse mariée. Ach! aber für Lenoren
Hélas ! pour Lénore War Grus und Kus verloren.
Toujours dans attente de doux baisers.
*
Sie frug den Zug wol auf und ab,
Elle le réclame en remontant le flot des régiments, Und frug nach allen Namen;
Elle les interroge impatiemment ; Doch keiner war, der Kundschaft gab,
Mais personne n’a de nouvelles, Von allen, so da kamen.
Elle n’obtient rien de plus finalement. Als nun das Heer vorüber war,
Quand l’armée repart, Zerraufte sie ihr Rabenhaar,
Elle se tire les cheveux, Und warf sich hin zur Erde,
Et se jette à terre, Mit wütiger Geberde.
Avec une terrible colère.
*
Die Mutter lief wol hin zu ihr: –
Sa mère est venue la voir : « Ach, daß sich Gott erbarme!
« Ah, Dieu ! Aie pitié ! Du trautes Kind, was ist mit dir? » – Ma pauvre chérie, qu’as-tu donc ? « – Und schloß sie in die Arme. –
Et elle l’embrassa. –
« O Mutter, Mutter! hin ist hin!
« Oh mère, mère ! il n’y a plus d’espoir ! Nun fahre Welt und alles hin! Que le monde et tout le reste s’écroulent ! Bei Gott ist kein Erbarmen. Dieu n’a aucune pitié ! O weh, o weh mir Armen! »– Hélas, hélas, malheur à moi ! « –
*
« Hilf Gott, hilf! Sieh uns gnädig an!
« Dieu aide-nous ! Rends-nous grâce ! Kind, bet’ ein Vaterunser! Mon enfant, prie le Seigneur ! Was Gott thut, das ist wolgethan. Ce que Dieu fait est toujours bien fait. Gott, Gott erbarmt sich Unser! »- Dieu, Dieu ait pitié de nous ! « – « O Mutter, Mutter! Eitler Wahn! « Oh mère, mère ! Quelle vaine illusion ! Gott hat an mir nicht wolgethan! Dieu ne voulait pas de moi ! Was half, was half mein Beten? A quoi mes prières ont-elles aidé ? Nun ist’s nicht mehr vonnöten. » – Maintenant, elles ne sont plus nécessaires ! « –
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« Hilf Gott, hilf! wer den Vater kent,
« Dieu aide-nous! qui connaît le Père, Der weis, er hilft den Kindern. Sait qu’il aide ses enfants. Das hochgelobte Sakrament Le saint Sacrement Wird deinen Jammer lindern.“ – Va soulager ton malheur. « – « O Mutter, Mutter! was mich brent, « Oh mère ! mère ! ce que je regrette Das lindert mir kein Sakrament! C’est que tout sacrement est impuissant ! Kein Sakrament mag Leben Aucun sacrement n’apporte la vie Den Todten wiedergeben.“ – A ceux qui sont morts ! « –
*
« Hör, Kind! wie, wenn der falsche Man,
« Écoute, mon enfant ! peut-être le mauvais homme, Im fernen Ungerlande, Dans une lointain contrée, Sich seines Glaubens abgethan, A abandonné sa foi, Zum neuen Ehebande? Pour un nouveau lien de mariage ? Las fahren, Kind, sein Herz dahin! Va, mon enfant, son coeur est ailleurs ! Er hat es nimmermehr Gewin! Il n’y gagnera rien ! Wann Seel’ und Leib sich trennen, Quand l’âme et le corps se sépareront, Wird ihn sein Meineid brennen.“ – Il brûlera alors ! « –
*
« O Mutter, Mutter! Hin ist hin!
