LE DEMON I-2 Демон Poème de Lermontov Михаил Лермонтов

Демон Михаил Лермонтов
LE DEMON LERMONTOV
Poème de Lermontov

1841

русский поэт- Poète Russe
русская литература
Littérature Russe
Михаил Юрьевич Лермонтов
Poésie de Lermontov

стихотворение  – Poésie

 

 

Михаил Юрьевич Лермонтов
Mikhaïl Lermontov

1814-1841

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

 

LA POESIE DE LERMONTOV

Демон
LE DEMON
1841

**

DEMON LERMONTOV
Михаил Лермонтов
ЧАСТЬ I
PREMIERE PARTIE

II

DEMON LERMONTOV

*

Давно отверженный блуждал
Depuis longtemps il errait
В пустыне мира без приюта:
Dans un monde désert sans un seul abri :…

*******

Poème de Lermontov
Михаил Лермонтов

LE DEMON LERMONTOV Демон Лермонтов 1841

Демон
LE DEMON LERMONTOV
Poème de Lermontov

1841

русский поэт- Poète Russe
русская литература
Littérature Russe
Михаил Юрьевич Лермонтов
Poésie de Lermontov

стихотворение  – Poésie

 

 

Михаил Юрьевич Лермонтов
Mikhaïl Lermontov

1814-1841

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

 

LA POESIE DE LERMONTOV

Демон
LE DEMON
1841

**

Le Démon Lermontov

Tamara et le Démon
Тамара и Демон
Constantin Makovski
Константин Маковский
1889

**

LE DEMON LERMONTOV
ЧАСТЬ I
PREMIERE PARTIE

I

Печальный Демон, дух изгнанья,
Un triste démon, l’esprit en exil,
Летал над грешною землёй,
Survolait la terre pécheresse,

**

LE DEMON LERMONTOV
II

Давно отверженный блуждал
Depuis longtemps il errait
В пустыне мира без приюта:
Dans un monde désert sans un seul abri :

*

LE DEMON LERMONTOV
III

И над вершинами Кавказа
Et sur les sommets du Caucase
Изгнанник рая пролетал:
Volait notre exilé du Paradis :

*

LE DEMON LERMONTOV
IV

И перед ним иной картины
Alors, face à lui, l’image
Красы живые расцвели:
d’une vivante et belle nature :

*

LE DEMON LERMONTOV
V

Высокий дом, широкий двор
La majestueuse maison, la grandiose cour
Седой Гудал себе построил…
Que le vieux Gudal s’est construit lui-même …

*

LE DEMON LERMONTOV
VI

Всегда безмолвно на долины
Toujours silencieuse au-dessus de la vallée
 Глядел с утёса мрачный дом,
La demeure trônait, sombre sur sa falaise,

*

LE DEMON LERMONTOV
VII

Клянусь полночною звездой,
Par les étoiles de la nuit,
Лучом заката и востока,
Par le coucher et le lever du soleil,








*

LE DEMON LERMONTOV
VIII

В последний раз она плясала.
Une dernière fois, elle dansa.
Увы! заутра ожидала
Hélas ! demain prévoit

*

LE DEMON LERMONTOV
IX

И Демон видел… На мгновенье
Et le Démon l’aperçut… A cet instant,
Неизъяснимое волненье
Une excitation inexplicable

*

LE DEMON LERMONTOV
X

Измучив доброго коня,
Épuisé, sur son bel étalon,
На брачный пир к закату дня
A la fête du mariage,

*

LE DEMON LERMONTOV
XI

И вот часовня на дороге…
Ils arrivèrent à une chapelle sur la route …
Тут с давних пор почиет в боге
Où depuis longtemps, en Dieu, repose

*

XII

Затихло всё; теснясь толпой,
Tout est calme ; en une masse compacte,
На трупы всадников порой
Devant les cavaliers décimés,

*

XIII

Несётся конь быстрее лани,
Cependant, plus rapide qu’un cerf, un cheval
Храпит и рвётся, будто к брани;
Se détache du champ de bataille ;

*








XIV

В семье Гудала плач и стоны,
La famille de Gudal pleure et gémit,
 Толпится на дворе народ:
La foule s’assemble dans la cour :

*

XV

На беззаботную семью
Sur cette famille insouciante s’est abattue,
  Как гром слетела божья кара!
Comme le tonnerre, la punition de Dieu !

*

XVI

Слова умолкли в отдаленье,
Les mots se turent dans le lointain,
Вослед за звуком умер звук.
Les sons, les uns après les autres, s’éteignirent.

****

ЧАСТЬ II
DEUXIEME PARTIE

I

«Отец, отец, оставь угрозы,
«Père, père, ne blâme pas
Свою Тамару не брани;
Ta Tamara en deuil ;

*

II

И в монастырь уединенный
Et dans un monastère isolé
Её родные отвезли,
Sa famille l’a conduite,

*

III

В прохладе меж двумя холмами
Dans la fraîcheur entre deux collines
Таился монастырь святой.
 Se cachait le saint monastère.

*

IV

На север видны были горы.
Au nord, les montagnes se profilaient.
При блеске утренней Авроры,
Dans l’éclat de l’aurore matinale

*

V

Но, полно думою преступной,
Mais plein encore de ces crimes,
Тамары сердце недоступно
Le cœur de Tamara reste insensible

*

VI

Тоской и трепетом полна,
Fiévreuse et tremblante,
Тамара часто у окна
Tamara souvent s’installe près de la fenêtre ;

*

VII

Вечерней мглы покров воздушный
La brume nocturne couvre
Уж холмы Грузии одел.
Déjà les collines de Géorgie.

*

VIII

И входит он, любить готовый,
Et il arrive, prêt à aimer,
С душой, открытой для добра,
Avec son âme, ouverte à la bonté,

*

IX

«Дух беспокойный, дух порочный,
«Esprit agité, esprit vicieux,
Кто звал тебя во тьме полночной?
Qui t’a appelé dans l’obscurité de la nuit ?

*

LE DEMON LERMONTOV

X

Тамара
Tamara
О! кто ты? Речь твоя опасна!
Oh ! Qui es-tu ? Ton discours paraît si dangereux !
Тебя послал мне ад иль рай?
Qui t’envoie : l’enfer ou le paradis ?
Чего ты хочешь?…
Que veux-tu ? …

*

XI

И он слегка
Et doucement,
Коснулся жаркими устами
Il posa ses lèvres enflammées

*

XII

В то время сторож полуночный,
Le veilleur de nuit,
Один вокруг стены крутой
Autour des parois abruptes,

*

XIII

Как пери спящая мила,
Comme une péri* qui doucement sommeille,
Она в гробу своём лежала,
Elle repose dans son cercueil,

*
LE DEMON LERMONTOV

XIV

Ни разу не был в дни веселья
Jamais jour de fête ne vit
Так разноцветен и богат
Si riches variétés de couleurs et

*

XV

Толпой соседи и родные
La foule des voisins et des parents
Уж собрались в печальный путь.
Déjà tristement se recueillait.

*

XVI

В пространстве синего эфира
Dans l’éther bleuté,
Один из ангелов святых
L’un des saints anges

*

конец
FIN

****

DEMON LERMONTOV

*******

Le Démon
par Saint-René Taillandier
en 1855

Les voyageurs qui visitent la Géorgie admirent une chapelle construite sur l’un des sommets les plus élevés de la chaîne du Caucase au milieu des neiges éternelles ; c’est à cette chapelle que se rattache la légende d’où Lermontof a tiré tout un poème. Le démon, en parcourant le Caucase, a vu sur la tour d’un château-fort une belle jeune fille attendant son fiancé : « Non, je le jure parla lumière de toutes les étoiles du ciel, je le jure par la grâce de l’aurore et la splendeur du couchant, jamais si doux visage n’a souri au chah de Perse ; jamais dans les jardins du harem, à l’heure où midi embrase les airs, les fraîches eaux du bassin n’ont baigné un corps aussi charmant, et jamais, depuis que le bonheur du paradis a disparu de cette terre de péché, jamais sous le soleil d’Orient on n’a vu pareille fleur s’épanouir. » C’est Tamara, la jeune princesse géorgienne. Et quelle est là-bas sur la route cette caravane de dromadaires portant des présens magnifiques ? Quel est ce jeune homme qui accourt au grand galop de son cheval ? Le diable a reconnu le fiancé de Tamara. L’amour, la jalousie, la fièvre de la destruction, tout cela éclate à la fois dans l’âme maudite. Il aposte sur le chemin une bande de brigands du Caucase : le jeune Géorgien tombe percé d’un poignard, et Tamara se retire dans la cellule d’un cloître. Tout ce premier chant, plein de voluptés et de terreurs, est un tableau oriental d’une attrayante poésie. C’est au second chant que l’œuvre de séduction va s’accomplir : si les anges même sont tombés, si Abbadona et Éloa n’ont pas su vaincre le tentateur, comment la Géorgienne, ardente et passionnée, au milieu des ennuis de sa prison, résisterait-elle aux maléfices de l’enfer ? Un soir, en faisant sa ronde, le gardien du couvent entendit dans une cellule des soupirs, des cris inarticulés, des murmures voluptueux et plaintifs ; il s’éloigna avec épouvante, et le lendemain Tamara gisait morte sur le pavé de sa cellule. Tamara est couchée dans le cercueil ; les parens viennent encore admirer en pleurant ce visage que n’a pu flétrir la mort ; ils couvrent de baisers ses belles mains, puis le cercueil est porté sur la cime du mont, dans la sainte chapelle des ancêtres. Tout à coup le ciel se couvre, la neige tombe à flots épais, et le cercueil, et l’église, et le clocher, tout disparaît sous le blanc linceul ; il semble que la nature elle-même se charge de purifier la jeune femme. Voyez alors quel mystique tableau sur les hauteurs ! Le ciel est redevenu pur, le soleil éclaire les neiges immaculées, un ange descend sur la tombe, s’agenouille auprès de Tamara, et, recueillant son âme clans un pli de sa robe, l’emporte au paradis malgré les réclamations du démon.

