Pierre Mignard, La Rencontre d’Alexandre avec la reine des Amazones (vers 1660), Avignon, musée Calvet.
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Тебя ль я видел, милый друг? Est-ce toi que j’ai vue, tendre amie ? Или неверное то было сновиденье, Ou n’était-ce qu’un faux rêve, Мечтанье смутное, и пламенный недуг Un rêve, une maladie vague et ardente Обманом волновал мое воображенье? Excitée par mon imagination ? В минуты мрачные болезни роковой En quelques minutes, dans cette sombre maladie mortelle, Ты ль, дева нежная, стояла надо мной Toi, douce jeune fille, était-ce toi au-dessus de moi В одежде воина с неловкостью приятной? Portant des vêtements de guerrier avec une charmante maladresse ? Так, видел я тебя; мой тусклый взор узнал Alors, je t’ai vue ; mon regard terne a reconnu Знакомые красы под сей одеждой ратной: Ta beauté familière sous ces vêtements militaires : И слабым шопотом подругу я назвал… Et je t’ai appelée, toi ma tendre amie, dans un faible murmure… Но вновь в уме моем стеснились мрачны грезы, Mais encore une fois dans mon esprit rempli de sombres pensées, Я слабою рукой искал тебя во мгле… D’une main fébrile, je te cherchais dans l’obscurité… И вдруг я чувствую твое дыханье, слезы Et soudain je sens ton souffle, tes larmes И влажный поцелуй на пламенном челе… Et un baiser mouillé sur mon front ardent… Бессмертные! с каким волненьем Immortels ! avec quelle excitation Желанья, жизни огнь по сердцу пробежал! Le désir, la vie, le feu traversaient mon cœur ! Я закипел, затрепетал… J’ai frissonné, j’ai tremblé… И скрылась ты прелестным привиденьем! Et ce beau fantôme s’est évanoui ! Жестокой друг! меня томишь ты упоеньем: Amie cruelle ! tu me tourmentes de ravissement : Приди, меня мертвит любовь! Viens, l’amour me tuera ! В молчаньи благосклонной ночи Dans le silence d’une bonne nuit, Явись, волшебница! пускай увижу вновь Viens, sorcière ! laisse-moi revoir Под грозным кивером твои небесны очи, Sous le formidable shako tes yeux célestes, И плащ, и пояс боевой, Ton manteau et ta ceinture de combat, И бранной обувью украшенные ноги. Et tes pieds que ces bottes réhaussent. Не медли, поспешай, прелестный воин мой, N’hésite pas, dépêche-toi, ma belle guerrière, Приди, я жду тебя. Здоровья дар благой Viens, je t’attends. Le présent de la santé, Мне снова ниспослали боги, Les dieux m’ont renvoyé А с ним и сладкие тревоги Et avec lui les douces alarmes Любви таинственной и шалости младой. De l’amour mystérieux et des jeunes idylles.
Portrait de Rainer Maria Rilke 1906 Par Paula Modersohn-Becker
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L’ARBRE NOIR DANS LE CIEL EINGANG 1906 _________________
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Wer du auch seist: am Abend tritt hinaus Qui que tu sois : sors le soir aus deiner Stube, drin du alles weißt; de ta chambre, dans laquelle tu sais tout ; als letztes vor der Ferne liegt dein Haus: la dernière chose connue devant toi est ta maison : wer du auch seist. qui que tu sois. Mit deinen Augen, welche müde kaum Avec tes yeux, encore fatigués von der verbrauchten Schwelle sich befrein, à se débarrasser de ce seuil reconnu, hebst du ganz langsam einen schwarzen Baum tu soulèves lentement un arbre noir und stellst ihn vor den Himmel: schlank, allein. et le poses devant le ciel : efflanqué et seul. Und hast die Welt gemacht. Und sie ist groß Et un monde existe. Et il est grand und wie ein Wort, das noch im Schweigen reift. Et comme un mot, il mûrit encore en silence. Und wie dein Wille ihren Sinn begreift, Et comme ta volonté comprend sa signification, lassen sie deine Augen zärtllich los … Tes yeux tendrement le laissent à son propre destin …
LITTÉRATURE PORTUGAISE POÉSIE PORTUGAISE LITERATURA PORTUGUESA POESIA PORTUGUESA
****** TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE ******
Florbela Espanca Flor Bela de Alma da Conceição Poétesse portugaise 8 décembre 1894 – 8 décembre 1930 Vila Viçosa, 8 de dezembro de 1894 — Matosinhos, 8 de dezembro de 1930
Caspar David Friedrich, Le Voyageur contemplant une mer de nuages, 1818, Hambourg Kunsthalle
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Minh’alma, de sonhar-te, anda perdida. Mon âme, rêvant de toi, s’est perdue. Meus olhos andam cegos de te ver. Mes yeux sont devenus aveugles de te voir…
Ты в страсти горестной находишь наслажденье;
Tu trouves du plaisir dans une triste passion, Тебе приятно слезы лить,
Tu te montres joyeux en versant des larmes, Напрасным пламенем томить воображенье
En vain, tu laisses brûler la flamme de ton imagination…
… Остались вечно бы с тобой.