« Oh mère ! mère ! Verloren ist verloren! Ce qui est perdu est perdu ! Der Tod, der Tod ist mein Gewin! La mort, la mort est mon seul gain ! O wär’ ich nie geboren! – Oh, si je n’étais pas né ! – Lisch aus, mein Licht, auf ewig aus! Eteins-toi, Ô ma lumière, pour toujours ! Stirb hin, stirb hin in Nacht und Graus! Meurs, meurs dans la nuit et dans l’horreur ! Bei Gott ist kein Erbarmen. Dieu n’a aucune pitié ! O weh, o weh mir Armen! »– Hélas, hélas, malheur à moi, pauvre de moi ! « –
*
« Hilf Gott, hilf! Geh nicht ins Gericht « Aidez-nous, Ô Dieu, aidez-nous ! Ne jugez pas Mit deinem armen Kinde! Ma pauvre enfant ! Sie weis nicht, was die Zunge spricht. Elle ne sait pas ce que dit sa langue ! Behalt ihr nicht die Sünde! Ne regardez pas ça comme un péché ! Ach, Kind, vergis dein irdisch Leid, Ah mon enfant, oublie ta souffrance terrestre, Und denk an Gott und Seligkeit! Et pense à Dieu et au salut ! So wird doch deiner Seelen Ton âme choisira Der Bräutigam nicht felen. » – Un époux dans l’au-delà ! « –
*
« O Mutter! Was ist Seligkeit?
« O mère, qu’est-ce que le bonheur ? O Mutter! Was ist Hölle? O mère ! Qu’est-ce que l’enfer ? Bei ihm, bei ihm ist Seligkeit, Avec lui, avec lui : voici la félicité, Und ohne Wilhelm Hölle! – Et l’enfer se trouve sans Wilhelm ! – Lisch aus, mein Licht, auf ewig aus! Éteins-toi, ma lumière, pour toujours ! Stirb hin, stirb hin in Nacht und Graus! Meurs, meurs dans la nuit et dans l’horreur ! Ohn’ ihn mag ich auf Erden, Sans lui, sur terre, Mag dort nicht selig werden. »– Rien ne peut être sauvé. « –
*
So wütete Verzweifelung
Alors le désespoir rageur Ihr in Gehirn und Adern.
Gonflait dans son cerveau et ses veines. Sie fuhr mit Gottes Fürsehung
Elle blâmait la providence de Dieu, Vermessen fort zu hadern;
Ne cherchant qu’à se quereller; Zerschlug den Busen, und zerrang
Elle se frappa le sein, jusqu’à se meurtrit Die Hand, bis Sonnenuntergang,
La main, jusqu’au coucher du soleil, Bis auf am Himmelsbogen
Jusqu’à ce que sur l’arche du ciel Die goldnen Sterne zogen.
Volent les étoiles dorées.
*
Und aussen, horch! ging’s trap trap trap,
Et dehors, écoute ! Qu’est ce « trap, trap, trap », Als wie von Rosseshufen;
On dirait des bruits de sabots de chevaux ; Und klirrend stieg ein Reiter ab,
Et ce tintement, n’est-ce pas un cavalier qui descend, An des Geländers Stufen;
Les marches de la balustrade ; Und horch! und horch! den Pfortenring
Et écoutez ! et écoutez ! l’anneau de porte Ganz lose, leise, klinglingling!
Doucement, calmement, « klinglingling » ! Dann kamen durch die Pforte
Puis sont arrivés à travers la porte Vernemlich diese Worte:
Les mots que voici :
*
« Holla, Holla! Thu auf, mein Kind! « Holà ! Holà ! ouvre, mon enfant ! Schläfst, Liebchen, oder wachst du? Dors-tu, ma chérie, ou es-tu éveillé ? Wie bist noch gegen mich gesint? Pour qui chantes-tu ? Und weinest oder lachst du? » – Pleures-tu ou ris-tu ? « – « Ach, Wilhelm, du? – – So spät bei Nacht? – – « Ah ! Wilhelm, c’est toi ? – – Si tard dans la nuit ? – Geweinet hab’ ich und gewacht; J’ai attendu si longtemps ; Ach, grosses Leid erlitten! Ah ! j’ai tant souffert ! J’ai tant de chagrin ! Wo komst du hergeritten? » – Mais d’où viens-tu ? « –
Caspar_David_Friedrich Friedhof im Schnee
1826 Cimetière sous la neige Graveyard under Snow Museum der bildenden Künste Leipzig
*
1823
INTERMEZZO LYRIQUE Lyrisches Intermezzo
der Sarg HEINE
Die alten, bösen Lieder,
Les vieilles et vilaines chansons, Die Träume schlimm und arg,
Les nocifs et mauvais rêves, Die laßt uns jetzt begraben,
Nous devons les ensevelir maintenant, Holt einen großen Sarg.
