MONUMENTO MARTINEZ CAMPOS Madrid Памятник Мартинес Кампос

Madrid – Мадрид – 马德里
Monumento Martinez Campos
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Madrid Blason Artgitato  Madrid L'Ours & L'arbousier Artgitato La estatua del oso y del madroño

Photo Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato



 MONUMENTO A MARTINEZ CAMPOS
Monument à Martinez Campos
Памятник Мартинес Кампос

PARQUE DE EL RETIRO

 

Arsenio Martínez-Campos Antón
1831-1900

Arsenio_martinez_campos

Martinez Campos Monumento Monument Parque de El Retiro Madrid Artgitato (1) Martinez Campos Monumento Monument Parque de El Retiro Madrid Artgitato (2) Martinez Campos Monumento Monument Parque de El Retiro Madrid Artgitato (3) Martinez Campos Monumento Monument Parque de El Retiro Madrid Artgitato (4)

UN DES PLUS BRILLANTS CHEFS MILITAIRE DE L’ESPAGNE
LE PACIFICATEUR DE CUBA
1879

L’Espagne à son tour vient d’avoir sa crise intérieure, une crise ministérielle qui s’est dénouée en quelques jours par la retraite de M. Canovas del Castillo et par l’avènement à la présidence du conseil du général Martinez Campos. A proprement parler, ce n’est point un changement de direction politique, puisque le nouveau cabinet comme l’ancien est l’expression des opinions conservatrices libérales qui ont trouvé jusqu’ici une majorité dans les cortès, et que de plus, comme pour rendre le fait plus sensible, quelques-uns des collègues de M. Canovas del Castillo, M. de Toreno, M. Orovio, M. Pavia, restent dans le ministère du général Martinez Campos. La modification qui vient de s’accomplir à Madrid n’a pas moins sa gravité parce qu’elle est la première de cette importance depuis le rétablissement de la monarchie et parce qu’elle est née de circonstances particulières. Comment s’est donc produite cette crise qui pendant quelques jours a si vivement occupé Madrid ? Mon Dieu ! il y a peut-être au fond une raison bien simple, très humaine, qui joue souvent un plus grand rôle qu’on ne le croit dans la politique : ces » que M. Canovas del Castillo était depuis longtemps aux affaires ! M. Canovas del Castillo a été le véritable organisateur de cette restauration espagnole dont le général Martinez Campos avait été le premier promoteur militaire. Depuis l’avènement du roi Alphonse, il n’a cessé d’être au pouvoir, ayant à faire face à des difficultés de toute sorte, à la guerre civile du nord, à l’insurrection de Cuba, à toutes les nécessités d’une réorganisation intérieure, déployant à cette œuvre autant de souplesse que de fermeté, évitant toute concession aux idées anarchiques et toute réaction absolutiste ou religieuse. Il a voulu être le premier ministre d’une restauration constitutionnelle, il a réussi ; mais il est depuis plus de quatre ans déjà au pouvoir, et dans un pays comme l’Espagne, même dans bien d’autres pays, un ministère si prolongé finit par irriter les partis à peine réconciliés, M, Canovas del Castillo était le premier à le sentir ; il comprenait qu’à l’approche d’une dissolution devenue inévitable des cortès il devait offrir au roi sa démission, ne fût-ce que pour ne pas paraître vouloir prolonger son règne ministériel à la faveur des élections. Rien n’était encore décidé cependant, et ce qui en réalité a déterminé ou précipité la crise, c’est l’arrivée à Madrid du général Martinez Campos revenant en triomphateur de Cuba.
Le général Martinez Campos, qui le premier il y a quatre ans relevait le drapeau du roi Alphonse, est aujourd’hui un des plus brillants chefs militaires de l’Espagne. Après avoir contribué avec un certain éclat à terminer la guerre carliste, il vient de passer deux années à Cuba, où il a réussi à en finir avec une insurrection de dix ans. Il ne s’est pas borné à agir en soldat, il a procédé en politique. Il n’a pas tardé à comprendre que cette pacification qu’il venait de réaliser ne serait durable qu’avec de grandes et sérieuses réformes politiques, commerciales, financières. Il s’est fait tout un programme, et c’est pour assurer la réalisation de ce programme qu’il est revenu récemment à Madrid avec le prestige d’un nom popularisé par le succès. Les idées du gouverneur de Cuba peuvent être justes ; mais on ne peut se dissimuler qu’elles sont de nature à imposer de singulières charges aux finances déjà assez pauvres de l’Espagne et qu’elles touchent à bien des intérêts puissants, tenaces de la métropole, M. Canovas del Castillo a-t-il vu tout de suite qu’il ne pourrait accepter la responsabilité d’une politique qui, dans tous les cas, avait besoin de la sanction de nouvelles cortès ? Il a cru surtout évidemment l’occasion favorable pour s’effacer devant un brillant successeur, et c’est dans ces conditions que le jeune roi, après avoir consulté tous les chefs de partis, après avoir écouté tout le monde, s’est décidé à appeler à la présidence du conseil le général Martinez Campos lui-même. Aujourd’hui, c’est sous les auspices du nouveau ministère que vont être élues les cortès appelées à sanctionner ou à modifier les plans de l’heureux pacificateur de Cuba ; mais, quel que soit le sort des réformes coloniales, c’est toujours visiblement la politique constitutionnelle, la politique de libéralisme conservateur, qui garde le pouvoir et l’ascendant au delà des Pyrénées.

