LA PLACE ROYALE ACTE V CORNEILLE

LA PLACE ROYALE ACTE V CORNEILLE
Le Théâtre de Corneillle
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     LA PLACE ROYALE CORNEILLE
LITTERATURE FRANCAISE

Comédie
EN CINQ ACTES


 

LE THEÂTRE DE
PIERRE CORNEILLE
1606 – 1684

 

LA PLACE ROYALE

Comédie en Cinq Actes
1634

ACTE V

LA PLACE ROYALE ACTE V CORNEILLE

***

LA PLACE ROYALE ACTE V
Scène première

CLEANDRE & PHYLIS

CLEANDRE

Accordez-moi ma grâce avant qu’entrer chez vous.

PHYLIS

Vous voulez donc enfin d’un bien commun à tous ?

Craignez-vous qu’à vos feux ma flamme ne réponde ?

Et puis-je vous haïr, si j’aime tout le monde ?

CLEANDRE

Votre bel esprit raille, et pour moi seul cruel,

Du rang de vos amants sépare un criminel:

Toutefois mon amour n’est pas moins légitime,

Et mon erreur du moins me rend vers vous sans crime.

Soyez, quoi qu’il en soit, d’un naturel plus doux:

L’amour a pris le soin de me punir pour vous ;

Les traits que cette nuit il trempait de vos larmes

Ont triomphé d’un cœur invincible à vos charmes.

PHYLIS

Puisque vous ne m’aimez que par punition,

Vous m’obligez fort peu de cette affection.

CLEANDRE

Après votre beauté sans raison négligée,

Il me punit bien moins qu’il ne vous a vengée.

Avez-vous jamais vu dessein plus renversé ?

Quand j’ai la force en main, je me trouve forcé ;

Je crois prendre une fille, et suis pris par une autre ;

J’ai tout pouvoir sur vous, et me remets au vôtre.

Angélique me perd, quand je crois l’acquérir ;

Je gagne un nouveau mal, quand je pense guérir.

Dans un enlèvement je hais la violence ;

Je suis respectueux après cette insolence ;

Je commets un forfait, et n’en saurais user ;

Je ne suis criminel que pour m’en accuser.

Je m’expose à ma peine ; et négligeant ma fuite,

Aux vôtres offensés j’épargne la poursuite.

Ce que j’ai pu ravir, je viens le demander ;

Et pour vous devoir tout, je veux tout hasarder.

PHYLIS

Vous ne me devrez rien, du moins si j’en suis crue ;

Et si mes propres yeux vous donnent dans la vue,

Si votre propre cœur soupire après ma main,

Vous courez grand hasard de soupirer en vain.

Toutefois, après tout, mon humeur est si bonne

Que je ne puis jamais désespérer personne.

Sachez que mes désirs, toujours indifférents,

Iront sans résistance au gré de mes parents ;

Leur choix sera le mien: c’est vous parler sans feinte.

CLEANDRE

Je vois de leur côté mêmes sujets de crainte ;

Si vous me refusez, m’écouteront-ils mieux ?

PHYLIS

Le monde vous croit riche, et mes parents sont vieux.

CLEANDRE

Puis-je sur cet espoir…

PHYLIS

C’est assez vous en dire.

LA PLACE ROYALE ACTE V
Scène II

ALIDOR, CLEANDRE & PHYLIS

ALIDOR

Cléandre a-t-il enfin ce que son cœur désire ?

Et ses amours, changés par un heureux hasard,

De celui de Phylis ont-ils pris quelque part ?

Cléandre

Cette nuit tu l’as vue en un mépris extrême,

Et maintenant, ami, c’est encore elle-même:

Son orgueil se redouble étant en liberté,

Et devient plus hardi d’agir en sûreté.

J’espère toutefois, à quelque point qu’il monte,

Qu’à la fin…

Phylis

Cependant que vous lui rendrez conte

Je vais voir mes parents, que ce coup de malheur

À mon occasion accable de douleur.

Je n’ai tardé que trop à les tirer de peine.

Alidor, retenant Cléandre qui la veut suivre.