Dans un grand cercueil.
*
Hinein leg’ ich gar manches,
J’y mettrai tant de choses, Doch sag’ ich noch nicht was;
Mais je ne dis pas tout encore ; Der Sarg muß seyn noch größer
Le cercueil doit être plus large encore Wie’s Heidelberger Faß.
Que ne l’est la tonne de Heidelberg.
A ce point de vue, Heine est traité en privilégié. Les Allemands peuvent bien maudire le pamphlétaire, ils savent par cœur les vers du poète. Éditeurs, biographes, critiques d’outre-Rhin lui ont consacré d’importans travaux. Chez nous, seul entre les poètes allemands, il bénéficie de ce privilège d’avoir un public. Je ne nie pas que nous n’ayons pour quelques autres, et pour Goethe par exemple, un juste respect. Nous admirons Gœthe, nous ne l’aimons pas. Au contraire, l’auteur de l’Intermezzoest pour quelques Français de France un de ces écrivains qui sont tout près du cœur. Cela tient à plusieurs raisons parmi lesquelles il en est d’extérieures. Heine a vécu pendant de longues années parmi nous ; il parlait notre langue, quoique avec un fort accent ; il l’écrivait, quoique d’une façon très incorrecte ; il nous a loués, quoique avec bien de l’impertinence ; il a été mêlé à notre société ; il a été en rapports avec nos écrivains, nos artistes et même nos hommes politiques. Nous nous sommes habitués à le considérer comme un des nôtres, et sa plaisanterie, fortement tudesque, passe encore pour avoir été une des formes authentiques de l’esprit parisien. Notre sympathie pour Heine se fonde d’ailleurs sur des motifs plus valables. Il a quelques-unes des qualités qui nous sont chères : son style est clair ; ses compositions sont courtes. Nous aimons ces lieds dont quelques-uns durent le temps d’un soupir, l’espace d’un sanglot. Leur pur éclat nous semble celui de la goutte de rosée que le soleil taille en diamant, ou d’une larme qui brille dans un sourire. C’est par eux que le meilleur de la sentimentalité allemande est parvenu jusqu’à nous. Ou, pour parler plus exactement, la poésie de Heine représente une nuance particulière de sensibilité, qu’il a créée et que nous avons accueillie. Aussi doit-elle avoir sa place dans une histoire de la poésie lyrique en France. De même qu’il y a une «critique allemande » de l’œuvre de Heine, il convient qu’il y en ait parallèlement une «critique française ».
René Doumic Revue littéraire La poésie de Henri Heine d’après un livre récent Revue des Deux Mondes 4e période tome 140 1897 pp. 457-468
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INTERMEZZO LYRIQUE Lyrisches Intermezzo
LXVI
der Sarg Heine
Poésie HEINRICH HEINE
Pouchkine en 1810, alors âgé de 11 ans.
Aquarelle de Serguei Gavrilovich Tchirikoff Сергей Гаврилович Чириков
(1776—1853)
1811
Pouchkine s’inscrit au lycée Tsarskoïe Selo
(25 km de Saint-Pétersbourg).
Царское Село
Porte le nom de Pouchkine
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1814
La famille Pouchkine emménage à Saint-Pétersbourg après la fin des Guerres napoléoniennes, en 1814.
Pouchkine a consacré son temps libre à la littérature et, en 1814, à quinze ans, il a déjà publié pour la première fois son poème « À un ami poète » dans la revue « Le Messager de l’Europe ». Ces vers, déclamés lors d’un examen de passage, lui valent l’admiration du poète Gavrila Derjavine.
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1811-1817
Amitié avec les futurs décembristes. L’Insurrection décabriste, ou insurrection décembriste, prendra la forme, une dizaine d’années plus tard environ, d’une tentative de coup d’État militaire (Saint-Pétersbourg, en décembre 1825) afin d’obtenir une constitution du Tsar Nicolas Ier.
«Твой и мой, — говорит Лафонтен —
« Tien et mien, — dit La fontaine — Расторгло узы всего мира». — Du monde a rompu le lien. » — Что до меня, я этому отнюдь не верю.
