Prophétie d’Ezéchiel (Chapitre XVI, v. 3) – JEAN-JACQUES LEFRANC DE POMPIGNAN

Jean-Jacques Lefranc de Pompignan
(1709 à Montauban – 1784 à Pompignan)

ŒUVRE DE LEFRANC DE POMPIGNAN

***

Chapitre XVI, v. 3

O femme, tu naquis d’une famille impure,
D’infidèles parents qui trahissaient mes lois.
L’art d’une habile main n’aida point la nature,
Lorsque tu vis le jour pour la première fois.

Ni les eaux, ni le sel ne t’ont purifiée ;
Ta mère avec regret te porta dans son flanc ;
On te mit sur la terre, où tu fus oubliée ;
J’approchai : tu pleurais, tu nageais dans ton sang.

J’en arrêtai le cours ; je l’essuyai moi-même ;
Mon cœur fut attendri de ta misère extrême,
Et je te dis : Vivez, vivez, trop faible enfant ;
Sous l’aile du Seigneur dont le bras vous défend,
Croissez et méritez qu’un tendre époux vous aime.

J’ai depuis ce moment veillé sur tes destins.
Objet de mes désirs, sous mes yeux élevée,
Mes regards paternels, mes soins t’ont cultivée
Comme une jeune fleur qui croît dans les jardins.

Ton corps, fortifié par les progrès de l’âge,
Atteignit ces beaux jours où ton sexe volage
De ses charmes naissants connaît trop le pouvoir.
Que les tiens étaient doux ! que j’aimais à les voir !

Nul mortel cependant ne cherchait à te plaire.
Rebut de l’univers, tu ne trouvas que moi
Qui vis avec pitié ta douleur solitaire.
Ton maître, ton seigneur se déclara pour toi :
Tu reçus mes serments, et j’acceptai ta foi.

Oh ! qu’alors avec complaisance
Je te prodiguai mes bienfaits !
Qu’avec pompe et magnificence
Je pris soin d’orner tes attraits !
J’instruisis ta faible jeunesse ;
Des gages purs de ma tendresse
Je t’embellissais chaque jour ;
Je te donnai mon héritage,
Et tu possédas sans partage
Mes richesses et mon amour.

L’éclat célèbre de tes charmes
Amena la terre à tes pieds.
À ton char, vaincus par tes armes,
De puissants rois furent liés.
Tu mis alors ta confiance
Dans les appas et la puissance
Que tu devais à ma bonté.
Tu conçus une folle joie,
Et l’orgueil dont tu fus la proie
Surpassa même ta beauté.

Cet orgueil engendra tes vices,
Il alluma tes passions,
Tu recherchas dans tes caprices
Les esclaves des nations.
Dans tes honteuses perfidies,
Sur les femmes les plus hardies
Tu l’emportas par ta noirceur ;
Et les excès les plus coupables
De tes amours abominables
N’égaleront jamais l’horreur.

Tu dressas de superbes tentes
Dans les bois et sur les hauts lieux.
Là par des fêtes éclatantes
Tu rendis hommage aux faux dieux.
Leurs autels, que tes mains ornèrent,
De mon or qu’elles profanèrent
Impunément furent couverts.
Pour leur consacrer des prémices,
Tu dépouillais mes sacrifices
Des tributs qui m’étaient offerts.

Mais d’offrandes plus criminelles
Ces premiers dons furent suivis.
Tes mains, oui, tes mains maternelles
Ont immolé tes propres fils.
Sans toi, sans pitié, sans tendresse,
De Baal sanglante prêtresse,
Tu déshonorais nos liens.
O coups réservés à tes crimes !
Ces enfants choisis pour victime,
Barbare, étaient aussi les miens.

Ma sévérité toujours lente
N’a point éveillé tes remords.
Tu quittes, transfuge insolente,
Le Dieu vivant pour des dieux morts.
Quoi donc ! oublieras-tu, perfide,
Femme ingrate, mère homicide,
Que je t’arrachai du tombeau,
Et te sauvai par ma puissance
Des opprobres de mon enfance,
Et des douleurs de ton berceau ?

Malheur à toi, qui faisais gloire
De ces attentats furieux,
Dont tu conserves la mémoire,
Dans des monuments odieux,
Sur les marbres des portiques
De tes iniquités publiques
J’ai vu les symboles impurs :
Et les nations étrangères
Ont lu dans ces vils caractères
Ta honte écrite sur tes murs.

Mais le jour luit où ma vengeance
Ne suspendra plus son transport.
Je t’abandonne à l’indigence,
À l’ignominie, à la mort.
Je susciterait, pour ta peine,
Ces femmes, objets de ta haine,
Les épouses des Philistins,
Qui moins que toi licencieuses,
De tes amours audacieuses
Rougissaient avec tes voisins.

Dans l’art de plaire et de séduire,
Tu vantais tes lâches succès.
Ton cœur, que je n’ai pu réduire,
Inventait de nouveaux excès.
Tu rassemblais les Ammonites,
Les Chaldéens, les Moabites,
Les voluptueux Syriens ;
Et toujours plus insatiable,
Tu fis un commerce effroyable
De tes plaisirs et de tes biens.

D’autres reçoivent des largesses
Pour prix de leurs égarements,
Mais toi, tu livras tes richesses
Pour récompenser les amants.
Tu laissais aux femmes vulgaires
L’honneur d’obtenir des salaires
Qui d’opprobre couvraient leur front.
Pour mieux surpasser tes rivales,
Tes tendresses plus libérales
Achetaient le crime et l’affront.

Voici donc ton arrêt, femme parjure, écoute :
Pour suivre des méchants la détestable route,
Tu quittas les sentiers que j’avais faits pour toi,
Ton audace adultère et ton idolâtrie
Ont souillé mon autel, corrompu ta patrie,
Égorgé tes enfants et renversé ma loi.

Tu vécus sans remords dans tes mœurs dépravées ;
Mes rigueurs, que ton âme a si longtemps bravées,
À tes forfaits sans nombre égaleront tes maux,
Pour épuiser sur toi les plus cruels supplices,
Tes propres alliés, tes amants, tes complices,
Deviendront mes vengeurs et seront tes bourreaux.

Les peuples apprendront cet exemple sévère.
Alors j’apaiserai ma trop juste colère,
Ta mort rendra le calme au cœur de ton époux.
Il aura satisfait sa vengeance et sa gloire,
Et tes crime éteints, ainsi que ta mémoire,
Ne seront plus l’objet de ses regards jaloux.

Tu n’as point démenti l’horreur de ta naissance ;
Tes vices ont paru dès ta plus tendre enfance ;
La fille suit les pas que la mère a tracés.
Tu fus sœurs de tes sœurs, impudiques comme elles ;
Et des femmes d’Ammon, au vrai Dieu tant rebelles,
Leurs crimes par les tien ont été surpassés.