Charles de Mazade
Chronique de la quinzaine, histoire politique et littéraire – 14 mars 1879
Revue des Deux Mondes, 3e période
Tome 32, 1879 pp. 469-480

*****

LE GENERAL MARTINEZ CAMPOS  EN 1888

« Comment cela s’est-il passé ? On ne s’y attendait peut-être pas sitôt. Un incident imprévu et assez singulier, d’une nature assez délicate, est venu tout précipiter. En l’absence de la reine, il est d’usage que la première autorité militaire de Madrid aille tous les jours prendre le mot d’ordre auprès de la personne de la famille royale la plus rapprochée du trône. Après le départ de la régente, le capitaine-général de la Nouvelle-Castille, gouverneur militaire de Madrid, le général Martinez Campos, qui est un personnage important de la situation, s’est conformé à l’usage en se rendant tous les jours auprès de l’infante Isabelle, qui a été elle-même un moment princesse des Asturies, héritière du trône. L’infante Isabelle a quitté à son tour Madrid ; il n’est plus resté que l’infante Eulalia, mariée à un fils du duc de Montpensier, officier dans l’armée active, et le gouverneur de Madrid, s’en tenant strictement à l’ordonnance militaire, ne s’est plus cru obligé d’aller chercher le mot d’ordre auprès d’une princesse dont le mari est son subordonné. La question a été soumise au ministre de la guerre, qui était en ce moment auprès de la régente à Barcelone, et le ministre, le général Cassola, paraît avoir répondu d’un ton impérieux et cassant, en homme qui n’était pas lâché de faire sentir son autorité au gouverneur de Madrid. Le général Martinez Campos a répondu aussitôt par sa démission, — et voilà la guerre allumée pour le mot d’ordre qui n’a pas été demandé à l’infante ! S’il y a eu quelque plainte, elle ne paraît pas être venue de l’infante elle-même, et comme, d’un autre côté, le général Martinez Campos, qui est un des principaux auteurs de la restauration, un des serviteurs les plus résolus de la monarchie, ne peut pas être soupçonné d’avoir voulu manquer d’égards à une personne de la maison royale, il est clair que l’incident survenu à Madrid n’a été qu’une occasion. La question d’étiquette n’a été qu’un prétexte dans une situation déjà compromise, devenue de plus en plus laborieuse et confuse par le trouble des partis, par l’ébranlement de la majorité ministérielle, par la difficulté qu’éprouve le chef du cabinet, M. Sagasta, à faire accepter sa politique. Le fait est que, depuis quelque temps, le ministère rencontre une assez vive opposition, même parmi ses amis. Le ministre de la guerre, le général Cassola, avec ses réformes militaires, n’a réussi qu’à mettre successivement contre lui tous les généraux. Le ministre des finances, de son côté, M. Puigcerver, avec ses projets économiques, a soulevé les plus vives contradictions. Le président du conseil, enfin, s’est exposé à lasser ses partisans avec sa politique semi-réformatrice, à la fois agitée et indécise. Tout tendait à se disloquer, et le général Martinez Campos, qui représente une des fractions constitutionnelles dont l’appui a été jusqu’ici une des forces du ministère, le général Martinez Campos, par sa retraite, n’a fait que hâter une crise qui se préparait depuis quelque temps déjà.
Ce qui sortira maintenant de cette crise ouverte à Madrid est assez difficile à prévoir, d’autant plus que les conditions parlementaires n’ont rien de clair et de précis. Le chef du cabinet, M. Sagasta, est sans doute un homme de ressources et de dextérité, expert dans toutes les combinaisons, habile à raffermir une situation ébranlée et à refaire un ministère. Il paraît évident, toutefois, que le système d’équilibre qu’il a suivi jusqu’ici est à peu près épuisé. Il est obligé de prendre un parti, de se décider à chercher un appui dans un libéralisme plus avancé, dont il devra payer l’alliance par des concessions nouvelles, ou de se replier vers les groupes constitutionnels plus modérés, en ajournant quelques-unes des réformes qu’il a inscrites dans son programme. Ce sont des évolutions qui ne sont peut-être pas sans difficultés et sans périls, même pour un tacticien expérimenté. Si M. Sagasta, soit par lassitude, soit par prévoyance, croit le moment venu pour lui de quitter le pouvoir, il n’y a plus que cette alternative : ou bien les conservateurs dirigés par M. Canovas del Castillo reviendront avant peu aux affaires, ou bien il se formera un cabinet avec le ministre de la justice, M. Alonso Martinez, qui représente un libéralisme modéré, les opinions constitutionnelles auxquelles se rallie le général Martinez Campos. Ce serait, dans tous les cas, une expérience nouvelle, et c’est ainsi que les brillantes fêtes de Barcelone ont pour lendemain cette crise ministérielle que la reine et le président du conseil ont trouvée ouverte à Madrid, qui a cela de caractéristique qu’elle est la première crise un peu décisive depuis l’inauguration de la régence espagnole. »

Ch. de Mazade
Chronique de la quinzaine, histoire politique et littéraire – 14 juin 1888
Revue des Deux Mondes, 3e période,
tome 87, 1888 – pp. 945-956

PLAZA SANTA ANA Madrid – PLACE SAINTE ANNE – 将圣安妮马德里 – площади Санта-Ана в Мадриде

Madrid – Мадрид – 马德里
Plaza Santa Ana Madrid
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Madrid Blason Artgitato  Madrid L'Ours & L'arbousier Artgitato La estatua del oso y del madroño

Photo Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato


PLAZA SANTA ANA MADRID
Place sainte Anne de Madrid
将圣安妮马德里
площади Санта-Ана в Мадриде