Est-ce donc tout de bon qu’elle t’est inhumaine ?

Cléandre

Il la faut suivre. Adieu. Je te puis assurer

Que je n’ai pas sujet de me désespérer.

Va voir ton Angélique, et la compte pour tienne,

Si tu la vois d’humeur qui ressemble à la sienne.

Alidor

Tu me la rends enfin ?

Cléandre

Doraste tient sa foi ;

Tu possèdes son cœur: qu’aurait-elle pour moi ?

Quelques charmants appas qui soient sur son visage,

Je n’y saurais avoir qu’un fort mauvais partage:

Peut-être elle croirait qu’il lui serait permis

De ne me rien garder, ne m’ayant rien promis ;

Il vaut mieux que ma flamme à son tour te la cède.

Mais, derechef, adieu.

LA PLACE ROYALE ACTE V
Scène III

ALIDOR

Ainsi tout me succède ;

Ses plus ardents désirs se règlent sur mes vœux:

Il accepte Angélique, et la rend quand je veux ;

Quand je tâche à la perdre, il meurt de m’en défaire ;

Quand je l’aime, elle cesse aussitôt de lui plaire.

Mon cœur prêt à guérir, le sien se trouve atteint ;

Et mon feu rallumé, le sien se trouve éteint:

Il aime quand je quitte, il quitte alors que j’aime ;

Et sans être rivaux, nous aimons en lieu même.

C’en est fait, Angélique, et je ne saurais plus

Rendre contre tes yeux des combats superflus.

De ton affection cette preuve dernière

Reprend sur tous mes sens une puissance entière.

Les ombres de la nuit m’ont redonné le jour:

Que j’eus de perfidie, et que je vis d’amour !

Quand je sus que Cléandre avait manqué sa proie,

Que j’en eus de regret, et que j’en ai de joie !

Plus je t’étais ingrat, plus tu me chérissais ;

Et ton ardeur croissait plus je te trahissais.

Aussi j’en fus honteux, et confus dans mon âme,

La honte et le remords rallumèrent ma flamme.

Que l’amour pour nous vaincre a de chemins divers !

Et que malaisément on rompt de si beaux fers !

C’est en vain qu’on résiste aux traits d’un beau visage ;

En vain, à son pouvoir refusant son courage,

On veut éteindre un feu par ses yeux allumé,

Et ne le point aimer quand on s’en voit aimé:

Sous ce dernier appas l’amour a trop de force ;

Il jette dans nos cœurs une trop douce amorce,

Et ce tyran secret de nos affections

Saisit trop puissamment nos inclinations.

Aussi ma liberté n’a plus rien qui me flatte ;

Le grand soin que j’en eus partait d’une âme ingrate,

Et mes desseins, d’accord avecque mes désirs,

À servir Angélique ont mis tous mes plaisirs.

Mais, hélas ! ma raison est-elle assez hardie

Pour croire qu’on me souffre après ma perfidie ?

Quelque secret instinct, à mon bonheur fatal,

Ne la porte-t-il point à me vouloir du mal ?

Que de mes trahisons elle serait vengée,

Si, comme mon humeur, la sienne était changée !

Mais qui la changerait, puisqu’elle ignore encor

Tous les lâches complots du rebelle Alidor ?

Que dis-je, malheureux ? Ah ! c’est trop me méprendre,

Elle en a trop appris du billet de Cléandre ;

Son nom au lieu du mien en ce papier souscrit

Ne lui montre que trop le fond de mon esprit.

Sur ma foi toutefois elle le prit sans lire ;

Et si le ciel vengeur contre moi ne conspire,

Elle s’y fie assez pour n’en avoir rien lu.

Entrons, quoi qu’il en soit, d’un esprit résolu ;

Dérobons à ses yeux le témoin de mon crime ;

Et si pour l’avoir lu sa colère s’anime,

Et qu’elle veuille user d’une juste rigueur,

Nous savons les moyens de regagner son cœur.

LA PLACE ROYALE ACTE V
Scène IV

DORASTE & LYCANTE

DORASTE

Ne sollicite plus mon âme refroidie.