Ton sang a réuni les plus indignes races,
Pères, mères, aïeux, qui bravaient mes menaces,
Et dont tu vois encor les durables malheurs,
Contre toi jusqu’au ciel leur voix s’élève et crie ;
Pour tout dire, en un mot, Sodome et Samarie,
Trouvent dans tes forfaits une excuse des leurs.

De Sodome si détestée
Tu n’osais proférer le nom.
Sais-tu quels fléaux l’ont jetée
Dans ce déplorable abandon ?
De l’orgueil l’insultante ivresse,
L’intempérance, la mollesse,
Le luxe et la cupidité,
Le dur mépris qu’à l’indulgence
Oppose l’altière opulence
Qu’accompagne l’oisiveté.

Triste esclave des mêmes vices,
Tu connais d’autres attentats,
Des cruautés, des injustices
Que Sodome ne connut pas.
Et toutefois je l’ai détruite ;
Comme elle tu seras réduite
Aux dernières calamités.
C’est toi qui m’outrages, me blesses ;
Tu n’as pas gardé tes promesses,
Et j’ai rompu tous nos traités.

Mais que dis-je ! Un sentiment tendre
Me parle encor en ta faveur.
Ah ! que ne dois-tu pas attendre
De la pitié d’un Dieu sauveur !
Dans leurs demeures fortunées
Tes sœurs, tes filles ramenées
Couleront des jours triomphants.
Je te rendrai ma confiance,
Et dans ma nouvelle alliance,
Vous serez toutes mes enfants.

(Petits Poëtes Français depuis Malherbe jusqu’à nos jours –
Par Prosper Poitevin – Tome 1 – Paris –
Chez Firmin Didot Frères, fils et Cie, Libraires –
1870)






ODE VII DE JEAN-JACQUES LEFRANC DE POMPIGNAN – À Louis Racine, sur la mort de son fils

Jean-Jacques Lefranc de Pompignan
(1709 à Montauban – 1784 à Pompignan)


ŒUVRE DE LEFRANC DE POMPIGNAN

***

Il n’est donc plus, et sa tendresse
Aux derniers jours de ta vieillesse
N’aidera point tes faibles pas !
Ami, ses vertus, ni les tiennes,
Ni ses mœurs douces et chrétiennes,
N’ont pu le sauver du trépas.

Cet objet des vœux les plus tendres
N’ira point déposer tes cendres
Sous ce marbre rongé des ans,
Où son aïeul et ton modèle
Attend la dépouille mortelle
De l’héritier de ses talents.

Loin de tes yeux, loin de sa mère,
Au sein d’une plage étrangère,
Son corps est le jouet des flots ;
Mais son âme du Ciel chérie,
N’en doute point, dans sa patrie
Jouit d’un éternel repos.

Quand l’infortune suit tes traces,
Autant que mes propres disgrâces
Mon amitié sent tes malheurs.
Mais que pourrait son assistance ?
Dieu te donnera la constance.
Tu n’auras de moi que des pleurs.

Tu sais trop qu’un chrétien fidèle,
Du sang et de la chair rebelle
Brave en héros l’assaut cruel.
Il étouffe, leur triste guerre,
Et tout ce qu’il perd sur la terre,
Il le regagne pour le Ciel.

Mais vous, dont l’orgueilleuse vie,
De l’humaine philosophie
Tire sa force et son secours :
Si dans ce monde périssable
Un revers soudain vous accable,
Parlez, quel est votre recours ?

Qui vous soutiendra dans vos pertes?
Quelles ressources sont offertes
À votre audace de géant ?
Point d’avenir qui vous console ;
Un système impie et frivole,
Et l’espérance du néant.

Croyons, c’est là notre partage.
Que la foi dissipe ou soulage
Nos chagrins, nos ennuis mortels ;
Et n’attendons dans cette vie
Qu’une fin qui sera suivie
De biens ou de maux éternels.

*****

Élu en 1759 à l’Académie Française au fauteuil 8.

*****


« Didon, tragédie qu’il donna à l’âge de vingt-cinq ans, fit concevoir des espérances qu’il n’a pas réalisées, car une petite comédie en vers libres représentée l’année suivante (1735) et quelques opéras qui n’ont pas été joués sont les seuls ouvrages qu’il ait composés ensuite pour la scène. Reçu à l’Académie française, Lefranc, dans son discours de réception, attaqua sans aucun ménagement tous les philosophes. Cette déclaration de guerre lancée contre ceux aux suffrages desquels il devait l’honneur de siéger à l’Académie lui fut fatale : pendant deux années on lui fit expier par les plus amers chagrins sa malencontreuse attaque : ce fut contre lui comme une conspiration générale. On ne se contenta pas de faire la satire du poète, on fit encore celle de l’homme et du chrétien. On le représenta comme un hypocrite qui s’affublait du manteau de la religion dans des vues d’intérêt purement humain. Lefranc, forcé de quitter Paris où il n’osait plus se présenter nulle part, alla ensevelir ses jours au fond d’une campagne ; il tomba dans un tel état de tristesse qu’il devint fou. Il était âgé de soixante-quinze ans lorsqu’il mourut. Dans ses odes et ses poésies sacrées se trouve de l’élévation, une hardiesse souvent poétique, et quelquefois même cette chaleur qui manque dans toutes ses autres compositions. La Harpe lui a rendu justice en disant que comme poète il méritait en plus d’un genre l’estime de postérité.
(Petits Poëtes Français depuis Malherbe jusqu’à nos jours –
Par Prosper Poitevin – Tome 1 – Paris –
Chez Firmin Didot Frères, fils et Cie, Libraires –
1870)


Ode III de Jean-Jacques Lefranc de Pompignan – L’autre jour sans inquiétude

Jean-Jacques Lefranc de Pompignan
(1709 à Montauban – 1784 à Pompignan)

ŒUVRE DE LEFRANC DE POMPIGNAN

****

L’autre jour sans inquiétude
Respirant la fraîcheur de l’air,
J’errais dans une solitude
Sur le rivage de la mer.

J’aperçus de loin des statues,
De vieux débris d’arcs triomphaux,
Et des colonnes abattues ;
J’approchai : je vis des tombeaux.

C’était d’abord le mausolée
D’un de ces conquérants vantés,
Par qui la terre désolée
Vit détruire champs et cités.

On y voyait trente batailles,
Des rois, des peuples mis aux fers,
Des triomphes, des funérailles,
Et les tribus de l’univers.

Au pied de deux cyprès antiques,
Un monument plus gracieux,
Par ses ornements symboliques,
Attirait l’œil du curieux.

C’était la tombe d’un poète
Admiré dans le monde entier.
Le luth, la lyre et la trompette
Pendaient aux branches d’un laurier.

Tout auprès en humble posture
Un pécheur était enterré ;
Un filet pour toute parure
Couvrait son cercueil délabré.

Ah ! dis-je, quel art déplorable !
Cet objet aux passants offert
Leur apprend que ce misérable
A moins vécu qu’il n’a souffert.