Souverain à jamais sur ton cœur.
LES JUGEMENTS DE Tolstoï
SUR LES POEMES DE POUCHKINE
Ayons donc pleine confiance dans le jugement du comte Tolstoï sur les poèmes de Pouchkine, son compatriote ! Croyons-le, encore, quand il nous parle d’écrivains allemands, anglais, et scandinaves : il a les mêmes droits que nous à se tromper sur eux. Mais ne nous trompons pas avec lui sur des œuvres françaises dont le vrai sens, forcément, lui échappe, comme il échappera toujours à quiconque n’a pas, dès l’enfance, l’habitude de penser et de sentir en français ! Je ne connais rien de plus ridicule que l’admiration des jeunes esthètes anglais ou allemands pour tel poète français. Verlaine, par exemple, ou Villiers de l’Isle-Adam. Ces poètes ne peuvent être compris qu’en France, et ceux qui les admirent à l’étranger les admirent sans pouvoir les comprendre. Mais il ne résulte pas de là, comme le croit le comte Tolstoï, qu’ils soient absolument incompréhensibles. Ils ne le sont que pour lui, comme pour nous Lermontof et Pouchkine. Ce sont des artistes : la valeur artistique de leurs œuvres résulte de l’harmonie de la forme et du fond : et si lettré que soit un lecteur russe, si parfaite que soit sa connaissance de la langue française, la forme de cette langue lui échappe toujours.
Léon Tolstoï Qu’est-ce que l’art ? Traduction par T. de Wyzewa. Perrin, 1918 pp. i-XII
Любви, надежды, тихой славы
Amour, espoir, majestueuse gloire Недолго нежил нас обман,
Un court instant vous nous avez trompé, Исчезли юные забавы,
Elles sont terminées nos joies de jeunesse…
Портрет П. Я. Чаадаев Piotr Iakovlevitch Tchaadaïev Петр Чаадаев 1794-1856 Ecrivain & Philosophe russe русский философ «христианский философ» « philosophe chrétien »
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LES JUGEMENTS DE Tolstoï
SUR LES POEMES DE POUCHKINE
Ayons donc pleine confiance dans le jugement du comte Tolstoï sur les poèmes de Pouchkine, son compatriote ! Croyons-le, encore, quand il nous parle d’écrivains allemands, anglais, et scandinaves : il a les mêmes droits que nous à se tromper sur eux. Mais ne nous trompons pas avec lui sur des œuvres françaises dont le vrai sens, forcément, lui échappe, comme il échappera toujours à quiconque n’a pas, dès l’enfance, l’habitude de penser et de sentir en français ! Je ne connais rien de plus ridicule que l’admiration des jeunes esthètes anglais ou allemands pour tel poète français. Verlaine, par exemple, ou Villiers de l’Isle-Adam. Ces poètes ne peuvent être compris qu’en France, et ceux qui les admirent à l’étranger les admirent sans pouvoir les comprendre. Mais il ne résulte pas de là, comme le croit le comte Tolstoï, qu’ils soient absolument incompréhensibles. Ils ne le sont que pour lui, comme pour nous Lermontof et Pouchkine. Ce sont des artistes : la valeur artistique de leurs œuvres résulte de l’harmonie de la forme et du fond : et si lettré que soit un lecteur russe, si parfaite que soit sa connaissance de la langue française, la forme de cette langue lui échappe toujours.