Quant à moi, je n’en crois rien. Что было бы, моя Климена,
Que serait ce, ma Climène, Если бы ты больше не была моей,
Si tu n’étais plus la mienne, Если б я больше не был твоим?
Si je n’étais plus le tien ?
(Texte en français par Pouchkine et publié en 1884)
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Rouslan et Ludmila
Parution en 1820
écrit à la façon d’un conte de fées épique
Par
Prosper Mérimée
« cet essai frisait la témérité«
« Il obtint un succès plus légitime et dont il n’avait pas à rougir, en publiant vers 1820 le poème de Rousslan et Lioudmila. C’est encore une imitation, mais plus habile et d’après un original d’une autorité moins contestable. Il s’inspira de l’Arioste et surtout de Voltaire, dont la langue et l’esprit lui étaient plus familiers. Comme ses maîtres, il est gai, gracieux, élégamment ironique. En faveur de l’imitation, les Aristarques du temps lui montrèrent quelque indulgence ; ils y virent une preuve de modestie digne d’encouragement ; ils eussent été impitoyables peut-être pour une œuvre originale. À Rome autrefois, on n’aurait osé écrire en latin qu’en s’abritant sous l’autorité d’un Grec. À Saint-Pétersbourg, les lettrés exigeaient qu’on copiât un type français ou allemand. Aujourd’hui ce qui nous paraît le plus à remarquer dans Rousslan et Lioudmila, c’est un essai d’emprunter aux croyances populaires de la Russie des ressorts moins usés que ceux de la mythologie grecque, hors lesquels en 1820 il n’y avait pas de salut. Alors cet essai frisait la témérité, tant était grande l’intolérance classique. »
Prosper Mérimée
Portraits historiques et littéraires
Michel Lévy frères
1874
« Nous en trouvons l’explication dans une lettre que Joukowsky lui adressait, à Michailowskoïe, en 1826 : « Tu n’es mêlé à aucune affaire, cela est vrai, mais on a trouvé tes poèmes dans les papiers de tous ceux qui ont agi ; c’est un mauvais moyen de rester en bons termes avec le gouvernement. » Ainsi, pour ne jamais avoir déserté le terrain littéraire et s’être tenu à l’écart de la politique proprement dite, Pouchkine n’en était pas moins un homme dangereux. Il l’était peut-être plus que ceux que l’on avait emprisonnés et envoyés en Sibérie, car son influence était occulte, impalpable et fuyante. S’il n’existait aucune preuve tangible de sa culpabilité, son nom se rattachait cependant indiscutablement au parti libéral et, par-là même, au parti révolutionnaire. Ses poèmes séditieux, souvent mordants et satiriques, passaient sous forme de manuscrits de mains en mains, beaucoup d’inculpés politiques, parmi lesquels se comptaient les plus grands noms de la Russie, avouaient aux juges avoir été fortement influencés par les œuvres de Pouchkine. Nicolas Ier s’en souvint toute sa vie. Il ne cessa d’exercer une surveillance étroite sur le poète et sur ses œuvres. Trop intelligent pour ne point reconnaître la valeur réelle de Pouchkine, il y mit assez de formes pour ne point frapper le s poète, tout en se méfiant de l’homme. Il ne l’exila point comme avait fait son père ; au contraire, il exigea sa présence constante dans la capitale d’où Pouchkine ne put que rarement s’échapper. De cette manière, aucun de ses faits et gestes ne restait inconnu à la police. D’autre part, l’Empereur le délivra dès 1826 du joug officiel de la censure et se constitua son seul et unique censeur. Cette décision, qui avait les apparences d’une grâce » exceptionnelle, n’était, au fond, qu’un suprême moyen de contrôle. »
Le duel et la mort de Pouchkine
Hélène Iswolsky
Revue des Deux Mondes
Tome 56
1920
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8 septembre 1826
Pouchkine rentre d’exil par ordre de Nicolas Ier
Il sera reçu par Nicolas Ier.
