PAYSAGES BELGES PAUL VERLAINE : WALCOURT – CHARLEBOI – BRUXELLES – MALINES

POESIE FRANCAISE
PAYSAGES BELGES
ROMANCES SANS PAROLES (Edition Vanier – 1902)

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PAUL VERLAINE
1844-1896

Oeuvre de Paul Verlaine Artgitato Frédéric_Bazille_-_Portrait_de_Paul_Verlaine_comme_une_Troubadour

Portrait de Paul Verlaine en troubadour
Frédérique Bazille
1868
Museum of Art – Dallas

 

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Œuvres de Paul Verlaine
 


ROMANCES SANS PAROLES
PAYSAGES BELGES

1872

PAUL VERLAINE Son Oeuvre Texte Poésie Artgitato

Tableaux et Caricatures
Gustave Courbet – Eugène Carrière – Frédérique Bazille
Paterne Berrichon – Félix Vallotton – Félix Régamey

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Paysages Belges Romances sans paroles Paul Verlaine Mikhaïl Vroubel Démon assis 1890
Mikhaïl Vroubel Démon Assis 1892

PAYSAGES BELGES
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Paysages Belges
WALCOURT
Juillet 1873

« Conquestes du Roy. »
(Vieilles estampes.)

Briques et tuiles,
Ô les charmants
Petits asiles
Pour les amants !
Houblons et vignes,
Feuilles et fleurs,
Tentes insignes
Des francs buveurs !
Guinguettes claires,
Bières, clameurs,
Servantes chères
À tous fumeurs !
Gares prochaines,
Gais chemins grands…
Quelles aubaines,
Bons juifs errants !


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Paysages Belges
CHARLEROI

Dans l’herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire.
Quoi donc se sent ?
L’avoine siffle.
Un buisson gifle
L’œil au passant.
Plutôt des bouges
Que des maisons.
Quels horizons
De forges rouges !
On sent donc quoi ?
Des gares tonnent,
Les yeux s’étonnent,
Où Charleroi ?
Parfums sinistres !
Qu’est-ce que c’est ?
Quoi bruissait
Comme des sistres ?
Sites brutaux !
Oh ! votre haleine,
Sueur humaine,
Cris des métaux !
Dans l’herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire.


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Paysages Belges
BRUXELLES, SIMPLES FRESQUES
I

La fuite est verdâtre et rose
Des collines et des rampes,
Dans un demi-jour de lampes
Qui vient brouiller toute chose.
L’or sur les humbles abîmes,
Tout doucement s’ensanglante,
Des petits arbres sans cimes,
Où quelque oiseau faible chante.
Triste à peine tant s’effacent
Ces apparences d’automne.
Toutes mes langueurs rêvassent,
Que berce l’air monotone.


II

L’allée est sans fin
Sous le ciel, divin
D’être pâle ainsi !
Sais-tu qu’on serait
Bien sous le secret
De ces arbres-ci ?
Des messieurs bien mis,
Sans nul doute amis
Des Royers-Collards,
Vont vers le château.
J’estimerais beau
D’être ces vieillards.
Le château, tout blanc
Avec, à son flanc,
Le soleil couché,
Les champs à l’entour…
Oh ! que notre amour
N’est-il là niché !


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Paysages Belges
BRUXELLES, CHEVAUX DE BOIS
août 1872

Par Saint-Gille,
Viens-nous-en,
Mon agile
Alezan.
Victor Hugo

Tournez, tournez, bons chevaux de bois,
Tournez cent tours, tournez mille tours,
Tournez souvent et tournez toujours,
Tournez, tournez au son des hautbois.
Le gros soldat, la plus grosse bonne
Sont sur vos dos comme dans leur chambre ;
Car, en ce jour, au bois de la Cambre,
Les maîtres sont tous deux en personne.
Tournez, tournez, chevaux de leur cœur,
Tandis qu’autour de tous vos tournois
Clignote l’œil du filou sournois,
Tournez au son du piston vainqueur.
 C’est ravissant comme ça vous soûle
D’aller ainsi dans ce cirque bête !
Bien dans le ventre et mal dans la tête,
Du mal en masse et du bien en foule.
Tournez, tournez, sans qu’il soit besoin
D’user jamais de nuls éperons
Pour commander à vos galops ronds,
Tournez, tournez, sans espoir de foin
Et dépêchez, chevaux de leur âme :
Déjà voici que la nuit qui tombe
Va réunir pigeon et colombe,
Loin de la foire et loin de madame.
Tournez, tournez ! le ciel en velours
D’astres en or se vêt lentement.
Voici partir l’amante et l’amant.
Tournez au son joyeux des tambours !


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MALINES
août 1872

Vers les prés le vent cherche noise
Aux girouettes, détail fin
Du château de quelque échevin,
Rouge de brique et bleu d’ardoise,
Vers les prés clairs, les prés sans fin…
Comme les arbres des féeries,
Des frênes, vagues frondaisons,
Échelonnent mille horizons
À ce Sahara de prairies,
Trèfle, luzerne et blancs gazons.
Les wagons filent en silence
Parmi ces sites apaisés.
Dormez, les vaches ! Reposez,
Doux taureaux de la plaine immense,
Sous vos cieux à peine irisés !
Le train glisse sans un murmure,
Chaque wagon est un salon
Où l’on cause bas et d’où l’on
Aime à loisir cette nature.
Faite à souhait pour Fénelon.

 

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Œuvres de Paul Verlaine
 


ROMANCES SANS PAROLES
PAYSAGES BELGES

1872