 

Création de la Place en 1810 par l’architecte Silvestre Pérez
Silvestre Pérez y Martinez
1767-1825
Arquitecto español – Architecte espagnol

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Statue de Federico García Lorca
Estatua de Federico García Lorca
Статуя Федерико Гарсиа Лорки
费德里科·加西亚·洛尔卡的雕像
1898-1936

Statue de Federico García Lorca Estatua Federico García Lorca Plaza Santa Ana Madrid Artgitato 1

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Statue de Pedro Calderón de la Barca
Estatua de Pedro Calderón de la Barca
Статуя Педро Кальдерона де ла Барка
佩德罗·卡尔德隆·德·拉·巴尔卡雕像

Statue de Pedro Calderón de la Barca Estatua de Pedro Calderón de la Barca Plaza Santa Ana Place Sainte Anne Artgitato 1

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LE THEÂTRE DE CALDERON

Ce que la fatalité était pour les tragiques grecs, l’honneur l’est en quelque sorte pour les poètes dramatiques de l’Espagne. Ils nous le montrent comme une puissance mystérieuse planant sur l’existence entière de leurs personnages, les entraînant impérieusement à sacrifier leurs sentiments et leurs penchants naturels, leur imposant tantôt des actes du plus sublime dévouement, tantôt des crimes, des forfaits vraiment atroces, mais qui perdent ce caractère par l’effet de l’impulsion qui les produit, de la terrible nécessité dont ils sont le résultat. L’honneur, pour eux, n’est pas la vertu, en tant du moins qu’on voudrait donner au mot de vertu sa signification chrétienne ; c’est quelque chose de tout-à-fait distinct, souvent même d’absolument contraire, qui semble plutôt se rapprocher des instincts d’une société encore barbare dans ce qu’ils peuvent avoir de généreux et d’aveugle tout à la fois. Tenir à tout prix la parole une fois donnée, alors même qu’elle ne peut être tenue qu’en violant les lois de la morale et de la justice, et à bien plus forte raison, si en la donnant on n’a compromis que sa propre existence et ses plus chers intérêts ; défendre, envers et contre tous, la cause, quelle qu’elle soit d’ailleurs, de son roi, de son père, de son ami, de tous ceux qu’on est appelé à protéger, soit par la nature ou par une obligation positive, soit parce qu’on a été invoqué par eux au moment du danger ; repousser énergiquement et laver dans le sang tout outrage, toute insulte, toute apparence même d’insulte, tels sont les devoirs de l’honneur, comme on les comprenait en Espagne représentée par les drames de Calderon.

De l’honneur comme ressort dramatique.
Théâtre de Calderon, Rojas, etc.
Louis de Viel-Castel
Revue des Deux Mondes
4ème série, tome 25, 1841

Plaza Santa Ana Place Sainte Anne Artgitato

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PLAZA SANTA ANA Madrid
PLACE SAINTE ANNE – 将圣安妮马德里 – площади Санта-Ана в Мадриде

Pedro Calderón de la Barca Santa Ana – Madrid – Статуя Педро Кальдерона де ла Барка -佩德罗·卡尔德隆·德·拉·巴尔卡雕像

Madrid – Мадрид – 马德里
Estatua de Pedro Calderón de la Barca Santa Ana
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Madrid Blason Artgitato  Madrid L'Ours & L'arbousier Artgitato La estatua del oso y del madroño

Photo Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato


PLAZA SANTA ANA MADRID
Place sainte Anne de Madrid
将圣安妮马德里
площади Санта-Ана в Мадриде

Statue de Pedro Calderón de la Barca
Estatua de Pedro Calderón de la Barca
Статуя Педро Кальдерона де ла Барка
佩德罗·卡尔德隆·德·拉·巴尔卡雕像

Statue de Pedro Calderón de la Barca Estatua de Pedro Calderón de la Barca Plaza Santa Ana Place Sainte Anne Artgitato 0 Statue de Pedro Calderón de la Barca Estatua de Pedro Calderón de la Barca Plaza Santa Ana Place Sainte Anne Artgitato 1 Statue de Pedro Calderón de la Barca Estatua de Pedro Calderón de la Barca Plaza Santa Ana Place Sainte Anne Artgitato 2 Statue de Pedro Calderón de la Barca Estatua de Pedro Calderón de la Barca Plaza Santa Ana Place Sainte Anne Artgitato 3 Statue de Pedro Calderón de la Barca Estatua de Pedro Calderón de la Barca Plaza Santa Ana Place Sainte Anne Artgitato 4

LE THEÂTRE DE CALDERON

Ce que la fatalité était pour les tragiques grecs, l’honneur l’est en quelque sorte pour les poètes dramatiques de l’Espagne. Ils nous le montrent comme une puissance mystérieuse planant sur l’existence entière de leurs personnages, les entraînant impérieusement à sacrifier leurs sentiments et leurs penchants naturels, leur imposant tantôt des actes du plus sublime dévouement, tantôt des crimes, des forfaits vraiment atroces, mais qui perdent ce caractère par l’effet de l’impulsion qui les produit, de la terrible nécessité dont ils sont le résultat. L’honneur, pour eux, n’est pas la vertu, en tant du moins qu’on voudrait donner au mot de vertu sa signification chrétienne ; c’est quelque chose de tout-à-fait distinct, souvent même d’absolument contraire, qui semble plutôt se rapprocher des instincts d’une société encore barbare dans ce qu’ils peuvent avoir de généreux et d’aveugle tout à la fois. Tenir à tout prix la parole une fois donnée, alors même qu’elle ne peut être tenue qu’en violant les lois de la morale et de la justice, et à bien plus forte raison, si en la donnant on n’a compromis que sa propre existence et ses plus chers intérêts ; défendre, envers et contre tous, la cause, quelle qu’elle soit d’ailleurs, de son roi, de son père, de son ami, de tous ceux qu’on est appelé à protéger, soit par la nature ou par une obligation positive, soit parce qu’on a été invoqué par eux au moment du danger ; repousser énergiquement et laver dans le sang tout outrage, toute insulte, toute apparence même d’insulte, tels sont les devoirs de l’honneur, comme on les comprenait en Espagne représentée par les drames de Calderon.