Le poète a vraiment rajeuni ce thème antique par l’intérêt des détails, et dans une légende tant de fois traitée il a trouvé des inspirations sans modèle. Ce triomphe de l’esprit d’amour sur l’esprit du mal est exprimé sous la forme la plus poétique ; habitué jusque-là aux scènes de la réalité, Lermontof a entrevu avec un hardi bonheur le sens de ces traditions vénérables ; ce colloque de l’ange et du démon sur les cimes du Kasbek l’a noblement inspiré, et des pensées qu’on ne lui soupçonnait pas apparaissent en ce radieux symbole. J’admire surtout, si je l’ose dire, ces brillans effets de neige. Quelle image que ce tombeau de la jeune nonne au milieu des glaces immaculées ! — Aujourd’hui encore, dit le poète dans un épilogue, on aperçoit sur les cimes la chapelle et le sépulcre. La neige tombe, la neige tombe toujours, tantôt comme une pluie de diamans quand le soleil brille à travers, tantôt comme les plis d’une draperie sur le lit de mort de la jeune femme. Le lieu est devenu inaccessible, les glaces en défendent l’approche aux pieds profanes. — N’y a-t-il pas dans cette mise en scène un art délicat et puissant ? Et puisque l’histoire de Tamara est comme la promesse de la victoire définitive du bien sur le mal. ne fallait-il pas que ce poétique symbole fût fixé à jamais sur le rocher de Prométhée, au sein de cette blancheur éblouissante ?

Saint-René Taillandier
Le Poète du Caucase
Revue des Deux Mondes
2e série de la nouv. période
Tome 9, 1855 pp. 502-534

*********

Poème de Lermontov
LE DEMON LERMONTOV

LE DEMON I-1 Демон Poème de Lermontov Лермонтов

Демон
LE DEMON LERMONTOV
Poème de Lermontov

1841

русский поэт- Poète Russe
русская литература
Littérature Russe
Михаил Юрьевич Лермонтов
Poésie de Lermontov

стихотворение  – Poésie

 

 

Михаил Юрьевич Лермонтов
Mikhaïl Lermontov

1814-1841

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

 

LA POESIE DE LERMONTOV

Демон
LE DEMON
1841

**

DEMON LERMONTOV
ЧАСТЬ I
PREMIERE PARTIE

I

DEMON LERMONTOV

*

Печальный Демон, дух изгнанья,
Un triste démon, l’esprit en exil,
Летал над грешною землёй,
Survolait la terre pécheresse,
И лучших дней воспоминанья
Et les souvenirs des jours meilleurs…

*******

Poème de Lermontov

MIKHAÏL LERMONTOV UN GRAND NEVROPATHE (docteur Augustin Cabanès)




LA POESIE DE LERMONTOV

MIKHAÏL LERMONTOV

par le Docteur Augustin Cabanès
Grands névropathes
Tome 3
pp. 303-326
Editions Albin Michel
1933 Paris




 

MIKHAÏL LERMONTOV

Physionomie attachante entre toutes, que celle de Lermontov : un des représentants les plus brillants du romantisme russe, issu du romantisme européen.

Si son œuvre contribue, dans une certaine mesure, à éclairer sa psychologie, nous avons le regret de constater qu’elle est restée incomplète, ce qui nous prive d’un élément important d’appréciation sur le développement de son caractère, sur la formation de son génie.

La destruction d’une partie de sa correspondance, les rares documents permettant d’établir son curriculum vitæ, nous limiteront à une étude écourtée qui péchera par d’inévitables lacunes.

Heureusement avons-nous rencontré, pour suppléer à notre information en défaut, un guide aussi sûr que renseigné, dans l’auteur d’un travail de haute valeur consacré au personnage et qui est un de nos brillants agrégés de l’Université. Nous nous plaisons à reconnaître, en outre, le concours que nous a prêté, avec une bonne grâce dont nous conservons le sympathique souvenir, un des distingués bibliothécaires de l’Université de Paris, qui a bien voulu nous confier en son temps les bonnes feuilles de l’ouvrage qu’il se proposait de publier sur le poète dont nous allons esquisser à grands traits la psycho-pathologie.

Michel Iouriévitch Lermontov naquit dans la ville même qui avait donné, quinze ans auparavant, le jour au célèbre Pouchkine, dont il devait être le disciple et l’admirateur. Son ascendance ne nous révèle rien de particulièrement intéressant. Son père, Iouri Pétrovitch, d’un naturel emporté, sans être ce qu’on appelle un méchant homme, avait été mis à la retraite comme lieutenant au corps des cadets, « pour raison de santé ». Renseignement assez vague, dont force est de nous contenter.

Quant à sa mère, de bonne heure orpheline de père (celui-ci s’était empoisonné), elle était, nous dit-on, « d’une santé assez débile, et surtout d’un tempérament nerveux à l’excès, qu’elle semble avoir transmis à son fils ». Elle aurait succombé à la phtisie dans un âge peu avancé.

LERMONTOV, Mikhaïl (1814-1841).jpg
LERMONTOV

L’enfant qui était né d’elle n’eut pour veiller sur sa fragile existence qu’une grand’mère, d’ailleurs très attentive à ses moindres indispositions, ne le quittant ni de jour ni de nuit, l’entourant de soins continuels.

Quand il eut un an, on transporta le frêle rejeton, accompagné de sa nourrice, dans un village du gouvernement de Simbirsk.

Sur ces premières années, nous possédons un document bien précieux, un fragment autobiographique, écrit de la main même de Lermontov, qui s’est dépeint sous le nom de Sacha Arbénine, à ne point se méprendre sur sa véritable identité. Le poète raconte que la maison seigneuriale qui le recueillit ressemblait à toutes les maisons de même ordre. « Elle était en bois, peinte en jaune… ; dans la cour s’élevaient de longs bâtiments à un seul étage, des hangars, des écuries… »

Le jeune barine avait à son service plusieurs femmes de chambre placées sous la haute direction de la nourrice qui prenait très au sérieux son rôle.

« Sacha se plaisait beaucoup en leur compagnie. Elles le caressaient et l’embrassaient à l’envi, lui racontaient les légendes des brigands de la Volga. Son imagination s’emplissait des merveilles de leur bravoure farouche, de sombres tableaux et de sentiments extraordinaires. Il prit les jouets en dégoût et commença à rêver. À l’âge de six ans, il avait plaisir à regarder le soleil couchant, l’horizon parsemé de nuages rouges… Il avait soif d’affection, de baisers, de caresses, mais les mains de sa vieille nourrice étaient si rudes !… Sacha était un enfant horriblement gâté et fantasque. » Servantes, nianias, intendants, étaient entièrement à son service : ils avaient l’ordre de se plier à tous ses caprices. On ne réfrénait si ses colères, ni ses instincts de méchanceté native, même s’ils s’exerçaient sur les plantes du parc, qu’il se plaisait à détruire, et sur les malheureuses poules de la basse-cour auxquelles il lui était possible impunément de casser les pattes.

Il confessa plus tard que ses penchants mauvais se seraient certainement développés, si une maladie ne fût venue à propos interrompre le cours de ses fantaisies cruelles. Il eut la rougeole avec des complications qui donnèrent de l’inquiétude à son entourage. « On le sauva, mais cette maladie le laissa dans un état de faiblesse extrême. »

Il n’est pas sans intérêt de noter que cet incident morbide eut une influence assez inattendue sur le caractère et l’esprit de Sacha : « Il prit l’habitude de la réflexion : privé des distractions et des divertissements de son âge, il commença à les chercher en lui-même… Pendant ses insomnies douloureuses, étouffant sur son oreiller brûlant, il s’était accoutumé à surmonter les douleurs du corps en se laissant emporter par les rêveries de son imagination. Il s’imaginait être un brigand de la Volga qui fend les flots bleus et glacés, qui marche à l’ombre des forêts profondes, parmi les clameurs du champ de bataille, au bruit des chansons guerrières, au milieu des sifflements de la tempête… »

PIATIGORSK, Caucase (Les bains de).jpg
VUE DU CAUCASE : LES BAINS DE PIATIGORSK
d’après le Magasin pittoresque

La précocité de ses facultés intellectuelles a-t-elle pu avoir une influence fâcheuse sur le développement physique du jeune Lermontov ? Toujours est-il qu’on dut, à plusieurs reprises, le conduire aux eaux du Caucase, dans une propriété qu’y possédaient ses parents, pour y rétablir sa santé ébranlée. C’est au cours d’un de ces voyages qu’il ressentit les premiers troubles de l’amour et à un âge où il n’est pas courant de le voir apparaître. Ses parents étaient en relations avec une dame, qui avait une fillette âgée de neuf ans ; le futur poète, qui n’avait qu’une année de plus, s’éprit violemment de la petite fille au point d’en garder le souvenir durable pendant bien des années :



« Était-elle jolie ou non ? Je ne m’en souviens pas, déclarera-t-il un jour dans une échappée de confidences ; mais son image vit encore dans mon souvenir ; j’ai plaisir à me la rappeler, je ne sais pourquoi… On se moquait de moi, on me taquinait, car mon visage trahissait mon émotion. Je pleurais tout bas sans raison, je désirais la voir ; mais quand elle venait chez nous, je refusais ou j’avais honte d’entrer dans la chambre où elle était ; je craignais peut-être que les battements de mon cœur ou le tremblement de ma voix ne révélassent aux autres un secret impénétrable pour moi-même. Je ne sais qui elle était, d’où elle venait… Elle était blonde, elle avait des yeux bleus… Non, je n’ai rien vu de semblable, ou du moins j’éprouve cette impression, car je n’ai jamais aimé comme en ce temps-là. »

L’écho de ces mêmes sentiments se retrouve dans la pièce de Lermontov : Premier Amour ; « encore enfant, les souffrances d’un ardent amour troublèrent mon âme inquiète… ». Et quelques mois avant sa mort, il consignait cette impression, toujours vivace.

