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JOURNAL D’UN VOLEUR (E. BRIEUX) : LE PORTEFEUILLE MAUDIT

Eugène BRIEUX
JOURNAL D’UN VOLEUR
LE PORTEFEUILLE
MAUDIT

 Eugène Brieux - Journal d'un voleur - L'Assiette_au_Beurre-1903 Dessin de Léon Fourment no 112 du 23 mai 1903

Pour Goethe, « la plus insupportable engeance de voleurs, ce sont les sots ; ils nous volent à la fois notre temps et notre bonne humeur. » Nous n’avons pas affaire ici à des sots,  mais à des hommes que le malheur frappe en ravissant une partie de leur jeunesse.

UN HABITUE DE LA MISERE
Accompagnons la lecture du Journal d’un voleur des sentences de Publilius Syrus. Et d’une pincée de Crime et Châtiment de Dostoïevski. Même si le vol de ce dernier reste plus tragique encore que celui de Brieux. Les deux sont pauvres, vivant dans une gargote ou dans une mansarde, broyés par la grande pauvreté. Notre homme du Journal est au chômage depuis deux ans déjà, vivant d’expédients. Raskolnikov aussi est un homme cultivé, un étudiant, seul « la pauvreté l’écrasait, mais depuis quelque temps l’angoisse de sa situation avait cessé de l’opprimer. Il avait renoncé à s’occuper des détails de la vie pratique et ne voulait même pas y penserIl était si mal habillé que même un habitué de la misère aurait eu honte de se promener avec de tels haillons sur le dos. »

Le vol sera la solution pour s’extraire de la misère qui leur colle à la peau. Simple chez Brieux. Tragique pour Raskolnikov. La question du bien et du mal parcourt ces romans. Les auteurs creusent dans l’âme, même si personne n’a pu aller aussi loin dans ses profondeurs et dans ses recoins que Dostoïevski. Avec Brieux, nous sommes plus dans le conte moral que dans la fresque existentielle. Même si notre héros vit dans une réelle souffrance.

VOUS ÊTES BON !
L’autre question qui accompagne la question morale est celle de la liberté. Les deux personnages sont prisonniers et le résultat de leurs actes, loin de les libérer, les enferme dans le sordide et  la prison ou le suicide. Un combat  extérieur dans Brieux. Une lutte intérieure pour Dostoïevski.

Le mal ne va jamais sans le bien. Notre héros brieusien entrevoit dans le restaurant d’aider son prochain plus malheureux que lui. « A la fin du repas, je me sentais rempli d’une grande bonté. J’aurais voulu trouver des misères à soulager ; j’aurais voulu inviter tous ces braves à prendre quelque chose et je regrettai sincèrement de ne pouvoir le faire. »  Raskolnikov, lui, aide Catherine Ivanovna et toute sa famille ; quand il apporte le corps du mari blessé avec sa poitrine enfoncée, « j’ai envoyé chercher un docteur, répétait-il à Catherine Ivanovna, ne vous inquiétez pas, je paierai. » Et devant Nicodème Fomitch : « Essayez de la réconforter un peu, si possible…Vous êtes bon, je le sais, ajouta-t-il avec un sourire, en le regardant droit dans les yeux… »

ENFIN ! J’AI VOLE !
Publilius Syrus soulignait que « Ce qui est réellement beau, ne peut se réaliser rapidement », « quicquid futurum egregium est, sero absolvitur. » Syrus disait aussi dans une de ses sentences : « Quid tibi pecunia opus est, si ea uti non potes ? », «  à quoi bon avoir de l’argent, si vous ne pouvez pas l’utiliser ? » C’est tout le sens du Journal d’un voleur d’Eugène Brieux. Un dicton populaire transforme la sentence en : « bien mal acquis ne profite jamais. »

« Enfin ! J’ai volé ! » sonne comme une délivrance. Voilà notre homme qui copie des pièces de théâtre, « à trois francs l’acte »,  riche d’un portefeuille bien garni, d’une richesse qu’il n’avait jamais espéré. Mais le voici inquiet, « pétrifié ».  Notre homme se retrouve seul et habillé pauvrement dans sa gargote avec cette immense fortune qui finira par avoir sa peau, finalement. L’argent ne fait pas le bonheur. Ou plutôt l’argent mal acquis. Un bonheur qui commence comme un combat au corps à corps avec lui-même  « trois coups de poing que j’aurais reçus au creux de l’estomac ».