De l’honneur comme ressort dramatique.
Théâtre de Calderon, Rojas, etc.
Louis de Viel-Castel
Revue des Deux Mondes
4ème série, tome 25, 1841

Plaza Santa Ana Place Sainte Anne Artgitato

Statue de Pedro Calderón de la Barca Estatua de Pedro Calderón de la Barca Plaza Santa Ana Place Sainte Anne Artgitato 5

« Le théâtre espagnol, dont la richesse est en quelque sorte proverbiale, est loin d’être aussi connu que sa célébrité pourrait le faire supposer. Depuis deux cents ans, l’opinion de l’Europe a changé plus d’une fois en ce qui le concerne, et ses titres de gloire ont été bien diversement appréciés, suivant les variations qu’ont éprouvées le goût et les doctrines littéraires. Au commencement du XVIIe siècle, à l’époque où l’Espagne, déjà sur son déclin, était pourtant encore la première des puissances, où ses usages, ses modes, sa langue, régnaient dans toutes les cours, où elle imposait aux autres pays les principes, les caprices même de sa littérature, presque au même degré que la France l’a fait depuis ; à cette époque, son théâtre était l’objet d’une admiration universelle. Les immortels ouvrages des Lope de Vega, des Calderon, et même de leurs émules moins fameux, avaient à peine paru, qu’ils étaient traduits au-delà des Pyrénées, et que des imitations plus ou moins heureuses les reproduisaient sur les scènes étrangères. C’est par ces imitations que le grand Corneille commença sa brillante carrière, et tout le monde sait qu’il puisa dans les ouvrages de deux poètes espagnols du second ordre non-seulement l’idée, mais les principaux développements et même les traits les plus saillants de la première tragédie et de la première comédie vraiment dignes de ce nom qu’ait possédées la France. »

Revue des Deux Mondes, tome 21, 1840
Louis de Viel-Castel
Le Théâtre espagnol

Statue de Pedro Calderón de la Barca Estatua de Pedro Calderón de la Barca Plaza Santa Ana Place Sainte Anne Artgitato 6

Il [Agustín Moreto 1618-1669] surpasse d’ailleurs tous les autres poètes espagnols par la régularité et la sagesse de ses compositions, par l’habileté et en même temps par la simplicité, au moins relative, qui président presque toujours à l’arrangement du plan et à la conduite de l’action. L’intrigue, moins compliquée chez lui que chez Calderon, fatigue moins l’esprit du spectateur ou du lecteur, et, avec plus de vraisemblance, elle a aussi plus d’intérêt ; ses dénouemens sont plus naturels, mieux préparés, plus facilement amenés ; son style, un peu moins riche de poésie, sans être entièrement exempt de la contagion du gongorisme, en est beaucoup moins infecté ; la versification n’a ni moins d’élégance ni moins de facilité, et on trouve dans ses dialogues la même délicatesse, la même grace, le même mélange de gaieté fine et de noble courtoisie.

Revue des Deux Mondes, tome 21, 1840
Louis de Viel-Castel
Le Théâtre espagnolStatue de Pedro Calderón de la Barca Estatua de Pedro Calderón de la Barca Plaza Santa Ana Place Sainte Anne Artgitato 7

ART DE CALDERON
DE L’HONNEUR COMME RESSORT DRAMATIQUE

« Une comédie de Calderon, l’Alcade de Zalamea moins connue, surtout hors de l’Espagne, que ces deux chefs-d’œuvre, ne leur est pourtant pas inférieure, et à certains égards mérite peut-être davantage encore de fixer l’attention. L’honneur, avec les rigoureux, les terribles devoirs qu’il impose quelquefois, en est encore le sujet, mais il y est présenté sous un aspect tout nouveau et assez étranger aux habitudes de la scène espagnole, à la nature même du génie de Calderon, si aristocratique dans la plupart de ses conceptions. Ici l’intérêt ne porte pas sur un guerrier illustre, sur un brillant chevalier ; il ne s’agit plus de ces susceptibilités exquises, délicates, un peu factices, si promptes à se révolter à la moindre atteinte souvent imaginaire. Le héros est un homme simple et droit, un roturier plein de sens et de prudence, d’un courage ferme et contenu, en qui l’honneur n’est autre chose que le sentiment de la dignité humaine, et qui ne se décide à venger la plus mortelle injure qu’après avoir perdu tout espoir d’en obtenir réparation. L’offenseur, au contraire, est un jeune gentilhomme, un militaire aveuglé par les orgueilleux préjugés de sa naissance et de sa profession, et qui, dédaignant trop profondément d’obscurs roturiers pour les croire capables de ressentir bien vivement un affront, se permet envers eux, presque sans scrupule, des violences dont il ne soupçonne même pas les conséquences terribles. Cette combinaison déjà essayée avec succès par Lope de Vega, qui, dans sa célèbre comédie le Roi est le meilleur alcade, en avait rattaché le développement à un fait emprunté aux annales un peu fantastiques du moyen-âge et de la féodalité, est bien autrement approfondie dans le drame de Calderon, dont l’action appartient à une époque plus récente et vraiment historique, au règne de Philippe II. »

