Pèire Godolin Pour le jour des Rois – Per la jorn dels Reis

PEIRE GODOLIN
LITTERATURE OCCITANE

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PEIRE GODOLIN
Pierre Goudouli
Pierre Goudelin

[1580 Toulouse – 1649 Toulouse]


Traduction JACKY LAVAUZELLE

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Poème occitan




 Per la jorn dels Reis
Pour le Jour des Rois

Un Pastor ven de Hierusalèm
Un Paster arrive de Jérusalem
e ditz a sos Companhons :
et dit à ses Compagnons :

De novèlas. Enfants ! En venent de la vila,
Des nouvelles. Enfants ! En venant de la ville
Ei vist passar tres Reis d’una faiçon gentila,
Je vis passer trois Rois aux manières gentilles,
E demandan per tot l’ostalet benasit
Qui demandaient en tous lieux l’auberge bénie
Que le Rei d’Israèl per palais a causit.
Que le Roi d’Israël pour palais avait choisie.




Qualqu’un a decelat que pòrtan per estrenas
Quelqu’un a observé qu’ils portaient comme étrennes
Tres Brustietas d’Encens, d’òr et de Mirra plenas
Trois bourriches d’Encens, d’Or et de Myrrhe pleines
Que li van umblament ufrir, diga-me’n-dieu
Qu’ils vont offrir humblement, tel un aveu,
Que confessan déjà qu’el es òme, Rei, Dieu.
Ils confessent déjà qu’il est homme, Roi et Dieu.

 




Elis parlan ça’m par de l’Enfantet aimable
Ils parlent aisément de l’aimable Enfant
Que nosaus l’autre jorn trobèguem a l’estable.
Que l’autre jour à l’étable nous avons trouvé
A qui Peiret donèc un Anhelet plan fait
A qui Pierre a donné un agneau bien fait
E jo, sense reprochi, un picharro de lait.
Et moi, sans reproches, un pichet de lait.




Pòsca donc, uèi metis, una tan bela tropa
Puisse donc, dès maintenant, une si bel attroupement
Urosament trobar le bèl Enfant de popa
Heureusement trouver le bel Enfant allaitant
Mentre que de nosaus cadunle pregara
Pendant que chacun de nous priera
De nos salvar l’esprit quand le còrs morira.
De nous sauver l’esprit quand le corps mourra.

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PEIRE GODOLIN

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NOTICES HISTORIQUES
SUR
PIERRE GODOLIN

Pierre de Godolin naquit à Toulouse l’an 1579, dans la maison de la rue Pargaminières, contiguë au coin de celle de Notre-Dame-du-Sac ; élevé au collège des Jésuites, il y étudia les belles-lettres, et se fit remarquer par la vivacité de son esprit, par l’élégance des compositions, et la facilité avec laquelle il était parvenu à placer dans sa mémoire la majeure partie des œuvres de Virgile ; i étudia, hélas ! bien à contre cœur, mais enfin, il étudia jusqu’au bout la jurisprudence, prit la licence, et se fit recevoir avocat au parlement. Arrivé là, les épines que Thémis présente à ses favoris, ne purent convenir à une âme passionnée qui aimait à se perdre dans les rêves de son imagination ; il crut avoir assez montré de courage. Les muses vinrent le prendre, et le bon Godolin s’abandonna à leur aimable séduction. Contemporain du Tasse, il ne suivit pas seulement, comme ce célèbre poète, le penchant de son génie, mais comme lui, il chercha une route nouvelle. La langue d’oc était tombée avec le pouvoir des comtes de Toulouse ; le patois de nos provinces, n’étant plus soutenu ni par la majorité de la nation, ni par l’imprimerie, était devenu le partage du peuple, et cette langue si douce, si harmonieuse, véritable fille de celle que les troubadours avaient parlée, semblait être délaissée pour employer la langue générale du pays. Mais Godolin, qui connaissait les trésors de la linguistique qu’elle renfermait, avant de la laisser se perdre, voulut en sauver les débris ; il la préféra donc à la langue française, qui, froide, sèche et sans charmes, sortait à peine de la grossièreté de son premier âge ; car, suspendue encore aux mamelles de l’antiquité, elle n’était guère alors que du grec ou du latin, traduit en français ; il refusa de jeter ses gracieuses créations dans le moule grec ou romain. Il fallait à son génie un nouvel horizon. Sous la plume de notre compatriote, cette langue parut étincelante de nouvelles beautés ; elle se prêta à tous les tons et devint tour à tour grave, moelleuse, fière ou mélancolique ; son génie lui fit surmonter les difficultés qu’entraîne un dialecte peu usité, et les cordes de sa lyre furent assez dociles pour chanter, avec un talent varié, le ciel, les grands, les bergères et ses amis. Toujours élégant, il a employé avec adresse les fictions et les métaphores les pus ingénieuses. Imitateur heureux de Pindare, d’Horace et d’Anacréon, ses odes sont élevées d’un style noble et soutenu ; ses idylles respirent  la molle délicatesse, la grâce et l’abandon ; ses chansons sont enjouées, élégantes et faciles, et a mélopée, sou ses doigts, se transforme, se module et se ploie à toutes les inspirations, à toutes ses fantaisies. Enfin, tantôt enjoué, tantôt badin, mais toujours énergique, il surprend par la noblesse de ses expressions, dans une langue condamnée à ramper parmi le vulgaire.




Œuvres Complètes de Pierre Godolin
Notes historiques et littéraires par J.-M. Cayla et Paul Cléobule
Editeur Delboy à Toulouse en 1843

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