« Je me vois encore enfant : autour de moi, tout m’est familier, la haute maison seigneuriale, le jardin avec sa serre en ruines.

«  J’entre dans une sombre allée ; au travers des branches, filtrent les rayons du soleil couchant, et les feuilles jaunies bruissent sous mes pas craintifs.

« Et une étrange tristesse me serre le cœur : je pense à elle, je pleure et j’aime ; j’aime le fantôme créé par ma rêverie… »

Étant étudiant, il eut, non plus cette fois une passionnette, mais une véritable passion pour « une jeune fille douce, intelligente, et vraiment belle comme le jour… Elle était d’une nature ardente, enthousiaste, poétique… Elle avait entre quinze et seize ans ». Son partenaire avait à peu près le même âge.

Viennent ensuite les années d’Université. Lermontov apparaît à ses camarades comme un adolescent sombre et peu communicatif. L’un d’eux nous en a laissé ce portrait :

« Il était de taille moyenne, d’aspect quelque peu disgracieux, de teint basané ; ses cheveux de nuance sombre étaient aplatis sur la tête et sur les tempes. Ses grands yeux pénétrants, d’un brun sombre, regardaient dédaigneusement ce qui l’entourait. »

Gontcharov, qui le connut à la même époque, confirme la vérité de ce portrait ; il ajoute que Lermontov lui avait paru apathique, se livrant peu, n’ouvrant que rarement la bouche. Ne se sentant pour lui aucune attraction, il avait évité de lier connaissance avec lui.

Le pessimisme a déjà envahi cette jeune âme, désenchantée avant le temps ; ses premiers vers témoignent de son découragement, de ses déceptions.

« Oh ! si mes jours s’écoulaient au sein délicieux du repos et de l’oubli, affranchis des vanités de la terre, éloignés de l’agitation du monde ; si, pacifiant mon imagination, les divertissements de la jeunesse pouvaient me charmer, alors la gaieté habiterait à jamais dans mon âme ; alors, certes, je ne rechercherais ni le plaisir, ni la gloire, ni la louange. Mais pour moi le monde est vide, ennuyeux. Ton amour ne séduit pas mon âme : je souhaite des trahisons, des sensations nouvelles ; du moins leur aiguillon réveillerait mon sang engourdi par la tristesse, par la souffrance, par les passions qui m’ont tourmenté avant l’âge ! »

Dans une autre pièce, il s’attriste sur la courte durée de cette vie :

« Nous, enfants du Nord, comme les plantes de ce pays, nous fleurissons pour peu de temps, nous nous flétrissons vite : comme le soleil d’hiver sur l’horizon gris, ainsi notre vie est sombre, aussi bref est son cours monotone. »

Quand donc viendra la mort pour mettre fin à tant d’angoisses !

« La mort ne connaît plus ni l’amour ni la douleur. Six planches l’enferment… Ni les appels de la gloire, ni ta voix ne troubleront mon repos. »

Le poète s’est accoutumé de bonne heure à l’isolement ; il n’a jugé personne digne d’être honoré de son amitié. Pas d’espérance pour le consoler, « l’espoir s’est envolé à jamais ». Personne ne le chérit sur cette terre. Il est à charge à lui-même comme aux autres. Il brûlait pourtant d’agir, mais tout excite son dédain. Il s’analyse, d’ailleurs, à merveille :

« Une tristesse prématurée m’a marqué de son empreinte ; seul le Créateur connaît l’amertume de mes souffrances. Le monde indifférent doit les ignorer. » Il voit, dans un avenir qui se rapproche, « la tombe ensanglantée » qui lui est réservée, « une tombe que ne sanctifieront ni les prières, ni la croix, sur une rive sauvage où mugissent les flots, sous un ciel assombri par la brume ».



Était-ce là une attitude ? On peut d’autant mieux se le demander que l’on vivait alors en plein romantisme, et que le byronisme était une mode bien portée. Un de ceux qui l’ont connu, qui ont été élevés avec lui à une certaine période de sa vie, n’hésite pas à déclarer que c’étaient là sentiments de pure façade. « Ces sentiments, nous dit-il, étaient bien loin de lui. Son caractère était plutôt gai. Il aimait la société, particulièrement celle des femmes, au milieu de laquelle il avait grandi ; il leur plaisait par la vivacité de ses traits d’esprit et par son penchant à l’épigramme. Il fréquentait le théâtre, les bals, les mascarades : dans sa vie, il n’avait connu ni les privations, ni les mécomptes. » Cependant, comme on l’a justement fait observer, « ces accents de tristesse, cette veine mélancolique qui circule à travers ses poésies de jeunesse, nous les retrouverons dans toute l’œuvre de Lermontov : pourquoi serions-nous étonnés de constater, à l’aube de la vie du poète, les sentiments dont se nourrit sa maturité ».

Pour qui a étudié le personnage, tant dans sa vie que dans son œuvre, la tristesse de Lermontov n’était pas qu’une pose, elle avait ses racines dans le milieu où il avait vécu ses premières années, et dans son tempérament même. Son cas n’est nullement à rapprocher de celui du héros du roman en vers de Pouchkine. Eugène Oniéguine est le type littéraire d’un ennuyé des plaisirs, une sorte de don Juan et de Child Harold. Comme ce dernier, Oniéguine paraît dans le monde triste et ennuyé ; les murmures de la foule, le jeu, les tendres regards, les soupirs indiscrets ne l’émeuvent plus ; il reste indifférent à tout… En proie au désœuvrement, l’âme vide et languissante… il lit, il lit sans cesse… Les bois, la colline et les champs ne l’amusaient déjà plus, et il vit clairement que la vie était aussi ennuyeuse au village qu’à la ville, bien qu’il n’y eût ni rues, ni palais, ni cartes, ni bals, ni poésie. L’ennui le guettait et courait après lui comme une ombre ou comme une femme fidèle… Mais Oniéguine rencontre Tatiana et, dès lors, « un amour pur » l’enflamme et dissipe son ennui.

Tout autre nous apparaît Lermontov ; ce n’est pas, à dire vrai, de l’ennui, mais du désenchantement qu’il présente. On se souvient à son propos de ces paroles de Gœthe : « … Il arrive que le défaut d’activité, joint à un vif désir d’action, nous précipite vers le besoin de la mort, nous donne soif du néant. »

Dès l’enfance, Lermontov a manifesté une tendance marquée à la rêverie. « Cette rêverie prolongée n’a-t-elle pas développé et poussé de bonne heure à l’excès cet esprit d’analyse, qui est un des traits caractéristiques du jeune poète ? Cet esprit d’analyse ne pouvait-il pas amener à sa suite un précoce désenchantement ? Si l’on y ajoute le sentiment d’une supériorité réelle, un orgueil qui l’isolait, qui lui rendait plus douloureuse une certaine solitude morale, le rude contre-coup du drame domestique qui le réduisait à faire un choix entre deux êtres (son père et sa grand’mère), qui lui inspiraient une égale affection, on aura une explication vraisemblable de cette mélancolie prématurée. »

Le physiologiste ne saurait, en outre, négliger un autre point de vue. La jeunesse du poète avait été, nous le rappelons, maladive ; sa santé avait toujours été délicate ; certainement, cet état n’a pas dû être sans influence sur la formation et le développement de cette conception désenchantée du monde et de la vie.

On eût pu espérer qu’au régiment, mêlé à l’existence de ses camarades, il aurait chassé tous ces noirs papillons : il n’en fut rien, apparemment.

« Ici, je m’ennuie comme auparavant, écrit-il à un ami ; que faire ? La vie tranquille me rend plus malheureux. Je dis une vie tranquille, car l’instruction et les manœuvres engendrent seulement la fatigue. »

On a beau l’accabler de flatteries, les plus jolies femmes lui demander des vers et s’en vanter comme d’un triomphe, il s’ennuie, néanmoins, et rien ne parvient à remplir le vide de son âme ! Il se désole d’avoir épuisé prématurément la source des meilleures joies, et surtout de mourir sans laisser de traces, sans léguer aux siècles une pensée féconde, ni un travail couronné par le génie.