De l’honneur comme ressort dramatique.
 Théâtre de Calderon, Rojas, etc.
Louis de Viel-Castel
Revue des Deux Mondes
 4ème série, tome 25, 1841Statue de Pedro Calderón de la Barca Estatua de Pedro Calderón de la Barca Plaza Santa Ana Place Sainte Anne Artgitato 8
Statue de Pedro Calderón de la Barca Estatua de Pedro Calderón de la Barca Plaza Santa Ana Place Sainte Anne Artgitato 9

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CALERDON
AU RANG DES PLUS ARDENTS PENSEURS

« On établit un conservatoire à Madrid pour former des chanteurs, lorsqu’il n’y a pas de musique nationale : ne vaudrait-il pas mieux fonder une école où de jeunes artistes viendraient se familiariser avec les secrets de l’ancienne poésie et se préparer par l’étude à jouer les personnages que l’inépuisable invention de quelques hommes a fait vivre d’une vie immortelle ? Il me semble que rien ne serait plus attachant que de voir se succéder sur un théâtre Garcia del Castañar, le Rico hombre de Alcala, l’Étoile de Séville, le Médecin de son honneur, et ce drame si étrange et si poétique qui met Calderon au rang des plus ardens penseurs, — la Vie est un songe. Les écrivains modernes trouveraient dans ces modèles un glorieux stimulant ; le goût du public s’élèverait, sans aucun doute, sous l’influence de cette forte et nationale poésie. Dans ces conditions, institue comme organe de la tradition littéraire, le théâtre du Principe pourrait rivaliser avec les premières scènes de l’Europe. Pour les étrangers, ce serait un attrait de plus ; on aimerait à applaudir Calderon à Madrid, comme on applaudit Corneille à Paris et Shakespeare à Londres. Une des choses les plus curieuses peut-être du Principe, ce n’est pas ce que voit le public : derrière la scène, il est un lieu très hospitalier et presque illustre à Madrid c’est un petit foyer particulier qui avoisine la loge de Julian Romea. Le salon de Romea, comme on le nomme, ne brille pas par les décorations : le plus grand ornement consiste en deux bustes, il est vrai que ce sont les bustes de Calderon et de Mayquez, le plus grand acteur qu’ait eu l’Espagne ; mais là se réunissent chaque soir presque tous les écrivains, les poètes madrilègnes, et même des hommes politiques : on y a vu des présidens du conseil. C’est bien un des lieux où il se dépense le plus d’esprit. »

Charles de Mazade
Madrid et la société espagnole en 1847
Revue des Deux Mondes, Période Initiale
 tome 18, 1847 -pp. 317-353
Premier Chapitre

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Pedro Calderón de la Barca
Pedro Calderón de la Barca de Henao y Riaño
(1600-1681)

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LA VIE EST UN SONGE
La vida es sueño
1635

SOLILOQUIOS
(De Segismundo)
Monologue de Sigismond

Pedro Calderón de la Barca Artgitato Traduction Française La vie est un songe La vida es sueno 1636

 

Acte 1
1

Apurar, cielos, pretendo,
Ciel, Infortuné je suis,
ya que me tratáis así,
pour que vous me traitiez ainsi,
qué delito cometí
quel délit ai-je commis :
contra vosotros naciendo;
Je suis parmi vous ;
aunque si nací, ya entiendo
Je suis né, c’est entendu
  qué delito he cometido;
quel délit ai-je alors commis ;
causa ha tenido
la cause tient à
vuestra justicia y rigor,
votre justice et votre rigueur,
pues el delito mayor
parce que le crime le plus grand
del hombre es haber nacido.
de l’homme c’est d’être né.

****

Sólo quisiera saber,
Laissez-moi savoir seulement,
para apurar mis desvelos
afin de répondre à mon questionnement
(dejando a una parte, cielos,
(oublions un instant, Ciel,
el delito de nacer),
le délit de naître)
¿qué más os pude ofender
Quelle est cette offense
para castigarme más?
pour que tu me punisses tant ?
  ¿No nacieron los demás?
Les autres ne naissent-ils pas ?
Pues si los demás nacieron
Car si d’autres sont nés
¿qué privilegios tuvieron
quelles privilèges ont-ils
  que yo no gocé jamás?
Et que je n’ai pas ?

******

Nace el ave, y con las galas
L’oiseau dès qu’il né, découvre
que le dan belleza suma,
sa grande beauté,
apenas es flor de pluma
Il est juste une légère plume
o ramillete con alas,
ou un bouquet ailé,
 cuando las etéreas salas
à travers les salles éthérées
  corta con velocidad,
qu’il parcourt en un éclair
negándose a la piedad
délaissant négligemment
  del nido que deja en calma;
le nid abandonné;
  y teniendo yo más alma
 pourquoi moi, moi qui ai plus d’âme que ce vertébré
¿tengo menos libertad?
Aurai-je moins de liberté?

*****

Nace el bruto, y con la piel
Quand né le fauve, sa peau
que dibujan manchas bellas,
dessine de belles taches,
apenas signo es de estrellas
qui, à peine, laisse deviner ses étoiles
-gracias al docto pincel-,
grâce à de doctes pinceaux,
cuando atrevido y cruel,
quand audacieux et cruel,
la humana necesidad
le  besoin humain, lui
le enseña a tener crueldad,
vous apprend à être cruel,
monstruo de su laberinto:
monstre du labyrinthe :
¿y yo, con mejor instinto,
Pourquoi moi, qui possède un meilleur instinct,
tengo menos libertad?
devrai-je avoir moins de liberté?

