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WALLENSTEINS LAGER -SCHILLER- Le Camp de Wallenstein- Traduction Scène 5 Auftritt

 LITTERATURE ALLEMANDE
Dramatische Werke
Théâtre

Friedrich von Schiller
1759-1805

Le Camp de Wallenstein Friedrich Schiller par Ludovike Simanowiz Traduction Française Artgitato


WALLENSTEINS LAGER
LE CAMP DE WALLENSTEIN

1799

Traduction Jacky Lavauzelle

——–

Personen
Personnages

Wachtmeister, von einem Terzkyschen Karabinier-Regiment.
Maréchal des logis d’un régiment de carabiniers de Tersky

Trompeter
Une trompette

Konstabler
Canonnier

Scharfschützen
Fusiliers

Zwei Holkische reitende Jäger
Deux chasseurs à cheval de Holk

Buttlerische Dragoner
Dragons de Buttler

Arkebusiere vom Regiment Tiefenbach
Arquebusiers du régiment de Tiefenbach

Kürassier von einem wallonischen Regiment
Cuirassier d’un régiment wallon

Kürassier von einem lombardischen 
Cuirassier d’un régiment lombard

Kroaten
Craotes

Ulanen
Ulhans

Rekrut
Recrue

Bürger
Bourgeois

Bauer
Paysan

Bauerknabe
Fils de paysan

Kapuziner
Capucin

Soldatenschulmeiste
Le Maître d’école du campement militaire

Marketenderin
Cantinière

Eine Aufwärterin
Une servante

Soldatenjungen
Enfants de soldats

Hoboisten
Musiciens

5. Auftritt.
Scène 5

Vorige. Zwei Jäger. Dann Marketenderin. Soldatenjungen. Schulmeister. Aufwärterin.
Les précédents. Deux chasseurs. Puis la Cantinière. Des enfants de soldats. Le Maître d’école du camp militaireLa servante.

Erster Jäger
Le premier chasseur
 
Sieh, sieh!
Regarde ! Regarde !
Da treffen wir lustige Kompanie.
Comme nous rencontrons ici de la joyeuse compagnie.
 
Trompeter
La Trompette
 
Was für Grünröck’ mögen das sein?
Qui portent ainsi des habits verts ?
Treten ganz schmuck und stattlich ein.
Ils sont bien coupés et très beaux…
 

Le Camp de Wallenstein -WALLENSTEINS LAGER Schiller Traduction & Texte SOMMAIRE

LITTERATURE ALLEMANDE
Dramatische Werke
Théâtre

Friedrich von Schiller
1759-1805

Le Camp de Wallenstein Friedrich Schiller par Ludovike Simanowiz Traduction Française Artgitato

____________________________________
WALLENSTEINS LAGER
LE CAMP DE WALLENSTEIN
1799
_________________________________

Traduction Jacky Lavauzelle

______

     Wallenstein, d’après Friedrich Pecht, édition de la trilogie,1859

______________________

 

SOMMAIRE
Inhaltsverzeichnis

1. Auftritt
Scène 1

2. Auftritt
Scène 1

3. Auftritt
Scène 3

4. Auftritt
Scène 4

5. Auftritt
Scène 5

6. Auftritt
Scène 6

7. Auftritt
Scène 7

8. Auftritt
Scène 8
Huitième Tableau
Kapuzinerpredigt Schiller
Le Sermon du Capucin

9. Auftritt
Scène 9
Neuvième Tableau

10. Auftritt
Scène 10
Dixième Tableau

11. Auftritt
Scène 11
Onzième Tableau
Erste Teil – Première Partie
Zweite Teil – Seconde Partie
Teil Drei – Troisième Partie
Vierter Teil – Quatrième Partie
Fünfter Teil – Cinquième Partie
Teil Sechs – Sixième Partie
Teil 7 – Septième Partie
Teil 8 – Ende des Spiels – Fin de la pièce

——–

Personen
Personnages

Wachtmeister, von einem Terzkyschen Karabinier-Regiment.
Maréchal des logis d’un régiment de carabiniers de Tersky

Trompeter
Une trompette

Konstabler
Canonnier

Scharfschützen
Fusiliers

Zwei Holkische reitende Jäger
Deux chasseurs à cheval de Holk

Buttlerische Dragoner
Dragons de Buttler

Arkebusiere vom Regiment Tiefenbach
Arquebusiers du régiment de Tiefenbach

Kürassier von einem wallonischen Regiment
Cuirassier d’un régiment wallon

Kürassier von einem lombardischen 
Cuirassier d’un régiment lombard

Kroaten
Craotes

Ulanen
Ulhans

Rekrut
Recrue

Bürger
Bourgeois

Bauer
Paysan

Bauerknabe
Fils de paysan

Kapuziner
Capucin

Soldatenschulmeiste
Maître d’école militaire

Marketenderin
Cantinière

Eine Aufwärterin
Une servante

Soldatenjungen
Jeunes soldats

Hoboisten
Musiciens

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WALLENSTEINS LAGER Traduction Schiller Le Camp de Wallenstein Texte et Traduction Scène 4

LITTERATURE ALLEMANDE
Dramatische Werke
Théâtre

Friedrich von Schiller
1759-1805

Le Camp de Wallenstein Friedrich Schiller par Ludovike Simanowiz Traduction Française Artgitato


WALLENSTEINS LAGER
LE CAMP DE WALLENSTEIN

1799

QAUTRIEME SCENE

Personen
Personnages

Wachtmeister, von einem Terzkyschen Karabinier-Regiment.
Maréchal des logis d’un régiment de carabiniers de Tersky
Trompeter
Une trompette
Konstabler
Canonnier
Scharfschützen
Fusiliers
Zwei Holkische reitende Jäger
Deux chasseurs à cheval de Holk
Buttlerische Dragoner
Dragons de Buttler
Arkebusiere vom Regiment Tiefenbach
Arquebusiers du régiment de Tiefenbach
Kürassier von einem wallonischen Regiment
Cuirassier d’un régiment wallon
Kürassier von einem lombardischen 
Cuirassier d’un régiment lombard
Kroaten
Craotes
Ulanen
Ulhans
Rekrut
Recrue
Bürger
Bourgeois
Bauer
Paysan
Bauerknabe
Fils de paysan
Kapuziner
Capucin
Soldatenschulmeiste
Maître d’école militaire
Marketenderin
Cantinière
Eine Aufwärterin
Une servante
Soldatenjungen
Jeunes soldats
Hoboisten
Musiciens

4. Auftritt
Scène 4

Vorige. Konstabler
Les précédents, un Canonnier

Konstabler
Le Canonnier
(tritt zum Wachtmeister)
(Se rapproche du Maréchal des Logis)
 
Wie ist’s, Bruder Karabinier?
Comment ça va, frère Carabinier ?
Werden wir uns lang noch die Hände wärmen,
Allons-nous encore longtemps nous réchauffer les mains,
Da die Feinde schon frisch im Feld herum schwärmen?
Alors que les ennemis grouillent déjà tout autour dans la campagne ?
 
Wachtmeister
Le Maréchal des Logis
 
Tut’s Ihm so eilig, Herr Konstabel?
Que de hâte, Monsieur le Canonnier ?
Die Wege sind noch nicht praktikabel.
Les pistes ne sont pas encore praticables !
 
Konstabler
Le Canonnier
 
Mir nicht. Ich sitze gemächlich hier;
Pas pour  moi. Je suis bien ici assis tranquillement !…
 
 

WALLENSTEINS LAGER Traduction Schiller Le Camp de Wallenstein Texte et Traduction Scène 3

LITTERATURE ALLEMANDE
Dramatische Werke
Théâtre

Friedrich von Schiller
1759-1805

Le Camp de Wallenstein Friedrich Schiller par Ludovike Simanowiz Traduction Française Artgitato


WALLENSTEINS LAGER
LE CAMP DE WALLENSTEIN
1799

TROISIEME SCENE

Personen
Personnages

Wachtmeister, von einem Terzkyschen Karabinier-Regiment.
Maréchal des logis d’un régiment de carabiniers de Tersky
Trompeter
Une trompette
Konstabler
Canonnier
Scharfschützen
Fusiliers
Zwei Holkische reitende Jäger
Deux chasseurs à cheval de Holk
Buttlerische Dragoner
Dragons de Buttler
Arkebusiere vom Regiment Tiefenbach
Arquebusiers du régiment de Tiefenbach
Kürassier von einem wallonischen Regiment
Cuirassier d’un régiment wallon
Kürassier von einem lombardischen 
Cuirassier d’un régiment lombard
Kroaten
Craotes
Ulanen
Ulhans
Rekrut
Recrue
Bürger
Bourgeois
Bauer
Paysan
Bauerknabe
Fils de paysan
Kapuziner
Capucin
Soldatenschulmeiste
Maître d’école militaire
Marketenderin
Cantinière
Eine Aufwärterin
Une servante
Soldatenjungen
Jeunes soldats
Hoboisten
Musiciens

3. Auftritt
Scène 3

Kroat mit einem Halsschmuck. Scharfschütze folgt. Vorige
Le Croate avec un collier. Le Fusilier le poursuit. Les précédents

Scharfschütz
Le Fusilier

Kroat, wo hast du das Halsband gestohlen?
Croate, as-tu volé le collier?
Handle dir’s ab! dir ist’s doch nichts nütz.
Je te l’achète ! Il n’a pas de valeur pour toi !
Geb’ dir dafür das Paar Terzerolen.
Donne-le-moi contre cette paire de pistolets.
 
Kroat
Le Croate
Nix, nix! Du willst mich betrügen, Schütz.
Non, non ! Tu veux me duper, Fusilier.
 