« Je terminerai par une pièce d’un tout autre caractère qui, de même que l’Antchar, a eu le malheur d’être prise par la censure pour un dithyrambe révolutionnaire. Aujourd’hui l’une et l’autre sont imprimées dans toutes les éditions récentes de Pouchkine. Elle est intitulée le Prophète. « Tourmenté d’une soif spirituelle, j’allais errant dans un sombre désert, et un séraphin à six ailes m’apparut à la croisée d’un sentier. De ses doigts légers comme un songe, il toucha mes prunelles ; mes prunelles s’ouvrirent voyantes comme celles d’un aiglon effarouché ; il toucha mes oreilles, elles se remplirent de bruits et de rumeurs, et je compris l’architecture des cieux et le vol des anges au-dessus des monts, et la voie des essaims d’animaux marins sous les ondes, et le travail souterrain de la plante qui germe. Et l’ange, se penchant vers ma bouche, m’arracha ma langue pécheresse, la diseuse de frivolités et de mensonges, et entre mes lèvres glacées sa main sanglante mit le dard du sage serpent. D’un glaive il fendit ma poitrine et en arracha mon cœur palpitant, et dans ma poitrine entrouverte il enfonça une braise ardente. Tel qu’un cadavre, j’étais gisant dans le désert, et la voix de Dieu m’appela : Lève-toi, prophète, vois, écoute, et parcourant et les mers et les terres, brûle par la Parole les cœurs des humains. »
Prosper Mérimée
Portraits historiques et littéraires
Michel Lévy frères
1874
1829
1er mai 1829 départ pour l’armée active dans le Caucase
Juin 1829 – Pouchkine à Tiflis – Tbilissi (actuellement capitale de la Géorgie)
27 juin 1829 – Pouchkine lors de la prise d’Erzurum.
En 1829, la ville d’Erzurum (aujourd’hui située en Turquie) tombe aux mains des russes qui l’abandonnèrent aussitôt.
1830
карантин – Quarantaine La Russie subit une épidémie de choléra pendant l’automne 1830
(3 mois d’isolement pour Pouchkine du 3 septembre 1830 et le 5 décembre 1830 à Boldino)
Il arrive dans sa propriété pour organiser les affaires immobilières, puis il reste par obligation de quarantaine imposée par les autorités. Cette période correspond à ce que l’on a appelé l’Automne de Boldino, une propriété familiale, (Бо́лдинская о́сень).
Cette période fut très intense pour le poète. Il y terminera Eugène Onéguine. Boldino se trouve à environ 600 kilomètres à l’est de Moscou, aujourd’hui dans l’oblast de Nijni Novgorod (Нижний Новгород).
Il écrira notamment le poème ci-dessous Румяный критик мой, librement renommé ici LA QUARANTAINE AU TEMPS DU CHOLÉRA.
LA PETITE MAISON DE KOLOMNA (La Petite Maison dans la Kolomna) Par Prosper Mérimée
« La Petite Maison dans la Kolomna et le Comte Nouline sont deux charmants petits tableaux du même genre, non moins gracieux que leur devancier. Sauf la forme des vers et le ton général de la composition, Pouchkine n’a rien dérobé à lord Byron. Ses caractères sont bien russes et pris sur la nature. La Petite Maison dans la Kolomna chante les tribulations d’une bonne veuve, mère d’une jolie fille, en quête d’une servante à tout faire. Il s’en présente une, grande, robuste, un peu gauche et maladroite, mais qui prend les gages qu’on lui offre. La fille de la maison est d’ailleurs fort empressée à la mettre au fait et l’aide de son mieux. Un jour, la veuve est prise, pendant la messe, d’un pressentiment que sa bonne fait quelque sottise dans le ménage : elle rentre en hâte, et la trouve devant un miroir en train de se raser. »
Prosper Mérimée
Portraits historiques et littéraires
Michel Lévy frères, 1874
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18 février 1831
mariage avec Natalia Gontcharova
Natalia Nikolaïevna Gontcharova Наталья Николаевна Гончарова
( – )
Natalia Gontcharova par Alexandre Brioullov Алекса́ндр Па́влович Брюлло́в
En 1831
Le 25 mai 1831, ils déménagement à Tsarskoïe Selo.
