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LE VAT PHOU (LAOS) ou LE VERTIGE DE LA NATURE

LAOS ລາວ

Champassak ຈຳປາສັກ
(Province de Champassak ແຂວງຈຳປາສັກ)Le Vat Phou Argitato 2
VAT PHOU ວັດພູ

Le VAT PHOU
ou le Vertige
de la nature

Les ondes d’Angkor Vat, ອັງກໍວັດປະ, enflent inexorablement, illuminent et se dispersent tout autour du Cambodge, ປະເທດກຳປູເຈຍ, et au-delà. Et au-delà, juste là, après la limite de la frontière. Nous sommes si près et si loin. La pierre, la montagne et la nature de l’immense et tutélaire voisin sont autant de lumières qui éclairent et qui interrogent. Vat Phou avant Angkor mais Vat Phou qui ne se lit qu’au travers de son jeune frère. Mais qui dit filiation, dit aussi rupture. Six siècles séparent les deux temples. L’ambition et la dimension aussi. Ce serait comparer une cathédrale à un pays vaste et majestueux.Le Vat Phou Argitato 3

Les escaliers raides et étroits, ຍ່າງຂຶ້ນຂັ້ນໄດສູງຊັນແຄບໆ, sont autant d’efforts qui déplacent nos regards et où nos habitudes s’évaporent. Nos yeux redéfinissent les tours, les rituels et les salles. Nos yeux tentent de redresser ces informelles compositions qui depuis longtemps ne luttent plus. Et nos regards sont toujours rediriger vers la montagne qui séduisit les premiers hommes à vouloir construire l’impossible grandeur pour y loger les dieux, pour y vénérer Shiva.

Les routes qui irriguent Champassak ຈຳປາສັກ sont autant de vaisseaux vitaux entre nécessité et sacré. Un nuage architectural qui couvrait la montagne six siècles avant Angkor de moines et d’offrandes. Et pendant neuf siècles, la foi a empli chaque feuille et chaque galet avant de s’endormir dans les racines et les lianes.Le Vat Phou Argitato 4

Au-dessus des Monts Pasak, les pierres du temple plissent et se courbent. Les lignes suivent les inflexions de la montagne. Le temple est devenu nature tout comme la nature environnante s’est sacralisée à jamais pour l’éternité. A savoir maintenant qui a pris l’autre dans ses rayons.

Le Vat Phou Argitato 6Le lingam phallique du Phou Kao en point d’orgue tisse ses filets comme autant d’orgasmes par où transitent les fidèles comme les curieux. Un Lingaparvata irrigué par la source naturelle. La source déplace nos regards qui finissent dans le ciel comme dans l’eau du lac. Et ces miroirs toujours renvoient au temple que la montagne vénère.Le Vat Phou Argitato 5

La montagne a repris ces droits, toujours. A Angkor Vat comme à Vat Phou. Les frondaisons et les rochers se mêlent aux pierres et aux statues encore debout, toujours dignes. La montagne habille les lieux d’une esthétique du naturel. Un naturel toujours extraordinaire.

C’est dans cette symbiose que l’esprit est le plus grand. Il plie et se courbe. Tel un citron que l’on presse petit à petit et qui longtemps lâche des saveurs et des fragrances.

L’ensemble parfait est devenu inabouti. Les pierres manquantes sont là dans le sol ou dans le creux de la vallée ou dans un musée. La montagne majestueuse garde le secret qu’elle livre parfois au détour d’un regard et d’un rayon du soleil complice.

 

Le Vat Phou Argitato 8

Le Vat Phou Argitato 9

Le Vat Phou Argitato 10

 

Nous entendons pourtant encore les pierres qui glissent les unes à côté des autres, comme chaque feuille qui tombe dans une chute jamais improvisée et avec elle un peu d’un rituel des corps et  des mots désormais oublié.

Le Vat Phou Argitato 11

Le Vat Phou Argitato 12

Le Vat Phou Argitato 13

Le Vat Phou Argitato 16

Le Vat Phou Argitato 17

Le Vat Phou Argitato 18

Le Vat Phou Argitato 19

Le Vat Phou Argitato 20

Le Vat Phou Argitato 21

Le Vat Phou Argitato 7

 

Le Vat Phou Argitato 23

Le Vat Phou Argitato 24

Le Vat Phou Argitato

Vat Phou Laos ARTGITATO 1

 

 

PHA THAT LUANG (Vientiane) UN CHEVEU SUR LE CŒUR DU LAOS

LAOS
ລາວ
VIENTIANE
ວຽງຈັນ

Le Pha That Luang 

ທາດຫລວງ Pha That Luang Vientiane Artgitato 4 Jayavarman VII

UN CHEVEU
SUR LE CŒUR
DU LAOS

Au crépuscule, les formes s’estompent et se mettent en parenthèses. La densité et l’ambiguïté donne au  stūpa (स्तूप) une masse désormais sombre et fantomatique. Loin des exubérances de la ville, Pha That Luang s’est décentré, comme fuyant le mouvement et les bruits. Pha That Luang Vientiane Artgitato 7

Avec lui, le centre s’est décentré. Il ne reste que des moments de la ville, des moments du souffle, des moments de la respiration, la nôtre et les autres. Le chuchotement qui pourtant arrive, raconte la ville.