Et pourquoi ? reprit en colère
Un voyageur qui m’entendit.
La pêche avait l’art de lui plaire :
C’était son métier, il le fit.

Tu vois par là ce que nous sommes ;
Le poète fait des chansons,
Le guerrier massacre des hommes,
Et le pêcheur prend des poissons.

Élu en 1759 à l’Académie Française au fauteuil 8.

*****


« Didon, tragédie qu’il donna à l’âge de vingt-cinq ans, fit concevoir des espérances qu’il n’a pas réalisées, car une petite comédie en vers libres représentée l’année suivante (1735) et quelques opéras qui n’ont pas été joués sont les seuls ouvrages qu’il ait composés ensuite pour la scène. Reçu à l’Académie française, Lefranc, dans son discours de réception, attaqua sans aucun ménagement tous les philosophes. Cette déclaration de guerre lancée contre ceux aux suffrages desquels il devait l’honneur de siéger à l’Académie lui fut fatale : pendant deux années on lui fit expier par les plus amers chagrins sa malencontreuse attaque : ce fut contre lui comme une conspiration générale. On ne se contenta pas de faire la satire du poète, on fit encore celle de l’homme et du chrétien. On le représenta comme un hypocrite qui s’affublait du manteau de la religion dans des vues d’intérêt purement humain. Lefranc, forcé de quitter Paris où il n’osait plus se présenter nulle part, alla ensevelir ses jours au fond d’une campagne ; il tomba dans un tel état de tristesse qu’il devint fou. Il était âgé de soixante-quinze ans lorsqu’il mourut. Dans ses odes et ses poésies sacrées se trouve de l’élévation, une hardiesse souvent poétique, et quelquefois même cette chaleur qui manque dans toutes ses autres compositions. La Harpe lui a rendu justice en disant que comme poète il méritait en plus d’un genre l’estime de postérité.
(Petits Poëtes Français depuis Malherbe jusqu’à nos jours –
Par Prosper Poitevin – Tome 1 – Paris –
Chez Firmin Didot Frères, fils et Cie, Libraires –
1870)

Œuvre de Jean-Jacques Lefranc de Pompignan

Jean-Jacques Lefranc de Pompignan
(1709 à Montauban – 1784 à Pompignan)

OEUVRE

THÉÂTRE

DIDON
Pièce en cinq actes


POÈMES

Les Larmes de pénitence – Ode
« Grâce, grâce, suspends l’arrêt de tes vengeances… »

Ode
« Captifs chez un peuple inhumain… »

Ode
À la mort de Jean-Baptiste Rousseau

Portrait de Jean-Baptiste Rousseau par Nicolas de Largillière



Ode III
« L’autre jour sans inquiétude… »

ODE VII – À Louis Racine, sur la mort de son fils
« Il n’est donc plus… »


Prophétie d’Ezéchiel
(Chapitre XVI, v. 3)
O femme, tu naquis d’une famille impure…

****

VOLTAIRE

« RELATION DU VOYAGE
DE M. LE MARQUIS
LEFRANC DE POMPIGNAN
DEPUIS POMPIGNAN JUSQU’À FONTAINEBLEAU
ADRESSÉE AU PROCUREUR FISCAL DU VILLAGE DE POMPIGNAN »

*
LETTRE DU SECRÉTAIRE DE VOLTAIRE
AU SECRÉTAIRE DE LEFRANC DE POMPIGNAN – 1763

****

Élu en 1759 à l’Académie Française au fauteuil 8.

*****


« Didon, tragédie qu’il donna à l’âge de vingt-cinq ans, fit concevoir des espérances qu’il n’a pas réalisées, car une petite comédie en vers libres représentée l’année suivante (1735) et quelques opéras qui n’ont pas été joués sont les seuls ouvrages qu’il ait composés ensuite pour la scène. Reçu à l’Académie française, Lefranc, dans son discours de réception, attaqua sans aucun ménagement tous les philosophes. Cette déclaration de guerre lancée contre ceux aux suffrages desquels il devait l’honneur de siéger à l’Académie lui fut fatale : pendant deux années on lui fit expier par les plus amers chagrins sa malencontreuse attaque : ce fut contre lui comme une conspiration générale. On ne se contenta pas de faire la satire du poète, on fit encore celle de l’homme et du chrétien. On le représenta comme un hypocrite qui s’affublait du manteau de la religion dans des vues d’intérêt purement humain. Lefranc, forcé de quitter Paris où il n’osait plus se présenter nulle part, alla ensevelir ses jours au fond d’une campagne ; il tomba dans un tel état de tristesse qu’il devint fou. Il était âgé de soixante-quinze ans lorsqu’il mourut. Dans ses odes et ses poésies sacrées se trouve de l’élévation, une hardiesse souvent poétique, et quelquefois même cette chaleur qui manque dans toutes ses autres compositions. La Harpe lui a rendu justice en disant que comme poète il méritait en plus d’un genre l’estime de postérité.
(Petits Poëtes Français depuis Malherbe jusqu’à nos jours –
Par Prosper Poitevin – Tome 1 – Paris –
Chez Firmin Didot Frères, fils et Cie, Libraires –
1870)

Les Larmes de pénitence – Ode de Jean-Jacques Lefranc de Pompignan

Jean-Jacques Lefranc de Pompignan
(1709 à Montauban – 1784 à Pompignan)

ŒUVRE DE LEFRANC DE POMPIGNAN

***

Grâce, grâce, suspends l’arrêt de tes vengeances,
Et détourne un moment tes regards irrités.
J’ai péché, mais je pleure : oppose mes offenses,
Oppose à leur grandeur celle de tes bontés.

Je sais tous mes forfaits, j’en connais l’étendue :
En tous lieux, à toute heure ils parlent comme moi ;
Par tant d’accusateurs mon âme confondue
Ne prétend pas contre eux disputer devant toi.

Tu m’avais par la main conduit dès ma naissance ;
Sur ma faiblesse en vain je voudrais m’excuser :
Tu m’avais fait, Seigneur, goûter ta connaissance
Mais, hélas ! de tes dons je n’ai fait qu’abuser.

De tant d’iniquités la foule m’environne ;
Fils ingrat, cœur perfide, en proie à mes remords,
La terreur me saisit ; je frémis, je frissonne ;
Pâle et les yeux éteints, je descends chez les morts.

Ma voix sort du tombeau ; c’est du fond de l’abîme
Que j’élève vers toi mes douloureux accents :
Fais monter jusqu’aux pieds de ton trône sublime
Cette mourante voix et ces cris languissants.

O mon Dieu… Quoi ! ce nom, je le prononce encore ?
Non, non, je t’ai perdu, j’ai cessé de t’aimer,
O juge qu’en tremblant je supplie et j’adore !
Grand Dieu, d’un nom plus doux j’ose le nommer.