Il est une poésie de Lermontov qui porte, du reste, un titre significatif : Je m’ennuie et je suis triste, qu’on nous permettra de reproduire, parce qu’elle est trop représentative d’un état d’âme pour être négligée ; nous citons d’après la traduction de l’interprète le plus autorisé de la vie et des œuvres du poète :

« Je m’ennuie, je suis triste, je n’ai personne à qui tendre la main aux heures de détresse morale… Désirer ? À quoi bon les vains désirs ? sans cesse renouvelés ?… Les années s’écoulent, les meilleures années. Aimer ? mais qui aimer ?… Pour un temps, cela n’en vaut pas la peine et un amour éternel est impossible… Joies, douleurs, tout cela est si insignifiant… Qu’est-ce que les passions ? Est-ce que, tôt ou tard, leur douceur qui fait souffrir ne s’évanouira pas devant les objections de la raison ? La vie, si tu l’examines froidement, est une chose si vide et si sotte !… »

Quand on sait, d’autre part, que Lermontov a surtout exprimé dans ses vers ses sentiments personnels, que ses chagrins réels ou imaginaires en furent d’abord, à peu près l’unique matière, l’indication est particulièrement suggestive.

Qu’on ait découvert une affinité, une sorte de parenté intellectuelle entre Byron et le poète russe, que celui-ci ait songé un moment à rivaliser avec son émule anglais ; qu’il y ait des analogies évidentes entre telles circonstances de sa vie et celles de son modèle ; qu’il ait aidé, au besoin, à les faire naître ; ce n’est point contestable. Nous en avons l’aveu échappé de sa plume même.

KOUBATCHI, Caucase.jpg
VUE DE KOUBATCHI DANS LE CAUCASE
(Extrait du Magasin pittoresque)

« Quand je commençai à griffonner des vers, en 1828, en quelque sorte instinctivement, a-t-il consigné quelque part, je pris l’habitude de les transcrire et de les mettre de côté. Je les ai encore. Je viens de lire, dans une biographie de Byron, qu’il agissait de même. J’ai été stupéfait de cette ressemblance. »

Il note cette autre ressemblance : en Écosse, une vieille femme a prédit à la mère de Byron qu’il serait un grand homme, et qu’il serait marié deux fois. Au Caucase, une vieille femme a fait la même prédiction à la grand’mère de Lermontov. « Fasse le ciel, ajoute celui-ci, que la prédiction qui me concerne s’accomplisse, dussé-je être aussi malheureux que Byron ! »

TCHERKESSE DANS LA STEPPE (Caucase).jpg

Il se refuse pourtant à n’être qu’un disciple : et parlant de celui à qui il se compare : « Je suis autre, déclare-t-il fièrement ; j’ai une âme russe. » Ce qui ne l’empêchait point, à peu de temps de là, de se contredire, en appelant l’Écosse sa patrie véritable et en se montrant brûlé du désir… poétique de voler vers le pays où est la tombe d’Ossian, « pour y faire vibrer les cordes de la harpe écossaise ».

Lermontov a toujours conçu de lui-même l’idée la plus haute ; son orgueil s’étale parfois avec une naïveté puérile qui déconcerte ; comme par exemple lorsque s’imaginant qu’il descend des grands d’Espagne, les ducs de Lerma, il signe de ce nom ses épîtres ; ou qu’oubliant ses prétentions primitives, il célèbre ses nobles ancêtres écossais. « De l’orgueil, il y en a dans son dédain pour le monde qui l’entoure, dans ses invectives contre la société. Et toute sa vie, il est hanté par la figure du démon, le prototype de l’orgueil.

N’est-ce pas encore de l’orgueil, mais d’une qualité inférieure, que de prétendre à des bonnes fortunes féminines, tout disgracié de la nature, tout difforme qu’il soit ? Cette infériorité physique, qu’il ressentait douloureusement, le rendait maussade, hargneux, vindicatif. Car, au dire de ceux qui l’ont approché, il était très laid, et cette laideur, qui plus tard céda au pouvoir de sa physionomie, et disparut presque quand le génie eut transformé ses traits vulgaires, cette laideur était frappante dans sa grande jeunesse.

Un autre nous le montre « de petite taille, large d’épaules et d’aspect assez disgracieux. Il semblait de forte complexion… Ses gestes étaient brusques, bien qu’il montrât parfois de la paresse et cette indifférence inconsciente qui est maintenant à la mode ». « Il attirait l’attention, quoiqu’on en eût, par son visage irrégulier, de couleur foncée, ses yeux « qui brillaient d’un éclat redoutable. »

Il semble n’avoir fait la cour aux femmes que « pour le plaisir méchant qu’il éprouvait à les abandonner après les avoir séduites ». Tourguéniev, qui le vit dans un salon, sous l’uniforme du régiment des hussards de la garde, nous en a laissé un portrait rien moins que flatteur :

« Il n’avait ôté ni son sabre, ni ses gants ; voûté, l’air renfrogné, il fixait son regard maussade sur la comtesse (Mousine Pouchkine, ravissante créature, enlevée par une mort prématurée).

« Dans son extérieur, écrit l’auteur des Souvenirs littéraires, il y avait quelque chose de sinistre et de tragique ; une force ténébreuse et méchante, un air de mélancolique dédain, la passion émanaient de sa face basanée, de ses grands yeux sombres et fixes. Leur regard lourd contrastait étrangement avec la moue presque enfantine de ses lèvres très pâles. Tout son aspect physique, sa petite taille, ses jambes arquées, cette grosse tête sur des épaules larges et voûtées (il était presque bossu) produisaient une impression désagréable ; mais on sentait tout de suite qu’il y avait là une force. On sait que jusqu’à un certain point il s’est représenté sous les traits de Pétchorine. Ce détail : « Ses yeux ne riaient pas quand il riait », s’appliquait réellement à lui… »

MOUSSINE-POUCHKINE (Comtesse).jpg
MOUSINE POUCHKINE
d’après la Revue encyclopédique (1899)

Deux ans après, un autre témoignage, émané d’une personne qui avait pu l’observer de près, nous le montre fêté dans le monde, choyé dans le cercle de ses intimes, d’humeur joviale, tous les jours inventant une niche, amusant la société par sa verve intarissable. Mais il ne pouvait se défendre de cette humeur sarcastique (réaction de défense de sa disgrâce physique), qui lui avait valu tant d’ennemis, et qui devait être la cause de sa fin prématurée. Une des victimes de son ironie persistante finit par prendre mal la plaisanterie : une querelle éclata, un duel s’ensuivit : Lermontov tombait frappé mortellement de la première balle qu’il recevait.

Cette fin tragique, il en avait eu de bonne heure le pressentiment ; ce fut toujours chez lui comme une idée fixe passée à l’état d’obsession : il savait, il déclarait en toute occasion qu’il mourrait jeune et d’une mort violente.

Ces avertissements de la nature, qui saurait assurer qu’ils ne sont que l’effet du hasard ou d’un concours fortuit de coïncidences ? Autosuggestion ou prédestination, il est des êtres qui portent la mort en eux d’une façon consciente. Qu’on y voie la conséquence d’un état pathologique, d’une névrose — imparfaitement caractérisée, certes — cette inappétence à vivre, les symptômes de ce mal, avant tout subjectif, n’en sont pas moins d’une indiscutable réalité. Leur influence est indéniable sur la vie autant que sur l’œuvre de qui en fut obsédé à un pareil degré.

*********

MIKHAÏL LERMONTOV

LA POESIE DE LERMONTOV Стихи Лермонтова

Poésie de Lermontov


русский поэт- Poète Russe
русская литература
Littérature Russe
Михаил Юрьевич Лермонтов
Poésie de Lermontov

стихотворение  – Poésie

 

 

Михаил Юрьевич Лермонтов
Mikhaïl Lermontov

1814-1841

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

 

LA POESIE DE LERMONTOV

Стихи Лермонтова

**

ОСЕНЬ
L’AUTOMNE
1828

Листья в поле пожелтели,
Les feuilles dans le champ désormais jaunies,
И кружатся, и летят;
Tournent et volent ;

**

Предсказание
LA PROPHÉTIE
1830

Настанет год, России черный год,
Une année viendra, une année noire pour la Russie,
Когда царей корона упадет;
Où la couronne des tsars tombera ;

**

Нищий
LE MENDIANT

1830

У врат обители святой
Aux portes du lieu saint,
Стоял просящий подаянья
Un homme faisait l’aumône,

**

ангел
L’ANGE
1831

По небу полуночи ангел летел,
A minuit dans le ciel, un ange volait,
И тихую песню он пел;
Qui chantait une calme mélodie ;

*

Парус
La Voile
1831

Белеет парус одинокой
Une solitaire voile blanche
   В тумане моря голубом!..
Dans brouillard bleu de la mer ! ..

*

Нет, я не Байрон
Non ! Je ne suis pas Byron !

1832

Нет, я не Байрон, я другой,
Non, je ne suis pas Byron, je suis différent,
Ещё неведомый избранник,
Un autre élu encore inconnu,

*

Elle chante
Она поет
1837-1838

Она поет – и звуки тают
Elle chante et les sons fondent
Как поцелуи на устах,
Comme des baisers sur mes lèvres,

*

Кинжал
LA DAGUE

1838

Люблю тебя, булатный мой кинжал,
Je t’aime, ô ma dague damassée,
Товарищ светлый и холодный.
Camarade léger et froid.