Nace el pez, que no respira,
Quand né le poisson, il ne respire pas,
aborto de ovas y lamas,
fruit d’œufs et de vase,
y apenas bajel de escamas
juste un navire d’écailles
sobre las ondas se mira,
sur les ondes il s’admire,
cuando a todas partes gira,
lorsque, en tournoyant de tous côtés,
midiendo la inmensidad
il mesure l’immensité
de tanta capacidad
de tant de profondeurs
como le da el centro frío;
et finit par trouver le centre glacial ;
¿y yo, con más albedrío,
Pourquoi moi, moi qui possède plus de volonté,
tengo menos libertad?
aurai-je moins de liberté ?

Nace el arroyo, culebra
Dans le ruisseau, voici la couleuvre née
que entre flores se desata,
qui s’étale parmi les fleurs,
y apenas, sierpe de plata,
et juste, serpent d’argent,
entre las flores se quiebra,
Entre les fleurs elle se brise,
cuando músico celebra
quand, en musicien, elle célèbre
de las flores la piedad
les fleurs en divinité
que le da la majestad
qui lui donne la majesté
del campo abierto a su huida;
dans le champ libre quant elle y glisse ;
¿y teniendo yo más vida,
Pourquoi moi, moi qui ai plus de vie,
tengo menos libertad?
aurai-je moins de liberté ?

En llegando a esta pasión,
Pour parvenir à ce chemin de croix,
un volcán, un Etna hecho,
à un volcan, à un Etna, je ressemble,
quisiera arrancar del pecho
m’arrachant de la poitrine
pedazos del corazón:
des morceaux de mon cœur :
¿qué ley, justicia o razón
Quelle est cette loi, cette justice ou cette raison
negar a los hombres sabe
qui nient  aux hommes
privilegio tan suave,
un si doux privilège
exención tan principal,
une telle faveur,
que Dios le ha dado a un cristal,
que Dieu donne à un cristal,
a un pez, a un bruto y a un ave?
à un poisson, à un fauve, à un oiseau?

 TRADUCTION Jacky Lavauzelle
ARTGITATO

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Pedro Calderon de la Barca Santa Ana

ODE A SALVADOR DALI de FREDERICO GARCIA LORCA – ODA

Мадрид – 马德里
Ode de Salvador Dali de Federico García Lorca
——

Madrid Blason Artgitato  Madrid L'Ours & L'arbousier Artgitato La estatua del oso y del madroño

Photos et traduction
Jacky Lavauzelle

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Madrid Drapeau Artgitato



 PODE A SALVADOR DALI
ODA A SALVADOR DALI
de Federico García Lorca
费德里科加西洛尔卡
Ода Сальвадора Дали
Федерико Гарсиа Лорки

Statue de Federico García Lorca à Plaza Santa Ana Madrid
Estatua de Federico García Lorca Plaza Santa Ana
Статуя Федерико Гарсиа Лорки
费德里科·加西亚·洛尔卡的雕像
1898-1936

Statue de Federico García Lorca Estatua Federico García Lorca Plaza Santa Ana Madrid Artgitato 3

Traduction Jacky Lavauzelle

Oda a Salvador Dalí
Ode à Salvador Dali

Una rosa en el alto jardín que tú deseas.
Une rose dans le haut jardin que tu désires.
 Una rueda en la pura sintaxis del acero.
Une roue dans la pure syntaxe de l’acier.
Desnuda la montaña de niebla impresionista.
La montagne dénudée d’un brouillard impressionniste…

 

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Traduction Jacky Lavauzelle
Ode à Salvador Dali

Statue Estatua de Federico García Lorca Santa Ana – 费德里科·加西亚·洛尔卡的雕像 -Статуя Федерико Гарсиа Лорки –

Madrid – Мадрид – 马德里
Estatua de Federico García Lorca Santa Ana
——

Madrid Blason Artgitato  Madrid L'Ours & L'arbousier Artgitato La estatua del oso y del madroño

Photo Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato


PLAZA SANTA ANA MADRID
Place sainte Anne de Madrid
将圣安妮马德里
площади Санта-Ана в Мадриде

Statue de Federico García Lorca
Estatua de Federico García Lorca
Статуя Федерико Гарсиа Лорки
费德里科·加西亚·洛尔卡的雕像
1898-1936

Statue de Federico García Lorca Estatua Federico García Lorca Plaza Santa Ana Madrid Artgitato 3

Traduction Jacky Lavauzelle

Oda a Salvador Dalí
Ode à Salvador Dali

Una rosa en el alto jardín que tú deseas.
Une rose dans le haut jardin que tu désires.
 Una rueda en la pura sintaxis del acero.
Une roue dans la pure syntaxe de l’acier.
Desnuda la montaña de niebla impresionista.
La montagne dénudée d’un brouillard impressionniste.
 Los grises oteando sus balaustradas últimas.
Les gris regardent à leurs dernières balustrades.

Los pintores modernos en sus blancos estudios,
Les peintres modernes dans leurs ateliers blancs
cortan la flor aséptica de la raíz cuadrada.

coupent la fleur aseptique de la racine carrée.
En las aguas del Sena un ice-berg de mármol
Dans les eaux de la Seine un iceberg de marbre
enfría las ventanas y disipa las yedras.

glace les fenêtres et éparpille le lierre.