Dans le gémissement, l’amertume et les larmes,
Je repasse des jours perdus dans les plaisirs ;
Et voilà tout le fruit de ces jours pleins de charmes :
Un souvenir affreux, la honte et les soupirs.

Ces soupirs devant toi sont ma seule défense :
Par eux un criminel espère t’attendrir ;
N’as-tu pas en effet un trésor de clémence ?
Dieu de miséricorde, il est temps de l’ouvrir.

Où fuir, où me cacher, tremblante créature,
Si tu viens en courroux pour compter avec moi ?
Que dis-je ? Être infini, ta grandeur me rassure,
Trop heureux de n’avoir qu’à compter qu’avec toi !

Près d’une majesté si terrible et si sainte,
Que suis-je ? Un vil roseau : voudrais tu le briser ?
Hélas ! si du flambeau la clarté s’est éteinte,
La mèche fume encore, voudrais tu l’écraser ?

Que l’homme soit pour l’homme un juge inexorable ;
Où l’esclave aurait-il appris à pardonner ?
C’est la gloire du maître : absoudre le coupable
N’appartient qu’à celui qui peut le condamner.

Tu le peux ; mais souvent tu veux qu’il te désarme ;
Il te fait violence ; il devient ton vainqueur.
Le combat n’est pas long : il ne faut qu’une larme :
Que de crimes efface une larme du cœur !

Jamais de toi, Grand Dieu, tu nous l’as dit toi-même,
Un cœur humble et contrit ne sera méprisé.
Voilà le mien : regarde, et reconnais qu’il t’aime ;
Il est digne de toi : la douleur l’a brisé.

Si tu le ranimais de sa première flamme,
Qu’il reprendrait bientôt sa joie et sa vigueur !
Mais non, fais plus pour moi : renouvelle mon âme,
Et daigne dans mon sein créer un nouveau cœur.

De mes forfaits alors je te ferai justice,
Et ma reconnaissance armera ma rigueur.
Tu peux me confier le soin de mon supplice :
Je serai contre moi mon juge et mon vengeur.

Le châtiment au crime est toujours nécessaire ;
Ma grâce est à ce prix, il faut la mériter.
Je te dois, je le sais, je te veux satisfaire :
Donne moi seulement le temps de m’acquitter.

Ah ! plus heureux celui que tu frappes en père !
Il connaît ton amour par ta sévérité.
Ici bas, quels que soient les coups de ta colère,
L’enfant que tu punis n’est pas déshérité.

Coupe, brûle ce corps, prends pitié de mon âme ;
Frappe, fais moi payer tout ce que je te dois.
Arme toi, dans le temps, du fer et de la flamme,
Mais dans l’éternité, Seigneur, épargne moi.

Quand j’aurais à tes lois obéi dès l’enfance,
Criminel en naissant, je ne dois que pleurer.
Pour retourner à toi la route est la souffrance :
Loi triste, route affreuse… entrons sans murmurer.

De la main de ton fils je reçois le calice ;
Mais je frémis, je sens ma main prête à trembler.
De ce trouble honteux mon cœur est-il complice ?
Suis-je criminel ? Voudrais je reculer ?

(Petits Poëtes Français depuis Malherbe jusqu’à nos jours – Par Prosper Poitevin – Tome 1 – Paris – Chez Firmin Didot Frères, fils et Cie, Libraires – 1870)

Élu en 1759 à l’Académie Française au fauteuil 8.

*****


« Didon, tragédie qu’il donna à l’âge de vingt-cinq ans, fit concevoir des espérances qu’il n’a pas réalisées, car une petite comédie en vers libres représentée l’année suivante (1735) et quelques opéras qui n’ont pas été joués sont les seuls ouvrages qu’il ait composés ensuite pour la scène. Reçu à l’Académie française, Lefranc, dans son discours de réception, attaqua sans aucun ménagement tous les philosophes. Cette déclaration de guerre lancée contre ceux aux suffrages desquels il devait l’honneur de siéger à l’Académie lui fut fatale : pendant deux années on lui fit expier par les plus amers chagrins sa malencontreuse attaque : ce fut contre lui comme une conspiration générale. On ne se contenta pas de faire la satire du poète, on fit encore celle de l’homme et du chrétien. On le représenta comme un hypocrite qui s’affublait du manteau de la religion dans des vues d’intérêt purement humain. Lefranc, forcé de quitter Paris où il n’osait plus se présenter nulle part, alla ensevelir ses jours au fond d’une campagne ; il tomba dans un tel état de tristesse qu’il devint fou. Il était âgé de soixante-quinze ans lorsqu’il mourut. Dans ses odes et ses poésies sacrées se trouve de l’élévation, une hardiesse souvent poétique, et quelquefois même cette chaleur qui manque dans toutes ses autres compositions. La Harpe lui a rendu justice en disant que comme poète il méritait en plus d’un genre l’estime de postérité.
(Petits Poëtes Français depuis Malherbe jusqu’à nos jours –
Par Prosper Poitevin – Tome 1 – Paris –
Chez Firmin Didot Frères, fils et Cie, Libraires –
1870)



Ode (« Captifs chez un peuple inhumain… ») de Jean-Jacques Lefranc de Pompignan

Jean-Jacques Lefranc de Pompignan
(1709 à Montauban – 1784 à Pompignan)

ŒUVRE DE LEFRANC DE POMPIGNAN

Super flumina Babylonis, etc.
Psaume CXXXVI

Captifs chez un peuple inhumain,
Nous arrosions de pleurs les rives étrangères,
Et le souvenir du Jourdain,
À l’aspect de l’Euphrate, augmentait nos misères.

Aux arbres qui couvraient les eaux
Nos lyres tristement demeuraient suspendues,
Tandis que nos maîtres nouveaux
Fatiguaient de leurs cris nos tribus éperdues.

Chantes, nous disaient ces tyrans,
Les hymnes préparés pour vos fêtes publiques,
Chantez, et que vos conquérants
Admirent de Sion les sublimes cantiques.

Ah ! Dans ces climats odieux,
Arbitre des humains, peut-on chanter ta gloire !
Peut-on, dans ces funestes lieux
Des beaux jours de Sion célébrer la mémoire !

De nos aïeux sacré berceau,
Sainte Jérusalem, si jamais je t’oublie,
Si tu n’es jusqu’au tombeau
L’objet de mes désirs, et l’espoir de ma vie :

Rebelle aux efforts de mes doigts,
Que ma lyre se taise entre mes mains glacées !
Et que l’organe de ma voix
Ne prête plus de son à mes tristes pensées !

Rappelle toi ce jour affreux,
Seigneur, où d’Esaü la race criminelle
Contre ses frères malheureux
Animait du vainqueur la vengeance cruelle,

Egorgez ces peuples épars,
Consommez, criaient ils, les vengeances divines ;
Brûlez, abattez ces remparts,
Et de leurs fondements dispersez les ruines.