« Combien est pesante notre conscience ! Quam consciencia animi gravis est servitus ! » (Syrus)

UN FROID MORTEL TOMBA SOUS LUI
Nous pouvons rapprocher son état de celui de Raskolnikov dans la deuxième partie de Crime et Châtiment : « Raskolnikov demeura très longtemps ainsi couché. De temps à autre il semblait sortir de sa torpeur et remarquait que la nuit était bien avancée mais pas une fois il ne lui vint à l’esprit l’idée de se lever…Il était étendu de tout son long, encore à demi-inconscient…Tout d’abord il crut qu’il devenait fou : un froid mortel tomba sur lui ; mais cela venait de la fièvre qui avait repris pendant son sommeil. Il se mit à grelotter violemment, ses dents claquaient et il tremblait de tous ses membres. »

Mais notre homme se croit si riche que tout doit s’arranger. « Quis pauper est ? videtur qui dives sibi. » (Syrus) « Qui est pauvre ? Celui qui se croit riche ! »

LA RESPIRATION DE CELUI QUI ETAIT LA
Les sens sont amplifiés. Il n’est plus le même, comme s’il avait acquis d’être pouvoir surhumain. Le corps devient présent, pressant, « le sang me battait les secondes à la tête ». Tout le corps est là en lui. Ces sens, non contents d’occuper son être, sont devenus hypersensibles. « Il me semblait entendre, de l’autre côté de la porte, la respiration de celui qui était là… Enfin, j’allai coller mon oreille à la serrure. J’entendis le sifflement du gaz qui brûlait dans l’escalier ; j’entendis des conversations dans les chambres voisines et le locataire du dessous qui rentra.»

Sans contrôler son corps. Celui-ci vibre, bouge. Il est devenu incontrôlable. «Malgré l’extrême lenteur de mes mouvements, j’ai fait tomber mon porte-plume. »

JE SUIS INTELLIGENT, JE SAIS REFLECHIR
Mais plus ses sens sont performants, plus son corps se fige, pour se statufier : « Le bruit m’a pétrifié… De nouveau, je suis resté sans un mouvement, plié en deux, n’osant même pas me redresser tout à fait… Toute la journée s’est passée sans que j’ose ouvrir le portefeuille

Comment cet homme devenu riche de 126000 francs peut s’enfermer dans la misère :  « Il s’agit maintenant de ne pas me faire arrêter. Je suis intelligent, je sais réfléchir, je n’ai pas de remords ; je me tirerai de là. » Mais l’intelligence ne fait rien à l’affaire. Et il faut élaborer un stratagème pour les dépenser. L’habit faisant le moine, ses hardes ne sont pas compatibles avec son nouveau statut. Raskolnikov n’était pas mieux habillé : « Il était si mal habillé que même un habitué de la misère aurait eu honte de se promener avec de tels haillons sur le dos. »

UNE ENORME IMPRUDENCE
Mais comment ne pas se faire remarquer. « Au moment où j’allais mettre la main sur le bouton de la porte de la crèmerie, j’ai pensé tout à coup que j’allais commettre une énorme imprudence. Je dois un mois de pension dans cette crèmerie. Si je paie, – et on me demandera de payer, – j’éveillerai des soupçons. J’ai passé. »

« Quicquid vis esse tacitum, nulli dixeris : ce que vous voulez garder secret, ne le dites jamais » (Syrus)