Léon Tolstoï Qu’est-ce que l’art ? Traduction par T. de Wyzewa. Perrin, 1918 pp. i-XII
Pouchkine en 1810, alors âgé de 11 ans.
Aquarelle de Serguei Gavrilovich Tchirikoff Сергей Гаврилович Чириков
(1776—1853)
1811
Pouchkine s’inscrit au lycée Tsarskoïe Selo
(25 km de Saint-Pétersbourg).
Царское Село
Porte le nom de Pouchkine
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1814
La famille Pouchkine emménage à Saint-Pétersbourg après la fin des Guerres napoléoniennes, en 1814.
Pouchkine a consacré son temps libre à la littérature et, en 1814, à quinze ans, il a déjà publié pour la première fois son poème « À un ami poète » dans la revue « Le Messager de l’Europe ». Ces vers, déclamés lors d’un examen de passage, lui valent l’admiration du poète Gavrila Derjavine.
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1811-1817
Amitié avec les futurs décembristes. L’Insurrection décabriste, ou insurrection décembriste, prendra la forme, une dizaine d’années plus tard environ, d’une tentative de coup d’État militaire (Saint-Pétersbourg, en décembre 1825) afin d’obtenir une constitution du Tsar Nicolas Ier.
«Твой и мой, — говорит Лафонтен —
« Tien et mien, — dit La fontaine — Расторгло узы всего мира». — Du monde a rompu le lien. » — Что до меня, я этому отнюдь не верю.
Quant à moi, je n’en crois rien. Что было бы, моя Климена,
Que serait ce, ma Climène, Если бы ты больше не была моей,
Si tu n’étais plus la mienne, Если б я больше не был твоим?
Si je n’étais plus le tien ?
(Texte en français par Pouchkine et publié en 1884)
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Rouslan et Ludmila
Parution en 1820
écrit à la façon d’un conte de fées épique
Par
Prosper Mérimée
« cet essai frisait la témérité«
« Il obtint un succès plus légitime et dont il n’avait pas à rougir, en publiant vers 1820 le poème de Rousslan et Lioudmila. C’est encore une imitation, mais plus habile et d’après un original d’une autorité moins contestable. Il s’inspira de l’Arioste et surtout de Voltaire, dont la langue et l’esprit lui étaient plus familiers. Comme ses maîtres, il est gai, gracieux, élégamment ironique. En faveur de l’imitation, les Aristarques du temps lui montrèrent quelque indulgence ; ils y virent une preuve de modestie digne d’encouragement ; ils eussent été impitoyables peut-être pour une œuvre originale. À Rome autrefois, on n’aurait osé écrire en latin qu’en s’abritant sous l’autorité d’un Grec. À Saint-Pétersbourg, les lettrés exigeaient qu’on copiât un type français ou allemand. Aujourd’hui ce qui nous paraît le plus à remarquer dans Rousslan et Lioudmila, c’est un essai d’emprunter aux croyances populaires de la Russie des ressorts moins usés que ceux de la mythologie grecque, hors lesquels en 1820 il n’y avait pas de salut. Alors cet essai frisait la témérité, tant était grande l’intolérance classique. »
Prosper Mérimée
Portraits historiques et littéraires
Michel Lévy frères
1874
« Nous en trouvons l’explication dans une lettre que Joukowsky lui adressait, à Michailowskoïe, en 1826 : « Tu n’es mêlé à aucune affaire, cela est vrai, mais on a trouvé tes poèmes dans les papiers de tous ceux qui ont agi ; c’est un mauvais moyen de rester en bons termes avec le gouvernement. » Ainsi, pour ne jamais avoir déserté le terrain littéraire et s’être tenu à l’écart de la politique proprement dite, Pouchkine n’en était pas moins un homme dangereux. Il l’était peut-être plus que ceux que l’on avait emprisonnés et envoyés en Sibérie, car son influence était occulte, impalpable et fuyante. S’il n’existait aucune preuve