Scharfschütz
Le Fusilier
 
Nun! geb’ dir auch noch die blaue Mütz,
Un moment ! Je te donnerai même ce bonnet bleu,
Hab’ sie soeben im Glücksrad gewonnen.
Je l’ai remporté à la loterie.
Siehst du? Sie ist zum höchsten Staat.
Tu le vois ? Il est dans un état remarquable…

WALLENSTEINS LAGER Traduction SCHILLER et Texte ‘Le Camp de Wallenstein’ SCENE 2

LITTERATURE ALLEMANDE
Dramatische Werke
Théâtre

Friedrich von Schiller
1759-1805

Le Camp de Wallenstein Friedrich Schiller par Ludovike Simanowiz Traduction Française Artgitato


WALLENSTEINS LAGER
LE CAMP DE WALLENSTEIN

1799

SECONDE SCENE

Personen
Personnages

Wachtmeister, von einem Terzkyschen Karabinier-Regiment.
Maréchal des logis d’un régiment de carabiniers de Tersky
Trompeter
Une trompette
Konstabler
Canonnier
Scharfschützen
Fusiliers
Zwei Holkische reitende Jäger
Deux chasseurs à cheval de Holk
Buttlerische Dragoner
Dragons de Buttler
Arkebusiere vom Regiment Tiefenbach
Arquebusiers du régiment de Tiefenbach
Kürassier von einem wallonischen Regiment
Cuirassier d’un régiment wallon
Kürassier von einem lombardischen 
Cuirassier d’un régiment lombard
Kroaten
Craotes
Ulanen
Ulhans
Rekrut
Recrue
Bürger
Bourgeois
Bauer
Paysan
Bauerknabe
Fils de paysan
Kapuziner
Capucin
Soldatenschulmeiste
Maître d’école militaire
Marketenderin
Cantinière
Eine Aufwärterin
Une servante
Soldatenjungen
Jeunes soldats
Hoboisten
Musiciens

2. Auftritt
Scène 2

Vorige. Wachtmeister. Trompeter. Ulan
Les mêmes + Le maréchal des logis + le Trompette + le Uhlan

Trompeter
Le Trompette
 
Was will der Bauer da? Fort, Halunk!
Que veut le paysan là-bas? Dégage, Pendard !
 
Bauer
Le Paysan
Gnädige Herren, einen Bissen und Trunk!
Mes chers messieurs, une bouchée et à boire!
Haben heut noch nichts Warmes gegessen.
Nous n’avons toujours rien mangé aujourd’hui de chaud.
 
Trompeter
Le Trompette
 
Ei, das muß immer saufen und fressen.
Eh ! ça ne pense qu’à boire et à manger !
 
Ulan
Le Uhlan
(mit einem Glase)
(avec un verre)
 
Nichts gefrühstückt? Da trink, du Hund!
Pas de petit-déjeuner ? Viens donc boire, chien !

(Führt den Bauer nach dem Zelte; jene kommen vorwärts)
(Il pousse l’agriculteur vers la tente; les autres arrivent sur le devant de la scène)

Wachtmeister
Le maréchal des logis
(zum Trompeter)
(à la Trompette) 
 
Meinst du, man hab’ uns ohne Grund
Penses-tu qu’ils avaient une raison
Heute die doppelte Löhnung gegeben,
Aujourd’hui qu’ils nous offrent une double paye,
Nur daß wir flott und lustig leben?
Seulement pour s’empiffrer et s’amuser ?
 
Trompeter
La Trompette
 
Die Herzogin kommt ja heute herein
La duchesse arrive  effet aujourd’hui
Mit dem fürstlichen Fräulein –
En compagnie de la jeune princesse -…
 
 

 

Wallensteins Lager – Le Camp de Wallenstein – SCHILLER – Traduction et Texte Scène 1

LITTERATURE ALLEMANDE
Dramatische Werke
Théâtre

Friedrich von Schiller
1759-1805

Le Camp de Wallenstein Friedrich Schiller par Ludovike Simanowiz Traduction Française Artgitato


WALLENSTEINS LAGER
LE CAMP DE WALLENSTEIN

1799

PREMIERE SCENE

Personen
Personnages

Wachtmeister, von einem Terzkyschen Karabinier-Regiment.
Maréchal des logis d’un régiment de carabiniers de Tersky

Trompeter
Une trompette

Konstabler
Canonnier

Scharfschützen
Fusiliers

Zwei Holkische reitende Jäger
Deux chasseurs à cheval de Holk

Buttlerische Dragoner
Dragons de Buttler

Arkebusiere vom Regiment Tiefenbach
Arquebusiers du régiment de Tiefenbach

Kürassier von einem wallonischen Regiment
Cuirassier d’un régiment wallon

Kürassier von einem lombardischen 
Cuirassier d’un régiment lombard

Kroaten
Craotes

Ulanen
Ulhans

Rekrut
Recrue

Bürger
Bourgeois

Bauer
Paysan

Bauerknabe
Fils de paysan

Kapuziner
Capucin

Soldatenschulmeiste
Maître d’école militaire

Marketenderin
Cantinière

Eine Aufwärterin
Une servante

Soldatenjungen
Jeunes soldats

Hoboisten
Musiciens

Vor der Stadt Pilsen in Böhmen
Devant la ville de Pilsen en Bohème

1. Auftritt
Scène 1

Marketenderzelt, davor eine Kram- und Trödelbude. Soldaten von allen Farben und Feldzeichen drängen sich durcheinander, alle Tische sind besetzt. Kroaten und Ulanen an einem Kohlfeuer kochen, Marketenderin schenkt Wein, Soldatenjungen würfeln auf einer Trommel, im Zelt wird gesungen.
La tente des cantinières, en face une mercerie et des vêtements. Des soldats de toutes les couleurs et les insignes se mélangent, toutes les tables sont occupées. Croates et Uhlans font de la cuisine sur un feu de charbon de bois, une cantinière donne le vin, des jeunes soldats jouent sur un tambour aux dés, dans une tente nous entendons des chants.

 

Ein Bauer und sein Sohn
Un paysan et son fils

Bauerknabe.
Le fils du paysan
Vater, es wird nicht gut ablaufen,
Père, il n’est pas bon de s’attarder,
Bleiben wir von dem Soldatenhaufen.
Nous restons dans la zone où résident les soldats.
Sind Euch gar trotzige Kameraden;
Se sont de bien patibulaires camarades ;
Wenn sie uns nur nichts am Leibe schaden.
Espérons qu’ils ne nous fassent aucun mal.
Bauer
Le Paysan
Ei was! Sie werden uns ja nicht fressen,
Eh quoi! Ils ne vont pas nous dévorer,
Treiben sie’s auch ein wenig vermessen.
Ils jouent aussi à paraître un peu mal élevés.
Siehst du? sind neue Völker herein,
Vois-tu? Ils arrivent de nouveaux pays,
Kommen frisch von der Saal’ und dem Main,
Venant directement de la Salle et du Main,
Bringen Beut’ mit, die rarsten Sachen!
Ils apportent le butin avec d’autres choses précieuses!
 Unser ist’s, wenn wir’s nur listig machen.
Ce sera à nous, si seulement nous sommes malins.
Ein Hauptmann, den ein andrer erstach,
Un capitaine qui en avait poignardé un autre,
Ließ mir ein paar glückliche Würfel nach.
M’a laissé une paire de dés chanceuses.
Die will ich heut einmal probieren,
Je veux les essayer de nouveau séance tenante,
Ob sie die alte Kraft noch führen.
Qu’ils aient toujours la vieille vigueur.
Mußt dich nur recht erbärmlich stellen,
Tu devras seulement paraître malheureux,
Sind dir gar lockere, leichte Gesellen.
Ces compagnons-là, sont volubiles et légers.
Lassen sich gerne schön tun und loben,
Ils aiment ce qui est agréable et les louanges,
So wie gewonnen, so ist’s zerstoben.
Aussi vite gagné, tout aura disparu.
Nehmen sie uns das Unsre in Scheffeln,
Ils nous dépouillent par boisseaux,
Müssen wir’s wieder bekommen in Löffeln;
Nous nous devons de les reprendre à la cuillère ;
Schlagen sie grob mit dem Schwerte drein,
Ils tapent sévèrement avec l’épée,
So sind wir pfiffig und treiben’s fein.
Donc, nous seront les plus intelligents et les plus fins.
(Im Zelt wird gesungen und gejubelt.)
( A l’intérieur de la tente
des chants et des applaudissements)
Wie sie juchzen – daß Gott erbarm!
Comme ils s’esclaffent que Dieu ait pitié!
Alles das geht von des Bauern Felle.
Tout ça avec la peau des paysans.
Schon acht Monate legt sich der Schwarm
Depuis huit mois que cette meute
Uns in die Betten und in die Ställe,
Occupent nos lits et nos écuries,
Weit herum ist in der ganzen Aue
Est largement plus loin que notre contrée
Keine Feder mehr, keine Klaue,
Il n’y a plus de gibiers à plume ou à poil,
Daß wir für Hunger und Elend schier
Ils nous restent la faim et la misère
Nagen müssen die eignen Knochen.
Nous devons presque ronger nos propres os.
War’s doch nicht ärger und krauser hier,
Ce n’était pas pire avec les soldats du Kaiser,
Als der Sachs noch im Lande tät pochen.
Lorsque les Saxons avaient envahi notre pays.
Und die nennen sich Kaiserliche!
Et ceux-ci osent s’appeler les Impériaux !
Bauerknabe
Le fils du paysan
Vater, da kommen ein paar aus der Küche,
Père, en voici qui viennent de la cuisine,
Sehen nicht aus, als wär’ viel zu nehmen.
Je ne vois pas qu’il y ait beaucoup à prendre.
Bauer
Le Paysan
Sind einheimische, geborne Böhmen,
Ils sont du pays, originaires de Bohême,
Von des Terschkas Karabinieren,
Des carabiniers du régiment de Terschka,
Liegen schon lang in diesen Quartieren.
Ils sont depuis longtemps déjà dans ces quartiers.
Unter allen die schlimmsten just,
Ce sont justes les pires,
Spreizen sich, werfen sich in die Brust,
Ils paradent, gonflent leur poitrine,
Tun, als wenn sie zu fürnehm wären,
Ils font comme s’ils étaient trop importants,
Mit dem Bauer ein Glas zu leeren.
Pour vider un verre avec un paysan.
Aber dort seh’ ich die drei scharfe Schützen
Mais là je vois trois tireurs fusiliers
Linker Hand um ein Feuer sitzen,
Ils sont là assis autour d’un feu,
 Sehen mir aus wie Tiroler schier.
Je pense que ce sont des soldats du Tyrol.
Emmerich, komm! an die wollen wir,
Emmerich, viens ! allons-y,
Lustige Vögel, die gerne schwatzen,
De drôles d’oiseaux qui volontiers tapent la causette,
Tragen sich sauber und führen Batzen.
Ils sont bien propres et les bourses semblent bien pleines.