En octobre 1831, ils s’installent à Saint-Pétersbourg
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LE MARIAGE DE POUCHKINE
AVEC NATALIA
…Telle était la situation de Pouchkine à l’époque de son mariage, qui fut célébré à Moscou le 18 février 1831. Il avait trente-deux ans. Sa fiancée, Nathalie Nicolaievna Goncharowa, en avait dix-huit. Très épris de cette belle et jeune personne, Pouchkine ne restait pas moins sceptique au sujet de son bonheur. Ses fiançailles furent longues et pénibles et la famille Goncharoff ne témoignait que peu d’empressement pour le projet de cette union. Mme Goncharowa, mère, occupée surtout de la dot de sa fille, cherchait sans cesse querelle à son futur gendre. Quant à la jeune fille, elle se montrait aussi passive, aussi indifférente que Pouchkine était ardent et impatient.
« Quel cœur doit-elle donc avoir ? s’écriait Pouchkine ; il est armé d’une écorce plus dure que celle du chêne. » Jamais, dès ses premières rencontres avec Nathalie, Pouchkine ne se sentit aimé ou même apprécié par cette énigmatique et froide fiancée qui, en réponse à ses plus tendres épîtres, lui écrivait des lettres « grandes comme une carte de visite.» Le duel et la mort de Pouchkine Hélène Iswolsky
Revue des Deux Mondes
Tome 56
1920
Georges-Charles de Heeckeren d’Anthès
Beau-frère de Pouchkine
(mariage le 10 janvier 1837 avec la sœur de Natalia, Ekaterina Nikolaïevna Gontcharova Екатерина Николаевна Гончарова (1809 -1843)
Duel le 8 février 1837
Mort le 10 février 1837 à 37 ans
Le duel Pouchkine – d’Anthès
le 8 février au soir
par Alexey Avvakumovich Naumov
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LE DUEL ET LA MORT DE POUCHKINE
par
Hélène Iswolsky
Mais il y eut aussi un autre Pouchkine, celui des dernières années, un Pouchkine sombre et triste, déchiré par la vie. Bien avant de recevoir la blessure qui devait l’emporter, il avait été meurtri, frappé mortellement au point le plus sensible de sa libre conscience de poète ; le drame intime de Pouchkine, et c’est ici qu’il s’éloigne de Lensky, ne fut pas essentiellement un drame d’amour ; le mal était plus grave et plus cruel et se rattachait à toutes les fibres de son âme. Son génie, sa fière indépendance, étaient touchés autant et plus peut-être que son cœur. Cette histoire complexe et douloureuse des dernières années du grand poète ne fut jamais complètement déchiffrée ; ses biographes récents s’y sont attachés avec un intérêt croissant. M. Stchegoleff, qui a consacré à Pouchkine plusieurs volumes d’une grande probité historique et de la plus haute valeur, a étudié minutieusement les faits et les documents se rattachant à cette époque. Il a eu, notamment, le privilège de puiser dans les archives d’un Français, le très distingué conservateur du Musée des Arts décoratifs de Paris ; M. Louis Metmann est en effet l’arrière-petit-fils du gentilhomme alsacien, le baron Georges d’Anthès Heckeren, dont la main porta le coup meurtrier à Alexandre Pouchkine…. Le duel et la mort de Pouchkine Hélène Iswolsky
Revue des Deux Mondes
Tome 56
1920
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Natalia Gontcharova par Ivan Makarov
Ива́н Кузьми́ч Мака́ров
en 1849
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Georges de Heeckeren d’Anthès
Vers 1878
Peint par Carolus-Duran
D’Anthès prit le nom de Georges-Charles de Heeckeren, après accord du roi des Pays-Bas par lettre du
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Depuis le 6 février 1837
La tombe de Pouchkine se trouve dans le Monastère Sviatogorski ou Monastère Sviatogorski de la Dormition de la Vierge Marie
Святогорский Свято-Успенский монастырь Oblast de Pskov – Пско́вская о́бласть
(Proche de la Lettonie, de l’Estonie et de la Biélorussie.)
Le monastère a été fondé en 1569, sous ordre d’Ivan le Terrible.