tangible de sa culpabilité, son nom se rattachait cependant indiscutablement au parti libéral et, par-là même, au parti révolutionnaire. Ses poèmes séditieux, souvent mordants et satiriques, passaient sous forme de manuscrits de mains en mains, beaucoup d’inculpés politiques, parmi lesquels se comptaient les plus grands noms de la Russie, avouaient aux juges avoir été fortement influencés par les œuvres de Pouchkine. Nicolas Ier s’en souvint toute sa vie. Il ne cessa d’exercer une surveillance étroite sur le poète et sur ses œuvres. Trop intelligent pour ne point reconnaître la valeur réelle de Pouchkine, il y mit assez de formes pour ne point frapper le s poète, tout en se méfiant de l’homme. Il ne l’exila point comme avait fait son père ; au contraire, il exigea sa présence constante dans la capitale d’où Pouchkine ne put que rarement s’échapper. De cette manière, aucun de ses faits et gestes ne restait inconnu à la police. D’autre part, l’Empereur le délivra dès 1826 du joug officiel de la censure et se constitua son seul et unique censeur. Cette décision, qui avait les apparences d’une grâce » exceptionnelle, n’était, au fond, qu’un suprême moyen de contrôle. »
Le duel et la mort de Pouchkine
Hélène Iswolsky
Revue des Deux Mondes
Tome 56
1920
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8 septembre 1826
Pouchkine rentre d’exil par ordre de Nicolas Ier
Il sera reçu par Nicolas Ier.
« Je terminerai par une pièce d’un tout autre caractère qui, de même que l’Antchar, a eu le malheur d’être prise par la censure pour un dithyrambe révolutionnaire. Aujourd’hui l’une et l’autre sont imprimées dans toutes les éditions récentes de Pouchkine. Elle est intitulée le Prophète. « Tourmenté d’une soif spirituelle, j’allais errant dans un sombre désert, et un séraphin à six ailes m’apparut à la croisée d’un sentier. De ses doigts légers comme un songe, il toucha mes prunelles ; mes prunelles s’ouvrirent voyantes comme celles d’un aiglon effarouché ; il toucha mes oreilles, elles se remplirent de bruits et de rumeurs, et je compris l’architecture des cieux et le vol des anges au-dessus des monts, et la voie des essaims d’animaux marins sous les ondes, et le travail souterrain de la plante qui germe. Et l’ange, se penchant vers ma bouche, m’arracha ma langue pécheresse, la diseuse de frivolités et de mensonges, et entre mes lèvres glacées sa main sanglante mit le dard du sage serpent. D’un glaive il fendit ma poitrine et en arracha mon cœur palpitant, et dans ma poitrine entrouverte il enfonça une braise ardente. Tel qu’un cadavre, j’étais gisant dans le désert, et la voix de Dieu m’appela : Lève-toi, prophète, vois, écoute, et parcourant et les mers et les terres, brûle par la Parole les cœurs des humains. »
Prosper Mérimée
Portraits historiques et littéraires
Michel Lévy frères
1874
1829
1er mai 1829 départ pour l’armée active dans le Caucase
Juin 1829 – Pouchkine à Tiflis – Tbilissi (actuellement capitale de la Géorgie)
27 juin 1829 – Pouchkine lors de la prise d’Erzurum.
En 1829, la ville d’Erzurum (aujourd’hui située en Turquie) tombe aux mains des russes qui l’abandonnèrent aussitôt.
1830
карантин – Quarantaine La Russie subit une épidémie de choléra pendant l’automne 1830
(3 mois d’isolement pour Pouchkine du 3 septembre 1830 et le 5 décembre 1830 à Boldino)
Il arrive dans sa propriété pour organiser les affaires immobilières, puis il reste par obligation de quarantaine imposée par les autorités. Cette période correspond à ce que l’on a appelé l’Automne de Boldino, une propriété familiale, (Бо́лдинская о́сень).