Je méprise Angélique après sa perfidie ;

Mon cœur s’est révolté contre ses lâches traits,

Et qui n’a point de foi n’a point pour moi d’attraits.

Veux-tu qu’on me trahisse, et que mon amour dure ?

J’ai souffert sa rigueur, mais je hais son parjure,

Et tiens sa trahison indigne à l’avenir

D’occuper aucun lieu dedans mon souvenir.

Qu’Alidor la possède ; il est traître comme elle:

Jamais pour ce sujet nous n’aurons de querelle.

Pourrais-je avec raison lui vouloir quelque mal

De m’avoir délivré d’un esprit déloyal ?

Ma colère l’épargne, et n’en veut qu’à Cléandre:

Il verra que son pire était de se méprendre ;

Et si je puis jamais trouver ce ravisseur,

Il me rendra soudain et la vie et ma sœur.

LYCANTE

Faites mieux: puisqu’à peine elle pourrait prétendre

Une fortune égale à celle de Cléandre,

En faveur de ses biens calmez votre courroux,

Et de son ravisseur faites-en son époux.

Bien qu’il eût fait dessein sur une autre personne,

Faites-lui retenir ce qu’un hasard lui donne ;

Je crois que cet hymen pour satisfaction

Plaira mieux à Phylis que sa punition.

DORASTE

Nous consultons en vain, ma poursuite étant vaine.

LYCANTE

Nous le rencontrerons, n’en soyez point en peine:

Où que soit sa retraite, il n’est pas toujours nuit ;

Et ce qu’un jour nous cache, un autre le produit.

Mais, dieux ! voilà Phylis qu’il a déjà rendue.

LA PLACE ROYALE ACTE V
Scène V

DORASTE, PHYLIS & LYCANTE

DORASTE

Ma sœur, je te retrouve après t’avoir perdue !

Et de grâce, quel lieu me cache le voleur

Qui, pour s’être mépris, a causé ton malheur ?

Que son trépas…

PHYLIS

Tout beau ; peut-être ta colère,

Au lieu de ton rival, en veut à ton beau-frère.

En un mot, tu sauras qu’en cet enlèvement

Mes larmes m’ont acquis Cléandre pour amant:

Son cœur m’est demeuré pour peine de son crime,

Et veut changer un rapt en amour légitime.

Il fait tous ses efforts pour gagner mes parents,

Et s’il les peut fléchir, quant à moi, je me rends ;

Non, à dire le vrai, que son objet me tente ;

Mais mon père content, je dois être contente.

Tandis, par la fenêtre ayant vu ton retour,

Je t’ai voulu sur l’heure apprendre cet amour,

Pour te tirer de peine et rompre ta colère.

DORASTE

Crois-tu que cet hymen puisse me satisfaire ?

PHYLIS

Si tu n’es ennemi de mes contentements,

Ne prends mes intérêts que dans mes sentiments ;

Ne fais point le mauvais, si je ne suis mauvaise,

Et ne condamne rien à moins qu’il me déplaise.

En cette occasion, si tu me veux du bien,

C’est à toi de régler ton esprit sur le mien.

Je respecte mon père, et le tiens assez sage

Pour ne résoudre rien à mon désavantage.

Si Cléandre le gagne, et m’en peut obtenir,

Je crois de mon devoir…

LYCANTE

Je l’aperçois venir.

Résolvez-vous, monsieur, à ce qu’elle désire.

LA PLACE ROYALE ACTE V
Scène VI

DORASTE, CLEANDRE, PHYLIS & LYCANTE

CLEANDRE

Si vous n’êtes d’humeur, madame, à vous dédire,

Tout me rit désormais, j’ai leur consentement.

Mais excusez, monsieur, le transport d’un amant ;

Et souffrez qu’un rival, confus de son offense,

Pour en perdre le nom entre en votre alliance,

Ne me refusez point un oubli du passé ;

Et son ressouvenir à jamais effacé,

Bannissant toute aigreur, recevez un beau-frère

Que votre sœur accepte après l’aveu d’un père.