El hombre pisa fuerte las calles enlosadas.
Les pas décidés de l’homme les rues pavées.
Los cristales esquivan la magia del reflejo.
Les cristaux contournent la magie du reflet.
El Gobierno ha cerrado las tiendas de perfume.
Le Gouvernement a fermé les parfumeries.
La máquina eterniza sus compases binarios.
La machine perpétue son rythme binaire.

Una ausencia de bosques, biombos y entrecejos
Une absence de forêts, paravents et d’entre-sourcils
yerra por los tejados de las casas antiguas.
errant sur les toits des maisons anciennes.
El aire pulimenta su prisma sobre el mar
L’air polit son prisme sur la mer
y el horizonte sube como un gran acueducto.
et l’horizon se lève comme un grand aqueduc.

Marineros que ignoran el vino y la penumbra,
Les marins qui ignorent le vin et la tristesse,
decapitan sirenas en los mares de plomo.
décapitent les sirènes sur les mers de plomb.
La Noche, negra estatua de la prudencia, tiene
La Nuit, statue noire de prudence, tient
el espejo redondo de la luna en su mano.
Le rond miroir de la lune dans sa main.

Un deseo de formas y límites nos gana.
Un désir de formes et de limites nous gagne.
Viene el hombre que mira con el metro amarillo.
Il vient l’homme regardant avec un mètre jaune.
Venus es una blanca naturaleza muerta
Vénus est une nature morte blanche
y los coleccionistas de mariposas huyen.
et les collectionneurs de papillons fuient.

 

Statue de Federico García Lorca Estatua Federico García Lorca Plaza Santa Ana Madrid Artgitato 2

* * *

Cadaqués, en el fiel del agua y la colina,
Cadaques, les fidèles de l’eau et de la colline,
eleva escalinatas y oculta caracolas.
soulève des escaliers et cache des coquillages.
Las flautas de madera pacifican el aire.
Les flûtes en bois pacifient l’air.
Un viejo dios silvestre da frutas a los niños.
Un vieux dieu sauvage donne des fruits aux enfants.

Sus pescadores duermen, sin ensueño, en la arena.
Ses pêcheurs dorment, sans rêves, sur le sable.
En alta mar les sirve de brújula una rosa.
En haute mer, ils se servent en guise de boussole d’une rose.
El horizonte virgen de pañuelos heridos,
L’horizon vierge de tissus lésés,
junta los grandes vidrios del pez y de la luna.
fait se rencontrer les grands yeux vitreux du poisson et de la lune.

Una dura corona de blancos bergantines
Un couronne dure de brigantines blanches
ciñe frentes amargas y cabellos de arena.
enserre les front amers et les cheveux de sable.
Las sirenas convencen, pero no sugestionan,
Les sirènes convaincantes, mais ne nous séduisent pas,
y salen si mostramos un vaso de agua dulce.
et elles se montrent dans un verre d’eau fraîche.

Statue de Federico García Lorca Estatua Federico García Lorca Plaza Santa Ana Madrid Artgitato 1

* * *

¡Oh, Salvador Dalí, de voz aceitunada!
Ô, Salvador Dali, voix olivée !
No elogio tu imperfecto pincel adolescente
Je ne loue pas ton pinceau adolescent imparfait
ni tu color que ronda la color de tu tiempo,
ni ta couleur qui se complait dans la couleur de ton temps,
pero alabo tus ansias de eterno limitado.
mais je loue ton angoisse de l’éternel limité.

Alma higiénica, vives sobre mármoles nuevos.
Âme hygiénique, tu vis sur de nouveaux marbres.
Huyes la oscura selva de formas increíbles.
Tu fuis la forêt obscure d’incroyables formes.
Tu fantasía llega donde llegan tus manos,
Ton imagination va où atteignent tes mains,
  y gozas el soneto del mar en tu ventana.
et tu adores le sonnet de la mer dans ta fenêtre.

El mundo tiene sordas penumbras y desorden,
Le monde est sourde obscurité et désordre,
 en los primeros términos que el humano frecuenta.
dans les premiers termes que l’homme fréquente.
Pero ya las estrellas ocultando paisajes,
Mais les étoiles cachent des paysages,
señalan el esquema perfecto de sus órbitas.
et soulignent le contour parfait de leurs orbites.

La corriente del tiempo se remansa y ordena
Le courant du temps se calme et s’ordonne
en las formas numéricas de un siglo y otro siglo.
sous des formes numériques d’un siècle et d’un autre siècle.
Y la Muerte vencida se refugia temblando
Et la Mort vaincue se réfugie tremblante
en el círculo estrecho del minuto presente.
dans le cercle étroit de la présente minute.

Al coger tu paleta, con un tiro en un ala,
Pour prendre ta palette, avec un tir dans une aile,
pides la luz que anima la copa del olivo.
tu demandes la lumière qui anime la coupe de l’olivier.
Ancha luz de Minerva, constructora de andamios,
La grande lumière de Minerve, constructrice d’échafaudages,
donde no cabe el sueño ni su flora inexacta.
d’où ne trouvent ni le rêve ni sa flore inexacte.

Pides la luz antigua que se queda en la frente,
Tu demandes à la vieille lumière de rester sur le front,
  sin bajar a la boca ni al corazón del bosque.
sans descendre à la bouche ou au cœur de la forêt.
Luz que temen las vides entrañables de Baco
Lumière craignant les vignes tendres de Bacchus
  y la fuerza sin orden que lleva el agua curva.
et la force sans ordre qui supporte l’eau incurvé.

