PAYBACK (Helgeland) PETIT GUIDE PRATIQUE DU PASSAGE A L’ACTION

Brian Helgeland

Payback (1999)

 Le Petit guide
pratique du passage
à l’action

Enlevez la mauvaise conscience de vos caboches, le sentiment de faute de vos nuits, éliminez les remords aussi. Nous entrons dans la dimension de l’action.

NE LAISSEZ SORTIR PERSONNE !

Laissez-les à l’entrée. Le moi va s’unifier. L’action va partir sans aucune hésitation. Porter, notre héros, va se rendre insupportable aux autres. Il va devenir leur plus beau cauchemar. Sans honte et sans morale. Refermez  la porte. Ne laissez sortir personne. Porter va passer à la caisse. Le spectacle va commencer.

70.000$ ! PAS PLUS, MAIS PAS MOINS NON PLUS !

Porter hante la ville ;  il marche dans ces rues noires, profondes et si peu lumineuses. Dans ces rues où s’entassent des colis, des poubelles, où les pneus crissent maladivement. Porter traîne le visage dégoulinant de sang, des balles dans la peau, un visage fracassé par les mises à tabac du jour, démembré, christique. Pourtant, il avance. Toujours.  Il est l’homme qui marche vers sa résolution intangible : 70.000$ !

OUBLIONS LA VISION INTELLECTUALISTE

70.000 $ ! Pas 140.000, ni 100.000$.Porter veut son argent. Il va tout mettre en œuvre pour récupérer son argent. Il l’aura. Il casse le cou à la vision intellectualiste qui fait transiter la volonté par le jugement. Il est la volonté pure. Le jugement n’est qu’une aide pour lui afin de brouiller les pistes. Il ne juge pas les autres. Ils n’ont qu’à être sur le bon chemin ; c’est-à-dire pas le sien. Ce qui l’intéresse, c’est son oseille.   

NUL N’EST MECHANT VOLONTAIREMENT ?

Nul n’est méchant volontairement, disait Socrate. Peut-être que Socrate n’avait-il pas regardé les ennemis de Porter dans les yeux. Il y aurait vu de la haine, du sadisme, de la morale pervertie et une société abjecte. Il aurait vu cette volonté de faire souffrir. Je pense que Socrate aurait revu son jugement. Mais il n’a pas connu ces loubards patibulaires. Enfin, je crois…Car Porter ne va pas être vraiment gentil avec ceux qui ne veulent pas lui rendre la monnaie de sa pièce. Mais il est vrai que lui ne cherche pas à faire souffrir inutilement. Ce n’est sûrement pas un méchant.  Il préfère la balle entre les yeux à la torture sadique et sanguinolente. En fait, Socrate avait raison. Porter est son messager.

RIEN NE SERT DE COURIR,
IL FAUT PARTIR A TEMPS !

Il n’y a pas non plus d’impulsion hâtive de sa part. Il ne court jamais. Il attend, se positionne, prend son temps. Tiens, j’ai oublié mon paquet de cigarettes. Ça tombe bien, mon amie est en train de passer un mauvais quart d’heure. Un passage à tabac en règle. Cigarettes, tabac,…Un quart d’heure plus tard, un cadavre gît dans la chambre. Ce n’est pas Porter. Il ramasse le chien en morceaux. Entre bêtes…

L’ATOMISATION DES THESES HORMIQUES

Il ne correspond pas non plus à la thèse hormique de Mc Dougall. Dans le comportement de Porter aucune impulsion aveugle. Bien au contraire. Porter a la vision de son projet, pleine et entière. Sa décision est prise au premier instant quand il sort de ce parking quasi mort. Il ne s’énerve jamais et garde toujours le contrôle de ses émotions. Il prendra même le temps de brouiller les pistes, avec le badge de la police, précédemment dérobé et remis délicatement dans les mains de son ex-compagnon qu’il vient juste de refroidir.

PORTER, L’HOMME QUI MARCHE  !

Pas de routine chez Porter, pas de lassitude. Il est l’homme qui avance, sans peurs et sans reproches. Sa volonté est hors du commun, quasi surhumaine. Elle lui permettre de rendre possible l’impensable. De soulever et de déplacer des montagnes. On lui rit au nez. On ne le prend pas au sérieux. Tous les intéressés ont du mal à se rappeler de ce nom, Porter, de cet homme sans prénom. Lui résiste, seul devant l’incompréhension générale.

DES MORTS POUR LE PRIX D’UN COSTUME !

Les flics ripoux et le syndicat, pardon, l’Organisation, tentaculaire et quasi-abstraite, ne le comprennent pas. Ils ne comprennent pas sa demande. 70.000$, dit l’un des chefs, c’est pas le prix de mon costume !

Les autres, flics ou membres de l’Organisation, sont dans le développement de leurs affaires. Les sommes s’enchaînent et s’accroissent. Les chiffres sont pris dans des vitesses exponentielles, suivant des logiques de développement de leurs business.

Lui, reste sur cette somme, intangiblement. Et il dégomme méthodiquement l’architecture de cette mafia petit à petit jusqu’à la tête. Il refuse cette croissance du nombre incontrôlable. Porter est une sorte de décroissant, ou plutôt une croissance raisonnable et humaine.

QUAND ON A TOUT PERDU

Porter a tout perdu. C’est un homme seul. Un homme qui a presque perdu sa vie. Son tueur l’a laissé choir, agonisant, dans un parking anonyme, plusieurs balles dans le corps. Cette vie s’enfuyait. Il ne lui restait plus rien. Plus de famille, plus d’amis, plus de boulot et même de prénom. Il s’appelle Porter, c’est tout. Il se plonge dans ce monde qui perd ses identités, lui aussi. Les flics n’ont pas de noms. Les membres de notre organisation, sont des membres sans tête. Lui, Porter, le sait encore, toute organisation a une tête, un homme aux commandes. Il la trouvera et décapitera et les flics et l’organisation.

 Porter a pris ses responsabilités. Il a rendu la monnaie et ficeler le cadeau. Tout est propre. Nettoyé. Et encore,  Porter  avance. Ouvrez-lui les portes ! Le spectacle est terminé.

Jacky Lavauzelle