LITTÉRATURE ANGLAISE
ROCKEBY
WALTER SCOTT POÈME
Sir Walter Scott
Édimbourg – Abbotsford
Traduction – Translation
TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
French and English text
texte bilingue français-anglais
LES POÈMES
DE SIR WALTER SCOTT
Walter Scott’s poems
ROKEBY
1813
*
CANTO I
*
I
The Moon is in her summer glow,
La lune est là dans sa lumière d’été,
But hoarse and high the breezes blow,
Mais rauques et forts soufflent les brises,
And, racking o’er her face, the cloud
Et, changeant de formes, le nuage
Varies the tincture of her shroud;
Varie la teinte de son voile ;
On Barnard’s towers, and Tees’s stream,
Sur les tours de Barnard et les flots de la Tees,
She changes as a guilty dream,
La lumière change comme un rêve coupable,
When Conscience, with remorse and fear,
Quand la conscience, avec remords et avec peur,
Goads sleeping Fancy’s wild career.
Envahit d’aiguillons le sommeil.
Her light seems now the blush of shame,
La lune rougit comme remplie de honte,
Seems now fierce anger’s darker flame,
Pour devenir plus sombre que la colère,
Shifting that shade, to come and go,
Déplaçant cette ombre, qui va et vient,
Like apprehension’s hurried glow;
Dans les teintes mouvantes de la peur ;
Then sorrow’s livery dims the air,
Alors les airs semblent disparaître derrière un voile de chagrin,
And dies in darkness, like despair.
Et meurent dans l’obscurité, comme le désespoir.
Such varied hues the warder sees
La sentinelle voit tant de nuances variées
Reflected from the woodland Tees.
Refléter des forêts qui bordent la Tees.
Then from old Baliol’s tower looks forth,
Puis, de l’antique tour de Baliol,
Sees the clouds mustering in the north,
Il regarde les nuages se rassembler vers le nord,
Hears, upon turret, roof and wall,
Écoute sur les tourelles, les toits et les parois,
By fits the plashing rain-drop fall,
La chute des gouttes de pluie,
Lists to the breeze’s boding sound,
Frémissant aux sons inquiétants de la brise,
And wraps his shaggy mantle round.
Et s’enveloppe dans son manteau hirsute.
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WALTER SCOTT
vu par
VICTOR HUGO
Walter Scott a su puiser aux sources de la nature et de la vérité un genre inconnu, qui est nouveau parce qu’il se fait aussi ancien qu’il le veut. Walter Scott allie à la minutieuse exactitude des chroniques la majestueuse grandeur de l’histoire et l’intérêt pressant du roman ; génie puissant et curieux qui devine le passé ; pinceau vrai qui trace un portrait fidèle d’après une ombre confuse, et nous force à reconnaître même ce que nous n’avons pas vu ; esprit flexible et solide qui s’empreint du cachet particulier de chaque siècle et de chaque pays, comme une cire molle, et conserve cette empreinte pour la postérité comme un bronze indélébile.
Peu d’écrivains ont aussi bien rempli que Walter Scott les devoirs du romancier relativement à son art et à son siècle ; car ce serait une erreur presque coupable dans l’homme de lettres que de se croire au-dessus de l’intérêt général et des besoins nationaux, d’exempter son esprit de toute action sur les contemporains, et d’isoler sa vie égoïste de la grande vie du corps social. Et qui donc se dévouera, si ce n’est le poète ? Quelle voix s’élèvera dans l’orage, si ce n’est celle de la lyre qui peut le calmer ? Et qui bravera les haines de l’anarchie et les dédains du despotisme, sinon celui auquel la sagesse antique attribuait le pouvoir de réconcilier les peuples et les rois, et auquel la sagesse moderne a donné celui de les diviser ?
Ce n’est donc point à de doucereuses galanteries, à de mesquines intrigues, à de sales aventures, que Walter Scott voue son talent. Averti par l’instinct de sa gloire, il a senti qu’il fallait quelque chose de plus à une génération qui vient d’écrire de son sang et de ses larmes la page la plus extraordinaire de toutes les histoires humaines. Les temps qui ont immédiatement précédé et immédiatement suivi notre convulsive révolution étaient de ces époques d’affaissement que le fiévreux éprouve avant et après ses accès. Alors les livres les plus platement atroces, les plus stupidement impies, les plus monstrueusement obscènes, étaient avidement dévorés par une société malade ; dont les goûts dépravés et les facultés engourdies eussent rejeté tout aliment savoureux ou salutaire. C’est ce qui explique ces triomphes scandaleux, décernés alors par les plébéiens des salons et les patriciens des échoppes à des écrivains ineptes ou graveleux, que nous dédaignerons de nommer, lesquels en sont réduits aujourd’hui à mendier l’applaudissement des laquais et le rire des prostituées. Maintenant la popularité n’est plus distribuée par la populace, elle vient de la seule source qui puisse lui imprimer un caractère d’immortalité ainsi que d’universalité, du suffrage de ce petit nombre d’esprits délicats, d’âmes exaltées et de têtes sérieuses qui représentent moralement les peuples civilisés. C’est celle-là que Scott a obtenue en empruntant aux annales des nations des compositions faites pour toutes les nations, en puisant dans les fastes des siècles des livres écrits pour tous les siècles. Nul romancier n’a caché plus d’enseignement sous plus de charme, plus de vérité sous la fiction. Il y a une alliance visible entre la forme qui lui est propre et toutes les formes littéraires du passé et de l’avenir, et l’on pourrait considérer les romans épiques de Scott comme une transition de la littérature actuelle aux romans grandioses, aux grandes épopées en vers ou en prose que notre ère poétique nous promet et nous donnera.
Victor Hugo
Œuvres complètes de Victor Hugo
A PROPOS DE QUENTIN DURWARD
Juin 1823
Littérature et philosophie mêlées
Texte établi par Cécile Daubray
Imprimerie Nationale, Ollendorff
Editions Albin Michel
1934 – Hors séries – Philosophie I
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