DORASTE

Quand j’aurais sur ce point des avis différents,

Je ne puis contredire au choix de mes parents ;

Mais outre leur pouvoir, votre âme généreuse,

Et ce franc procédé qui rend ma sœur heureuse,

Vous acquièrent les biens qu’ils vous ont accordés,

Et me font souhaiter ce que vous demandez.

Vous m’avez obligé de m’ôter Angélique ;

Rien de ce qui la touche à présent ne me pique:

Je n’y prends plus de part, après sa trahison.

Je l’aimai par malheur, et la hais par raison.

Mais la voici qui vient, de son amant suivie.

LA PLACE ROYALE ACTE V
Scène VII

ALIDOR, ANGELIQUE, DORASTE, CLEANDRE, PHYLIS & LYCANTE

ALIDOR

Finissez vos mépris, ou m’arrachez la vie.

ANGELIQUE

Ne m’importune plus, infidèle. Ah, ma sœur !

Comme as-tu pu sitôt tromper ton ravisseur ?

PHYLIS
 à Angélique

Il n’en a plus le nom ; et son feu légitime,

Autorisé des miens, en efface le crime ;

Le hasard me le donne, et changeant ses desseins,

Il m’a mise en son cœur aussi bien qu’en ses mains.

Son erreur fut soudain de son amour suivie ;

Et je ne l’ai ravi qu’après qu’il m’a ravie.

Jusque-là tes beautés ont possédé ses vœux ;

Mais l’amour d’Alidor faisait taire ses feux.

De peur de l’offenser te cachant son martyre,

Il me venait conter ce qu’il ne t’osait dire ;

Mais nous changeons de sort par cet enlèvement:

Tu perds un serviteur, et j’y gagne un amant.

DORASTE
à Phylis

Dis-lui qu’elle en perd deux ; mais qu’elle s’en console,

Puisque avec Alidor je lui rends sa parole.

A Angélique

Satisfaites sans crainte à vos intentions ;

Je ne mets plus d’obstacle à vos affections.

Si vous faussez déjà la parole donnée,

Que ne feriez-vous point après notre hyménée ?

Pour moi, malaisément on me trompe deux fois:

Vous l’aimez, j’y consens, et lui cède mes droits.

ALIDOR

Puisque vous me pouvez accepter sans parjure,

Pouvez-vous consentir que votre rigueur dure ?

Vos yeux sont-ils changés, vos feux sont-ils éteints ?

Et quand mon amour croît, produit-il vos dédains ?

Voulez-vous…

ANGELIQUE

Déloyal, cesse de me poursuivre ;

Si je t’aime jamais, je veux cesser de vivre.

Quel espoir mal conçu te rapproche de moi ?

Aurais-je de l’amour pour qui n’a point de foi ?

DORASTE

Quoi ! le bannissez-vous parce qu’il vous ressemble ?

Cette union d’humeurs vous doit unir ensemble.

Pour ce manque de foi c’est trop le rejeter:

Il ne l’a pratiqué que pour vous imiter.

ANGELIQUE

Cessez de reprocher à mon âme troublée

La faute où la porta son ardeur aveuglée.

Vous seul avez ma foi, vous seul à l’avenir

Pouvez à votre gré me la faire tenir:

Si toutefois, après ce que j’ai pu commettre,

Vous me pouvez haïr jusqu’à me la remettre,

Un cloître désormais bornera mes desseins.

C’est là que je prendrai des mouvements plus sains ;

C’est là que, loin du monde et de sa vaine pompe,

Je n’aurai qui tromper, non plus que qui me trompe.

ALIDOR

Mon souci !

ANGELIQUE

Tes soucis doivent tourner ailleurs.

PHYLIS
 à Angélique

De grâce, prends pour lui des sentiments meilleurs.

DORASTE
à Phylis

Nous leur nuisons, ma sœur, hors de notre présence

Elle se porterait à plus de complaisance ;

L’amour seul, assez fort pour la persuader,

Ne veut point d’autres tiers à les raccommoder.