(Gehen nach den Zelten)
(Ils vont vers les tentes)

***************************
Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
**************************

Les Affaires sont les affaires Octave Mirbeau & Dreville

LES AFFAIRES SONT LES AFFAIRES Octave Mirbeau
Pièce de 1903




Film de Jean DREVILLE
(Film de 1942)

Argent-Kupka-01
 Les affaires sont
les affaires




LA MANIE DE LA DESTRUCTION

La pièce d’Octave Mirbeau est montée en 1903.
Jean Dréville reprend la pièce en 1942 sans l’appauvrir. Lechat restera à jamais l’archétype de l’affairiste sans peur et sans scrupule.

LES NOUVEAUX RICHES AU POUVOIR !

Lechat décrit par sa femme : «  Ton père est vaniteux, gaspilleur, menteur. C’est entendu, il renie souvent sa parole, même à tromper les gens. Dame ! Dans les affaires ! Mais c’est un honnête homme entends-tu ? Quand bien même il ne le serait pas, ce n’est pas à toi d’en juger.  Sache que, sa fortune, il ne la doit à personne. Il l’a gagnée en travaillant. S’il a fait deux fois faillite, n’a-t-il pas eu son concordat ? S’il a été en prison, ne l’a-t-on pas acquitté ? Alors ? Regarde où il en est. Il a fondé un grand journal ; lui qui savait à peine écrire ».

  • « J’AURAI DETRUIT TOUS LES OISEAUX DE FRANCE »

M Lechat ne veut pas d’enfant, pas d’oiseaux, plus d’agriculture à l’ancienne.

 « Trois moineaux, une mésange et un rouge-gorge : 3 francs. Alors Monsieur Isidore Lechat s’est mis dans la tête de détruire tous les oiseaux – Monsieur Lechat protège l’agriculture. Au printemps prochain, il paiera cinq francs n’importe quel nid avec les œufs dedans  – Pour les détruire tous ! Il n’est pas le bon dieu ! »



LES OISEAUX, LES PIRES ENNEMIS DE L’AGRICULTURE

M Lechat inaugure l’ère des techniciens, l’ère des pesticides, avant que n’apparaissent certains cancers,  l’infertilité galopante, des abeilles déboussolées. « Il ne parle que de révolutionner l’agriculture, maintenant…Plus de blé, plus d’avoine, plus de betteraves,…Il prétend que c’est usé…Que ce n’est plus moderne ». Il veut initier « sa grande réforme agronomique ». La pièce de Mirbeau est encore plus précise : « Tu ne sais pas que les oiseaux sont les pires ennemis de l’agriculture ? Des vandales…Mais je suis plus malin qu’eux…Je les fais tous tuer. Je paye deux sous le moineau mort, trois sous le rouge-gorge et le verdier…cinq sous la fauvette…six sous le chardonneret et le rossignol…car ils sont très rares…Au printemps, je donne vingt sous d’un nid avec ses œufs…Ils m’arrivent de plus de dix lieues…à la ronde…Si cela se propage…dans quelques années, j’aurai détruit tous les oiseaux de France…(Il se frotte les mains) Vous allez en voir des choses, mes gaillards. » Isidore quand il ne s’enrichit pas, détruit. Il détruit pour produire. Après moi, le déluge !

AGRONOME, ECONOMISTE ET SOCIALISTE

L’agriculture ne nourrit plus, elle rapporte d’abord. Les besoins sont secondaires, prime d’abord le cours de bourse. On peut donc concentrer l’élevage, le rationaliser, l’optimiser. On doit donc mécaniser. Grossir et faire grossir notre consommateur. Peu importe si un milliard d’hommes et de femmes ont faim, il est nécessaire de faire progresser le bénéfice. Tant pis pour la surproduction. A l’époque d’Octave Mirbeau, où le mot même d’écologie n’existait pas, nous étions déjà dans cette logique du toujours plus jusqu’à l’entropie de notre système. Une crise, puis deux. Dans l’attente d’une troisième à venir.

Il ne veut plus de relatif. Il domine, exige de l’absolu.



Dans la pièce, il se dit même socialiste : « Le progrès marche, sapristi ! Les besoins augmentent et se transforment…Et ce n’est pas une raison parce que le monde est arriéré et routinier, pour que moi, Isidore Lechat, agronome socialiste…économiste révolutionnaire…Je le sois aussi… » 

  • DES ENFANTS COMME VALEUR CHANGEANTE DE SPECULATION

Le jardinier est licencié parce que sa femme est enceinte : « monsieur ne veut pas d’enfants chez lui…Toutes réflexions faites, qu’il m’a dit, ce matin…, pas d’enfants…pas d’enfants dans la maison…ça abîme les pelouses…ça salit les allées… » . L’enfant n’a pas d’utilité immédiate. Il perturbe les rouages du système. Il est incontrôlable. Il crie, pleure, casse des carreaux. Bref, il ne produit rien et détruit beaucoup. Notre société doit optimiser l’ensemble de nos actes, elle rend insupportable les enfants, surtout ceux des autres. Les nôtres sont notre continuité et à ce titre sont forcément plus supportables. « Avec sa manie de toujours me marier. Pour lui, je suis devenue une valeur changeante de spéculation, mieux que cela, une prime, quelquefois »(Germaine). 

  • PAS DE PRINCIPES DANS LES AFFAIRES

Il faut aller droit au but. Pas de forfanteries. Le tutoiement est de rigueur. Le film ne parle pas de la valeur directe du tutoiement contrairement à la pièce : « J’aime qu’on se tutoie…Nous ne sommes pas des gens de l’ancien régime…nous autres…des contes…des ducs…Nous sommes de francs démocrates…pas vrai ?…des travailleurs…J’ai cinquante millions…moi…Et le duc ? …A peine s’il en a deux…Un pouilleux…Ah ! Elle en voit de dures avec moi, la noblesse. » Tout se vaut.

Pourvu que l’argent rentre. La bourgeoise se substitue à la noblesse, les principes en moins. « Vous êtes un homme à grand principe, vous êtes attaché à des préjugés qui n’ont plus cours aujourd’hui. C’est bien dommage ! Chevaleresque, mais pas pratique ! » (Isidore Lechat) – « Être resté peu pratique dans une société qui l’est devenue beaucoup trop, c’est la raison de la noblesse, Monsieur Lechat, et c’est aussi sa gloire ! » (Le marquis de Porcellet) –« C’est sa mort ! » – « Tant pis ! Chez nous, l’honneur passe devant l’intérêt…Non pas que je condamne toute espèce de progrès… » 

  • « SALAUD DE PAUVRE ! » (Jean Gabin dans la Traversée de Paris)

Le pauvre est pauvre parce qu’il le veut bien. « Les pauvres ? Je n’ai jamais vu un pays où il y avait autant de pauvres ! Nous n’y pouvons rien. S’ils travaillaient ils le seraient moins ! »

Il se veut moderne en opposition au marquis : « vous êtes un homme à principes…à grands principes…Vous n’êtes pas, du tout, dans le mouvement moderne…Vous restez attaché aux vieilles idées du passé.» 

  • MADAME LECHAT, UNE DECROISSANTE ?

L’ARGENT NE FAIT PAS LE BONHEUR : GERMAINE S’ENNUIE ET SA MERE RÊVE D’UN BONHEUR BEAUCOUP PLUS SIMPLE

Les médias (le journal, Le Chant du Coq), l’immobilier (le château de Vauperdu), la technologie, Mme Lechat (Germaine Charley) est mal à l’aise devant ces portraits immenses qui semblent la transpercer de part en part. Elle ne se plaît pas dans ce grand château, dans cette grande voiture : « Toute seule dans cette grande auto, je ne me sens pas à mon aise. J’ai honte ! »

 QUAND ON A UN COEUR COMME LE VÔTRE !