Malheur à tes peuples pervers,
Reine des nations, fille de Babylone ;
La foudre gronde dans les airs,
Le Seigneur n’est pas loin ; tremble, descends du trône.

Puissent tes palais embrasés
Eclairer de tes rois les tristes funérailles !
Et que sur la pierre, écrasés,
Tes enfants de leur sang arrosent les murailles !

(Petits Poëtes Français depuis Malherbe jusqu’à nos jours – Par Prosper Poitevin – Tome 1 – Paris – Chez Firmin Didot Frères, fils et Cie, Libraires – 1870)

Élu en 1759 à l’Académie Française au fauteuil 8.

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« Didon, tragédie qu’il donna à l’âge de vingt-cinq ans, fit concevoir des espérances qu’il n’a pas réalisées, car une petite comédie en vers libres représentée l’année suivante (1735) et quelques opéras qui n’ont pas été joués sont les seuls ouvrages qu’il ait composés ensuite pour la scène. Reçu à l’Académie française, Lefranc, dans son discours de réception, attaqua sans aucun ménagement tous les philosophes. Cette déclaration de guerre lancée contre ceux aux suffrages desquels il devait l’honneur de siéger à l’Académie lui fut fatale : pendant deux années on lui fit expier par les plus amers chagrins sa malencontreuse attaque : ce fut contre lui comme une conspiration générale. On ne se contenta pas de faire la satire du poète, on fit encore celle de l’homme et du chrétien. On le représenta comme un hypocrite qui s’affublait du manteau de la religion dans des vues d’intérêt purement humain. Lefranc, forcé de quitter Paris où il n’osait plus se présenter nulle part, alla ensevelir ses jours au fond d’une campagne ; il tomba dans un tel état de tristesse qu’il devint fou. Il était âgé de soixante-quinze ans lorsqu’il mourut. Dans ses odes et ses poésies sacrées se trouve de l’élévation, une hardiesse souvent poétique, et quelquefois même cette chaleur qui manque dans toutes ses autres compositions. La Harpe lui a rendu justice en disant que comme poète il méritait en plus d’un genre l’estime de postérité.
(Petits Poëtes Français depuis Malherbe jusqu’à nos jours –
Par Prosper Poitevin – Tome 1 – Paris –
Chez Firmin Didot Frères, fils et Cie, Libraires –
1870)



ALEXANDRE BLOK : Poèmes et correspondances de 1898 à 1921

Traduction de ses plus grands poèmes (de 1898 à 1918) et d’une grande partie de sa correspondance (de 1898 à 1921) avec les autres poètes, artistes, amis et avec les membres de sa famille. Andreï Biély écrivait en 1907 un juste portrait du grand poète Alexandre Blok : « Blok est l’un des poètes russes contemporains les plus en vue. Les admirateurs peuvent faire son éloge. Les ennemis peuvent le réprimander. Une chose est vraie : il faut compter avec lui. À côté des noms de Dimitri Merejkovski, Constantin Balmont, Valéri Brioussov, Zinaïda Hippius et Fiodor Sologoub en poésie, nous ajoutons désormais invariablement le nom d’Alexandre Blok. Le premier recueil de poèmes du poète n’a pas été publié avant 1905. Pourtant, il existe déjà une école de Blok… Les critiques déduisent souvent le symbolisme russe du symbolisme français. C’est une erreur. Le symbolisme russe est plus profond et plus enraciné. Ses représentants les plus éminents sont intimement liés à la littérature et à la poésie russes… »

LA MANGOUSTE & LE CROCODILE – Le roman d’un jeune déconstruit

Jules, jeune homme séduisant, se retrouve perdu dans sa petite ville d’Occitanie, perdant le peu de contrôle qui lui restait encore. Il survit dans la détresse du monde qui se dévoile encore à lui. Il survit sans véritablement comprendre ce qui lui arrive, mais en tentant de subsister, aidé pour cela par son étrange ami Paul. Il se retrouve dans cette spirale du siphon et de la fosse, et il souffre. Il souffre en fait d’un double mal. Jules est victime d’un triste pourrissement diabolique, conscient que son corps n’est plus comme celui des autres, plus obstrué, plus changeant, chosifié parfois, immortel souvent, plus évanescent, plus inexistant dans ce constat d’effondrement généralisé, de perte de volonté totale et de lassitude envahissante. Peut-être un syndrome de Cotard. L’autre mal, sorte de syndrome de Capgras, qui le frappe, se manifeste par la certitude d’être dupé, d’être soumis à une manipulation infernale. Certains êtres, d’une manière incompréhensible, proches ou non, se retrouvent parfois changés par autant de sosies et de clones.
Il se dissout peu à peu, au gré des événements. Mais s’il disparaît, tout ce qui est autour de lui disparaît aussi vite, sa famille, sa rue, les hommes et les femmes, les rapports amoureux, sa ville de Moissac victime de plusieurs attentats terroristes, le monde lui-même… 

FIODOR TIOUTTCHEV – Au cœur de l’abîme

Nous vous présentons ici une centaine des plus importants poèmes de Fiodor Tiouttchev, en version bilingue et commentée, sur les quatre cents au total que celui-ci a écrits.
Poète essentiel et fondamental, l’un des premiers poètes symbolistes russes, sans lequel, ajoutait simplement Léon Tolstoï, « vous ne pouvez pas vivre ! « 