Cette période fut très intense pour le poète. Il y terminera Eugène Onéguine. Boldino se trouve à environ 600 kilomètres à l’est de Moscou, aujourd’hui dans l’oblast de Nijni Novgorod (Нижний Новгород).
Il écrira notamment le poème ci-dessous Румяный критик мой, librement renommé ici LA QUARANTAINE AU TEMPS DU CHOLÉRA.
LA PETITE MAISON DE KOLOMNA (La Petite Maison dans la Kolomna) Par Prosper Mérimée
« La Petite Maison dans la Kolomna et le Comte Nouline sont deux charmants petits tableaux du même genre, non moins gracieux que leur devancier. Sauf la forme des vers et le ton général de la composition, Pouchkine n’a rien dérobé à lord Byron. Ses caractères sont bien russes et pris sur la nature. La Petite Maison dans la Kolomna chante les tribulations d’une bonne veuve, mère d’une jolie fille, en quête d’une servante à tout faire. Il s’en présente une, grande, robuste, un peu gauche et maladroite, mais qui prend les gages qu’on lui offre. La fille de la maison est d’ailleurs fort empressée à la mettre au fait et l’aide de son mieux. Un jour, la veuve est prise, pendant la messe, d’un pressentiment que sa bonne fait quelque sottise dans le ménage : elle rentre en hâte, et la trouve devant un miroir en train de se raser. »
Prosper Mérimée
Portraits historiques et littéraires
Michel Lévy frères, 1874
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18 février 1831
mariage avec Natalia Gontcharova
Natalia Nikolaïevna Gontcharova Наталья Николаевна Гончарова
( – )
Natalia Gontcharova par Alexandre Brioullov Алекса́ндр Па́влович Брюлло́в
En 1831
Le 25 mai 1831, ils déménagement à Tsarskoïe Selo.
En octobre 1831, ils s’installent à Saint-Pétersbourg
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LE MARIAGE DE POUCHKINE
AVEC NATALIA
…Telle était la situation de Pouchkine à l’époque de son mariage, qui fut célébré à Moscou le 18 février 1831. Il avait trente-deux ans. Sa fiancée, Nathalie Nicolaievna Goncharowa, en avait dix-huit. Très épris de cette belle et jeune personne, Pouchkine ne restait pas moins sceptique au sujet de son bonheur. Ses fiançailles furent longues et pénibles et la famille Goncharoff ne témoignait que peu d’empressement pour le projet de cette union. Mme Goncharowa, mère, occupée surtout de la dot de sa fille, cherchait sans cesse querelle à son futur gendre. Quant à la jeune fille, elle se montrait aussi passive, aussi indifférente que Pouchkine était ardent et impatient.