Germaine Lechat s’ennuie. « Pourquoi ne parles-tu pas ? – C’est sans doute que je n’ai rien à dire. – Tu as assez lu… – Je ne lis pas. – Tu rêves ? – Je ne rêve pas…-Alors…, qu’est-ce que tu fais ? – Rien…, je m’ennuie… ». Le jardinier qui quitte le château le voit bien :« Mademoiselle Germaine…, vous non plus…vous n’êtes guère heureuse…Je vous connais bien,…quand on a un cœur comme le vôtre…on ne peut pas être heureux ici »  



Elle se retrouve à la fin seule, son fils est mort et sa fille a quitté le domaine pour vivre avec Lucien.  Cette maison qui lui semblait trop grande, lui fait maintenant peur. Elle regrette le temps de la simplicité : « Qu’est ce que tu veux que je devienne dans cette maison, toute seule ? Si nous avions vécu dans une petite maison, rien de tout cela ne serait arrivé. Ce château, ce luxe, tout cet argent… Tu ne vas pas me laisser ? »

Jacky Lavauzelle

*******

Les affaires sont les affaires Octave Mirbeau

Plaute – LE SOLDAT FANFARON – LE MAÎTRE PRETENTIEUX &L’ESCLAVE MALICIEUX

PLAUTE
MILES GLORIOSUS
LE SOLDAT FANFARON

buste de Plaute

Le Maître
prétentieux




&
L’esclave
malicieux

 

 

 

Pour approcher Pyrgopolinice, le meilleur

conseil vient de Palestrion, son nouvel esclave :

il faut louer sa beauté et son allure, s’émerveiller de ses vertus (conlaudato formam et faciem, et virtutes conmemorato). Alors les portes de son cœur s’ouvrent. Et la citadelle s’effrite de tous côtés.

Aetna mons non aeque altus

Il a de bien nombreux défauts, mais pas tous. Il se glorifie d’exploits guerriers et de nombreuses aventures (Alazon graece huic nomen est comoedia, id nos latine Gloriosum dicimus). Il ne se glorifie pas d’être riche, par exemple ; il n’est pas cupide (non mihi avaritia unquam ingnata est ; satis est divitiarum. Plus mi auri mille est modiorum Philippei), même s’il ne se montre pas tout-à-fait désintéressé par l’argent. Palestrion avoue que cette richesse est bien supérieure encore, plus haute que des montagnes, et dépasse même l’Etna (Aetna mons non aeque altus). Il est capable de laisser un véritable petit trésor pour assouvir sa soif de conquête féminine en laissant Philocomasie, l’amante de l’athénien Pleuside,



Nepos sum Veneris

Il se veut  le fils de Mars et le petit-fis de Vénus (nepos sum Veneris). Il est la force et la beauté. Personne ne lui résiste. Les femmes se pâment et les hommes tombent en charpie. Il se veut invincible et séducteur, il n’est qu’un fanfaron.
Le monde autour de lui se joue de sa bêtise qui se fortifie un peu plus chaque jour.

 Ce Fils de Mars, chante ses exploits divins de surhomme à la première scène  et se retrouvera humilié par des esclaves, dans la maison de Périplectomène,  dans  la dernière scène dans l’impossibilité de se défendre.

 Pour l’art de la guerre, tout commença si bien aidé de son bouclier resplendissant les rayons du soleil (Curate, ut splendor meo sit clupeo clarior, quam solis radii esse olim, quom sudum ’st, solent), avant que son épée ne fende l’ennemi pour en faire du hachis. Pyrgopolinice plus qu’un fils des dieux est un dieu lui-même. Il rayonne et inonde. Il parle à son épée et à son bouclier. Nul besoin d’une armée. Il suffit. Il est là par-dessus la bataille. Il est le Don Quichotte de ce IIIe siècle avant J-C. Il croit avoir trouvé son Sancho Panza en Artorogus. Il se dit fidèle (heic est ; stat propter virum fortem atque fortunatum, et forma regia), il sera sa perte. Artorogus, l’esclave stratège, organisera la défaite de Pyrgopolinice. Celui-ci n’est pas un menteur comme le souligne Artorogus, il est dans son monde, à moitié fou. Il est persuadé d’être ce divin guerrier et ce séducteur émérite. Les moqueries des autres ne sont pas comprises, mal interprétées ; elles alimentent sa croyance.

 Venus me amat !





Dans l’art de l’amour, il est conseillé par Vénus (Venus me amat), il dépasse Alexandre en beauté et il sait que son charme est à peine supportable pour les femmes qui ne peuvent s’empêcher de lui courir après telles des furies (Itaque Alexandri praestare praedicat fornam suam : itaque omneis se ultro sectari in Epheso memorat mulieres – Atque ejus elegantia (Acrotéleutie))

 CAECA AMORE EST

Sa seule vue fait défaillir (Quia stare nequeo, ita animus per oculos meos defit (Acrotéleutie)). Autant les hommes sur le champ de bataille que les femmes sur le terrain amoureux (Viri quoque armati idem istuc faciunt ; ne tu mirere plus mulierem. Sed quid volt me agere ?). Il brille tant qu’il aveugle,  mais l’amour n’est –il pas aveugle ? (Caeca amore est)

Pour autant, Palestrion lui rappelle qu’il ne doit pas céder facilement aux avances de ces dames. Il a un prestige à préserver. Il ne doit pas se compromettre si rapidement, il doit garder de la hauteur et ne point se déprécier en courant le jupon (Nam tu te vilem feceris, si tu ultro largiere. Sine ultro veiat, quaeritet, desideret, exspectet. Submovere istam vis gloriam quam habes ? cave, sis, faxis. Nam nulli mortali scio obtigisse hoc, nisi duobus, tibi et Phaoni Lesbio, tam misere ut amarentur. (Palestrion))

 UN ETALON HUMAIN

En mélangeant le guerrier et l’amoureux, il ne pourra engendrer que des enfants résistants et magnifiques qui vivront des centaines d’années, voire mille ans. Il est l’étalon humain (nam tu quidem ad equas fuisti scitus admissarius (Palestrion), celui qui engendra une race nouvelle. Une race pure de héros, invincibles (Meri bellatores gignuntur, quas hic praegnateis fecit, et pueri annos octingentos vivont (Palestrion) – Quin mille annorum perpetuo vivont, ab seclo ad seclum (Pyrgopolinice))



LE MAÎTRE E(S)T L’ESCLAVE

L’esclave est le maître. C’est lui qui décide et qui prend toutes les décisions importantes (siccam, succidam, quam lepidissumam potes), et le vieil homme libre qui l’écoute et demande des précisions (lautam vis, an quae nondum sit lauta ?). Son nouveau maître lui aussi demande toujours des conseils (loquere, et consilium cedo). C’est Artrogrus qui montre la voie, qui dirige (Tum te hoc facere oportet –  Tibi sum obediens (Pyrgopolinice)- Id nos ad te, si quid velles, venimus (Acrotéleutie)).

 INPETRABIS, INPERATOR
Volo! Tace!

Il est même appelé Général, Empereur (Inpetrabis, inperator, quod ego potero, quod voles (Acroteleutium)).

 Il décide seul (Volo) et pour cela fait taire son maître comme s’il était un vulgaire valet (Tace !)

 Palestrion est le metteur en scène de la pièce. La pièce centrale. Il ouvre et referme, avance et retire. Il est l’architecte, non pas seulement quand il se présente à Acrotéleutie, mais du début à la fin de la pièce (Salve, architecte…Nam, mi patrone, hoc cogitato : ubi probus est architectus, bene lineatam si semel carinam conlocavit)

QUANTAS RES TURBO!



Sa décision n’est jamais contestée. Il tranche. Personne ne lui résiste, aucun esclave, aucun homme libre. Cette pensée parfois l’interpelle, ainsi que le poids de sa responsabilité (Quantas res turbo ! Quantas moveo machinas !) Mais l’action ne s’arrête pas. Il est inutile de réfléchir trop  longtemps.

 Il fait sortir et rentrer à sa guise les personnages (St, tace ! aperiuntur foreis, concede huc clanculum). Il guide Pyrgopolinice comme un caniche (sequere hac me ergo – pedisequos tibi sum).

 CONFIDO CONFUTURUM

Il est le lien. Il joint les personnages. Affecte les rôles. Libère les prisonniers. Il est le malicieux qui tisse. Il sait que sur ce terrain-là il est imbattable. Il sait comment nouer des alliances indéfectibles (Confido confuturum. Ubi facta erit conlatio nostrarum malitiarum, haud vereor, ne nos subdola perfidia pervincamur).  Il négocie secrètement avec les autres personnages, en s’entourant d’un nuage mystérieux (Nam hoc negoti clandestino, ut agerem, mandatum ‘st mihi)

 TUIS VIDEO ID

Il est même visionnaire. Il a des connaissances parfaites sur la nature humaine (Gnivi indolem nostri ingenii). Il voit ce qui va arriver. Palestrion est un prophète ! (Bonus vates poteras esse ; nam quae sunt futura, dicis. (Acrotéleutie))

 En tant que vision, il est l’œil par lequel les autres voient la réalité. Pyrgopolinice ne voit plus qu’à travers ses yeux, tel un aveugle (Tuis video id, quod crebo tibi. ). Ce que je crois, je le crois car je l’ai vu à travers toi.

Jacky Lavauzelle

Conte Salé (par les P’tites Grillées) : dans le tohu-bohu des rêves

Conte Salé (par les P'tites Grillées)- dans le tohu-bohu des rêves



       Conte Salé
par les P’tites Grillées

(Théâtre pour enfants)        

 Dans le tohu-bohu des rêves




Ce premier dimanche de janvier 2013, par un phénomène extraordinaire, une tempête titanique, un déferlement de précipitations diluviennes, l’eau est montée d’un seul coup, sans prévenir, envahissant tous les quartiers de Toulouse, ne laissant qu’un seul petit rocher apparent du côté de l’avenue des Minimes, exactement au théâtre des Minimes.

Nous vîmes  alors passer des sardines, des requins, des cachalots aussi perdus que nous. Nous les regardâmes passer…

Un bout d’océan venait de se fracasser d’un coup d’un seul sur nos têtes et sur nos pieds.