Notre héros se sent supérieur par sa richesse :  « Tout en mangeant, je regardais les malheureux qui remplissaient la salle et j’avais conscience de la supériorité que ma fortune, mes 126,000 francs, me donnait sur eux. » Mais aussi redevable et en empathie avec les plus pauvres :  « A la fin du repas, je me sentais rempli d’une grande bonté. J’aurais voulu trouver des misères à soulager ; j’aurais voulu inviter tous ces braves gens à prendre quelque chose et je regrettai sincèrement de ne pouvoir le faire. » Il devient tout-puissant, presque divin. « Quid est beneficium dare ? imitari Deum. », « Quel avantage donne la bienfaisance ? imiter Dieu ! » 

QUE FAIRE ?
Le temps passe. Les soupçons s’éloignent mais la pauvreté s’installe : « Depuis quinze jours, je n’ai pas commis une faute…  Sur mes deux cents francs, il ne me reste plus que trois francs cinquante. »

Il ne vit que par les petites coupures, ne sachant pas comment écouler les plus grosses sans se faire prendre. « Changer un billet de mille francs avec ce costume-là !…  Autant aller tout de suite chez le commissaire de police et lui dire :- Monsieur, j’ai volé ! Pas de bêtises…Je ne suis pas encore assez sot, Dieu merci, pour commettre de pareilles bourdes…  Mais que faire ? »

Les jours passent. La monnaie s’épuise. Et toujours la même question lancinante : « Comment ferai-je pour manger, demain ? » La fatigue s’installe. Le désespoir aussi. Les solutions se raréfient. Les billets sont là et lui restent collés à la peau, comme pour lui rappeler la faute qu’il a commise. La faim devient de plus en plus insupportable.

MAINTENANT, JE SUIS DECOURAGE
Une idée. Echanger un gros billet dans une gare pour prendre le train pour Moscou ! « Tout à coup j’eus une épouvantable déception. A chaque guichet, il y avait un employé qui examinait les voyageurs. Des sergents de ville se promenaient. Mon étourderie m’apparut. Il y a des agents de la sûreté dans les gares. J’aurais l’air d’un assassin qui veut passer la frontière. »

Il faut réfléchir, il y a sûrement une solution. « Qui timet insidias omnes, nullas incidit. Celui qui anticipe tous les pièges, ne tombe dans aucun. »

Autre stratagème. Se faire passer comme employé afin de récupérer de la monnaie dans une banque. « – Nous ne faisons le change or qu’à nos clients…  Je repris mon billet et je sortis, sans ajouter un mot… Maintenant, je suis découragé… »

Le tout ne vaut rien : « Je ne puis dormir. J’ai faim. Cette fortune que j’ai, et rien, c’est la même chose. »

A vouloir être trop sage, le voilà désespéré : «Sapientiae plerumque stultitia est comes. La sagesse et la folie, souvent, marchent côte à côte. » Raskolnikov, lui, s’écriait : « ça ne peut être déjà le commencement ! le commencement de mon châtiment ? Mais si ! »

JE N’Y FAIS PAS GRAND’CHOSE ET JE SUIS BIEN PAYE
Vient l’idée du suicide : « Délivré ! Je suis délivré !… Je suis heureux, je suis libre !… Je n’ai plus rien…. L’autre nuit, à bout de forces, dans un cauchemar causé par la faim, je me suis levé, j’ai pris le portefeuille où j’avais remis le billet de mille francs et j’ai été me jeter à la Seine. » Il en perd sa fortune. Mais le voilà repêché. « Un monsieur très bien s’apitoya sur mon sort, sur ma misère, sur le blanchiment à la craie de mon linge. Je lui contai que le manque de travail m’avait conduit là… Il me fit habiller à neuf et me prit dans son administration… Je n’y fais pas grand ‘chose et je suis bien payé… Et je ne pense plus à mes cent vingt-six mille francs. »

Le voilà redevenu dans le droit chemin. Le mal est effacé. « Quicquid fit cum virtute, fit cum gloria. Ce qui est fait avec vertu, est fait avec gloire. »

Jacky Lavauzelle

 

 

SUSANA La Perverses ou LA SEDUCTION DU DEMON (Buñuel)