*

Гляжу на будущность с боязнью,
LES TEMPÊTES DE LA VIE
1838 ?

Гляжу на будущность с боязнью,
Je regarde l’avenir avec effroi
Гляжу на прошлое с тоской
Je regarde le passé avec émoi

*

Молитва
LA PRIÈRE

1839

В минуту жизни трудную,
Dans les moments difficiles de la vie,
Теснится ль в сердце грусть,
Quand la tristesse écrase l’âme

*

ИЗ ГЁТЕ
DE GOETHE
1840

Горные вершины
Les sommets de montagne
Спят во тьме ночной;
Dorment dans l’obscurité de la nuit ;

*

Родина
PATRIE

1841

Люблю отчизну я, но странною любовью!
J’aime ma patrie, mais d’un étrange amour !
Не победит её рассудок мой.
Ma raison ne triomphera pas.

*

Демон
Le Démon
1841


*******

LES POEMES ECRITS EN FRANCAIS PAR LERMONTOV

SOURIRE

Quand je te vois sourire,
Mon cœur s’épanouit,

*

SI J’EN CROIS MON ESPERANCE

Non, si j’en crois mon espérance,
J’attends un meilleur avenir.

*

L’ATTENTE

Je l’attends dans la plaine sombre ;
Au loin je vois blanchir une ombre,

*

MA COUSINE

Ma cousine,
Je m’incline

*******

SUR LERMONTOV
******
MIKHAÏL LERMONTOV UN GRAND NEVROPATHE
(docteur Augustin Cabanès)

Physionomie attachante entre toutes, que celle de Lermontov : un des représentants les plus brillants du romantisme russe, issu du romantisme européen.

TABLE DES MATIÈRES

REPÈRES CHRONOLOGIQUES 5
LES PREMIÈRES ANNÉES 7
1828 13
ОСЕНЬ 22
L’AUTOMNE 23
1829 25
Монолог 26
MONOLOGUE 27
1830 29
Предсказание 30
LA PROPHÉTIE 31
Ты помнишь ли, как мы с тобою 34
« THE EVENING GUN » (1) 35
Нищий 38
LE MENDIANT 39
Гроб Оссиана 40
LE TOMBEAU D’OSSIAN 41
Звезда «  Светись, светись » 42
L’ÉTOILE 43
Звезда «  Вверху одна » 44
L’ÉTOILE 45
Вечер после дождя 46
LE SOIR APRÈS LA PLUIE 47
Еврейская мелодия 48
MÉLODIE JUIVE 49
Одиночество 52
SOLITUDE 53
Мой дом 54
MA MAISON 55
Благодарю! 56
MERCI ! 57
Крест на скале 60
LA CROIX SUR LE ROCHER 61
Песня (Колокол стонет…) 62
CHANSON (LA CLOCHE GÉMIT) 63
На картину Рембрандта 64
SUR LA PEINTURE DE REMBRANDT 65
« На картину Рембрандта » LERMONTOV ET LA PEINTURE 66
Волны и люди 70
VAGUES ET GENS 71
1831 73
К * 74 À* 75
Ангел 78
L’ANGE 79
Чаша жизни 80
LE CALICE DE LA VIE 81
Небо и звёзды 84
CIEL & ÉTOILES 85
QUAND JE TE VOIS SOURIRE 87
Зови надежду сновиденьем 88
MON REGARD NE CACHE RIEN 89
Плачь! плачь! Израиля народ 90
PEUPLE D’ISRAËL 91
Кто видел Кремль в час утра золотой 92
LE KREMLIN À L’AUBE 93
ЖЕЛАНИЕ 94
SOUHAIT 95
Завещание 98
TESTAMENT 99
Надежда 100
ESPOIR 101
Нарышкиной 102
À NARISHKINA 103
Трубецкому 104
À TROUBETZKOÏ 105
1832 107
Нет, я не Байрон 108
NON, JE NE SUIS PAS BYRON ! 109
Он был рожден для счастья, для надежд 110
SI J’EN CROIS MON ESPÉRANCE 113
Она не гордой красотою 114
ELLE N’EST PAS UNE BEAUTÉ FIÈRE 115
Парус 116
LA VOILE 117
Я жить хочу! Хочу печали… 120
JE VEUX VIVRE ! 121
Два великана 122
LES DEUX GÉANTS 123
В рядах стояли безмолвной толпой 126
AUTOUR DU CERCUEIL 127
1834 129
1835 129
Маскарад 132
MASCARADE ou LE BAL MASQUÉ (Extraits) 133
1836 137
Умирающий гладиатор 138
LE GLADIATEUR MOURANT 139
1837 143
Когда волнуется желтеющая нива 146
LE BONHEUR SUR TERRE & DIEU DANS LE CIEL 147
Расстались мы, но твой портрет 150
TON PORTRAIT 151
Смерть поэта 152
LA MORT DU POÈTE 153
Бородино 162
BORODINO 163
Гляжу на будущность с боязнью 172
SOUS LE SOLEIL ÉTOUFFANT DE L’ÊTRE 173
Она поет — и звуки тают 174
DANS SES YEUX DIVINS 175
Ветка Палестины 176
LE RAMEAU DE PALESTINE 177
ПЕСНЯ ПРО ЦАРЯ… 186
CHANT SUR IVAN LE TERRIBLE 187
ПЕСНЯ ПРО ЦАРЯ… 1 190
CHANT SUR IVAN LE TERRIBLE 191
1 191
ПЕСНЯ ПРО ЦАРЯ… 2 204
CHANT SUR IVAN LE TERRIBLE 205
2 205
ПЕСНЯ ПРО ЦАРЯ… 3 218
CHANT SUR IVAN LE TERRIBLE 219
3 219
1838 233
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS 235
Герой нашего времени Содержание 242
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS CONTENU 243
Герой нашего времени Предисловие 244
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS AVANT-PROPOS 245
Герой нашего времени Часть первая I БЭЛА 248
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS PREMIÈRE PARTIE I BELA 249
Герой нашего времени Часть первая II МАКСИМ МАКСИМЫЧ 250
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS PREMIÈRE PARTIE II MAXIME MAXIMITCH 251
Герой нашего времени Часть первая ЖУРНАЛ ПЕЧОРИНА Предисловие 266
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS PREMIÈRE PARTIE JOURNAL DE PÉTCHORINE Avant-propos 267
Герой нашего времени Часть первая ЖУРНАЛ ПЕЧОРИНА I ТАМАНЬ 270
JOURNAL DE PÉTCHORINE I TAMAN 271
Герой нашего времени Часть вторая (Окончание журнала Печорина) Княжна Мери 300
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS DEUXIÈME PARTIE (FIN DU JOURNAL DE PÉTCHORINE) LA PRINCESSE MARY 301
Герой нашего времени Часть вторая III ФАТАЛИСТ 424
UN HÉROS DE NOTRE TEMPS DEUXIÈME PARTIE III LE FATALISTE 425
Она поет 446
ELLE CHANTE 447
MA COUSINE 448
Гляжу на будущность с боязнью 450
LES TEMPÊTES DU DESTIN 451
Кинжал 452
LA DAGUE 453
Казачья колыбельная песня 454
BERCEUSE COSAQUE 455
1839 459
Молитва 460
LA PRIÈRE 461
Памяти А. И. О‹доевско›го 462
À LA MÉMOIRE D’ODOÏÉVSKI 463
Ребенка милого рожденье 470
AU DOUX BÉBÉ QUI NAÎT 471
« LE NOVICE » PAR TAILLANDIER 473
Мцыри 476
1 476
LE NOVICE « MTSYRI » 477
1 477
Мцыри 2 482
LE NOVICE « MTSYRI » 2 483
Мцыри 3 486
LE NOVICE – « MTSYRI » 3 487
Мцыри 4 488
LE NOVICE – « MTSYRI » 4 489
Мцыри 5 490
LE NOVICE – « MTSYRI » 5 491
Мцыри 6 492
LE NOVICE – « MTSYRI » 6 493
Мцыри 7 496
LE NOVICE – « MTSYRI » 7 497
Мцыри 8 500
LE NOVICE – « MTSYRI » 8 501
Мцыри 9 502
LE NOVICE – « MTSYRI » 9 503
Мцыри 10 504
LE NOVICE – « MTSYRI » 10 505
Мцыри 11 506
LE NOVICE – « MTSYRI » 11 507
Мцыри 12 510
LE NOVICE – « MTSYRI » 12 511
Мцыри 13 514
LE NOVICE – « MTSYRI » 13 515
Мцыри 14 518
LE NOVICE – « MTSYRI » 14 519
Мцыри 15 522
LE NOVICE – « MTSYRI » 15 523
Мцыри 16 524
LE NOVICE – « MTSYRI » 16 525
Мцыри 17 528
LE NOVICE – « MTSYRI » 17 529
Мцыри 18 530
LE NOVICE – « MTSYRI » 18 531
Мцыри 19 534
LE NOVICE – « MTSYRI » 19 535
Мцыри 20 536
LE NOVICE – « MTSYRI » 20 537
Мцыри 21 540
LE NOVICE – « MTSYRI » 21 541
Мцыри 22 542
LE NOVICE – « MTSYRI » 22 543
Мцыри 23 544
LE NOVICE – « MTSYRI » 23
Мцыри 24 550
LE NOVICE – « MTSYRI » 24 551
Мцыри 25 552
LE NOVICE – « MTSYRI » 25 553
Мцыри 26 554
LE NOVICE – « MTSYRI » 26 555
Не верь себе 556
LA FOULE & LE POÈTE 557
«  LES DONS DU TEREK »  PAR TAILLANDIER 561
Дары Терека 564
LES DONS DU DEREK 565
1840 575
БЛАГОДАРНОСТЬ 576
RECONNAISSANCE 577
ИЗ ГЁТЕ 578
И скучно и грустно… 580
ENNUI & TRISTESSE 581
ОТЧЕГО 582
POURQUOI 583
Как часто, пeстрою толпою окружeн 586
LE POÈME DU NOUVEL AN 587
VALÉRIK PAR TAILLANDIER 591
Валерик 592
VALÉRIK (fragments) 593
Воздушный корабль 604
LE VAISSEAU FANTÔME 605
Тучи 613
NUAGES 614
Любил и я в былые годы 616
J’AIMAIS AUTREFOIS 617
1841 620
Родина 622
PATRIE 623
Последнее новоселье 624
LA DERNIÈRE DEMEURE 625
Графине Ростопчиной 632
COMTESSE ROSTOPCHINA 633
Утес 634
LA FALAISE 635
Листок 636
LA FEUILLE DE CHÊNE 637
Морская царевна 640
LA PRINCESSE DE LA MER 641
‹А. А. УГЛИЦКОЙ› 644
MA CHÈRE ALEXANDRINE 645
Договор 646
CONTRAT 647
Демон LE DÉMON 649
Демон LE DÉMON 653
Демон I-1 654
LE DÉMON I-1 655
Демон I-2 656
LE DÉMON I-2 657
Демон I-3 658
LE DÉMON I-3 659
Демон I-4 662
LE DÉMON I-4 663
Демон I-5 666
Демон I-6 668
LE DÉMON I-6 669
Демон I-7 672
LE DÉMON I-7 673
Демон I-8 674
LE DÉMON I-8 675
Демон I-9 676
LE DÉMON I-9 677
Демон I-10 678
LE DÉMON I-10 679
Демон I-11 682
LE DÉMON I-11 683
Демон I-12 686
LE DÉMON I-12
Демон I-13 688
LE DÉMON I-13 689
Демон I-14 690
LE DÉMON I-14 691
Демон I-15 692
LE DÉMON I-15 693
Демон I-16 698
LE DÉMON I-16 699
Демон LE DÉMON ЧАСТЬ II
SECONDE PARTIE 703
Демон II-1 704
LE DÉMON II-1 705
Демон II-2 706
LE DÉMON II-2 707
Демон II-3 708
LE DÉMON II-3 709
Демон II-4 710
LE DÉMON II-4 711
Демон II-5 712
LE DÉMON II-5 713
Демон II-6 714
LE DÉMON II-6 715
Демон II-7 716
LE DÉMON II-7 717
Демон II-8 720
LE DÉMON II-8 721
Демон II-9 722
LE DÉMON II-9 723
Демон II-10 724
LE DÉMON II-10 725
Демон II-11 748
LE DÉMON II-11 749
Демон II-12 750
LE DÉMON II-12 751
Демон II-13 752
LE DÉMON II-13 753
Демон II-14 756
LE DÉMON II-14 757
Демон II-15 758
LE DÉMON II-15 759
Демон II-16 760
LE DÉMON II-16 761
L’ATTENTE 766
Пророк 768
LE PROPHÈTE 769
1842 à 1844 771
APRÈS LA MORT DE LERMONTOV  771