Celle-ci enfin se partage ou se livre. Les paramètres des couleurs ne tarderont pas à revenir, à revivre.

La nuit enregistre sa musique comme elle compose autour des soupirs et des espoirs des fidèles.Pha That Luang Vientiane Artgitato 8

Les dorures de l’aube déjà arrondissent les pointes et les angles du dhātu-chaitya. Nos mains aussi se réchauffent par des ondes invisibles. Nous entendons le cheveu de Bouddha quelque part qui frémit dans ce lieu de mort qui, même dans le noir d’une nuit sans lune, flamboie. Le feu est là qui toujours demande,  « Le séjour des morts, le sein stérile, une terre non rassasiée d’eau et le feu ne dit jamais : « Assez ! » (La Bible, Proverbes, 30, 16)Pha That Luang Vientiane Artgitato 3

Si près, le Bouddha couché devient l’horizon le plus lointain. Il ouvre la voie. Le feu du bâtiment est là, pleinement. Et le flot des spectateurs ou des adorateurs arrive comme dans ce passage de la Bhagavad Gita :  « De même que les multiples eaux des fleuves au courant rapide coulent tête la première dans l’océan, ainsi ces héros du monde des hommes pénètrent dans tes bouches et s’y embrasent. Comme des papillons se précipitent, pour leur perte, dans la flamme brillante, ainsi, pour leur perte, les gens se précipitent dans tes bouches. De tes bouches enflammées, tu lèches, tout en les dévorant, les mondes entiers en remplissant la totalité de l’univers de tes ardeurs, tes splendeurs terribles te consument, ô Vishnu ! » (Bhagavad Gita, Chant XI, 28-30, Ed Fayard, trad. Anne-Marie Esnoul & Olivier Lacombe)Pha That Luang Vientiane Artgitato 2

La matière change de forme pour devenir un incendie gigantesque. La foi est dans ce feu ; « C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Luc, 12, 49). La création mélodique suit l’enceinte monochrome, qui devient profonde, et se transforme en cocon.

Les nuages nombreux ce matin soulèvent, un à un, les voiles et se posent au milieu. Tout au milieu. Comme concentrés à sa pointe. Pendant la migration des formes vers l’enceinte, les ombres rassurantes couvraient nos peaux avec une si douce insistance qu’elles se gravaient à force de passer et de repasser. Vaguement, les nuages infléchissaient des ponctuations dorées, elles aussi.Pha That Luang Vientiane Artgitato 6

Le jour pressenti balançait des rayons au miroir du stupa. Le jour est là, mais il est loin aussi. Il sait qu’ici il n’y a rien à attendre. Deux soleils ne peuvent régner ensemble sur la même nation.

« Voici l’expérience intérieure : Sushumnâ, l’artère du Brahman, est au milieu du corps subtil ; par son éclat, elle ressemble au Soleil et à la Pleine Lune ; elle jaillit du Centre de la Base et monte droit jusqu’à l’ouverture du Brahman ; elle en est l’Energie, tel un serpent enroulé sur lui-même, flamboyant comme mille éclairs, délicate comme une tige de lotus… Et, quand, par le Yoga du Passeur, l’adepte perçoit en permanence une lumière au sommet de son front, il atteint la perfection…D’autres fois, cette lumière est vue de l’intérieure du cœur : si l’on veut donc gagner la Délivrance, on devra pratiquer de la sorte l’expérience intérieure ! » (Sept Upanishads, Advaya – Târaka Upanishad, 5, Ed. du Seuil, Trad. Jean Varenne)

Le jour reste là, maintenant, au-delà des rues et des temples.

Le Pha That Luang, le temps de la nuit, s’est endormi. Désormais, il rayonne. Il raconte plus le monde qu’il ne raconte la ville. La ville, elle, est contée par le Mékong et par Patuxai. Le temple est hors de la ville, hors du centre. Il est au-dessus de la ville, et au-dessus des villes et des montagnes. Il raconte la vie, il raconte l’histoire, celle des rois tutélaires à l’image de Jayavarman VII, le roi khmère d’Angkor qui trône dans le cloître.

Le temple veille. Bouddha a perdu un cheveu, mais il illumine les hommes.

 

Jacky Lavauzelle