« Quel cœur doit-elle donc avoir ? s’écriait Pouchkine ; il est armé d’une écorce plus dure que celle du chêne. » Jamais, dès ses premières rencontres avec Nathalie, Pouchkine ne se sentit aimé ou même apprécié par cette énigmatique et froide fiancée qui, en réponse à ses plus tendres épîtres, lui écrivait des lettres « grandes comme une carte de visite.» Le duel et la mort de Pouchkine Hélène Iswolsky
Revue des Deux Mondes
Tome 56
1920
Georges-Charles de Heeckeren d’Anthès
Beau-frère de Pouchkine
(mariage le 10 janvier 1837 avec la sœur de Natalia, Ekaterina Nikolaïevna Gontcharova Екатерина Николаевна Гончарова (1809 -1843)
Duel le 8 février 1837
Mort le 10 février 1837 à 37 ans
Le duel Pouchkine – d’Anthès
le 8 février au soir
par Alexey Avvakumovich Naumov
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LE DUEL ET LA MORT DE POUCHKINE
par
Hélène Iswolsky
Mais il y eut aussi un autre Pouchkine, celui des dernières années, un Pouchkine sombre et triste, déchiré par la vie. Bien avant de recevoir la blessure qui devait l’emporter, il avait été meurtri, frappé mortellement au point le plus sensible de sa libre conscience de poète ; le drame intime de Pouchkine, et c’est ici qu’il s’éloigne de Lensky, ne fut pas essentiellement un drame d’amour ; le mal était plus grave et plus cruel et se rattachait à toutes les fibres de son âme. Son génie, sa fière indépendance, étaient touchés autant et plus peut-être que son cœur. Cette histoire complexe et douloureuse des dernières années du grand poète ne fut jamais complètement déchiffrée ; ses biographes récents s’y sont attachés avec un intérêt croissant. M. Stchegoleff, qui a consacré à Pouchkine plusieurs volumes d’une grande probité historique et de la plus haute valeur, a étudié minutieusement les faits et les documents se rattachant à cette époque. Il a eu, notamment, le privilège de puiser dans les archives d’un Français, le très distingué conservateur du Musée des Arts décoratifs de Paris ; M. Louis Metmann est en effet l’arrière-petit-fils du gentilhomme alsacien, le baron Georges d’Anthès Heckeren, dont la main porta le coup meurtrier à Alexandre Pouchkine…. Le duel et la mort de Pouchkine Hélène Iswolsky
Revue des Deux Mondes
Tome 56
1920
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Natalia Gontcharova par Ivan Makarov
Ива́н Кузьми́ч Мака́ров
en 1849
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Georges de Heeckeren d’Anthès
Vers 1878
Peint par Carolus-Duran
D’Anthès prit le nom de Georges-Charles de Heeckeren, après accord du roi des Pays-Bas par lettre du
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Depuis le 6 février 1837
La tombe de Pouchkine se trouve dans le Monastère Sviatogorski ou Monastère Sviatogorski de la Dormition de la Vierge Marie
Святогорский Свято-Успенский монастырь Oblast de Pskov – Пско́вская о́бласть
(Proche de la Lettonie, de l’Estonie et de la Biélorussie.)
Le monastère a été fondé en 1569, sous ordre d’Ivan le Terrible.
LES JUGEMENTS DE Tolstoï
SUR LES POEMES DE POUCHKINE
Ayons donc pleine confiance dans le jugement du comte Tolstoï sur les poèmes de Pouchkine, son compatriote ! Croyons-le, encore, quand il nous parle d’écrivains allemands, anglais, et scandinaves : il a les mêmes droits que nous à se tromper sur eux. Mais ne nous trompons pas avec lui sur des œuvres françaises dont le vrai sens, forcément, lui échappe, comme il échappera toujours à quiconque n’a pas, dès l’enfance, l’habitude de penser et de sentir en français ! Je ne connais rien de plus ridicule que l’admiration des jeunes esthètes anglais ou allemands pour tel poète français. Verlaine, par exemple, ou Villiers de l’Isle-Adam. Ces poètes ne peuvent être compris qu’en France, et ceux qui les admirent à l’étranger les admirent sans pouvoir les comprendre. Mais il ne résulte pas de là, comme le croit le comte Tolstoï, qu’ils soient absolument incompréhensibles. Ils ne le sont que pour lui, comme pour nous Lermontof et Pouchkine. Ce sont des artistes : la valeur artistique de leurs œuvres résulte de l’harmonie de la forme et du fond : et si lettré que soit un lecteur russe, si parfaite que soit sa connaissance de la langue française, la forme de cette langue lui échappe toujours.
Léon Tolstoï Qu’est-ce que l’art ? Traduction par T. de Wyzewa. Perrin, 1918 pp. i-XII
Carátulas del pedestal
Couverture du socle
par Francisco Jareño y Alarcón
1818-1892
El paraíso perdido – Paradise Lost
Le Paradis perdu
John Milton
Chant I
« D’un seul coup d’œil et aussi loin que perce le regard des anges, il voit le lieu triste dévasté et désert : ce donjon horrible, arrondi de toutes parts, comme une grande fournaise flamboyait. De ces flammes point de lumière ! mais des ténèbres visibles servent seulement à découvrir des vues de malheur ; régions de chagrin, obscurité plaintive, où la paix, où le repos, ne peuvent jamais habiter, l’espérance jamais venir, elle qui vient à tous ! mais là des supplices sans fin, là un déluge de feu, nourri d’un soufre qui brûle sans se consumer.