********

POEME DE LERMONTOV L’ANGE ангел 1831

Poème de Lermontov
1831

русский поэт- Poète Russe
русская литература
Littérature Russe
Михаил Юрьевич Лермонтов
Poésie de Lermontov

стихотворение  – Poésie

 

 

Михаил Юрьевич Лермонтов
Mikhaïl Lermontov

1814-1841

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

 

LA POESIE DE LERMONTOV

ангел
L’ANGE
1831

**

По небу полуночи ангел летел,
A minuit dans le ciel, un ange volait,
И тихую песню он пел;
Qui chantait une calme mélodie ;
И месяц, и звёзды, и тучи толпой…

*******

Poème de Lermontov

A Ópera DOM CASMURRO MACHADO DE ASSIS CHAPITRE IX CAPITULO

A Ópera
DOM CASMURRO MACHADO DE ASSIS

L’Œuvre de Joaquim Maria Machado de Assis

Poema & Prosa de Machado de Assis




Dom Casmurro Machado de Assis

Littérature Brésilienne
Literatura Brasileira

Joaquim Maria Machado de Assis
 Rio de Janeiro 1839 – 1908 Rio de Janeiro


joaquim-maria-machado-de-assis-artgitato




 




L’Œuvre de Machado de Assis

*******************








A Ópera
Dom Casmurro Machado de Assis

 DOM CASMURRO
IX
Roman – Romance

1899

Traduction Jacky Lavauzelle

*****

dom-casmurro-machado-de-assis-artgitato-joaquin-sorolla-paseo-par-la-playa-1909-museo-sorolla-madridJoaquin Sorolla
Paseo par la playa
1909
Museo Sorolla Madrid

 

Capítulo IX – Neuvième Chapitre

A Ópera




Já não tinha voz, mas teimava em dizer que a tinha.
Il n’avait déjà plus de voix, mais il persistait à dire qu’il en avait encore.
« O desuso é que me faz mal », acrescentava.
«Le désoeuvrement, cela me rend malade», ajouta-t-il.
Sempre que uma companhia nova chegava da Europa, ia ao empresário e expunha-lhe todas as injustiças da Terra e do Céu;
Chaque fois qu’une nouvelle société arrivait d’Europe, il retrouvait l’imprésario et lui comptait toutes les injustices de la terre et du ciel ;
o empresário cometia mais uma, e ele saía a bradar contra a iniquidade.
l’imprésario en commettait une de plus, et alors il sortait en criant contre l’iniquité.
Trazia ainda os bigodes dos seus papéis.
Il portait encore des moustaches de ses différents rôles.
Quando andava, apesar de velho, parecia cortejar uma princesa de Babilônia.
Quand il marchait, bien qu’âgé, il avait toujours l’air de courtiser une princesse de Babylone.
Às vezes, cantarolava, sem abrir a boca, algum trecho ainda mais idoso que ele ou tanto;
Parfois il fredonnait sans ouvrir la bouche, une certain répertoire encore plus ancien que lui, ou tout autant du moins ;
vozes assim abafadas são sempre possíveis.
chanter d’une voix aussi étouffée, c’est toujours possible.
Vinha aqui jantar comigo algumas vezes.
Il venait dîner avec moi parfois.
Uma noite, depois de muito Chianti, repetiu-me a definição do costume, e como eu lhe dissesse que a vida tanto podia ser uma ópera como uma viagem de mar ou uma batalha, abanou a cabeça e replicou:
Une nuit, après beaucoup de Chianti, il m’a répété sa définition coutumière, et comme je le lui rétorquais que la vie pouvait être un opéra tout comme elle aurait pu être un voyage en mer ou une bataille, il secoua la tête et répondit:







— A vida é uma ópera e uma grande ópera.
– La vie est un opéra et un grand opéra !
O tenor e o barítono lutam pelo soprano, em presença do baixo e dos comprimários, quando não são o soprano e o contralto que lutam pelo tenor, em presença do mesmo baixo e dos mesmos comprimários.
Le ténor et le baryton luttent pour le soprano en présence de la basse et des rôles secondaires, quand ce n’est pas le soprano et le contralto pour le ténor, en présence de la même basse et des rôles secondaires.
Há coros numerosos, muitos bailados, e a orquestração é excelente…
Il y a de nombreux chœurs, de nombreux ballets, et l’orchestration est excellente …

— Mas, meu caro Marcolini…
– Mais, mon cher Marcolini …

— Quê?…
– Quoi ?…

E, depois, de beber um gole de licor, pousou o cálice, e expôs-me a história da criação, com palavras que vou resumir.
Et après une gorgée de liqueur, il posa la tasse, et me rapporta l’histoire de la création, avec des mots que je vais vous résumer.

Deus é o poeta.
Dieu est le poète.
A música é de Satanás, jovem maestro de muito futuro, que aprendeu no conservatório do céu.
La musique est de Satan, jeune maestro pourvu d’un grand avenir, qui a appris sous la grande voûte céleste.
Rival de Miguel, Rafael e Gabriel, não tolerava a precedência que eles tinham na distribuição dos prêmios.
Rival de Michel, Raphaël et Gabriel, il ne tolérait pas leur primauté lors de la distribution des prix.
Pode ser também que a música em demasia doce e mística daqueles outros condiscípulos fosse aborrecível ao seu gênio essencialmente trágico.
Il se peut que la musique trop douce et mystique de ces autres associés était tout simplement odieuse à son génie essentiellement tragique.
Tramou uma rebelião que foi descoberta a tempo, e ele expulso do conservatório.
Il a fomenté une rébellion qui fut découverte dans le temps, et fut expulsé du conservatoire.
Tudo se teria passado sem mais nada, se Deus não houvesse escrito um libreto de ópera, do qual abrira mão, por entender que tal gênero de recreio era impróprio da sua eternidade.
Tout se serait passé sans bruit si Dieu n’avait pas écrit un livret d’opéra, qu’il y avait renoncé ensuite, comprenant que ce genre de loisirs était inapproprié à son éternité.
Satanás levou o manuscrito consigo para o inferno.
Satan déroba alors le manuscrit et l’emporta en enfer.
Com o fim de mostrar que valia mais que os outros, — e acaso para reconciliar-se com o céu, — compôs a partitura, e logo que a acabou foi levá-la ao Padre Eterno.
Afin de montrer qu’il valait plus que les autres – et pour probablement se réconcilier avec le ciel – il composa la partition, puis, une fois terminée, l’apporta au Père Eternel.