 

lisa boudet-valette 1

 

 

 

lisa boudet-valette 3




lisa boudet-valette 4

 

 

Un brave marin, l‘intrépide cap’taine Relou des Mers était là, heureusement. Il nous a tendu la main qui nous servit de ponton de fortune. « Cramponnez-vous, courage, brave gens» qu’il disait et nous nous laissâmes glisser dans cette pièce comme un banc de poisson dans le ventre de la baleine.  Nous l’avions saisie et nous nous laissâmes partir dans son histoire et dans son rafiot.

lisa boudet-valette 5Nous avons quitté les Minimes au-dessus des arbres et des immeubles inondés et nous avons rejoint la pleine mer à bord de son  vieux rafiot,  loin des carnages, des grondements qui régnaient en ville et qui frappaient durement le sabord. Nos haleines fatiguées haletaient par à coup quand notre ami voulut nous conter l’histoire de la sirène accompagnée par son fidèle crabe. « Serrez vos écrous, nous partons ! » qu’il disait…et nous partîmes.

Il tendit la toile, bleue et grandiose. Et il nous demanda de nous imaginer sur un trois-mâts au plein milieu de la mer. Pour imaginer être en pleine mer, ce n’était pas compliqué. Nous y étions ! Nos yeux humides par les embruns étaient prêts, rougis et gonflés ; ils attendaient les émotions qui n’allaient pas tarder à nous submerger.

Nous étions tous encapuchonnés et grelotants. Capt’aine Relou des Mers a su nous réchauffer par ses mots pendant que nous nous enfoncions un peu plus vers les grandes et profondes eaux. Cœurs contre cœurs, enchaînés à la carapace du navire plus qu’à nos seuls corps, nous partîmes à l’aventure des hautes mers, pendant que, lui, seul et triomphant, restait le seul maître à bord.

Nous attendîmes longtemps. Mais le plaisir n’est-il pas dans l’attente. Et l’histoire arriva plus belle encore. Avec un fracas plus fort qu’une baleinière accostant sa proie, plus profond qu’une ancre cherchant à capturer le fond de l’océan.

 

les p'tites grillées 2

 

les p'tites grilléesEt nous étions là, hagards. Il nous demandait de faire le vent et les mouettes. Et nous hurlions dans le vent et nous criions comme des mouettes. Nous partîmes dans le temps et nous nous retrouvâmes trois mois plus tôt dans l’abîme. Pendant que le vieux navire craquait de toutes parts, nous nous trouvâmes soudain sur un autre rocher. Avec à son milieu, une magnifique sirène. Des éclairs dans les yeux, nous restions bouche bée. Elle voulait faire un brin de causette. C’est certain !

Mais une malédiction l’avait frappée. Superbe et pourtant si triste et malheureuse. Ne sachant pas chanter, toutes les espèces de la création maritime avaient fui. Elle ne connut  jamais l’alcôve nuptiale et les tendres ébats. Elle n’avait jamais eût de pouvoir sur les cœurs et devait rester seule sur son rocher jusqu’à la fin des temps, avec seulement un petit crabe. Douze générations de crabes y étaient passées !!!!

Et elle en a connu du monde pendant tout ce temps, des trempes de vrais marins, de Jack Sparrow, Bob l’éponge, le commandant Cousteau… Des hommes, des vrais, des durs, des tatoués  sont passés davant son caillou. Pas un ne s’est arrêté. Notre innocente sirène restait définitivement abandonnée par le monde dans cette sombre et triste solitude.

les p'tites grillées 5Mais son rocher lui aussi s’enfonçait,  envahi qu’il était par les eaux, à cause de ce bien connu réchauffement climatique.

La sirène, ni une, ni deux se retrouva à l’eau.
Epuisée, elle n’avait plus qu’à se laisser porter par les flots où elle fut enfin prise par les filets de notre vieux loup de mer : le cap’taine Relou des mers.

La boucle, ou le noeud, non ça porte malheur ! était bouclée.
Mais l’histoire ne faisait que commencer…

Jacky Lavauzelle

les p'tites grillées 3

Henry BERNSTEIN : JUDITH ou LA SOURDE MUSIQUE DE L’ÂME

Henry BERNSTEIN
JUDITH
(1922 – Théâtre du Gymnase)

 Henry Bernstein ou la sourde musique de l'âme tab de GENTILESCHI Artemisia

  Le Monologue
d’une âme
tourmentée



 En 1922, en ce début d’année, le bourreau coupe la tête de Landru. Les spectateurs de la nouvelle pièce de Bernstein, montée au Théâtre du Gymnase, quelques mois plus tard, la même année, devait avoir l’image du Barbe-Bleue de Gambais en tête, en regardant une autre tête tomber des mains de la belle Judith, d’un Barbe-Bleue de Béthulie, le général Holopherne.

Giulia Lama Judith et Holoferne

QUAND EROS REJOINT THANATOS

Dans les crimes de Landru, la mort s’associait à l’intérêt. « Oui, je pleure mes fautes, je me repens… j’ai des remords… je pleure parce que je pense qu’avec tout le scandale fait autour de mon nom, on a appris à ma pauvre femme que je l’avais trompée». Dans Judith, la mort s’associe à l’amour, l’Eros à Thanatos, ce qui unit avec ce qui sépare. Judith est déchirée, entre son devoir et sa passion.

Les âmes parleront, s’affronteront, s’aimeront et se tueront. Les âmes s’envoleront vers la gloire ou vers l’oubli. Vous irez enfin, dans un orage apocalyptique, jusqu’à l’évanouissement des âmes…

TU ES ETRANGERE A L’AMOUR

Notre Judith recherche et la gloire et l’amour. Mais ne sait ni comment atteindre l’absolu de la lumière éternelle, ni s’oublier dans le frisson et les bras de son amant. Holopherne, son ennemi, l’a bien compris : «  Tu es étrangère à l’amour, Judith, mais l’idée de l’amour te torture ! Tu en formes dans ta tête mille images somptueuses, absurdes. Tu épies l’amour des autres et tu le railles férocement. Puis, te tournant vers ta beauté, ô stérile, tu invoques avec désespoir l’amour ! » (Holopherne, Acte II, tab. II, sc V).

FRAPPE FORT…MAIS FRAPPE LE PREMIER !

Le colosse devient la fragilité personnifiée et rend notre Judith presqu’inhumaine. Elle donne de l’humanité à la férocité bestiale du guerrier. Le colosse devient rosée. La montagne se remplit de fleurs. Holopherne lui offre tout, à ses côtés, la gloire, l’amour, sa vie, sa mort. Son amour est bien trop vaste, trop grand. La montagne se fragilise, se fend et s’envole, en s’émiettant au souffle de la belle : « Je t’aime sans illusions, c’est-à-dire sans bornes. Ah ! Que ne t’ai-je supprimée le premier jour ! ‘Frappe fort si tu peux, mais frappe le premier ! » (Holopherne, Acte II, Tab. II, sc V).

France Ellys (Ada) JUDITH La Pte Illustration 124

 

 

 

 

QU’AI-JE FAIT PAR LE SABRE ?

Mais accepter la vie avec Holopherne, c’est s’unir, c’est se fondre avec l’autre, et donc ne plus exister comme symbole et gloire de son pays. Unir les contraires, pour cette âme dévastée, relève de l’impossible. La vie n’est que par l’autre, dans l’autre. Il faut pénétrer l’autre dans son âme et son corps. Seul le couteau pénétrera la chair. Il faut désunir ce qui peut l’être, même et surtout quand le doute l’assaille. « Toute peine est supportable, auprès de mon effroi, auprès de mon incertitude. (De terribles pensées) Qu’ai-je fait par le sabre ? Par le sabre, ne me suis-je pas retranchée du bonheur ?…N’ai-je pas fermé la seule bouche, chassé l’unique chaleur, assassiné la caresse, le souffle ? » (Acte III, sc. 2)

Judith décapitant Holopherne, par le Caravage
ELLE EST AU CENTRE DU FRACAS

Le Ciel, lui-même, ne s’y trompe pas, lors de la montée de Judith dans la montagne afin de retrouver la tête tranchée d’Holopherne, en envoyant des éclairs dans la nuit. Plus elle se rapproche de son ex-amant, plus la pluie devient torrentielle. La foudre finira par ponctuer chaque phrase de Judith. La foudre…la foudre… et même en repartant, les éléments déchaînés ne lâchent rien : «  les éléments la poursuivent, l’enveloppent. Elle est au centre du fracas. Le tonnerre emplit la vallée. » (Acte III, sc. 4) Judith est célèbre, célébrée mais seule, à jamais. Ce n’est plus une humaine, mais une icône. Elle n’appartient plus à Holopherne, encore moins à Saaph…Elle ne s’appartient même plus.

Gabrio (Sisarioch) JUDITH La Petite Illustration 124

ON MEURT DE SOIF A TON CÔTE !

L’élément de passion que semblait porterJudith n’est qu’un élément mort, abattu. La vie est en Holopherne. Il est la passion véritable. Il est acteur de son destin. « Tu es l’arbre calciné, tu es la citerne pleine de sable ! On meurt de soif à ton côté. » (Holopherne, Acte II, Tab. II, sc. V).

Henri Rollan (Saaph) JUDITH La Petite Illustration 124

 

 

 

 

 

CONTRACTE TON ÂME !

L’amour inatteignable laisse la voie à la gloire. L’âme de Judith est ailleurs, dans un au-delà, dans l’Histoire. Il faut revenir sur terre, revenir à Béthulie et rentrer dans la tente. L’âme doit devenir humaine, enfin… « Contracte ton âme pour m’écouter ! Judith, tu as besoin de la gloire. Tu ne la chéris pas, quoi que tu t’imagines, tu en as besoin ! Ma Judith, tu ne trouveras l’étreinte que dans cet élan de la multitude vers toi, dans l’encerclement de toi par tous. Oh ! Rien ne te consolera du baiser…Que veux-tu ! Chacun de nous se heurte aux limites de son être, chacun porte le désespoir de n’être que soi. » (Holopherne, Acte II, tab. II, sc V).