Tel est le lieu que l’éternelle justice prépara pour ces rebelles ; ici elle ordonna leur prison dans les ténèbres extérieures ; elle leur fit cette part trois fois aussi éloignée de Dieu et de la lumière du ciel, que le centre de la création l’est du pôle le plus élevé. Oh ! combien cette demeure ressemble peu à celle d’où ils tombèrent !
Là bientôt l’archange discerne les compagnons de sa chute, ensevelis dans les flots et les tourbillons d’une tempête de feu. L’un d’eux se vautrait parmi les flammes à ses côtés, le premier en pouvoir après lui et le plus proche en crime : longtemps après connu en Palestine, il fut appelé Béelzébuth. Le grand ennemi (pour cela nommé Satan dans le ciel), rompant par ces fières paroles l’horrible silence, commence ainsi :
« Si tu es celui… Mais combien déchu, combien différent de celui qui, revêtu d’un éclat transcendant parmi les heureux du royaume de la lumière, surpassait en splendeur des myriades de brillants esprits !… Si tu es celui qu’une mutuelle ligue, qu’une seule pensée, qu’un même conseil, qu’une semblable espérance, qu’un péril égal dans une entreprise glorieuse, unirent jadis avec moi et qu’un malheur égal unit à présent dans une égale ruine, tu vois de quelle hauteur, dans quel abîme, nous sommes tombés ! tant il se montra le plus puissant avec son tonnerre ! Mais qui jusqu’alors avait connu l’effet de ces armes terribles ! Toutefois, malgré ces foudres, malgré tout ce que le vainqueur dans sa rage peut encore m’infliger, je ne me repens point, je ne change point : rien (quoique changé dans mon éclat extérieur) ne changera cet esprit fixe, ce haut dédain né de la conscience du mérite offensé, cet esprit qui me porta à m’élever contre le plus Puissant, entraînant dans ce conflit furieux la force innombrable d’esprits armés qui osèrent mépriser sa domination : ils me préférèrent à lui, opposant à son pouvoir suprême un pouvoir contraire ; et dans une bataille indécise, au milieu des plaines du ciel, ils ébranlèrent son trône… »
John Milton 1608 – 1674 Le Paradis perdu Traduction par François-René de Chateaubriand. Renault et Cie, 1861 pp. 1-21
L’Ange déchu
« Cependant, fendant l’air d’un vol sinistre et prompt,
Un archange déchu, qui portait sur son front
Le stigmate honteux qu’y mit le premier crime,
Se hâtait d’arriver à l’éternel abîme.
Loin des mondes brillants pour lesquels le jour luit,
Dépouillé de tout charme, et perdu dans la nuit,
Se trouve un vaste lieu dont l’aspect épouvante
Et que ne décrirait nulle langue vivante ;
C’est là que le Seigneur exile, pour jamais
L’ange altier qui du ciel osa troubler la paix.
Avec lui sont tombés ces Esprits pleins d’audace
Qui, dans leur fol orgueil, n’ont point demandé grâce
Au Maître tout-puissant qu’ils avaient offensé.
Ils maudissent enfin leur projet insensé ;
Mais leur regret est faux et leur souffrance est vaine,
Car leurs cœurs à jamais se nourrissent de haine.
Les images du ciel les suivent en tout lieu,
En tout lieu les atteint la justice de Dieu. »
Pamphile Le May — Reflets d’antan
La Découverte du Canada VI
L’Ange déchu – La Tempête
русский поэт- Poète Russe
русская литература Littérature Russe
IVAN TOURGUENIEV
Иван Сергеевич Тургенев
TOURGUENIEV
1818-1883
стихотворение Poème
Traduction Jacky Lavauzelle
——–
Собака
Mon Chien
Февраль, 1878 г.