Luis Buñuel

Susana la perverse Susana, demonio y carne
1951
LA SEDUCTION DU DEMON

Susana la perverse-Susana demonio y carne- Luis Bunuel Artgitato « Le serpent alors innocent, mais qui devait dans la suite devenir si odieux, comme si nuisible à notre nature, devait servir en son temps à nous rendre la séduction du démon plus odieuse ; et les autres qualités de cet animal étaient propres à nous figurer le juste supplice de cet esprit arrogant, atterré par la main de Dieu, et devenu si rampant par son orgueil. » (Bossuet, De la concupiscence)

 

Des premières images, les premiers plans sont les plus beaux du film. La musique de Raul Lavista gronde littéralement d’inquiétude lancinante en perdant la caméra dans les nuages. La caméra monte, monte. La pluie tombe alors. L’orage zèbre la nuit. Des lumières d’un édifice imposant. Plan sur la pancarte qui remplit l’écran : « REFORMATORIO DEL ESTADO », Maison de Correction d’Etat. Le déluge peut commencer.

« Alors le Seigneur fit tomber sur Sodome et Gomorrhe une pluie de soufre et de feu, venant du Seigneur, du ciel. » (Genèse)

Des cellules de la maison de redressement sont dans le noir.

Des dames descendent avec une fille leur criant : « Soyez maudites ! » Elle crache, donne des coups de poings et des coups de pieds, elle  éructe comme un diablotin.

Le cas de Susanna s’aggrave ; « depuis deux ans, son état ne fait que s’empirer. » Elle a passé une partie de sa jeunesse dans cette institution. Elle est entre deux âges. Presqu’une femme.
Nous sommes dans le cœur du film. Le bien et le mal. Le Diable et Dieu. Mais ce qui est le plus intéressant, c’est que cette Susana que l’on emprisonne dans un cachot insalubre pour quinze jour afin de la calmer n’invoque ni Satan ni le Diable, mais Dieu.

Malgré son allure démoniaque, sa beauté rayonne. Elle illumine.

Elle reste terrorisée par une chauve-souris, des rats, une araignée., comme une fillette qui découvrirait pour la première fois la prison. La première personne qu’elle implore est Dieu : « Dieu ! Faites-moi sortir ! Je veux sortir… » Et c’est la croix qui illumine alors le centre du cachot.

Le Diable n’est pas là. Et Susana n’est pas effrayée par cette apparition qui la calme immédiatement. La musique s’adoucit de suite. Nous n’entendons plus l’orage.

Elle semble avoir perdu la raison. « Elle n’est pas plus heureuse en jouissant des plaisirs que ses sens lui offrent : au contraire elle s’appauvrit dans cette recherche, puisqu’en poursuivant le plaisir elle perd la raison. Le plaisir est un sentiment qui nous transporte, qui nous enivre, qui nous saisit indépendamment de la raison, et nous entraîne malgré ses lois. » (Bossuet, Sermon pour Madame de La Vallière, 4 juin 1675)

Susana continue dans le même registre. Elle ressemble alors à une sainte perdue dans ses prières. L’hystérique du début n’est plus du tout la même, mais le Dieu invoqué prend des couleurs moins évidentes : « Seigneur. Tu m’as fait comme je suis. Comme les scorpions, comme les rats… » Ce n’est donc pas le Seigneur qu’elle invoque : « Dieu des prisons, aie pitié de moi. Fais tomber les barreaux, les murs. Laisse-mois sentir l’air, le soleil. J’ai autant de droits qu’un serpent…ou que cette araignée ! … Dieu, accorde-moi un miracle si tu peux !…Sors-moi de là ! »

Déchaînée, les barreaux cèdent. Elle s’en servira d’échelle. Un rire diabolique sort de sa bouche.  Dehors le déluge continue au rythme de la musique qui s’accélère. Les orages rayent la toile. Elle tombe, rampe, glisse, comme un serpent dans la tourmente.