CLEANDRE
à Doraste

Mon amour, ennuyé des yeux de tant de monde,

Adore la raison où votre avis se fonde.

Adieu, belle Angélique, adieu ; c’est justement

Que votre ravisseur vous cède à votre amant.

DORASTE
à Angélique

Je vous eus par dépit, lui seul il vous mérite ;

Ne lui refusez point ma part que je lui quitte.

PHYLIS

Si tu m’aimes, ma sœur, fais-en autant que moi,

Et laisse à tes parents à disposer de toi.

Ce sont des jugements imparfaits que les nôtres:

Le cloître a ses douceurs, mais le monde en a d’autres

Qui pour avoir un peu moins de solidité,

N’accommodent que mieux notre instabilité.

Je crois qu’un bon dessein dans le cloître te porte ;

Mais un dépit d’amour n’en est pas bien la porte,

Et l’on court grand hasard d’un cuisant repentir

De se voir en prison sans espoir d’en sortir.

CLEANDRE
à Phylis

N’achèverez-vous point ?

PHYLIS

J’ai fait, et vous vais suivre.

Adieu. Par mon exemple apprend comme il faut vivre,

Et prends pour Alidor un naturel plus doux.

Cléandre, Doraste, Phylis et Lycante rentrent

ANGELIQUE

Rien ne rompra le coup à quoi je me résous:

Je me veux exempter de ce honteux commerce

Où la déloyauté si pleinement s’exerce ;

Un cloître est désormais l’objet de mes désirs:

L’âme ne goûte point ailleurs de vrais plaisirs.

Ma foi qu’avait Doraste engageait ma franchise ;

Et je ne vois plus rien, puisqu’il me l’a remise,

Qui me retienne au monde, ou m’arrête en ce lieu:

Cherche une autre à trahir ; et pour jamais adieu.

LA PLACE ROYALE ACTE V
Scène VIII

ALIDOR

Que par cette retraite elle me favorise !

Alors que mes desseins cèdent à mes amours,

Et qu’ils ne sauraient plus défendre ma franchise,

Sa haine et ses refus viennent à leur secours.

J’avais beau la trahir, une secrète amorce

Rallumait dans mon cœur l’amour par la pitié ;

Mes feux en recevaient une nouvelle force,

Et toujours leur ardeur en croissait de moitié.

Ce que cherchait par là mon âme peu rusée,

De contraires moyens me l’ont fait obtenir ;

Je suis libre à présent qu’elle est désabusée,

Et je ne l’abusais que pour le devenir.

Impuissant ennemi de mon indifférence:

Je brave, vain Amour, ton débile pouvoir,

Ta force ne venait que de mon espérance,

Et c’est ce qu’aujourd’hui m’ôte son désespoir.

Je cesse d’espérer et commence de vivre ;

Je vis dorénavant, puisque je vis à moi ;

Et quelques doux assauts qu’un autre objet me livre,

C’est de moi seulement que je prendrai la loi.

Beautés, ne pensez point à rallumer ma flamme ;

Vos regards ne sauraient asservir ma raison ;

Et ce sera beaucoup emporté sur mon âme,

S’ils me font curieux d’apprendre votre nom.

Nous feindrons toutefois, pour nous donner carrière,

Et pour mieux déguiser nous en prendrons un peu ;

Mais nous saurons toujours rebrousser en arrière,

Et quand il nous plaira nous retirer du jeu.

Cependant Angélique enfermant dans un cloître

Ses yeux dont nous craignions la fatale clarté,

Les murs qui garderont ces tyrans de paroître

Serviront de remparts à notre liberté.

Je suis hors de péril qu’après son mariage

Le bonheur d’un jaloux augmente mon ennui,

Et ne serai jamais sujet à cette rage

Qui naît de voir son bien entre les mains d’autrui.

Ravi qu’aucun n’en ait ce que j’ai pu prétendre,

Puisqu’elle dit au monde un éternel adieu,

Comme je la donnais sans regret à Cléandre,

Je verrai sans regret qu’elle se donne à Dieu.

******

LA PLACE ROYALE ACTE V