SOMMAIRE

Любезному папеньке! 6
MON CHER PAPA ! 7
Всесилен я и вместе слаб… 8
OMNIPOTENT ET FAIBLE 9
Послание Горация к Меценату 10
LETTRE D’HORACE À MÉCÈNE 11
Урания 16
URANIE 17
Харон и Каченовский 20
CHARON & KATCHÉNOVSKI 21
Одиночество 22
L’ISOLEMENT 23
Гектор и Андромаха 28
HECTOR & ANDROMAQUE 29
«Не дай нам духу празднословья»!… 32
PRIÈRE 33
К Н. 34
À N. 35
К Нисе 38
À NISA 39
14-ОЕ ДЕКАБРЯ 1825 40
14 DÉCEMBRE 1825 41
ВЕЧЕР 42
SOIRÉE 43
Весенняя гроза 44
L’ORAGE DE PRINTEMPS 45
МОГИЛА НАПОЛЕОНА 46
LE TOMBEAU DE NAPOLÉON 47
Душа хотела б быть звездой… 48
MON ÂME VOUDRAIT ÊTRE UNE ÉTOILE 49
Бессонница 50
INSOMNIE 51
Последний катаклизм 52
L’ULTIME CATACLYSME 53
Весенние воды 54
EAUX PRINTANIÈRES 55
ЛЕБЕДЬ 56
L’AIGLE & LE CYGNE 57
КАК ОКЕАН ОБЪЕМЛЕТ ШАР ЗЕМНОЙ 58
COMME L’OCÉAN EMBRASSE LA TERRE 59
ПРОБУЖДЕНИЕ 60
ÉVEIL 61
Как океан объемлет шар земной 62
AU CŒUR DE L’ABÎME 63
ВИДЕНИЕ 64
VISION 65
УТРО В ГОРАХ 66
MATIN EN MONTAGNE 67
СРЕДСТВО И ЦЕЛЬ 68
LES MOYENS ET LA FIN 69
ПОЛДЕНЬ 70
MIDI 71
Цицерон 72
CICÉRON 73
АЛЬПЫ 74
LES ALPES 75
MAL’ARIA 76
MAL’ARIA 77
Сей день, я помню, для меня 78
UN NOUVEAU MONDE 79
ОСЕННИЙ ВЕЧЕР 80
SOIRÉE D’AUTOMNE 81
ДВУМ СЕСТРАМ 82
À DEUX SŒURS 83
БЕЗУМИЕ 84
DÉMENCE 85
SILENTIUM ! 86
SILENTIUM ! 87
Я помню время золотое… 88
L’ÂGE D’OR 89
К *** 92
À *** 93
Я лютеран люблю богослуженье 94
J’AIME LE SERVICE LUTHÉRIEN 95
АРФА СКАЛЬДА 96
LA HARPE DE SCALDE 97
Какое дикое ущелье! 98
LE RAVIN SAUVAGE 99
О чем ты воешь, ветр ночной? 100
VENT NOCTURNE  101
Фонтан 102
LA FONTAINE 103
С поляны коршун поднялся… 104
LE VOL DU VAUTOUR 105
Тени сизые смесились… 106
LE VOL INVISIBLE DU PAPILLON DE NUIT 107
Люблю глаза твои, мой друг… 108
J’AIME TES YEUX 109
Яркий снег сиял в долине… 110
LA NEIGE DANS LA VALLÉE 111
FATIGUÉS DU VOYAGE 112
L’HOMME DANS L’ESPACE INFINI 113
Что ты клонишь над водами… 114
LE SAULE PLEUREUR 115
ДЕНЬ И НОЧЬ 116
JOUR & NUIT 117
Зима недаром злится… 118
HIVER & PRINTEMPS 119
И чувства нет в твоих очах… 120
PAS D’ÂME EN TOI 121
СТРАННИК 122
LE VAGABOND 123
PRÉSENCE DE L’HOMME 125
UN RÊVE 126
Святая ночь на небосклон взошла… 128
L’HOMME DEVANT L’ABÎME 129
Еще томлюсь тоской желаний… 130
COMME UNE ÉTOILE DANS LE CIEL LA NUIT 131
LE MONDE RECULE 133
Тихой ночью, поздним летом… 134
DANS LE SILENCE DE LA NUIT 135
Слезы людские, о слезы людские… 136
LARMES HUMAINES 137
Близнецы 138
LES JUMEAUX 139
TROP DE PASSÉ M’ACCABLE 141
Два голоса 142
DEUX VOIX 143
Пророчество 144
PROPHÉTIE 145
ET LE MONDE RECULE 146
LA MER SE FERME ENFIN… 147
МОРЕ И УТЕС 148
LA MER ET LA FALAISE 149
РОССИЯ И РЕВОЛЮЦИЯ. 152
Русская география 166
GÉOGRAPHIE RUSSE 167
Как он любил родные ели… 168
SUR LAMARTINE 169
LAMARTINE 171
COMME EN AIMANT 173
Пошли, господь, свою отраду… 176
LE MENDIANT ET LE JARDIN 177
LES NUITS AZURÉES 181
DES PREMIERS ANS DE VOTRE VIE 183
Первый лист 184
LA PREMIÈRE FEUILLE 185
Наш век 186
NOTRE SIÈCLE SANS FOI 187
Предопределение 188
PRÉDESTINATION 189
В разлуке есть высокое значенье… 190
LA SÉPARATION 191
ПОСЛЕДНЯЯ ЛЮБОВЬ 192
DERNIER AMOUR 193
Я очи знал, — о, эти очи!… 194
DEUX YEUX 195
Ты, волна моя морская… 196
MOBILE COMME L’ONDE 197
Чародейкою Зимою… 200
L’HIVER SAISON ENCHANTERESSE 201
Лето 1854 202
ÉTÉ 1854 203
D’APRÈS MICHEL-ANGE 205
Эти бедные селенья… 206
LA TERRE DU PEUPLE RUSSE 207
<ИЗ МИКЕЛАНДЖЕЛО> 208
Так, в жизни есть мгновения… 210
LE MONDE DANS MA POITRINE 211
О вещая душа моя! 212
LES DEUX MONDES DE L’ÂME 213
IL FAUT QU’UNE PORTE SOIT OUVERTE OU FERMÉE 215
Смотри, как роща зеленеет… 216
DE CHAQUE BRANCHE ET DE CHAQUE FEUILLE 217
Есть в осени первоначальной… 218
LES PREMIERS JOURS DE L’AUTOMNE 219
Она сидела на полу… 220
LES LETTRES 221
À E. N. ANNENKOVA (E.H. Анненковой) 223
Декабрьское утро 224
HARMONIE D’UN MATIN DE DÉCEMBRE 225
Е. Н. Анненковой À E. N. ANNENKOVA 226
DE CES FRIMAS, DE CES DÉSERTS 227
Хоть я и свил гнездо в долине… 228
MON NID DANS LA VALLÉE 229
LA VIEILLE ÉCUBE 231
Играй, покуда над тобою… 232
TU VAS VIVRE, MOI JE PARS 233
НИ́ЦЦА 236
NICE 237
Утихла биза… Легче дышит… 238
LA BISE S’EST CALMÉE 239
Как неразгаданная тайна… 240
UN MYSTÈRE NON RÉSOLU 241
Красноречивую, живую… 242
RÉPRIMANDE 243
Как хорошо ты, о море ночное… 244
MER NOCTURNE 245
Певучесть есть в морских волнах… 246
L’HARMONIE DE LA NATURE 247
Другу моему Я. П. Полонскому 250
À MON AMI Ia. P. POLONSKI 251
Молчит сомнительно Восток… 252
L’ORIENT INCERTAIN 253
Накануне годовщины 4 августа 1864 года 254
VEILLE DE L’ANNIVERSAIRE DU 4 AOÛT 1864 (1) 255
Как неожиданно и ярко… 256
L’ARC-EN-CIEL 257
Ночное небо так угрюмо… 258
UN CIEL NOCTURE SI SOMBRE 259
Когда дряхлеющие силы… 260
SUPPLIQUE AU BON GÉNIE 261
Умом Россию не понять 262
COMPRENDRE LA RUSSIE 263
Ты долго ль будешь за туманом… 264
RÉVEILLE-TOI ! (SOULÈVEMENT DE LA CRÈTE) 265
В РИМЕ 266
À ROME 267
Напрасный труд – нет, их не вразумишь… 268
UN IDÉAL INACCESSIBLE 269
Как ни тяжел последний час… 270
NOS MEILLEURS SOUVENIRS 271
HONNY SOIT QUI MAL Y PENSE 273
В небе тают облака… 274
LES NUAGES FONDENT DANS LE CIEL 275
Мотив Гейне 276
THÈME DE HEINE 277
Нам не дано предугадать… 280
LA PAROLE, LA SYMPATHIE ET LA GRÂCE 281
Как насаждения Петрова 282
LE MOT RUSSE 283
О.И. ОРЛОВОЙ­-ДАВЫДОВОЙ 284
OLGA IVANOVNA ORLOV-DAVYDOV 285
Природа — сфинкс. И тем она верней… 286
LA NATURE – UN SPHINX 287
К. Б. (Я встретил вас — и всё былое…) 288
K.B. 289
Тут целый мир, живой, разнообразный… 292
MILLE MONDES 293
QUELLE MÉPRISE 295
Как бестолковы числа эти… 296
LE PRINTEMPS EN NOVEMBRE 297
Наполеон III 298
NAPOLÉON III 299
Во дни напастей и беды… 304
LES BASKAKS DE LA HORDE D’OR 305
Благоуханна и светла… 308
LE PRINTEMPS PARFUMÉ 309
Всё отнял у меня казнящий бог… 310
LE DIEU BOURREAU 311
Вот свежие тебе цветы… 312
EN L’HONNEUR DE VOTRE FÊTE 313
Хоть родом он был не славя́нин… 314
AU GUERRIER HILFERDING 315
Бывают роковые дни… 316
LES JOURS FATIDIQUES 317

