GIOVANNI PASCOLI – LA TESSITRICE – LA TISSEUSE – 1897

Giovanni Pascoli

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

LITTERATURE ITALIENNE

Letteratura Italiana

GIOVANNI PASCOLI
1855-1912

Giovanni Pascoli artgitato poesie poesia

Traduction Jacky Lavauzelle

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La tessitrice
La Tisseuse

1897
CANTI DI CASTELVECCHIO
Il ritorno a San Mauro
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Mi son seduto su la panchetta
Je me suis assis sur le banc
come una volta… quanti anni fa?
comme jadis … quand était-ce donc ?
 Ella, come una volta, s’è stretta
Elle, comme jadis, s’asseyait
 su la panchetta.
Sur le banc.

E non il suono d’una parola;
Pas un son, pas un mot ;
  solo un sorriso tutto pietà.
Juste un sourire en pleine dévotion.
  La bianca mano lascia la spola.
La main blanche s’échappe de la bobine.




Piango, e le dico: Come ho potuto,
Je pleure et je dis : Comment ai-je pu,
 dolce mio bene, partir da te?
Ma douce, m’éloigner de toi ?
  Piange, e mi dice d’un cenno muto:
Elle pleure et me dit d’un signe de tête silencieux :
Come hai potuto?
Comment as-tu pu ?

Con un sospiro quindi la cassa
Dans un soupir, la caisse
tira del muto pettine a sè.
Tire le peigne silencieux à soi.
Muta la spola passa e ripassa.
La muette bobine passe et repasse.




Piango, e le chiedo: Perchè non suona
Je pleure, et je demande : Pourquoi ne sonne-t-il
dunque l’arguto pettine più?
Plus l’esprit de notre peigne ?
Ella mi fìssa, timida e buona:
Elle me regarde fixement, timide et bonne :
 Perchè non suona?
Pourquoi ne sonne-t-il plus ?

E piange, piange — Mio dolce amore,
Et elle pleure, pleure – Mon doux amour,
non t’hanno detto? non lo sai tu?
Ne t-ont-ils rien dit ? Ne sais-tu donc rien ?
Io non son viva che nel tuo cuore.
Je ne suis en vie que dans ton cœur.




Morta! Sì, morta! Se tesso, tesso
Morte ! Oui, morte! Si je tisse, tisse
per te soltanto; come, non so:
C’est pour toi seulement ; comment ? je ne sais pas !
 in questa tela, sotto il cipresso,
Dans cette toile, sous le cyprès,
 accanto alfine ti dormirò —
Enfin je dormirai à tes côtés-

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GIOVANNI PASCOLI
par
PAUL HAZARD
en 1912

« Il aimera toute la nature« 

Cet art très objectif est tout pénétré de sentiment. Ce pourrait être la haine de la nature marâtre, qui met au inonde les créatures pour les torturer, si nous ne nous rappelions ici la bonté essentielle de Pascoli : il ne se lasse jamais d’exprimer sa douleur, parce qu’il ne l’oublie jamais : mais de sa souffrance, plutôt qu’à la légitimité de la révolte, il conclut à la nécessité du pardon. Désirer la vengeance, blasphémer ou maudire, ne serait-ce pas perpétuer le mal sur la terre, et prendre rang parmi les coupables ? Ayant éprouvé qu’il y a dans la vie un insondable mystère, ils doivent se serrer les uns contre les autres, ceux que le même mystère angoisse ; ils doivent se chérir et s’entr’aider, pour prendre leur revanche contre le sort. La pitié, la tendresse, la douceur, voilà donc les sentimens qui pénétreront les vers du poète, et qui, partant des hommes, aboutiront aux choses. Parmi les hommes, il s’intéressera d’abord aux victimes, aux orphelins, aux malades ; puis aux humbles, aux pauvres, aux misérables ; puis encore, aux simples et aux primitifs. Pareillement, il aimera les arbres qui frémissent au vent, les fleurs qui tremblent sur leur tige, et la faiblesse gracieuse des oiseaux : comme saint François d’Assise, puisqu’on a dit de lui qu’il était un Virgile chrétien, ou un saint François païen ; comme ce Paolo Uccollo dont il a écrit la touchante histoire. Il aimera toute la nature : soit qu’il aperçoive en elle des symboles, et veuille voir des berceaux dans les nids ; soit qu’il manifeste une reconnaissance émerveillée pour les tableaux de beauté qu’elle lui présente ; soit qu’il l’associe aux hommes dans la lutte contre le mystère qui l’enveloppe elle-même, il finit par la considérer comme une mère très douce, qui nous berce encore à l’heure où nous nous endormons. « Ah ! laissons-la faire, car elle sait ce qu’elle fait, et elle nous aime !… » Ce sentiment-là, il nous le communique sans prétendre nous l’imposer. En effet, cet artiste épris d’exactitude, connaissant la valeur de la précision, en connaît aussi les limites. Il sait qu’au-delà du terme où l’analyse peut atteindre, il y a les forces presque inconscientes qu’il faut laisser agir par elles-mêmes après les avoir mises en mouvement. Il possède la pudeur rare qui consiste à ne pas vouloir tout dire ; à faire crédit à la sensibilité du lecteur ; à se taire lorsqu’il a provoqué le rêve, afin de ne le point troubler.
Giovanni Pascoli
Paul Hazard
Revue des Deux Mondes Tome 10-  1912




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La Tessitrice – La Tisseuse



Traduction Jacky Lavauzelle
artgitato
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