Haces bien en poner banderines de aviso,
Tu fais bien de poster des banderoles d’avertissement,
en el límite oscuro que relumbra de noche.
dans la limite sombre où brille la nuit.
Como pintor no quieres que te ablande la forma
En tant que peintre tu ne veux pas adoucir la forme
el algodón cambiante de una nube imprevista.
et ce coton changeant d’un nuage inattendu.

El pez en la pecera y el pájaro en la jaula.
Le poisson dans l’aquarium et l’oiseau dans la cage.
  No quieres inventarlos en el mar o en el viento.
Tu ne veux pas les inventer en mer ou dans le vent.
Estilizas o copias después de haber mirado,
Tu sylises ou tu copies après avoir regardé,
con honestas pupilas sus cuerpecillos ágiles.
avec les yeux honnêtes ces petits corps agiles.

Amas una materia definida y exacta
Tu aimes une matière définie et précise
donde el hongo no pueda poner su campamento.
où le champignon ne peut pas installer son camp.
Amas la arquitectura que construye en lo ausente
Tu aimes l’architecture qui se fonde sur les absences
 y admites la bandera como una simple broma.
et tu admets le drapeau comme une simple plaisanterie.

Dice el compás de acero su corto verso elástico.
Il est dit que le compas d’acier raconte son court verset élastique.
Desconocidas islas desmiente ya la esfera.
Îles inconnues démenties par la sphère.
Dice la línea recta su vertical esfuerzo
Ligne droite évoquant son vertical effort
 y los sabios cristales cantan sus geometrías.
et les sages cristaux chantent leurs géométries.

Statue de Federico García Lorca Estatua Federico García Lorca Plaza Santa Ana Madrid Artgitato 4

 *

Pero también la rosa del jardín donde vives.
Mais aussi la rose du jardin où tus vis.
¡Siempre la rosa, siempre, norte y sur de nosotros!
Toujours la rose, toujours, au nord et au sud de nous !
Tranquila y concentrada como una estatua ciega,
Calme et concentré comme une statue aveugle,
ignorante de esfuerzos soterrados que causa.
ignorante des efforts souterrains qu’elle engendre.

Rosa pura que limpia de artificios y croquis
Rose pure que lave des artifices et des croquis
y nos abre las alas tenues de la sonrisa
et qui nous ouvre les ailes légère du sourire
 (Mariposa clavada que medita su vuelo).
(Papillon épinglé qui réfléchit son vol).
Rosa del equilibrio sin dolores buscados.
Rose de l’équilibre sans douleurs désirées.
  ¡Siempre la rosa!
Toujours la rose!

* * *

¡Oh, Salvador Dalí de voz aceitunada!
Ô Salvador Dali, voix olivée !
Digo lo que me dicen tu persona y tus cuadros.
Je dis ce qu’ils me disent : ta personne et tes peintures.
 No alabo tu imperfecto pincel adolescente,
Aucune louange pour ton pinceauadolescent imparfait,
pero canto la firme dirección de tus flechas.
mais je chante le sens constant de tes flèches.

Canto tu bello esfuerzo de luces catalanas,
Je chante ton bel effort de lumières catalanes,
tu amor a lo que tiene explicación posible.
ton amour de ce qui est possible et explicable.
Canto tu corazón astronómico y tierno,
Je chante ton cœur astronomique et tendre,
  de baraja francesa y sin ninguna herida.
de cartes françaises et sans aucune blessure.

Canto el ansia de estatua que persigues sin tregua,
Je sens cette inquiétude de la statue que tu poursuis sans relâche,
el miedo a la emoción que te aguarda en la calle.
la peur de l’excitation qui t’attend dans la rue.
Canto la sirenita de la mar que te canta
Je chante la petite sirène de la mer qui te chante
montada en bicicleta de corales y conchas.
montée sur son vélo de coraux et de coquillages.

Pero ante todo canto un común pensamiento
Mais surtout je chante une pensée commune
que nos une en las horas oscuras y doradas.
qui nous unit dans les heures sombres et dorées.
No es el Arte la luz que nos ciega los ojos.
La lumière de l’Art n’aveugle pas nos yeux.
Es primero el amor, la amistad o la esgrima.
Mais plutôt l’amour, l’amitié ou l’escrime.

Es primero que el cuadro que paciente dibujas
Avant ce cadre que, patient, tu peins,
el seno de Teresa, la de cutis insomne,
le sein de Thérèse dans sa peau insomniaque,
el apretado bucle de Matilde la ingrata,
la boucle serrée de l’ingrate Mathilde,
nuestra amistad pintada como un juego de oca.
notre amitié peinte comme un jeu de l’oie.

Huellas dactilográficas de sangre sobre el oro,
Des traces dactylographiées de sang sur l’or,
rayen el corazón de Cataluña eterna.
Rayant le cœur de la Catalogne éternelle.
Estrellas como puños sin halcón te relumbren,
Des étoiles comme des poings sans faucon t’éclairent,
mientras que tu pintura y tu vida florecen.
tandis que ta peinture et ta vie prospèrent.

No mires la clepsidra con alas membranosas,
Ne regarde pas la clepsydre avec ses ailes membraneuses,
ni la dura guadaña de las alegorías.
ou la faux durcie des allégories.
Viste y desnuda siempre tu pincel en el aire
Habille et déshabille toujours ton pinceau dans l’air
frente a la mar poblada de barcos y marinos.
face à la mer peuplée de barques et de marins.

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Traduction Jacky Lavauzelle
Ode à Salvador Dali