MIKHAÏL LERMONTOV CHANTRE DU CAUCASE

LERMONTOV CHANTRE DU CAUCASE

Une traversée de l’œuvre de Lermontov sur près des 80 poèmes (en version bilingue) les plus importants : Le Calice de la vie, La Prophétie, Mascarade, La Mort du poète, Les Deux Géants, Non je ne suis pas Byron, Le Rameau de Palestine, Le Chant sur Ivan le Terrible, de larges parties de son grand roman Un Héros de Notre Temps, Les Tempêtes du Destin, La Berceuse Cosaque, Le Novice, Les Dons du Derek, Reconnaissance, Ennui et Tristesse, Pourquoi, Le Poème du Nouvel An, Valérik, Le Vaisseau Fantôme, Nuages, J’aimais autrefois, Patrie, La Dernière Demeure, Comtesse Rostopchina, La Falaise, La Princesse et la Mer, Ma Chère Alexandrine, Contrat, Le Démon, etc.
Des repères complets chronologiques sont proposés afin de mieux saisir l’évolution de cette œuvre incontournable.

TABLE DES MATIÈRES

REPÈRES CHRONOLOGIQUES 5
LES PREMIÈRES ANNÉES 7
1828 13
ОСЕНЬ 22
L’AUTOMNE 23
1829 25
Монолог 26
MONOLOGUE 27
1830 29
Предсказание 30
LA PROPHÉTIE 31
Ты помнишь ли, как мы с тобою 34
« THE EVENING GUN » (1) 35
Нищий 38
LE MENDIANT 39
Гроб Оссиана 40
LE TOMBEAU D’OSSIAN 41
Звезда «  Светись, светись » 42
L’ÉTOILE 43
Звезда «  Вверху одна » 44
L’ÉTOILE 45
Вечер после дождя 46
LE SOIR APRÈS LA PLUIE 47
Еврейская мелодия 48
MÉLODIE JUIVE 49
Одиночество 52
SOLITUDE 53
Мой дом 54
MA MAISON 55
Благодарю! 56
MERCI ! 57
Крест на скале 60
LA CROIX SUR LE ROCHER 61
Песня (Колокол стонет…) 62
CHANSON (LA CLOCHE GÉMIT) 63
На картину Рембрандта 64
SUR LA PEINTURE DE REMBRANDT 65
« На картину Рембрандта » LERMONTOV ET LA PEINTURE 66
Волны и люди 70
VAGUES ET GENS 71
1831 73
К * 74 À* 75
Ангел 78
L’ANGE 79
Чаша жизни 80
LE CALICE DE LA VIE 81
Небо и звёзды 84
CIEL & ÉTOILES 85
QUAND JE TE VOIS SOURIRE 87
Зови надежду сновиденьем 88
MON REGARD NE CACHE RIEN 89
Плачь! плачь! Израиля народ 90
PEUPLE D’ISRAËL 91
Кто видел Кремль в час утра золотой 92
LE KREMLIN À L’AUBE 93
ЖЕЛАНИЕ 94
SOUHAIT 95
Завещание 98
TESTAMENT 99
Надежда 100
ESPOIR 101
Нарышкиной 102
À NARISHKINA 103
Трубецкому 104
À TROUBETZKOÏ 105
1832 107
Нет, я не Байрон 108
NON, JE NE SUIS PAS BYRON ! 109
Он был рожден для счастья, для надежд 110
SI J’EN CROIS MON ESPÉRANCE 113
Она не гордой красотою 114
ELLE N’EST PAS UNE BEAUTÉ FIÈRE 115
Парус 116
LA VOILE 117
Я жить хочу! Хочу печали… 120
JE VEUX VIVRE ! 121
Два великана 122
LES DEUX GÉANTS 123
В рядах стояли безмолвной толпой 126
AUTOUR DU CERCUEIL 127
1834 129
1835 129
Маскарад 132
MASCARADE ou LE BAL MASQUÉ (Extraits) 133
1836 137
Умирающий гладиатор 138
LE GLADIATEUR MOURANT 139
1837 143
Когда волнуется желтеющая нива 146
LE BONHEUR SUR TERRE & DIEU DANS LE CIEL 147
Расстались мы, но твой портрет 150
TON PORTRAIT 151
Смерть поэта 152
LA MORT DU POÈTE 153
Бородино 162
BORODINO 163
Гляжу на будущность с боязнью 172
SOUS LE SOLEIL ÉTOUFFANT DE L’ÊTRE 173
Она поет — и звуки тают 174
DANS SES YEUX DIVINS 175
Ветка Палестины 176
LE RAMEAU DE PALESTINE 177
ПЕСНЯ ПРО ЦАРЯ… 186
CHANT SUR IVAN LE TERRIBLE 187
ПЕСНЯ ПРО ЦАРЯ… 1 190
CHANT SUR IVAN LE TERRIBLE 191
1 191
ПЕСНЯ ПРО ЦАРЯ… 2 204
CHANT SUR IVAN LE TERRIBLE 205
2 205
ПЕСНЯ ПРО ЦАРЯ… 3 218
CHANT SUR IVAN LE TERRIBLE 219
3 219
1838 233
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS 235
Герой нашего времени Содержание 242
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS CONTENU 243
Герой нашего времени Предисловие 244
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS AVANT-PROPOS 245
Герой нашего времени Часть первая I БЭЛА 248
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS PREMIÈRE PARTIE I BELA 249
Герой нашего времени Часть первая II МАКСИМ МАКСИМЫЧ 250
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS PREMIÈRE PARTIE II MAXIME MAXIMITCH 251
Герой нашего времени Часть первая ЖУРНАЛ ПЕЧОРИНА Предисловие 266
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS PREMIÈRE PARTIE JOURNAL DE PÉTCHORINE Avant-propos 267