Avant de reprendre la trame de la pièce, quelques, quatre, chiffres importants dans la Judith de Bernstein : un, deux, trois et cinq.

UN DIEU QUI PULLULE

Jacques Grétillat (Holopherne) Judith La Petite Illustration n124

Le Un, comme le personnage centrale de la pièce Judith, le commencement et la fin. Judith est le Tout de l’histoire, la première comme la dernière réplique. Il est la somme des combats intérieurs. La seule qui peut sauver sa ville, mais aussi tout son pays. Elle est ce qui entraîne. Elle est l’action. C’est l’Aleph (א), la première lettre de l’alphabet qui correspond au premier chiffre, celui qui règne sur la volonté et les esprits. C’est aussi  le Un du Dieu unique face au polythéisme des assyriens, où le dieu « pullule…il se promène par les rues, il se cache dans la plus humble bourgade » (Acte II, tab II, sc. V) .

Le Deux, comme la confrontation de deux mondes, celui de Judith et celui d’Holopherne, entre l’esprit et la bestialité, entre la fixité de Béthulie, vissée sur son rocher, «j’ai vécu sur le rocher de Béthulie. Je suis attachée à ma terre natale » (Acte II, Tab. II, sc V)  et la mobilité des troupes de Nabuchodonosor, comme la séparation de l’esprit et du corps avec la décapitation d’Holopherne, comme la dualité entre le désir de la chair et la volonté de gloire. Et de cette confrontation naîtra la légende, mais avant la gloire, l’action. Ce sont les forces contraires qui engendreront le mouvement. Contraires, mais indissociables. Judith n’existe que par Holopherne.

Le Trois, une pièce en trois actes ; c’est la manifestation de la création. Mais dans ce trois se mélangent les tableaux de manières irrégulières et inégales. Le Cinq domine le Trois. Le Trois apparaît dans la pièce de manière formelle. La seule scène VII du premier tableau de l’Acte II est deux fois plus longue que l’Acte III. La création a manifestement besoin d’équilibre. Le Cinq, comme les cinq tableaux qui ponctuent et alimentent l’action ou cinq comme les cinq jours que demande Judith à Holopherne avant de prendre sa décision finale.

JUDITH Décor de Béthulie par M Soudeïkine

L’absence du Quatre n’est pas neutre. Il est la stabilité et le lien entre le spirituel et le matériel. Pas de paix possible dans ce chaos des corps mais de la douleur et des larmes. La stabilité ne se trouve ici que dans la mort. Et encore…

UN STYLE TISSE DE METAPHORE

La « sourde musique » de l’âme vient de l’article de Lucien Dubech parut dans L’Action Française où celui-ci, en parlant de la Judith d’Henry Bernstein dit : « le style de Judith est tout tissé de métaphore. On pourrait contester parfois leur propriété. Mais parfois aussi elles sont d’une vraie beauté sensuelle…Ces sourdes musiques rappellent les chants de flûte et les frissons de soie dont parlait Heredia. Judith en est toute pleine, comme un jardin d’Orient chargé de lourdes roses. Et, de tout temps, nos âmes d’Occidentaux ont redouté la séduction de l’exaltation intellectuelle parmi ces parfums, ces musiques, ces splendeurs enivrantes. » (Le Petit Illustration, N°124 du 9 décembre 1922)

QUELLE ÂME ETRANGE !

Le « monologue d’une âme tourmentée », vient, lui de l’article de M.G. de Pawlowski, dans Le Journal en parlant de «l’homme (Henry Bernstein) qui, durant les sept tableaux d’un spectacle presque en continu, sut empoigner toute une salle par le simple monologue d’une âme en délire. » Mais Judith n’est jamais dans le délire. Mais plutôt dans l’affection, le tourment. Holopherne, lui-même, le voit bien dans la scène IV du second tableau de l’Acte II : « C’est un être tourmenté…tourmenté et merveilleux ! Elle embellit les heures de sa présence…Quelle âme étrange ! »

Le sujet de la pièce est simple, en trois actes. Le premier, « la prière », se situe dans l’oratoire de Judith (jouée par Madame Simone) dans la ville assiégée de Béthulie par les fantassins et les cavaliers d’Holopherne (joué par Jacques Grétillat en 1922), général en chef du grand Nabuchodonosor II. L’acte II, « L’île des Bienheureux », se situe dans le camp assyrien, sous la tente d’Holopherne et se terminera par sa décapitation. Le dernier acte, « le désir », le plus court, entre les remparts de Béthulie, la maison de Judith et la montagne, sera la glorification de l’acte de Judith, plongée dans l’incertitude et le doute, noircie par la mort de Saaph, « homme d’aimable apparence, au visage fin et sensible », jeune guerrier éperdument amoureux de Judith.

A la différence du récit biblique, notre Judith va tomber éperdument amoureuse de notre tortionnaire. Une sorte de syndrome de Stockholm. Son destin est de tuer l’ennemi. Les tourments de l’âme ajoutent à l’action des prises de consciences et des ressentiments. Les deux hommes amoureux de Judith trouveront la mort, ne laissant que la gloire sur sa route.

NOTRE CHANT VAUDRA BIEN UNE PRIERE

La Chambre d'Holopherne JUDITH

Le tout premier acte, celui du recueillement et de l’attente, met en scène la ville inquiète, assiégée, prête à se rendre aux assyriens. L’eau manque et il ne reste que les larmes et la prière. « Je vous accompagnerai sur la harpe. Notre chant vaudra bien une prière » (Abigaïl, Acte I, sc 1). Judith reçoit quatre personnes, une dans chacune des premières scènes.

N’ABIMEZ PAS CES BEAUX YEUX !

A la première correspond l’entrée en scène d’Abigaïl (jouée par Paulette Noizeux lors de la première). C’est le monde des arts, la poétesse, « une femme plus élégamment vêtue que Judith ». C’est l’émotion contre la raison de Judith. Elle n’analyse pas, elle ressent. « Il est si majestueux, si poétique ! …je ne possède pas votre puissant cerveau…Ma tête est trop petite pour contenir le malheur immense que vous prévoyez…Adieu, ma chérie. N’abimez pas ces beaux yeux ! » .

 

Judith Ecole de Guido Reni 1575 1642

FAIRE LA FEMELLE ? JE NE SAURAIS PAS !

La seconde scène voit l’entrée d’Ada (jouée par France Ellys), au ordre de Judith sa maîtresse, fille d’esclave mais affranchie, et par une scène d’explication violente. Elle a reçu la visite d’un homme. Elle nie cette visite. Elle finit par reconnaître la vérité et évite le châtiment. « Je pense que tu as répondu avec sincérité…et j’ai pris en compassion ton triste sort. » Judith cherche avant tout à savoir ce que recherche Ada et ce qu’elle ressent, elle veut connaître les raisons de l’amour, ce qui constitue et fonde l’acte amoureux : « tu l’as aimé charnellement ? …Pour la joie de tes sens ?…J’exige des souvenirs…de vrais souvenirs…dépouillés de tout ce qu’y attachent le rêve et le regret. As-tu connu la volupté dans les bras de cet homme ? …Mais quelle force t’y a jetée antre ses bras ? Pourquoi t’es-tu prêtée avec celui-ci au geste que tu abhorrais ? Qu’est-ce qui t’a fait aimer Melchias ?…Parle ! …Il était si beau ? …Qu’a-t-il dit ? » Judith a prévu que si la ville se rendait, elle se donnerait la mort. Elle refuse cette hypothèse. La mort plutôt que le déshonneur : « justement ma pauvre Ada, moi, je ne suis pas sortie d’une esclave ! Faire la femelle ? Mais je ne saurais pas. Tiens, j’ai choisi la lame qui me préservera de ces hommages ! »  Mais déjà les pas de Saaph résonne, et les propos sur l’amour ont échauffé les sens de la belle Judith, « oui, vraiment, il n’est pas mal ! Tu le penses aussi ?…Je crois que tu m’as rendue un peu folle, toi, avec tes récits de la montagne…Laisse-moi…Laisse-moi avec le beau Saaph. »

TOUT NOUVEAU PARTAGE FAIT BOUILLONNER ATROCEMENT

Judith tenant la tête d’Holopherne, Cristofano Allori, 1613 (Royal Collection, Londres)

Dans la troisième, la beauté, la jeunesse, la fraicheur, la vigueur, l’envie se retrouvent en Saaph (joué par Henri Rollan), le guerrier valeureux. Il annonce son souhait de tuer de ses mains le général Holopherne. Sans lui, son armée, composée de plusieurs peuples, et ses généraux se diviseront. « En chacun de ceux-là est une ferveur folle, que tout nouveau partage fait bouillonner atrocement. » Le volcan est à deux doigts de se réveiller. Saaph veut mettre l’étincelle et profiter d’un interrogatoire par le général lui-même afin de lui porter un coup fatal.

BETHULIE REMISE AUX ASSYRIENS ?

A la quatrième scène, c’est la sagesse et la noblesse d’esprit qui parle dans la bouche de Charmi (joué par Numès), « un homme fort vieux…très grand, d’allure noble et distinguée, avec un beau visage plein d’énergie. Sa barbe est longue et toute blanche. » Les nouvelles sont mauvaises et la foule réclame la reddition de la ville, derrière un certain Ruben, ivre de revanche et de gloire, « l’approche du malheur l’a toujours enivré, inspiré ». Mais la chose est simple, la ville, fragilisée, ne tiendra plus longtemps, ils le savent car « la fontaine d’Enoch a été empoisonnée… ». Il faut donc utiliser un stratagème et gagner du temps, dans l’espoir d’une « délivrance miraculeuse ». « Mais si, les cinq jours étant écoulés, il ne nous est point venu de secours, je comprendrai que Dieu, dans sa colère, nous destine le châtiment suprême, et, en marque d’humilité, la ville de Béthulie sera remise aux Assyriens ? »

TU REPANDS LA TERREUR AVEC UNE ÂME RIDICULE !