Cette partie est la plus ambigüe. Sa libération est un miracle en soi. Même si elle invoque le « Dieu des prisons », c’est la croix qui s’inscrit et c’est Dieu qu’elle invoque et qui semble répondre à sa prière.

« Au terme des mille ans, Satan déchaîné, s’évadera de sa prison pour séduire les nations aux quatre coins de la terre. » (L’Apoclypse de Jean, XX)

Le plan suivant présentera l’hacienda, sous les eaux et sous l’orage, de Don Guadalupe. Luis Buñuel nous la montre comme un havre de paix. Un havre que le malin cherchera à conquérir.

La jument préféré du maître des liuex est en train de mettre bas. La naissance se passe mal. Le poulain n’y résistera pas et le pronostic vital de la jument est engagé. La mort de cet animal innocent marque l’approche des forces diaboliques.

Les propos tournent dans le grand salon autour de superstitions, notamment de la part de la servante Felisa. Susana qui arrive détrempée, s’évanouie au seuil de la maison. Elle est accueillie par charité chrétienne. Dona Carmen, la femme de Don Guadalupe écoute la fausse histoire de Susana et la prend sous sa protection.

Susana cherchera à séduire les hommes qui lui permettront de rester dans l’hacienda. Jesus, le contremaître, qui lui tourne autour, apprendra vite qu’elle est recherchée par les autorités et cherchera à en tirer parti. Dans l’hacienda, c’est le mal qui triomphe, Susana prend possession des âmes et c’est le fils, doux et obéissant, étudiant invétéré, qui se retrouve dans une chambre avec des barreaux.

La fumée des batailles du cœur commence à se répandre. Elle se dissipera bientôt…mais pour mieux découvrir le lugubre spectacle des ruines.

En attendant, Susana séduira ensuite le fils et le père. La cellule familiale se décomposera tout au long du film, créant des jalousies, des rancœurs et des haines. Elle jouera constamment sur son image de jeune fille chaste et prude. Et ne découvre largement ses épaules que pour passer à l’offensive de la séduction, avec un geste de sa main dans ses cheveux.

Tout redeviendra plus calme avec l’arrivée des autorités conduite par Jesus, récemment licencié après avoir été surpris, par Don Guadalupe, avec Susana. Il était temps.

« Mais un feu descendit du ciel et les dévora. Le Diable, leur séducteur, fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, auprès de la Bête et du faux prophète ; ils y seront tourmentés jour et nuit, pour les siècles des siècles. » (L’Apocalypse de Jean)

Le foyer se recomposera aussitôt. Le fils retrouvera sa gentillesse naturelle et le père son fauteuil de maître incontesté de l’hacienda. Dès le départ de Susana, nous apprendrons aussi que la jument que Don Guadalupe devait abattre, est, désormais, totalement guérie.

« Je vis alors un grand trône blanc et Celui qui siégeait dessus…Je vis alors un ciel nouveau et une terre nouvelle, puisque le premier ciel et la première terre s’en étaient allés… » (L’Apocalypse de Jean)

Jacky Lavauzelle

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LES PERSONNAGES

Fernando Soler (Don Guadalupe, le père) Matilde Palou (Dona Carmen, la mère) Luis López Somoza (Alberto, le fils)

Rosita Quintana (Susana) Víctor Manuel Mendoza (Jesus, l’intendant) María Gentil Arcos (Felisa, la servante-chef)

Emile ZOLA – LE PARADIS DES CHATS : MAUDITE LIBERTE !

Emile ZOLA
Le Paradis des chats

Emile Zola Le Paradis des chats Jean-Baptiste_Siméon_Chardin_La Raie 1728

MAUDITE LIBERTE !