LES JUGEMENTS DE Tolstoï
SUR LES POEMES DE POUCHKINE
Ayons donc pleine confiance dans le jugement du comte Tolstoï sur les poèmes de Pouchkine, son compatriote ! Croyons-le, encore, quand il nous parle d’écrivains allemands, anglais, et scandinaves : il a les mêmes droits que nous à se tromper sur eux. Mais ne nous trompons pas avec lui sur des œuvres françaises dont le vrai sens, forcément, lui échappe, comme il échappera toujours à quiconque n’a pas, dès l’enfance, l’habitude de penser et de sentir en français ! Je ne connais rien de plus ridicule que l’admiration des jeunes esthètes anglais ou allemands pour tel poète français. Verlaine, par exemple, ou Villiers de l’Isle-Adam. Ces poètes ne peuvent être compris qu’en France, et ceux qui les admirent à l’étranger les admirent sans pouvoir les comprendre. Mais il ne résulte pas de là, comme le croit le comte Tolstoï, qu’ils soient absolument incompréhensibles. Ils ne le sont que pour lui, comme pour nous Lermontof et Pouchkine. Ce sont des artistes : la valeur artistique de leurs œuvres résulte de l’harmonie de la forme et du fond : et si lettré que soit un lecteur russe, si parfaite que soit sa connaissance de la langue française, la forme de cette langue lui échappe toujours.
Léon Tolstoï Qu’est-ce que l’art ? Traduction par T. de Wyzewa. Perrin, 1918 pp. i-XII
103 mètres
Construit entre 1886et 1891
Dédié à la Reine Marguerite de Savoie
Margherita Maria Teresa Giovanna di Savoia
Epouse du roi Umberto I
Consorte di Re Umberto I
trois arches – tre arcate
Progettista Angelo Vescovali
Concepteur Angelo Vescovali
[1826-1895]
[Ponte Garibaldi, Ponte Umberto I, Ponte Palatino, Ponte Regina Margherita e Ponte Cavour]
[создатель современного русского литературного языка]
– ПРОРОК стихотворение Le Prophète
[Poème]
1826
Духовной жаждою томим, Tourmenté par la soif spirituelle, В пустыне мрачной я влачился, — Dans un sombre désert je me traînais- И шестикрылый серафим Et un séraphin à six ailes…
L’œuvre de Caspar David Friedrich n’est pas une œuvre de peintre. Friedrich n’est pas un peintre, c’est un marabout, un mage, un illusionniste. C’est une souffrance et une délivrance. Ce n’est pas une œuvre, c’est une nécessité.
En se postant devant une de ses toiles, nous ne voyons rien.
LE SON DES VIVANTS DE L’AU-DELA et DES MORTS D’ICI BAS D’emblée, nous ne voyons rien. D’abord, parce qu’il y a trop à voir, d’un voir qui n’est pas d’ici, d’un voir qui dépasse notre être-là devant ce bout de toile. Ensuite, et plus, de prime abord, parce que nous entendons. Avant même d’arriver à la toile. Les tableaux de Friedrich sont une musique, un son. Le son des vivants de l’au-delà et des morts d’ici-bas.
Le son se déplace à la vitesse des vagues sur les rochers, d’un nuage, du tonnerre au-dessus de l’arc-en-ciel. Un son aussi du silence, du bruit infernal de la brume et tempétueux de l’aurore.
LE SON DU MONDE
L’œuvre est le son. Le son insondable qui bat de nos cœurs à la chaloupe en détresse, de ces pierres qui tiennent encore et encore, prêtes à se déverser dans le fossé en contrebas. Un son lancinant, rapide, étouffant et libérateur. Le son du monde et des mondes qui nous arrivent de bien plus loin.
Friedrich nous pose à chaque fois devant un dilemme à nous, spectateur, qui arpentons, devant ses toiles, les couleurs abandonnées par un ailleurs, au seuil d’une compréhension immédiate et pourtant étrangère ; mais sans tension, sans effort. Presqu’avec délectation.
UN ATOME DE DIEU
Quand on voit une toile de Friedrich, nous ne voyons pas une toile, ni une nature, ni un paysage, nous voyons un morceau d’infini, un atome de dieu. La couleur n’est pas la couleur et la matière n’est plus solide. Et ce tintamarre est si bruyant que notre cœur s’en trouve apaisé.