Madame Simone (JUDITH) Photo G L Manuel Frères

A la cinquième scène, Judith, de sa terrasse, s’adresse à Holopherne. La « pauvre petite Béthulie » devant les crocs acérés de la bête assyrienne ;  «  je vois d’ici ta vulgarité. Tu convoites des choses. Tu répands la terreur, tu ensanglantes le monde, avec une âme ridicule ! Il est très cruel…Le camp lui-même a l’air d’une bête indolente couchée sur le côté…Pauvre petite Béthulie ramassée sous sa carapace rose. Je suis Yaoudith et j’ai du génie ! J’ai du génie, j’ai du génie ! …Ada, vite, vite, vite ! …Ada…Suis-je belle ? »

Saaph qui arrive dans la sixième scène annonce directement son pardon puis son amour pour Judith, « amie, chérie ». Le temps est compté. « Pourquoi ne m’as-tu pas dit plutôt que tu m’aimais ? » Mais Judith, cartes sur table, prévient que s’il persévère dans son souhait de tuer lui-même Holopherne, elle se tuera. « – Je le jure par… – Non ! – Jures-tu, par le Nom, qu’avant cinq jours entiers tu ne franchiras pas le rempart de Béthulie ?… – Je le jure sur Iahvé !»

J’ECHAPPE A LA MORT DU RAT !

J’ECHAPPE AU DRAME DE L’OUBLI !

La scène VII, Judith se dit prête pour sa mission, même si elle n’avait pas prévu  « que l’enjeu monterait si haut ! » Mais elle donne aussi le vrai sens de son opération kamikaze : « j’échappe à la mort du rat ! J’échappe au drame de l’oubli ! »

Madame Simone dans Judith La Pte Illustration n124

JE VEUX LA GLOIRE.
TU COMPRENDS ?

La dernière scène du premier acte. Judith retrouve la dévouée Ada. Elle a besoin d’elle pour se calmer. « Le tumulte de mon âme m’épouvante. Ta prière vigoureuse et naïve portera ma prière. » Et elle répète l’injonction de la scène précédente : « Je veux la gloire. Tu comprends ? La gloire…La gloire…Prions l’Eternel ! »

L’acte II se passe intégralement dans le camp assyrien, et commence dans la salle du conseil. Tout le gotha des généraux et des personnages importants est rassemblé autour d’Holopherne : Vagaoo (joué par Alcover), le chef des eunuques et proche d’Holopherne, Berose (joué par Montclair), « un homme d’administration qui ne porte pas l’uniforme », et des généraux Astoubar (joué par Jean Dulac), Hasphenor (joué par Louis Rouyer), Sisarioch (joué par Gabrio) et Issarakin (joué par Clarins).

Cet acte est lui-même découpé en trois tableaux. Le premier représente la salle du Conseil d’Holopherne. Le second, une pièce à côté de la chambre d’Holopherne. Et le troisième et dernier tableau, la chambre elle-même. Nous rentrerons petit à petit dans l’intimité du chef des armées assyriennes. Jusqu’à l’intimité de la chair avec la pénétration du cimeterre dans sa gorge.

Judith et Ada sont au milieu de ces hommes dans cette salle où trône le portrait de Nabuchodonosor, le roi de Babylone. Judith a déjà fait don de sa vie. Son stratagème n’est pas sûr de réussir. D’où le nom donné à cet acte : « L’île des Bienheureux », appelé aussi île Fortunée, qui fait référence à ce lieu des Enfers où les âmes vertueuses, comme Achille, Médée ou Pénélope, se reposent. Les deux femmes se retrouvent au cœur de l’Enfer, entourées de leurs plus grands ennemis.

 

Mme Simone & Jacques Grétillat JUDITH La Petite Illustration 124

LA MAMELLE NI LA FESSE NE PARAISSENT AVACHIES !

Dans la première scène de ce premier tableau, Judith, transfuge, fait allégeance aux assyriens et essaie de les convaincre du bien-fondé de sa démarche. Elle explique sa désertion par une révélation divine : « L’éternel Sabaoth s’est penché à mon oreille et il a commandé : ‘Va vers le prince des Victoires, car je l’ai choisi pour être le Ministre de ma furerur. Instruis-le de toutes les choses secrètes et qu’il fasse éclater sur la nation perdue d’ingratitude mes terribles merveilles !’ Telle est la parole du Dieu vivant. » Mais les généraux moins bouleversés par les propos et l’intelligence de Judith que par son extrême beauté : « Quel visage !…En elle s’unissent l’élégance et la majesté !… » Sisarioch et Hasphénor, sont, eux,  intéressés par Ada, dans des termes plus triviaux, comme s’il s’agissait d’une vente de bestiaux : « Fais quelques pas ! Oui, marche ! …La mamelle ni la fesse ne paraissent avachies ! …Et ces dents brillantes entre les fortes lèvres rouges et roulées !…La bougresse se vendrait son prix sur le marché de Babylone !… » Et la scène continue avec des hommes surchauffés et excités, entre propos sur le plaisir, et comparaison de cicatrices.

MON OREILLE SE REFERME !

Judith et Ada sortent dans la seconde scène et laissent les hommes entre eux. Holopherne souhaite connaître les impressions de ses généraux et collaborateurs. Où se trouve la vérité ? Astoubar propose une petite séance de torture, afin « d’en tirer quelque chose de plus ! ». Les autres réagissent promptement : « –Mutiler cette merveille ! – Vieux sépulcre ! » Mais ils se disputent encore afin de connaître les butins et les répartitions à venir. Holopherne clôt la discussion : «  Au nom de Nabuchodonosor, votre roi, roi du Ninoud, Maître du Monde, je parle. Mon oreille s’est refermée. Vive Nabuchodonosor, roi de la Terre ! »

C’EST UNE FEMME CELLE-LA !

Mme Simone (Judith) & Jacques Grétillat (Holopherne) JUDITH La Petite Illustration 124

Dans la troisième scène, Holopherne ne peut attendre et livre à Vagaoo son impression première : « Elle doit être tendre et perverse… C’est une femme celle-là !…Une femme ! La première que mes yeux contemplent depuis les jours divins ! … Du parfum, encore ! … Judith…» L’animal est affamé. Il a déjà mordu à l’hameçon.

La quatrième scène le sort de sa torpeur et de ses rêves. L’image de Judith s’évanouit un instant afin d’écouter les supplications et les jalousies du noble Hasphénor. Holopherne écoute mais ne goûte pas le discours, ses oreilles se referment.

LA PEUR EST EN TOI

La cinquième scène reprend vite sur les douces fragrances de Judith et Holopherne s’inquiète à nouveau de la belle : « Les parfums ! Qu’a-t-on servi à Judith ? Un faisan rôti et du vin de myrte ? »  Holopherne parle de propos contre le roi. Une menace qui suivra les longues routes du royaume. La peur est toujours présente. « Tu t’imagines habiter au centre de la peur, comme un palmier se dresse dans le désert. Quelques gouttes entre mes lèvres !…Tu te trompes : la peur est en toi, comme elle est dans tout ce qui respire. Notre ennemi a peur, castrat ! »

TU M’AS PRIS PAR LES YEUX ET DEJA JE NE TE VOIS PLUS !

Judith retrouve Holopherne dans la septième scène. La belle et la bête. « Sur l’immense divan, Holopherne se jette à plat ventre, guettant l’entrée de Judith. Elle entre. Elle est vêtue magnifiquement…Elle aperçoit cette panthère. Elle a un frémissement presque imperceptible. Holopherne se lève ; en silence, il va vers Judith et, tournant autour d’elle, il la flaire. » Les propos s’enflamment vite : « Je vous adore, Judith…Je t’adore, je t’aime ! Tu m’as enveloppé, comme le nuage s’empare des cimes. Je suis aveugle … Tu m’as pris par les yeux et déjà je ne te vois plus ! » Eh oui, l’amour rend aveugle …

BETHULIE, PAS UN DE TES MÂLES N’ECHAPPERA !

Judith y gagne en proximité. Holopherne accepte de faire dresser pour sa belle une tente à côté de la sienne, « une haute tente écarlate. Tu la tendras de voile de pourpre et d’argent, et d’autres voiles brodés au fil d’Egypte ! Il faut en accrocher partout…à profusion.» Judith lui demande cinq jours afin de savoir si elle l’aime réellement. Cinq jours ! Si Holopherne s’étonne de cette précision, il est heureux de constater que l’expiration de cette période tombe « le même jour que Zakmoukou…l’orgie sacrée ! La fête de la fécondité …La fête d’Oupa-Napichtim l’Eloigné et de son épouse !…Il habite l’île des Bienheureux…Pour l’atteindre, il faut traverser les Eaux de la Mort ! » Holopherne sait que Judith est amoureuse d’un homme de Béthulie. Il s’en offusque. « Béthulie, vilain nid de corbeaux, pas un de tes mâles n’échappera ! » Judith avoue avoir aimé, une fois, son mari, Manassé. Pour Holopherne, « il n’est que l’amour sur cette terre…Les amants touchent à la seule éternité qui soit, par la chaîne sans fin des baisers ! ». Pour Judith, « la gloire est plus belle que l’amour ! …La gloire défie la mort ! »

VOUS ÊTES LUISANTE DE RUSE ET DE TROMPERIE !