Le Paradis des chats est une allégorie de la liberté. Le Loup et le Chien de la Fontaine, version chat. Version aménagée. Le « Dogue aussi puissant que beau » est le « chat d’Angora » et le « Loup (qui) n’avait que les os et la peau,  Tant les chiens faisaient bonne garde » est ce chat de gouttière qui « me mordit cruellement le cou », mais qui reste son ami. Mais à l’inverse de la fable, ce n’est pas le loup qui «aborde humblement » le chien de garde, mais le chat qui se jette dans cette rue étrange et dangereuse, « mes pattes glissaient sur le pavé gras. Je me souviens avec amertume de ma triple couverture et de mon coussin de plume. »

LA RUE N’EST PAS A NOUS
Il découvre que la rue n’est pas la liberté qu’il attendait. «Mais la rue n’est donc pas à nous ? On ne mange pas, et l’on est mangé ! »

En 1970, Walt Disney sort les Aristochats. L’histoire se déroule en 1910 à Paris. La belle Duchesse, une chatte persane blanche aux grands yeux bleus, et ses trois chatons, qui s’évadent lors du kidnapping du majordome, rencontrent Thomas O’Malley, un séduisant et distingué chat de gouttière. Puis, Duchesse rencontrera les amis d’O’Malley, Scat Cat et son groupe. Toute la famille retrouvera Madame Bonnefamille dans la bonne humeur du groupe de Scat Cat.

JE M’ENNUYAIS A ÊTRE HEUREUX
Walt Disney s’est bien inspiré du Paradis des chats d’Emile Zola. Il s’agit d’un jeune male angora qui s’ennuie dans son domicile parisien bourgeois. « Au milieu des douceurs, je n’avais qu’un désir, qu’un rêve, me glisser par la fenêtre entr’ouverte et me sauver sur les toits. Les caresses me semblaient fades, la mollesse de mon lit me donnait des nausées, j’étais gras à m’en écœurer moi-même. Et je m’ennuyais tout le long de la journée à être heureux. » Une sorte d’O’Malley avant le trottoir. Il est le plus heureux des chats dans la maison.

Comme disait Michel Audiard : « Quand je réveille mon chat, il a l’air reconnaissant de celui à qui l’on donne l’occasion de se rendormir. « 

 UN CHAT SUR UN NUAGE
Le chat rêve du monde, de l’extérieur, de l’aventure. Bref, le chat rêve du toit. « Il faut vous dire qu’en allongeant le cou, j’avais vu de la fenêtre le toit d’en face. Quatre chats, ce jour-là, s’y battaient, le poil hérissé, la queue haute, se roulant sur les ardoises bleues, au grand soleil, avec des jurements de joie. Jamais je n’avais contemplé un spectacle si extraordinaire. »

Et ce que chat veut, il l’obtient. Ce sont des fantômes, des esprits. « Je crois que les chats sont des esprits venus sur terre. Un chat, j’en suis convaincu, pourrait marcher sur un nuage. »  (Jules Verne)

DES SALONS AUX GOUTTIERES NATALES
Et quand le toit s’offre à lui et à ses pattes, c’est un réel bonheur : « Que les toits étaient beaux ! De larges gouttières les bordaient, exhalant des senteurs délicieuses. Je suivis voluptueusement ces gouttières, enfonçaient dans une boue fine, qui avait une tiédeur infinies. Il me semblait que je marchais sur du velours. Et il faisait une bonne chaleur qui fondait ma graisse. »

« J’aime dans le chat ce caractère indépendant et presque ingrat qui le fait ne s’attacher à personne, et cette indifférence avec laquelle il passe des salons à ses gouttières natales.  »  (François-René de Chateaubriand)

JE REGRETTAI MA PRISON
Arrive le malheur raconté au début. Le souvenir de la maison chaude et tranquille. « C’est alors que je compris que le mou frais était excellent. » La dureté de la rue. «Pendant près de dix heures je reçus la pluie, je grelottai de tous mes membres. Maudite rue, maudite liberté, et comme je regrettai ma prison ! »

« La notion de liberté n’est pas une notion, c’est une nostalgie de la mémoire. » (Paul Paré)