— Senhor, não desaprendi as lições recebidas, disse-lhe.
– Seigneur, je n’ai nullement oublié les leçons reçues, lui dit-il.
Aqui tendes a partitura, escutai-a, emendai-a, fazei-a executar, e se a achardes digna das alturas, admiti-me com ela a vossos pés…
Ici vous trouverez la partition, écoutez-là, modifiez-là et jouez-là, et si vous la trouvez digne des hauteurs, admettez-là avec elle à vos pieds …

— Não, retorquiu o Senhor, não quero ouvir nada.
– Non, répondit le Seigneur, je ne veux nullement entendre quoi que ce soit.

— Mas, Senhor…
– Mais, Seigneur…

— Nada! nada!
– Rien ! rien !







Satanás suplicou ainda, sem melhor fortuna, até que Deus, cansado e cheio de misericórdia, consentiu em que a ópera fosse executada, mas fora do céu.
Satan plaida encore sans obtenir de meilleure fortune, jusqu’à ce que Dieu, fatigué et plein de miséricorde, consenti à ce que l’opéra soit joué, mais hors du ciel.
Criou um teatro especial, este planeta, e inventou uma companhia inteira, com todas as partes, primárias e comprimárias, coros e bailarinos.
Il créa un théâtre spécial, cette planète qui est la nôtre, et inventa toute une entreprise, avec tous les rôles, les premiers et les seconds rôles, des chorales et des danseurs.

— Ouvi agora alguns ensaios!
– Écoutez quelques répétitions désormais !

— Não, não quero saber de ensaios.
– Non, je ne veux pas gérer les répétitions.
Basta-me haver composto o libreto;
C’est assez que d’avoir composé le livret ;
estou pronto a dividir contigo os direitos de autor.
je suis prêt à partager avec toi les droits d’auteur.

Foi talvez um mal esta recusa;
Ce refus fut certainement une erreur ;
dela resultaram alguns desconcertos que a audiência prévia e a colaboração amiga teriam evitado.
et ainsi le résultat donna des fausses notes qu’une audition préalable et une collaboration amicale auraient pu éviter.
Com efeito, há lugares em que o verso vai para a direita e a música, para a esquerda.
En effet, il y a des endroits où le verset allaient vers la droite et la musique, elle, portait à gauche.
Não falta quem diga que nisso mesmo está a beleza da composição, fugindo à monotonia, e assim explicam o terceto do Éden, a ária de Abel, os coros da guilhotina e da escravidão.
Il y a ceux qui disent que c’est justement cela qui donnait de la beauté à la composition, qui permettait d’échapper à la monotonie, et donc expliquer le trio d’Eden, l’aria d’Abel, les chœurs de la guillotine et l’esclavage.
Não é raro que os mesmos lances se reproduzam, sem razão suficiente.
Il est fréquent que les mêmes passages se reproduisaient sans raison particulière.
Certos motivos cansam à força de repetição.
Certains motifs étaient même fatigants à force d’être répéter.
Também há obscuridades;
Il y avait aussi bien des obscurités ;
o maestro abusa das massas corais, encobrindo muita vez o sentido por um modo confuso.
le maître abuse des lourdeurs de la chorale, couvrant le sens avec beaucoup de confusion.
As partes orquestrais são aliás tratadas com grande perícia.
Les parties orchestrales sont en effet traitées avec une grande habileté.
Tal é a opinião dos imparciais.
Telle est l’opinion des jugements impartiaux.

Os amigos do maestro querem que dificilmente se possa achar obra tão bem acabada.
Les amis du maestro pensent qu’il est difficile de trouver un travail si bien fini.
Um ou outro admite certas rudezas e tais ou quais lacunas, mas com o andar da ópera é provável que estas sejam preenchidas ou explicadas, e aquelas desapareçam inteiramente, não se negando o maestro a emendar a obra onde achar que não responde de todo ao pensamento sublime do poeta.
Certains admettent des grossièretés et quelques lacunes, mais, dans la suite de l’opéra, il est probable que cela soit attenué ou expliqué, et elles disparaîtront complètement, le maître ne niant pas devoir modifier son oeuvre, estimant qu’elle ne répond pas totalement à la sublime réflexion du poète.
Já não dizem o mesmo os amigos deste.
Mais ce n’est pas ce que disent les amis de celui-ci.
Juram que o libreto foi sacrificado, que a partitura corrompeu o sentido da letra, e, posto seja bonita em alguns lugares, e trabalhada com arte em outros, é absolutamente diversa e até contrária ao drama.
Ils jurent que le livret a été sacrifié, que la partition a corrompu le sens du texte, et, il est entendu qu’elle était belle à certains endroits, et travaillée avec art dans d’autres, mais qu’elle était absolument différente, voire contraire au drame.
O grotesco, por exemplo, não está no texto do poeta;
Le grotesque, par exemple, ne figure pas dans le texte du poète ;
é uma excrescência para imitar as Mulheres Patuscas de Windsor.
Il s’agit d’une excroissance pour imiter les Joyeuses Commères de  Windsor.
Este ponto é contestado pelos satanistas com alguma aparência de razão.
Ce point est contesté par les satanistes avec quelques apparences de raison.
Dizem eles que, ao tempo em que o jovem Satanás compôs a grande ópera, nem essa farsa nem Shakespeare eram nascidos.
Ils disent que, au moment où le jeune Satan composa son grand opéra, ni cette farce ni Shakespeare n’étaient nés.
Chegam a afirmar que o poeta inglês não teve outro gênio senão transcrever a letra da ópera, com tal arte e fidelidade, que parece ele próprio o autor da composição;
Ils affirment même que le poète anglais n’a pas d’autre génie, sinon celui de transcrire les paroles de l’opéra, avec un tel art et une telle fidélité, qu’il pouvait passer pour être l’auteur de la composition ;
mas, evidentemente, é um plagiário.
mais, bien sûr, c’était un plagiaire.








— Esta peça, concluiu o velho tenor, durará enquanto durar o teatro, não se podendo calcular em que tempo será ele demolido por utilidade astronômica.
– Cette pièce, conclu le vieux ténor, durera aussi longtemps que le théâtre, et on n’est pas en mesure de calculer l’heure à laquelle il sera démoli par l’utilité astronomique.
O êxito é crescente.
Le succès est grandissant.
Poeta e músico recebem pontualmente os seus direitos autorais, que não são os mesmos, porque a regra da divisão é aquilo da Escritura:
Poète et musicien reçoivent ponctuellement leurs droits d’auteur, ils ne touchent pas la même chose, car la règle est que la division de l’Écriture :
« Muitos são os chamados, poucos os escolhidos ».
«Beaucoup sont appelés, peu sont élus. »
Deus recebe em ouro, Satanás em papel.
Dieu reçoit de l’or, Satan du papier.

— Tem graça…
– Vous êtes drôle …

— Graça?
– Drôle ?
bradou ele com fúria;
cria-t-il avec fureur ;
mas aquietou-se logo, e replicou:
mais se calmant aussitôt, il répondit :
Caro Santiago, eu não tenho graça, eu tenho horror à graça.
Cher Santiago, je ne suis pas drôle, j’ai horreur du comique.
Isto que digo é a verdade pura e última.
Ce que je dis est la vérité pure et ultime.
Um dia, quando todos os livros forem queimados por inúteis, há de haver alguém, pode ser que tenor, e talvez italiano, que ensine esta verdade aos homens.
Un jour, tous les livres seront brûlés car sans valeur, quelqu’un viendra, peut-être un ténor, peut-être un italien, pour enseigner cette vérité aux hommes.
Tudo é música, meu amigo.
Tout est musique, mon ami.
No princípio era o dó, e do dó fez-se ré, etc.
Au commencement était le do, et le do est devenu ré, etc.
Este cálice (e enchia-o novamente), este cálice é um breve estribilho.
Cette coupe (et il la remplissait à nouveau), cette coupe est un bref refrain.
Não se ouve?
Vous n’entendez pas ?
Também não se ouve o pau nem a pedra, mas tudo cabe na mesma ópera…
De même, vous n’entendez pas le bâton, ni la pierre, mais tout cela se trouve dans le même opéra …

*******

A Ópera
DOM CASMURRO MACHADO DE ASSIS

*********

dom-casmurro-machado-de-assis-la-denonciation-artgitato-victor-meirelles-de-lima-la-premiere-messe-au-bresil-1861Victor Meirelles de Lima
La Première messe au Brésil
A Primeira Missa no Brasil
1861
Museu Nacional de Belas Artes – MnBA
Rio de Janeiro

POLICE LUNAIRE (2016) UN GRAND CYGNE BLANC SUR UNE MER PROFONDE TOM GAULD –

BANDE DESSINEE
TOM GAULD
POLICE LUNAIRE
EDITIONS 2024

POLICE LUNAIRE

 UN GRAND CYGNE BLANC
SUR UNE
MER PROFONDE

Tom gauld nous entraîne sur cette mer profonde et grise où surnagent des donuts et quelques robots fatigués.
Ils ne sont pas nombreux et ne resteront que deux. Un homme et une femme, Adam et Eve de demain, partageant un café et un donut en regardant la terre.