Cette longue scène passe de l’amour fou aux raisons de l’amour, à sa puissance et à sa force. Pour arriver au doute et au stratagème : « Vous mentez ! C’est l’évidence ! Vous êtes toute luisante de ruse et de tromperie ! » Judith affirme qu’elle est sincère, qu’Holopherne interroge les gens de son pays, elle est reconnue pour ses chants, ses poèmes et ses cantiques. Si elle refuse de chanter devant lui, c’est pour mieux lui réserver la primeur d’un chant et d’un cantique : «  je vous promets de chanter pour vous. Et d’une voix que l’on ne m’a pas entendue ! Je vous promets aussi, si Dieu le veut, de composer un cantique…à la louange de l’Eternel ! Mais chaque strophe ramènera votre nom et, si ce n’est pas votre nom, vos gestes…et, à défaut de gestes, votre visage. »

de g à d Vagaoo (Alcover) Holopherne (Jacques Grétillat) Judith (Mme Simone) Ada (France Ellys) La Pte Illustration

TU ES VENUE DANS LE CAMP POUR TUER HOLOPHERNE !

Holopherne entrevoie le futur et certains projets, mais Judith ne le suit pas. Il s’en offusque : « Vous m’écoutez avec vos oreilles, mais non avec vos yeux !…Ton regard refuse de se joindre au mien pour voir ce qui sera, pour s’éblouir de la même vision ! Tu ne veux pas ou tu ne peux pas…me suivre ! Quand j’essaie de fuir avec toi dans le futur, mes paroles reviennent frapper mes oreilles comme des balles lancées contre un mur ! »

Holopherne, en chantant et riant, a lu les intentions de Judith : « Tu es venue dans le camp pour tuer Holopherne ! » Elle tente de l’apitoyer quand elle découvre qu’elle va être torturée.

DES CARESSES ET DES ETREINTES !
ELLE DOIT S’ETEINDRE SOUS LA VOLUPTE !

Holopherne ne reviendra sur la torture qu’à la scène suivante. «- Pas de torture ! …J’y avais pensé…mais non ! C’est une passionnée. Je veux lui ménager une mort convenable à sa brûlante nature. Je veux qu’elle pense en mourant au bien-aimé qui languit sur son rocher. Tu vas prendre dans ma garde de très beaux hommes…d’autres aussi ! J’assisterai à leurs ébats…Mais recommande à mes braves l’extrême galanterie ! Gare à celui qui frapperait. Des caresses et des étreintes ! Elle doit s’éteindre sous la volupté. Va préparer la fête !  – La fête ! La fête d’amour !»

LE MEURTRE N’EST PLUS DANS TES YEUX !

Dans la dernière scène de ce premier tableau, Holopherne veut libérer Judith afin qu’elle rentre dans sa ville. Les yeux, au moment de le quitter, lorsqu’elle tourne la tête, font changer l’opinion Holopherne. « Viens ! Viens ici ! Le meurtre n’est plus dans tes yeux…Mais tes yeux sont pleins de douleur !…Mais tu restes ? » Judith accepte.

J’AIME L’ODEUR DE LA FEMME !

Les cinq jours sont écoulés quand nous passons au tableau suivant. C’est la fameuse nuit du Zakmoukou et la grande fête orgiaque, « la fête de l’Assouvissement »  de nos assyriens. « Tout l’immense camp titube dans une seule ivresse ».  « On entend une musique dissonante et parfois des chants psalmodiés…passent des ombres petites et démesurément grandes : des hommes, des femmes – l’ivresse, le désir. » Arrive Sisarioch, enivré, qui « aime l’odeur de la femme… pourchasse les filles de cuisine » et veut trainer Ada dans son lit. Mais arrive Holopherne et Sisarioch s’éclipse. Ada est aux anges, « n’êtes-vous pas émue, maîtresse ?…Il souffre. Il vous adore…Il a conquis l’univers ». Judith lui demande de reprendre ses esprits.

IL A LE COEUR D’UN HEROS

Ada et Judith discutent sur la beauté d’Holopherne, grand et majestueux. Ada confirme que toutes les femmes sont folles de lui, « Maîtresse, la nuit, j’entends les femmes crier en rêve le nom du Splendide. » En plus de la beauté, il « est généreux ! Il a le cœur d’un héros. »

Dans la scène IV, Holopherne interroge l’eunuque Vagaoo, rendu ivre par les généraux. « Elle ne m’aime pas ? Dis ! » En tout cas, Holopherne est amoureux et Vagaoo, enivré, ose se moquer de lui, « la bonne lamentation ! » Mais quand il sort son cimeterre, il préfère prendre la poudre d’escampette.

TUE-MOI ! JE VEUX ÊTRE L’HOMME DE TA VIE !

A l’entrée de Judith, Holopherne déclame d’emblée haut et fort son amour : « Je t’aime…Je suis triste, ma Judith, et je t’adore !Je veux ton souffle ! Si ! Donne-moi le feu de ton haleine !»  Judith lui reproche son empressement et sa convoitise. Elle lui fait la leçon, « le désir est beau, merveilleusement beau, mais s’il ne règne pas en maître brutal…s’il est craintif, pudique, dominé par le cœur. » Il se donne à elle en lui donnant sa vie. « Tue-moi ! Tue-moi ! Je veux être l’homme de ta vie ! Toute colère m’a laissé… » Il lui reproche sa sécheresse de cœur. Il sait que tout est perdu. Il n’y a plus qu’à se donner totalement. Il se livre et il attend son bourreau. Il lui donne la méthode et aussi lui explique comment opérer sa fuite. Sur la gorge d’Holopherne, la bouche de Judith redevient humaine. Elle chancelle : « Tu es beau ! Mes yeux te voient mon Holopherne. Tu es beau !…Ne détourne pas tes beaux yeux méchants. Qu’ils sont beaux, mon grand barbare !Possède-moi ! Je suis ta barque !…Prends ta proie dans le noir. Et ce n’est plus Yaoudith, tu entends ! Je suis une femme…une femme…une femme… » Et le second tableau de cet acte se termine sur cette union et sur la voix de Judith qui s’étouffe peu à peu.

HOLOPHERNE DECHIRE LE COEUR DE LA FEMME…IL « AIME »

Le troisième tableau va jusqu’à la mort d’Holopherne. Vagaoo se livre à Judith, il a tout entendu. Il est étonné du caractère et de la fragilité de notre généralissime. « La bête qui dort là, je la croyais plus implacable que la maladie. Et pas du tout ! Holopherne déchire le cœur de la femme, il boit ses larmes et sa jeunesse, mais il se torture avec elle. Il ‘aime’ »

J’AI ENFANTE MON DESTIN

La cinquième scène, Judith rejoint sa destinée en tuant Holopherne, en pleine détresse. En plein sommeil, il rêve. « Soudain l’assassinat ». Dans des murmures et des souffles, le général se meurt. Il faut maintenant fuir avec la fidèle Ada. Après le doute, la gloire. Le triomphe apparaît totalement dans la scène VII : « louange à toi, Dieu de mon père, Siméon ! Par le fer, j’ai brisé les cerceaux de fer, celui de la Tentation et celui du Doute !…Le jour qui se lève est le premier de mes jours ! J’ai enfanté mon destin. La joie de mon cœur bouillonne et déborde…Mais je saurai me contenir… »

Et l’acte finit dans la joie et les rires de Vagaoo qui regarde Judith et Ada s’éloigner.

ADIEU, MON AMANT,
QU’AGITE ENCORE UNE FOIS LA TEMPÊTE !
ET PLEURER JUSQU’A L’EVANOUISSEMENT DES ÂMES …

Le dernier acte commence par le glorieux retour de Judith et la complète défaite de l’armée assyrienne. Dans la seconde scène, Saaph devant la pâleur découvre le changement opéré dans le cœur de Judith. Le beau Saaph, impuissant devant la détermination de retrouver les restes d’Holopherne se donne la mort. « Je meurs pour tout ce que j’ai chéri. Ne te désole pas ! En me frappant à mort, je n’ai fait qu’obéir au plus enivrant appel. » (Acte III, sc. 3) Saaph est un homme avant tout, brûlé par le destin de Judith. « J’ai soif » dira-t-il asséché par le feu que porte encore Judith en elle. Mais Saaph a gagné le renoncement de Judith. Il lui ouvre les yeux par son trépas. Même s’il ne restait que quelques mètres. « Ah ! Son geste a décidé de moi. Je renonce à votre lumière, face, là-bas, dans le vent ! …Adieu, mon amant, qu’agite encore une fois la tempête ! Vos lèvres de glace garderont mon secret. Je reste auprès de toi, frère chéri, pour prier et pleurer jusqu’à l’évanouissement de nos âmes. Nous finirons ensemble. » (Acte III, sc. 3)

En 1922, Henry Bernstein présente sa Judith au Théâtre du Gymnase, aujourd’hui théâtre du Gymnase Marie Belle, dirigé par Jacques Bertin. Il en deviendra le directeur jusqu’à l’entrée en guerre avec l’Allemagne et son départ vers les Etats-Unis. Le premier rôle, Judith, a été attribué à Madame Simone, née Pauline Benda. Voilà ce qu’en dit le critique Gaston Sorbets, dans le n°124 de La Petite Illustration : « Dans l’esprit de l’auteur, l’interprétation de Judith resta immuablement attribuée à Madame Simone. Il y avait là une sorte de prédestination naturelle. Ces élans impulsifs et cette volonté raisonnée, cette ardeur et cette sécheresse, cette souplesse d’acier que M Henry Bernstein a donnés à sa Judith se trouvent dans le tempérament et dans le talent de sa glorieuse interprète qui tient, sans donner la moindre sensation d’un effort, ce rôle qui eût été écrasant pour tant d’autres. » 

Jacky Lavauzelle