Février 1878
–
Hас двое в комнате: собака моя и я. На дворе воет страшная, неистовая буря. Deux, nous sommes deuxdans la pièce : mon chienet moi.Dans la cour,l’hurlementterribled’une violente tempête.
Собака сидит передо мною — и смотрит мне прямо в глаза. Le chien est assisen face de moi–Il meregarde droitdans les yeux.
И я тоже гляжу ей в глаза. Et moi aussi, je le regarde dansses yeux.
Она словно хочет сказать мне что-то. Она немая, она без слов, она сама себя не понимает — но я ее понимаю. Ellesemble vouloirme dire quelque chose. Elle est silencieuse. Elle reste làsans mots ; elle-même ne comprend pas–mais moi, je la comprends.
Я понимаю, что в это мгновенье и в ней и во мне живет одно и то же чувство, что между нами нет никакой разницы. Мы тожественны; в каждом из нас горит и светится тот же трепетный огонек. Je comprends que, en ce moment, elle vit le même sentiment et qu’entre nousil n’y apas de différence. Nous sommesidentiques ; Chacun de nousest éclairé par une même lumière vacillante.
Смерть налетит, махнет на него своим холодным широким крылом… La mortremuerason ailefroide et large…
И конец! Ettout sera fini !
Кто потом разберет, какой именно в каждом из нас горел огонек? Quicomprendra alorsexactement ce qu’était la flamme qui brûlait en chacun de nous ?
Нет! это не животное и не человек меняются взглядами… Non !Ce n’estpasunhomme qui regarde un animal…
Это две пары одинаковых глаз устремлены друг на друга. Ce sontdeux paires identiques d’yeux fixées l’une surl’autre.
И в каждой из этих пар, в животном и в человеке — одна и та же жизнь жмется пугливо к другой. Danschacun de ces deux couples, chez l’animalet chez l’homme–une seule etmême viefébrilement attachée l’une à l’autre.
русской поэзии Сергей Александрович Есенин
ARTGITATO
До свиданья, друг мой, до свиданья
русский поэт- Poète Russe русская литература Littérature Russe
Traduction Jacky Lavauzelle
Sergueï Essénine
– Сергей Александрович Есенин
1895-1925
стихотворение в прозе Poème en prose
Июнь 1882
Juin 1882
– До свиданья, друг мой, до свиданья
–
Adieu mon ami
1925
До свиданья, другмой, досвиданья.
Adieu, mon ami, sans une poignée de main, sans un mot, Милыймой, тыуменявгруди.
Ne sois pas triste, n’aie pas le regard abattu. Предназначенноерасставанье
Dans cette vie, mourir n’est pas chose nouvelle, Обещаетвстречувпереди.
Vivre, bien sûr, n’est pas nouvelle chose aussi.
*
До свиданья, другмой, безруки, безслова,
Adieu, mon ami, adieu. Негрустиинепечальбровей,- Mon cher, tu es dans ma poitrine. Вэтойжизниумиратьненово,
Que naturelle soit notre séparation Ноижить, конечно, неновей.
Qui promet une rencontre prochaine.
Иван Сергеевич Тургенев
Ivan Tourgueniev
русский поэт- Poète Russe русская литература Littérature Russe
Ivan Tourgueniev- Иван Тургенев
1818-1883
стихотворение в прозе Poème en prose
Июнь 1882
Juin 1882
–
Русский язык – La Langue Russe
Во дни сомнений,
Dans les jours de doute во дни тягостных раздумий о судьбах моей родины,- dans lesjours de douloureuse réflexionsur l’avenir demon pays– ты один мне поддержка и опора, о великий, могучий, tu es mon unique soutien etmon réconfort, ô grande, puissante правдивый и свободный русский язык! Не будь тебя – langue russe,vraie et libre !Sans toi как не впасть в отчаяние при виде всего, что совершается дома? Comment ne pas désespérer à la vue detout ce qui estfait dans notre maison ? Но нельзя верить, чтобы такой язык не был дан великому народу! Mais il est impossiblede croire que cettelanguen’a pas été donnée à un grand peuple !