 UNE CORRECTION RECUE DANS UNE JOIE PROFONDE
Dans la fable, le loup est affolé de la condition du chien. Il est gras. Mais, dit-il : « attaché? dit le Loup : vous ne courez donc pas. –  Où vous voulez ? – Pas toujours ; mais qu’importe ?  – Il importe si bien, que de tous vos repas,  Je ne veux en aucune sorte. » Le chat d’Angora, lui, ne cherche qu’à retrouver sa place dans sa prison dorée. Et ce, malgré les coups, «quand je rentrai, votre tante prit le martinet, et m’administra une correction que je reçu avec une joie profonde. Je goûtai largement la volupté d’avoir chaud et d’être battu. Pendant qu’elle me frappait, je songeais avec délices à la viande qu’elle allait me donner ensuite. »

 « Comme quiconque les a un tant soit peu fréquentés le sait bien, les chats font preuve d’une patience infinie envers les limites de l’esprit humain.  »  Cleveland Amory 

Jacky Lavauzelle

 

 

CZESŁAW ŚPIEWA – Maszynka Do Swierkania -Une Machine à devenir fou

CZESŁAW ŚPIEWA
Une machine à devenir fou
Maszynka Do Swierkania
Lyrics – Paroles – Traduction – słowa

 

CZESLAW SPIEWA Portrait portret Chanteur Polska Pologne Poland

 

Une dame a trouvé
Un appareil défectueux et démis
Qui tout-à-coup à fonctionner se remit
Elle le tint et lui dit :
« Vous êtes maudit
  Et moi, du ciel je viens directement
  Avez-vous besoin d’autre chose en ce moment ? »

Vous n’êtes qu’une épave délabrée
Permettez que je vous ressers un peu les vis
Je vais changer votre châssis
Et des pièces nouvelles y installer
Et vous serez alors magnifique, comme avant
Et vous allez travailler correctement dorénavant
Et vous serez si beau que, comme autrefois, vous brillerez,
Mais parfois fou vous deviendrez
Dans une cage, donc, je vous placerai
Au cas-où l’envie de vous envoler vous auriez.

Nous allons maintenant être beaux
Nous travaillerons correctement à nouveau
Nous allons maintenant être beaux
Nous travaillerons correctement à nouveau

Traduction Jacky Lavauzelle

 

Polska Poland Pologne Les Plus Belles Chansons Best Songs najlepsze polskie piosenki

Znalazła raz pewna pani
 Aparat do bani
 Sentymentem wzruszona
 Wzięła go w ramiona i
 I czule do niego rzekła:
 « Ty jesteś rodem z piekła
 A ja jestem rodem z nieba
 Nic więcej nie potrzeba
 Nic więcej nam nie potrzeba« 

 Ty jesteś starym gratem
 Ja cię naprawię zatem
 Zmienię ci obudowę
I włożę części nowe i
 I będziesz piękny, jak dawniej
 I będziesz działać sprawnie
 Znów pokażesz klasę
I zaświergolisz czasem
 A ja cię wsadzę w klatkę
Byś nie odleciał przypadkiem

 Będziemy piękni jak dawniej
 Będziemy działać sprawniej
 Będziemy piękni jak dawniej
 Będziemy działać sprawniej
 Będziemy piękni jak dawniej
 Będziemy działać sprawniej
 Będziemy piękni jak dawniej
 Będziemy działać sprawniej

 

 

LES AMANTS DU CAPRICORNE-HITCHCOCK

Alfred HITCHCOCK

LES AMANTS DU CAPRICORNE (1950)

les Couleurs du Capricorne

LES AMANTS DU CAPRICORNE (1950) Artgitato Alfred HITCHCOCK, les Couleurs du Capricorne

Contrairement à ce que dit le jeune Charles, « il y en a pour tous les goûts, la couleur importe peu », les couleurs parlent de l’origine, du rang, des états d’âme et des passions. Dans ce nouveau pays où la discrétion est reine et où l’ «  on dit qu’il est de mauvais goût de poser trop de questions », nous poserons quelques affirmations colorées.