Герой нашего времени Часть первая ЖУРНАЛ ПЕЧОРИНА I ТАМАНЬ 270
JOURNAL DE PÉTCHORINE I TAMAN 271
Герой нашего времени Часть вторая (Окончание журнала Печорина) Княжна Мери 300
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS DEUXIÈME PARTIE (FIN DU JOURNAL DE PÉTCHORINE) LA PRINCESSE MARY 301
Герой нашего времени Часть вторая III ФАТАЛИСТ 424
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS DEUXIÈME PARTIE III LE FATALISTE 425
Она поет 446
ELLE CHANTE 447
MA COUSINE 448
Гляжу на будущность с боязнью 450
LES TEMPÊTES DU DESTIN 451
Кинжал 452
LA DAGUE 453
Казачья колыбельная песня 454
BERCEUSE COSAQUE 455
1839 459
Молитва 460
LA PRIÈRE 461
Памяти А. И. О‹доевско›го 462
À LA MÉMOIRE D’ODOÏÉVSKI 463
Ребенка милого рожденье 470
AU DOUX BÉBÉ QUI NAÎT 471
« LE NOVICE » PAR TAILLANDIER 473
Мцыри 476
1 476
LE NOVICE « MTSYRI » 477
1 477
Мцыри 2 482
LE NOVICE « MTSYRI » 2 483
Мцыри 3 486
LE NOVICE – « MTSYRI » 3 487
Мцыри 4 488
LE NOVICE – « MTSYRI » 4 489
Мцыри 5 490
LE NOVICE – « MTSYRI » 5 491
Мцыри 6 492
LE NOVICE – « MTSYRI » 6 493
Мцыри 7 496
LE NOVICE – « MTSYRI » 7 497
Мцыри 8 500
LE NOVICE – « MTSYRI » 8 501
Мцыри 9 502
LE NOVICE – « MTSYRI » 9 503
Мцыри 10 504
LE NOVICE – « MTSYRI » 10 505
Мцыри 11 506
LE NOVICE – « MTSYRI » 11 507
Мцыри 12 510
LE NOVICE – « MTSYRI » 12 511
Мцыри 13 514
LE NOVICE – « MTSYRI » 13 515
Мцыри 14 518
LE NOVICE – « MTSYRI » 14 519
Мцыри 15 522
LE NOVICE – « MTSYRI » 15 523
Мцыри 16 524
LE NOVICE – « MTSYRI » 16 525
Мцыри 17 528
LE NOVICE – « MTSYRI » 17 529
Мцыри 18 530
LE NOVICE – « MTSYRI » 18 531
Мцыри 19 534
LE NOVICE – « MTSYRI » 19 535
Мцыри 20 536
LE NOVICE – « MTSYRI » 20 537
Мцыри 21 540
LE NOVICE – « MTSYRI » 21 541
Мцыри 22 542
LE NOVICE – « MTSYRI » 22 543
Мцыри 23 544
LE NOVICE – « MTSYRI » 23
Мцыри 24 550
LE NOVICE – « MTSYRI » 24 551
Мцыри 25 552
LE NOVICE – « MTSYRI » 25 553
Мцыри 26 554
LE NOVICE – « MTSYRI » 26 555
Не верь себе 556
LA FOULE & LE POÈTE 557
«  LES DONS DU TEREK »  PAR TAILLANDIER 561
Дары Терека 564
LES DONS DU DEREK 565
1840 575
БЛАГОДАРНОСТЬ 576
RECONNAISSANCE 577
ИЗ ГЁТЕ 578
И скучно и грустно… 580
ENNUI & TRISTESSE 581
ОТЧЕГО 582
POURQUOI 583
Как часто, пeстрою толпою окружeн 586
LE POÈME DU NOUVEL AN 587
VALÉRIK PAR TAILLANDIER 591
Валерик 592
VALÉRIK (fragments) 593
Воздушный корабль 604
LE VAISSEAU FANTÔME 605
Тучи 613
NUAGES 614
Любил и я в былые годы 616
J’AIMAIS AUTREFOIS 617
1841 620
Родина 622
PATRIE 623
Последнее новоселье 624
LA DERNIÈRE DEMEURE 625
Графине Ростопчиной 632
COMTESSE ROSTOPCHINA 633
Утес 634
LA FALAISE 635
Листок 636
LA FEUILLE DE CHÊNE 637
Морская царевна 640
LA PRINCESSE DE LA MER 641
‹А. А. УГЛИЦКОЙ› 644
MA CHÈRE ALEXANDRINE 645
Договор 646
CONTRAT 647
Демон LE DÉMON 649
Демон LE DÉMON 653
Демон I-1 654
LE DÉMON I-1 655
Демон I-2 656
LE DÉMON I-2 657
Демон I-3 658
LE DÉMON I-3 659
Демон I-4 662
LE DÉMON I-4 663
Демон I-5 666
Демон I-6 668
LE DÉMON I-6 669
Демон I-7 672
LE DÉMON I-7 673
Демон I-8 674
LE DÉMON I-8 675
Демон I-9 676
LE DÉMON I-9 677
Демон I-10 678
LE DÉMON I-10 679
Демон I-11 682
LE DÉMON I-11 683
Демон I-12 686
LE DÉMON I-12
Демон I-13 688
LE DÉMON I-13 689
Демон I-14 690
LE DÉMON I-14 691
Демон I-15 692
LE DÉMON I-15 693
Демон I-16 698
LE DÉMON I-16 699
Демон LE DÉMON ЧАСТЬ II
SECONDE PARTIE 703
Демон II-1 704
LE DÉMON II-1 705
Демон II-2 706
LE DÉMON II-2 707
Демон II-3 708
LE DÉMON II-3 709
Демон II-4 710
LE DÉMON II-4 711
Демон II-5 712
LE DÉMON II-5 713
Демон II-6 714
LE DÉMON II-6 715
Демон II-7 716
LE DÉMON II-7 717
Демон II-8 720
LE DÉMON II-8 721
Демон II-9 722
LE DÉMON II-9 723
Демон II-10 724
LE DÉMON II-10 725
Демон II-11 748
LE DÉMON II-11 749
Демон II-12 750
LE DÉMON II-12 751
Демон II-13 752
LE DÉMON II-13 753
Демон II-14 756
LE DÉMON II-14 757
Демон II-15 758
LE DÉMON II-15 759
Демон II-16 760
LE DÉMON II-16 761
L’ATTENTE 766
Пророк 768
LE PROPHÈTE 769
1842 à 1844 771
 APRÈS LA MORT DE LERMONTOV  771

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