Autour, le noir et les étoiles. La poésie vient du gris, des ondes de poussière dans l’attente d’une mutation impossible.








La poésie vient du lieu et des feux qui du gris et du bleu embrasent. Des cercles qui enserrent les têtes et les mots inutiles.

« Je suis pâle, il est vrai, mais je suis belle aussi,
Et quand tes derniers feux se sont éteints dans l’onde,
C’est mon tour de voguer sur le monde obscurci
Comme un grand cygne blanc sur une mer profonde. »
(
Raoul Ponchon La Lune –  La Muse gaillarde, Aux éditions Rieder, 1939 pp. 224-225)

Mais il ne se passe rien et c’est passionnant. Ce rien nous habite et occupe l’espace sidéral.  Les êtres sillonnent la lune dans leur véhicule qui avance immobile. et « La lune sillonne les cieux,
Mais un peu triste, et bien seulette,  Comme si faute d’être deux
Elle languissait la pauvrette :  Les étoiles voila sa cour… Les étoiles voilà sa cour, Pour son miroir elle a la terre… »  (Letitia Elizabeth Landon)

Il ne reste que deux êtres… Il n’en restera que deux. Les premiers avaient l’espoir, mais que laissent-ils aux autres, aux deux autres.

Deux êtres qui rencontrent leur solitude au rythme d’un écran ; un écran qui distille des informations lapidaires et de bien tristes nouvelles. Les humains partent et des machines arrivent, souvent inadaptées, « non équipées pour les terrains accidentés. »

Un policier, un seul. Mais sans crimes ni délits. Un chien parfois s’égare. Une fillette aussi dans une zone qui est interdite sans que l’on sache vraiment pourquoi tant elle ressemble à l’autre zone.

Mais zéro crime, ça donne 100% d’affaires élucidées et un moral à 100% dans les chaussettes.

L’humour est là, léger comme la voiture de police qui garde les lieux. léger, perceptible. Mais est-ce encore de l’humour quand la joie a définitivement quitté les lieux. La lune jette « son masque obscur » sur les machines et les âmes. Que faire ?

« La lune, sortant des nuages noirs,
Semble une clarté qui vient par surprise.

Oui, je leur donnerais, lune, ta sombre sphère,
Ton ciel, d’où Swedenborg n’est jamais revenu,
Ton énigme, ton puits sans fond, ton inconnu !
Oui, je leur donnerais, en disant : Soyez sages !
Ton masque obscur qui fait le guet dans les nuages,
Tes cratères tordus par de noirs aquilons,
Tes solitudes d’ombre et d’oubli, tes vallons,
Peut-être heureux, peut-être affreux, édens ou bagnes,
Lune, et la vision de tes pâles montagnes. »
Victor Hugo
LA LUNE
L’Art d’être grand-père, Calmann-Lévy, éditeurs, 1877 (pp. 47-59).




Il y a maintenant deux cygnes blancs sur une mer profonde qui regardent la Terre.

Jacky Lavauzelle

CAMOES OS LUSIADAS III-2 LES LUSIADES

Luís Vaz de Camões Les Lusiades
OS LUSIADAS III-2 LES LUSIADES III-2
LITTERATURE PORTUGAISE

Luis de Camoes Oeuvres obras Artgitato

literatura português

Luis de Camões
[1525-1580]

Tradução – Traduction
texto bilingue

Luis de Camoes Les Lusiades

 

Obra Poética

(1556)

LES LUSIADES III-2

OS LUSIADAS III-2

A Epopeia Portuguesa

 

CHANT III
Canto Terceiro

Traduction Jacky Lavauzelle

verso  2
Strophe 2

III-2

Image illustrative de l'article Vasco de Gama

Vasco de Gama

Vasco da Gama signature almirante.svg

 

******

Luís Vaz de Camões Les Lusiades
OS LUSIADAS III-2
LES LUSIADES III-2

 *****

Põe tu, Ninfa, em efeito meu desejo,
Peux-tu, ô Nymphe, exaucer mon désir,
  Como merece a gente Lusitana;
Comme le mérite le peuple lusitanien ;…

 

Vasco de Gama par Gregorio Lopes

*********************
Luís Vaz de Camões Les Lusiades
OS LUSIADAS III-2 LES LUSIADES III-2

Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
*********************

White_Fawn_Drawing Faon Diane

LA VIE DE LUIS DE CAMOES
par Charles Magnin

( Extrait )
Par En cherchant à montrer la différence qui sépare la vie aventureuse et active des écrivains portugais, notamment celle de Camoens, de la vie casanière et posée de la plupart de nos gens de lettres, je ne prétends pas élever par-là les œuvres des uns, ni déprimer les productions des autres. Je n’en crois pas les élégies de Camoens plus touchantes parce qu’elles sont datées d’Afrique, de la Chine et de l’Inde ; je n’en estime pas Polyeucte et Cinna moins admirables, parce que le grand Corneille n’a guère fait de plus longues pérégrinations que le voyage de Paris à Rouen. Je ne conseille à personne de louer un cabinet d’étude à Macao ; mais je crois que, généralement, si les ouvrages écrits au milieu des traverses et au feu des périls ne sont pas plus beaux, les vies de leurs auteurs sont plus belles. Indépendamment de la variété des aventures, on y trouve plus d’enseignements. J’admire et j’honore infiniment La Fontaine et Molière, mais j’honore et j’admire encore plus, comme hommes, Cervantès et Camoens. A mérite de rédaction égal, une histoire littéraire du Portugal serait un meilleur et plus beau livre qu’une histoire littéraire de notre dix-septième ou dix-huitième siècle. C’est une chose bonne et sainte que la lecture de ces vies d’épreuves, que ces passions douloureuses des hommes de génie, Je ne sache rien de plus capable de retremper le cœur. C’est pour cela que dans ce temps de souffrances oisives, de désappointements frivoles, de molles contrariétés et de petites douleurs, j’ai cru bon d’écrire l’étude suivante sur la vie de Luiz de Camoens.
….

OS LUSIADAS III-2
Luís Vaz de Camões Les Lusiades

LA THEORIE Aceito a Teoria DOM CASMURRO Capítulo X CHAPITRE MACHADO DE ASSIS

Aceito a Teoria
DOM CASMURRO MACHADO DE ASSIS

L’Œuvre de Joaquim Maria Machado de Assis

Poema & Prosa de Machado de Assis




Dom Casmurro Machado de Assis

Littérature Brésilienne
Literatura Brasileira

Joaquim Maria Machado de Assis
 Rio de Janeiro 1839 – 1908 Rio de Janeiro


joaquim-maria-machado-de-assis-artgitato




 

L’Œuvre de Machado de Assis

*******************

DONA GLORIA
Dom Casmurro Machado de Assis

 DOM CASMURRO
X
Roman – Romance

1899

Traduction Jacky Lavauzelle

*****

dom-casmurro-machado-de-assis-artgitato-joaquin-sorolla-paseo-par-la-playa-1909-museo-sorolla-madridJoaquin Sorolla
Paseo par la playa
1909
Museo Sorolla Madrid

 

Capítulo X – Dixième Chapitre

Aceito a Teoria
La Théorie




Que é demasiada metafísica para um só tenor, não há dúvida;
C’est trop de métaphysique pour un ténor, sans aucun doute ;
mas a perda da voz explica tudo, e há filósofos que são, em resumo, tenores desempregados.
mais la perte de la voix explique tout, et il y a des philosophes qui sont des ténors chômeurs.







Eu, leitor amigo, aceito a teoria do meu velho Marcolini, não só pela verossimilhança, que é muita vez toda a verdade, mas porque a minha vida se casa bem à definição.
Moi, cher lecteur, j’accepte la théorie de mon vieux Marcolini, non seulement pour sa vraisemblance, ce qui est souvent toute la vérité, mais parce que ma vie correspond bien à la définition.
Cantei um duo terníssimo, depois um trio, depois um quatuor…
J’ai chanté un duo des plus tendres, puis un trio, un quatuor …
Mas não adiantemos;
Mais n’allons pas trop vite ;
vamos à primeira parte, em que eu vim a saber que já cantava, porque a denúncia de José Dias, meu caro leitor, foi dada principalmente a mim.
revenons à la première partie, dans laquelle je compris que je chantais car la plainte de José Dias, mon cher lecteur, m’était surtout destinée.
A mim é que ele me denunciou.
C’est à moi qu’il me dénonça.

*******

Aceito a Teoria
DOM CASMURRO MACHADO DE ASSIS

*********

dom-casmurro-machado-de-assis-la-denonciation-artgitato-victor-meirelles-de-lima-la-premiere-messe-au-bresil-1861Victor Meirelles de Lima
La Première messe au Brésil
A Primeira Missa no Brasil
1861
Museu Nacional de Belas Artes – MnBA
Rio de Janeiro