  • LE ROUGE ET LE BLANC

Le film s’ouvre après la scène des forçats sur la parade militaire en l’honneur de la prise de fonction du nouveau gouverneur (Cécil Parker). Tous les soldats, le drapeau et le Gouverneur sont en rouge et blanc, symboles du pouvoir en place, de l’autorité. Le film se terminera par le départ de Charles Adare (Michael Wilding) avec sur le quai Henrietta Flusky (Ingrid Bergman) dans une robe rouge et blanche à côté du drapeau : c’est elle maintenant qui a pris le pouvoir, mais sur ses sentiments, elle sera devenue maîtresse d’elle-même, son mal-être est loin déjà.

Entre temps, nous retrouverons le rouge par deux fois. Une avec le vin qui révulse Henrietta avant qu’elle comprenne que celui-ci est empoisonné et qu’il la détruit à petit feu. Une autre fois avec le rubis que cache Charles dans ses mains avant la scène du bal. Le rouge du vin symbolise la vie qui coule ainsi que le rubis, emblème du bonheur. Mais les deux sont pour le moment inaccessibles. Le vin est souillé par le poison que Milly (Margaret Leighton) y fait couler ; le rubis reste dans les mains de Sam Flusky (Joseph Cotten), derrière son dos quand Henrietta et Charles se moquent de l’effet que ferait cette parure lors du bal («Des rubis ? Vous voudriez qu’on traite votre femme d’arbre de noël », « Il a raison, des rubis jureraient sur cette robe »). Le bonheur n’est pas encore de la partie ; ce poing qui se referme sur la parure annonce déjà la tension qui va exploser au bal et ensuite dans la maison de Charles avec la mort de son cheval, et le coup de fusil lors de la dispute avec Charles.

  • LE MAUVE

La couleur intermédiaire, le mauve, habillera Henrietta, notamment avec Charles (le châle, la peau, le ciel et la couleur des murs). La passion est là, mais tempérée par la proximité de Sam. La tempérance aussi parce qu’elle aime ces deux hommes. Elle aura sa tenue rose-violette lors du repas où naturellement elle se placera au milieu de la table, entre les deux hommes.

  • LE VERT ET LE GRIS

Quand Charles arrive en Australie, il est revêtu d’une redingote verte, signe de son Irlande natale (« Fixer les yeux sur les verts et les pourpres de votre terre natale ») et de son origine noble. Sa première rencontre avec Sam Flusky, riche terrien et ancien forçat, lui aussi d’origine irlandaise les oppose déjà. Michael Wilding : redingote verte et chapeau gris ; Joseph Cotten : chapeau vert et redingote grise. On retrouve l’origine dans le vert, mais la large redingote de Charles montre la prééminence de son rang.

  • LE NOIR ET LE BLANC

C’est l’opposition entre la blancheur angélique d’un amour d’enfance et la noirceur démoniaque de l’amour vengeance. C’est l’opposition entre Henrietta et Milly, « cette harpie ». Quand Milly pensera qu’il est temps de prendre la place d’Henrietta, elle changera de robe et en prendra une bleue très claire. Elle se sentira prête à s’asseoir en face de lui et enfin de pouvoir parler d’égal à égal avec son ancien maître. Le noir ne la cache plus. Quand Milly parle, dans sa longue tirade de la jalousie, des deux amants : « Pourtant, il est étonnant que sa seigneurie se laisse conduire dans sa voiture en pleine obscurité et là-bas toutes les lumières… »

  • LES COULEURS DE MINYAGO YUGILLA

Le domaine de Charles, le Minyago Yugilla, « Pourquoi pleures-tu ? » sert de respiration au récit. Il a toujours une couleur qui annonce la suite du récit. Bleu sombre, la première fois, il s’oppose à la blancheur de la maison blanche du gouverneur ou à celle de la Banque. Il montre la tension déjà qui y règne et le poids du passé. Le cocher ne s’y trompe pas : « je n’aime pas ce domaine, ça paraît respectable, mais il y a quelque chose d’inquiétant ». Le ciel lourd, les orages et les éclairs annonceront aussi le climat qui règne dans la demeure.

 Jacky Lavauzelle