UN BEAU TERRIFIANT ET SIDERANT
Comme quand nous lisons une nouvelle de Lovecraft ou de Poe, comme devant une tragédie grecque, nous sommes rassérénés devant le drame qui est là, qui s’est passé ou qui va se passer. Nous savons que ce temps-là, pour l’heure, n’est pas pour nous. Il est pour celui qui, plongé dans la stupéfaction et l’horreur-ravissement, reste scotché devant le spectacle. Comme devant un feu de cheminée où la douce chaleur peut devenir, en se déplaçant quelque peu, inexistante ou insupportable. La dramatisation de la Nature nous fixe sur une terre post ou pré-apocalyptique. Le moment qui nous saisit est un autre moment avec un héritage d’une douleur qui sans cesse veut quitter la toile et bondir ailleurs. Mais que quelque chose retient. Quelque chose résiste de l’ordre du vivant. De l’ordre du sublime. De ce beau terrifiant et sidérant.
Nous sommes les derniers survivants ou les premiers à voir le désastre arriver. Juste avant de nous plonger dans la tombe du Cimetière sous la neige (Friedhof im Schnee – 1826)
Il s’agit toujours d’une frontière. Le cadre est notre première frontière, puis souvent une fenêtre, une porte (Cimetière sous la neige), un rocher, un promontoire. Ils s’ouvrent sur le départ, sur l’infini, sur le divin ou la mort, ou tout ça ensemble.
LE VIDE EST LA
Un pas entre sublime et horreur. Un pas de plus et nous tombons. Le vide est là. L’ailleurs. La mort ou la renaissance. Mais le marqueur se fige pour mieux nous montrer l’importance de ces quelques centimètres qui nous séparent de ce bouleversement. Et, conséquemment, ce pas, si facile à faire, nous fait réfléchir à notre état actuel que nous risquons de perdre si nous nous aventurons dans ce nouvel espace. La porte du Cimetière sous la neige nous éloigne de la tombe fraîchement creusée, donc de la mort ; mais le passage passe aussi par cette tombe qui, comme un puits sans fonds, nous appelle ; et qui nous dit que la solide porte de pierre apportera une autre lumière, un autre espoir ? Les arbres, derrière, sont décharnés par l’hiver, sans savoir s’il s’agit d’arbres morts ou d’arbres endormis dans les torpeur du froid qui n’attendent qu’un rayon de soleil pour reverdir et continuer le cycle de la vie.
QUAND LES MORTS SE LEVENT
Pour cela, ceux qui se cachent devant les immenses piliers dans l’Entrée du cimetière (Friedhofseingang – 1825) attendent ; ils se cachent. Ont-ils peur ? Sont-ils curieux ? Comme si le cimetière dans la brume pouvait bouger, comme si les morts allaient se lever, comme s’ils étaient appelés et espéraient retarder un peu le moment du départ. Ils sont dans la vie ; un pas de plus et où seront-ils ?
CET INFINI QUI S’OFFRE A NOUS
La porte n’est pas nécessairement aussi solide et linéaire. Un arc-en-ciel fera l’affaire. La lumière rayant le tableau marque la séparation du tableau, mais surtout la séparation de deux sphères temporelles. Avant et après la pluie, la tempête, la catastrophe. Dans le Paysage de montagne avec arc-en-ciel (Landschaft mit Regenbogen, vers 1810), l’homme en admiration, stupéfaction, en étonnement ou en sidération, s’accoste au rocher, dépassé par cet infini qui s’offre, l’espace d’un instant, à lui, à nous.
Dans l’œuvre de Friedrich la matière a une double consistance : lourde et massive d’un côté et évanescente, immatérielle, vaporeuse aussi. Les deux états s’interpénètrent constamment, comme la vie et la mort.
FRANCHIR LE PALIER
La frontière quand elle se pose, et elle se pose toujours, ne délimite pas les deux états, gazeux et solide, mais se tient dans une limite indéfinie et divine. Les montagnes sortent des nuages et la brume floute notre vision nous empêchant de suivre le chemin qui s’arrête là. Quelque chose se cache en se montrant.
Le tableau n’est plus qu’un prétexte, un rituel devant l’au-delà. Comme une prière. Friedrich ouvre une fenêtre dans un autre temps, une autre dimension dépassant l’infini de l’humain.
Le pas es avancé et le palier franchi. Et le son, toujours lui, nous inonde et nous porte. Loin dans les brumes.